Maude observe sa petite fille qui joue
à l’ombre d’un mûrier noir. En ce bel
après-midi d’été, le ciel est resté sans
nuages. Pourtant, elle n’arrive pas à
profiter de la quiétude de l’instant,
son esprit s’est assombri au fil des dernières heures.
Cette cousine éloignée «perdue de vue depuis si long-
temps» lui a parlé du cancer du sein qui est mainte-
nant «… derrière elle…» De fil en aiguille, les deux
femmes en sont venues à recenser les cancers ayant
touché leurs familles. L’exercice est difficile et pour tout
dire un peu dérangeant. Toujours est-il que Maude peut
dénombrer «deux cancers sûrs du côté de sa mère... et
au moins un dans la branche paternelle». Tout cela la
préoccupe, ne dit-on pas du cancer qu’il est une mala-
die génétique et qu’il peut être une histoire de famille ?
Avant de déterminer si Maude à de vraies raisons de
s’inquiéter (voir encadré Risque, inquiétude et
réponses p.27), quelques définitions s’imposent. Si l’on
dit du cancer qu’il est une maladie génétique, c’est
avant tout parce qu’il résulte toujours d’une atteinte
des gènes. L’accumulation d’altérations dans certains
gènes clés du fonctionnement de la cellule fait que
celle-ci échappe au contrôle de l’organisme, perd sa fonc-
tion normale et prolifère de façon anarchique. Quelles
sont les causes de ces altérations ? Malgré les progrès
de la biologie, le plus grand nombre de ces causes restent
inconnues. Toutefois, on sait que l’âge, les modes de
vie et l’exposition à des agents physiques (les rayons
UV, les radiations ionisantes) ou chimiques (certains
composés de la fumée de cigarettes, certains solvants,
l’amiante, etc.) qui peuvent «blesser» l’ADN support de
Pour aider /Cancer et hérédité
26_VIVRE_SEPTEMBRE 2012
L’INCIDENCE DES CANCERS LIÉS À L’HÉRÉDITÉ
PARAÎT AUJOURD’HUI RELATIVEMENT LIMITÉE.
VIVRE_SEPTEMBRE 2012_27
réalité, notamment, quand d’autres facteurs environne-
mentaux et comportementaux (évoqués plus haut)
viennent se surajouter à la prédisposition génétique.
On estime aujourd’hui, dans une fourchette de 5 à 10 %,
les cancers impliquant une prédisposition héréditaire.
Des formes familiales ont été observées pour la plupart
des localisations et il est possible de distinguer trois
grands types de prédispositions : celles qui sont associées
à des cancers communs (sein, ovaire, endomètre, côlon-
rectum, prostate et mélanome malin), celles qui sont
liées à des cancers héréditaires rares comme, entre
autres, le rétinoblastome et le néphroblastome (des
cancers de l’enfant pour lesquels l’altération génétique
est associée à un risque de 90 % de développer la
maladie) et celles qui découlent de la transmission
d’une maladie génétique pouvant évoluer en cancer
Risque, inquiétude et réponses
De nos jours l’incidence des cancers est telle qu’un homme
sur deux et une femme sur trois seront concernés au fil de
leur existence… Difficile, donc, de trouver des familles
épargnées, même si l’on met de côté d’éventuelles
prédispositions génétiques. Les éléments ressassés par
Maude sont trop lacunaires (nous ne connaissons pas son
âge, par exemple), imprécis (quel est le degré de parenté
avec les « cas du côté de sa mère et de son père » ?), voire
hors propos (sa cousine éloignée n’est pas issue de
germain), pour qu’on puisse se faire la moindre idée de
son risque de cancer du sein et a fortiori de la part de ce
risque éventuellement dû à son hérédité. De fait, l’origine
héréditaire d’un cancer commun, comme le cancer du
sein, n’est évoquée que dans un contexte familial
particulier suggéré par plusieurs cas chez des parents
de premier degré (parents, enfants, fratrie) ou issus
de germains, surtout si la maladie est apparue à un âge
précoce. Dans le cas précis, où une prédisposition
familiale est avérée par l’identification d’une mutation
du gène BRCA1, celle-ci peut avoir été héritée du père
ou de la mère. La probabilité de la céder à la descendance,
fille ou garçon, est de 50 %. On peut donc dire que Maude
n’a en l’état pas de raisons rationnelles de s’inquiéter
pour elle… ou pour l’avenir de sa fillette. Toutefois, sa
préoccupation est compréhensible et devrait l’inciter à
s’informer, auprès de son médecin ou de son gynécologue,
sur les dispositifs de prévention et de dépistage qui sont à
sa disposition. Elle doit comprendre qu’elle n’est pas seule
face au risque, quelle qu’en soit l’origine.
Pour en savoir +
Consultez la brochure d’information Le risque
familial de cancer du sein et/ou de l’ovaire,
téléchargeable sur www.ligue-cancer.net,
rubrique « Actualités, publications».
nos gènes, jouent un rôle majeur dans l’acquisition de
mutations liées aux cancers. Mais dans certains cas, les
mutations ne sont pas acquises, elles nous ont été
transmises, par l’un ou l’autre de nos parents et se
trouvent donc inscrites dans notre patrimoine géné-
tique dès la naissance. C’est cet héritage génétique qui
fait que, parfois, le cancer peut être une histoire de
famille. Mais, même dans ces cas, on ne peut pas dire
que le cancer se transmet car il n’existe que très peu
d’exemples où une mutation héritée de l’ascendance
suffit à elle seule à la survenue de la maladie. Le plus
souvent les mutations constituent « juste » des facteurs
de prédispositions : les sujets porteurs ne déclareront
pas nécessairement un cancer, mais présentent un
risque accru par rapport à la population générale. Un
risque qui peut encore croître et éventuellement devenir