Prise en charge de la douleur et insuffisance rénale en cancérologie

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Prise en charge de la douleur et insuffisance rénale
en cancérologie
Dr Thierry Delorme Institut Curie (Paris)
Paris mai 2006
Colloque Cancer & Rein
1- -
Douleur en cancérologie
2- -
Douleur et cancer : ampleur du défi
278 000 nouveaux cas de cancer en France en 2000
• Tous les cancers (et leurs traitements) peuvent être à
l’origine de douleurs
•



•
22 études portant sur 5 410 patients, 51 % des patients, tous stades
confondus, douloureux (1)
36 études portant sur 9 007 patients, 20 à 50 % de patients douloureux
au diagnostic. En phase avancée (localement évolué, stade terminal)
75 % (55 à 95 %) de patients douloureux (1)
Enquête 605 patients représentatifs : 57% de patients douloureux en
France tous stade confondus(2)
Problématique : augmentation attendue du nombre de cas de
cancer et donc de douloureux (1980 : 160 000 nvx cas /an)
(1) Bonica : Cancer pain. 2rd ed.Lea & Febiger Philadelphia: 1990. p. 400-440
(2)3 - Larue
1995 BMJ 310(6986):1034-1037
-
Caractéristiques de la douleur en
cancérologie
• En moyenne > 2 douleurs en phase avancée du cancer :



Sites douloureux différents
Douleur de mécanisme différent
Douleur liée au cancer et/ou séquellaire
• Douleur de fond
• Accès douloureux (2/3 des patients)



Liés aux mouvements, contact toilette…
Spontanés
En relation avec la fin d’action prématurée des antalgiques
• Douleurs induites par actes (thérapeutiques et diagnostics)
Delorme et al 2004: Standards, Options et Recommandations pour la pratique clinique:
Evaluation de la douleur chez l'adulte et l'enfant atteints d'un cancer
4- -
.
Available: URL http://www.fnclcc.com/fr/sor/pdf/rapport_integral/TT_DOU_Evaluation_int.pdf
En consultation « spécialisée » douleur
Nociceptive
70-98%
Neuropathique
Mixte
28-35%
Autre mé canisme
0-30%
Douleur
Aigue et/ou Chronique
85-92 %
Liée au cance r
5- -
17-21 %
Liée aux traite ments
du cancer
2-9 %
Sans lien avec cancer
ou ses traitements
Etude monocentrique 2266 pts et multicentrique 1095 pts
(Grond 1996 Pain 107-114, Caraceni 1999 Pain 263-274)
Modalité de prise en charge
Douleur cancéreuse
•Traitement du cancer
•Traitement étiologique
•Antalgiques
 Logique escalade thérapeutique
(stratégie OMS)
 Co antalgiques
•Dans le cadre d’une prise en charge
globale : accompagnement / soutien
psychologique, nutritionnel, social …
6- -
Douleur séquellaire
•Traitement antalgique
 Pas de stratégie codifiée
 Pas forcément escalade
 Traitement des douleurs
neuropathiques
•Approche globale
 Rééducation
 Ré-abilitation, ré-insersion
 Suivi psychologique
 TCC
Résultats attendus de la prise en charge
Stratégie OMS (1986) : efficacité prouvée
•Tous stades de cancer : 90%
Ventafridda 1990 : Proceedings of the second
international congress on cancer pain. New York:
Raven Press Ltd; 1990. p. 451-464. Advances in
pain research and therapy, vol 16.
•Patients en phase terminale : 75%
Grond 1991: JPSM 6: 411-422
•Patients présentant des douleurs neuropathiques
ou mixtes: 84%
Grond 1999 : Pain 79: 15-20
7- -
Douleur séquellaire
Résultats ?
Impression :
importance de la
précocité de la prise en
charge
Traitements et techniques peu
influencés par l’existence d’une
insuffisance rénale
8- -
Traitements des douleurs neuropathiques
•Tricycliques : métabolisation hépatique (absence
métabolites actifs)
•Gabapentine et Pregabalin :
 données connues concernant insuffisance rénale
 Adaptation avec abaques
•TENS
9- -
Douleur des métastases osseuses (1)
Radiothérapie externe
Souvent palliative.
Schéma habituel :
Épidurite, CM : 30 Gy (2 Gy / fraction).
Visée antalgique: pas de consensus.
Efficacité antalgique : 30 à 80%.
Délai d’action 2 à 4 S, maximum 8 à 12 S
Durée d’action : 12 S (37% à 6 mois, 21% à 12
mois).
Echec : instabilité rachidienne.
10 - -
Douleur des métastases osseuses (2)
Cimentoplastie
Injection
methymetacrylathe
percutané.
efficacité : 69-72% (48h)
Complications : 7%
11 - -
Douleur des métastases osseuses (3)
Radiofréquence :
Technique nouvelle
Bassin et os long
Non applicable rachis et à proximité gros
vaisseaux
Résultats (Callstrom) :
•50% soulagement : 2°S
•Durée efficacité : 8 à 18 S
Avantages :
•Reprise dans le même site
•Association avec ciment dans os longs
Callstrom
2002, radiology p 87-97
12 - -
Pharmacologie des morphiniques
13 - -
I : Morphine
14 - -
Morphine : pharmacologie la moins mal connue
Morphine orale
plasma
M (30%)
M6G (10%)
M3G (55%)
méninge
15 - -
LCR
M / M6G / M3G
M
M3G
M6G
urines
Métabolisation : morphine (M) – données chez adulte
Fauna (1200 pts) Andersen (36 pts- 14 à 126 S)
Glucurono-conjugaison majoritaire :
-55% M orale transformée en M3G : ne se fixe pas sur r opioïdes mais
neurotoxcité connue
-10% M orale transformée en M6G : actif (antalgique +/- effets centraux
type Mu)
En réalité : variabilité inter-individuelle +++ (fonction H et R nale)
AUC M3G/M : 20,8 [0,2-70]
[22-56] en adm chronique
AUC M6G/M : 3,7 [0,03-10,9] [3,4-9] en adm chronique
Stabilité M6/M et M3/M dans le temps, lors des modification de posologie
Métabolites et forme libre M, éliminés dans les urines
16 - -
Passage dans LCR
Fauna 1998
Seule morphine non liée au protéines non ionisée passe barrière HM
Fraction libre : 16% (majorée par hypoprotidémie )
17 - -
M
Ratio LCR / plasma (120 pts)
0,46 (0,03 – 1,04)
M3G
0,13 (0,03 – 1,1)
M6G
0,12 (0,02 – 0,35)
Insuffisance rénale et morphine
Fauna 1998, Andersen 2003, Dean 2004
Accumulation M6G :
M6/M
18 - -
Non IR
IR
(1107 pts)
(56 pts)
V orale
4,9
23,9
iv
0,9
7,6
M6G, M3G et insuffisance rénale
•Effets cliniques M6G données insuffisantes et parfois contradictoires
(Lotsch 2005)
 Effet antalgique : puissance / M = x2 à x678 chez animal
 Effet antalgique homme : représenterait 0,1 à 66% de l’antalgie liée à la
prise de morphine (pour moyenne de 10% M transformée en M6G)
 Effet dépresseur respiratoire : oui mais pas systématique
•Passage et accumulation lente M6G au niveau SNC :
 Explique persistance effet après élimination plasmatique
 Décalage moyen durée effet et concentration plasmatique M6G : 6,4 h
[2,9-16,2 h]
 Elimination M6G secteur plasmatique : 7-10 h (fonction rénale N)
•Accumulation M6 et M3 lors insuffisance rénale :
 Corrélée à la valeur créatinine (Kelpstadt 2003)
19 - -
Globalement : imprévisible
II : autres opioïdes forts
20 - -
Fentanyl (et Sufentanyl)
Dean 2004
•Métabolisation
 Hépatique : > 95% Norfentanyl
 Métabolites inactifs
 Théoriquement : pas de risque accumulation
•Données cliniques :
 Limitées, courte périodes observation
 Cas cliniques dépression respiratoire (Urée > 21,5 mmol/l) liée à
diminution clearance
Bon candidat en cas insuffisance rénale
Pas données en utilisation chronique
21 - -
Hydromorphone
Lee 2001, Dean 2004, Murray 2005
•Théoriquement peu de problème :
 Pas de métabolisation en 6G
 Pas de métabolite actif
 37% métabolisé en H3G
 Élimination rénale
•Accumulation hydromorphone :
 AUC H serait x2 lorsque Cl créat [40-60 ml/min)] et x4 si Cl créat < 30
ml/min
•Données rétrospectives : 29 pts avec U>10,5 mmol ou Cr >101 mmol
comparés à 26 pts.
 Rotation
 Pas de différence : dose, efficacité, effets indésirables dans les 2
groupes
•Accumulation H3G :
 Probable en cas insuffisance rénale
22 -  Nausée, myoclonies, hyperalgésie/allodynie
Oxycodone
Kirvela 1996, Kaiko 1996, Dean 2004, Kalso 2005
données sur 22 pts en situation I.Rénale
Métabolisation : Nor oxycodone (inactif) oxymorphone (actif, ultraminoritaire)
Elimination urinaire O sous forme libre : 8-14%
(Kirvela 1996) insuffisance rénale sévère (Créat 660 +/- 130)
- ½ vie élimination : 3,9 H [1,8-25] vs 2,3 H sujet normal
- Accumulation O et Nor O (inactif)
(Kaiko 1996) insuff rénaux avec Cl Créat : 15 – 59 ml/min
- Cmax augmentée de 50%
- T ½ augmentée de 1 h
Manque données.
23 - - ° = pas de problème en cas insuffisance R modéreé !!
Vidal
Pethidine
Lotsch 2005
•Métabolisation
 Normeperidine (NMP)
 Elimination urinaire. Forme libre pethidine : 6% + métabolite
•NMP :
 Neurotoxique : explique limite utilisation Pethidine qui est
pourtant agoniste pur palier III.
 S’accumule en cas d’insuffisance rénale
24 - -
III : OPIOIDES FORTS ET DIALYSE
25 - -
Dialyse P
Hémodialyse
Problèmes
morphine
Oui : -12% en
chronique
Oui
Adapter poso entre 2
séances ?
Diff à manier
M6G et M3G
Oui : -12% en
chronique
oui
Accumulation M6
Ecart : plasma / SNC
Fentanyl
Non
Non (filtre CT 190 ?)
Hydromorphone
Oui : - 40%
Accumulation H3G ?
Rotation préventive ?
Oxycodone
?
?
Methadone
Non
Non
26 - -
Applications cliniques
27 - -
I : Initier pallier III chez patient
insuffisant rénal
28 - -
STANDARD HABITUEL
Traitement de fond = 60 mg (DTQ)
+/- interdose morphine LI (ID)
J 1- J2
ID = 10% DTQ,
autorisé toutes les heures si nécessaire
Non soulagé
J3
Evaluation
Soulagé
-Calcul de la DTQ
en intégrant la posologie
cumulée des ID du J2
-Prévoir ID (10% DTQ)
29 - -
Calcul de la DTQ
en intégrant la posologie
cumulée des ID du J2
+/ID 10% DTQ
Toutes les H si besoin
Evaluation J4…
Choix de la molécule
•Molécules posant le moins de problème en théorie :
 Fentanyl
 Hydromorphone
•Mais problème liée à la galénique :
 Fentanyl :
– Forme TTS : delai 12-18h // durée action 72 h // équilibre 6 à 9
jours
– Incompatible avec titration « rapide »
 Hydromorhone :
– Forme LP : durée action 12 h
– Dosage minimun = 4 mg soit équivalent à 20-40 mg morphine orale
30 - -
Régles de sécurité
SOR (Krakowski 2002)
•Privilégier ½ vies courte : formes LI
•Diminution de la posologie de départ (morphine) : - 50 à – 70%
•Evaluation clinique dès la première prise
 Durée efficacite / durée attendue
 Effets indésirable (somnolence +++)
•« Remédication » adaptée aux constatations de la 1° prise
 Adpatation rythme prises
•Faire attention aux équi analgésie lors des rotation
•Recul nécessaire pour adapter le traitement de fond :
- Morphine, Oxycodone, Hydromorphone : 1 j (possible) 2-3 j (sécurité)
- Fentanyl TTS : 3 j (possible) mais état équilibre entre J6 et J9
31 - -
Posologie de départ : 50% (ou moins) posologie
habituelle adulte (SOR )
MORPHINE ORALE : 30 mg /J
Titration débutée avec forme LI (durée action habituelle 4 H)
•5 mg / prise (ANAES 2,5 à 5 mg / 4h)
•1 prise / 4 h (à priori)
•Évaluation durée d’efficacité : décaler prise si effet indésirable. Permettra
•Fixer intervalle entre les prises
•Possibilité d’interdoses 2- 5 mg / 1 à 4 h
OXYCODONE ORALE : 10-20 mg /J
Forme LI 5 mg (=10 mg Morphine) trop dosée, forme LP : 10 mg
HYDROMORPHONE : uniquement en rotation
Forme LP 4 mg = 25-30 mg Morphine
FENTANYL TTS :
Patch 12 mcg/h mais problème de galénique
PCA iv Fentanyl ??
32 - -
II : Patient traité qui présente
insuffisance rénale
33 - -
Mme H est suivie pour un cancer de l’ovaire en phase
palliative terminale avec des douleurs abdominales
traitées par morphine orale LP : 260 mg/12 h depuis
plus d’un mois
En moins de 24 h elle présente une somnolence
importante mais reste éveillable par la stimulation
tactile.
Vous êtes appelé le samedi en garde vers 20h30. Vous
suspectez une insuffisance rénale, il est impossible
d’avoir une biologie en ville et la famille souhaite que
la situation soit gérée au domicile.
- Comment adapter la prescription de morphine ?
34 - -
Propositions :
•Morphine, Oxycodone :
 Arrêter forme LP
 Relais formes LI
 Diminution posologie ?
 Rotation ?
•Fentanyl, hydromorphone :
 Pas possibilité forme LI en routine
 Pas modification si bien toléré
35 - -
Conclusions
Individualiser
Débuter faible posologie, augmenter
par paliers
Pas de CI au morphiniques forts
Recherche clinique afin optimiser
attitudes
36 - -
Bibliographie : opiacés et insuffisance rénale
Andersen 2003 « relationships among morphine metabolism, pain and site effects
during long term treatment : an update » JPSM (25) pp 74-90
Dean 2004 « Opioids in renal failure and dialysis patients » JPSM (28) pp 497-504
Faura 1998 « systematic review of factors affecting the ratio of morphine and its major
metabolites » Pain (74) pp 43-53
Kaiko 1996 « Pharmacokinetic-pharmacodynamic relationships of controlled-release
oxycodone » Clin Pharmacol Ther (59) pp 52-61.
Kalso 2005 «Oxycodone » JPSM (29[5S]) pp S47-S57
Kelpstad 2003 « Influence on serum concentrations of morphine, M6G and M3G during
clinical drug monitoring : a prospective survey in 300 adult cancer patients » Acta
Anesth Scand (47) pp 725-731.
Kirvela 1996 « the pharmacokinetics of oxycodone in uremic patients undergoing renal
transplantation » J Clin Anesth (8) pp 13-18
Krakowski 2002 « Recommandations pour la pratique clinique : Standards, Options et
Recommandations pour la prise en charge des douleur par excès de nociception chez
l’adulte atteint de cancer (mise à jour) »
Lee 2001 « Retrospective study of the use of hydromorphone in palliative care patients
with normal and abnormal urea and creatinine » Pall Med (15) pp 26-34
Lotsch 2005 « Opioid metabolites » JPSM (29[5S]) pp S10-S23
Murray 2005 « Hydromorphone » JPSM (29[5S]) pp S57-S67
37 - -
Stanley 2005 « Fentanyl » JPSM (29[5S]) pp S67-S72
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