Rubrique
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Wallonie 105 I I I I I Janv/Fév 2011
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Dossier
Les politiques
économiques et
monétaires européennes
Lors de la séance des vœux, il fut
beaucoup question de lEurope et de la
crise de l’Euro. L’invide ce numéro
105 de la revue, M. Jean-Claude
Juncker, développe ces questions dans
son interview (page 13).
Pour faire le lien avec cette actualité,
le dossier propose une analyse des
politiques économiques et monétaires
européennes. Avec, pour mieux
comprendre le présent, un retour en
arrière sur l’histoire de l’Euro et les
différentes étapes qui ont mené à
l’Union monétaire.
Le second article présente les réponses
européennes à la crise. Dès fin 2008 et
début 2009, diverses mesures de relance
ont en effet été mises en œuvre dans les
différents pays touchés par la crise pour
sortir de la récession le plus rapidement
possible. Quelles ont été ces mesures ?
Les différents États ont-ils adop les
mes mesures ? Quels étaient leurs
objectifs ? Autant d’éléments détaillés
dans ce dossier, dans lequel le Président
de l’Eurogroupe, M. Jean-Claude
Juncker, intervient également…
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Le cheminement vers l’Union monétaire
La question de l’Union monétaire n’était pas à l’ordre du jour
lors de la signature du Traité de Rome en 1958 instituant
la Communauté économique européenne. Tout au plus y
prévoit-on la constitution d’un Comité monétaire, organe consultatif
chargé de remettre des avis au Conseil des Ministres et à la Com-
mission en vue d’assurer l’équilibre des balances des paiements
et d’assurer la confiance dans les monnaies. Bien plus : le Traité
consacre, en son article 104, la souveraineté des Etats membres en
ce qui concerne la réalisation des objectifs d’équilibre monétaire. Il
faudra attendre l’Acte unique de 1986 et les Accords de Maastricht
en 1992 pour que soit ouverte la porte à la création d’une monnaie
européenne.
Du nom d’une ville du New Hampshire, les accords de Bretton-
Woods furent signés le 22 juillet 1944 par les alliés. L’objectif est
d’établir un Système Monétaire International (SMI) fondé sur la
convertibilité des monnaies et des taux de change fixes. Le dollar y
est défini par rapport à un poids d’or (1 once d’or = 1$), les autres
monnaies ne devant fluctuer qu’à concurrence de 1%.
Dans le cadre de ces accords sont également créés la Banque mon-
diale et le Fonds Monétaire International (FMI), habilité à consentir
des crédits aux pays signataires sur base des dépôts effectués (prin-
cipe de droit de tirage).
Dans les faits, les accords de Bretton-Woods n’ont jamais fonction-
né convenablement. Pour deux raisons.
1. Les accords prévoient une période de transition qui a souvent été
invoquée par les pays membres en vue de maintenir l’inconvertibilité
et le contrôle des changes. Le contexte de l’après-guerre n’y est pas
étranger : l’Europe sort de la guerre complètement exsangue, ses
capacités de production sont complètement anéanties et elle doit
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Dossier
faire face à des besoins importants en termes de reconstruction. La
convertibilité aurait sans doute signifié l’effondrement des monnaies
européennes Les règlement internationaux s’effectuent de manière
bilatérale.
2. L’attitude des États-Unis a induit ce mauvais fonctionnement. La
Banque centrale américaine s’est abstenue d’intervenir sur le mar-
ché des changes lorsque le dollar tentait à s’apprécier. De plus, pour
financer leur propre croissance et le déficit public lié aux dépenses
militaires (guerres de Corée et puis du Vietnam), les Etats-Unis ont
procédé à une émission excessive de dollars, ceux-ci affluent vers
l’Europe (les fameux «Eurodollars») nourrissant des mouvements
spéculatifs de moins en moins contrôlables et nécessitant des mo-
difications de parité importantes. En 1968, c’est la crise et malgré
quelques tentatives telles que l’instauration d’un double marché. En
1971, le Président Nixon déclare d’inconvertibilité du dollar en or.
Plusieurs dévaluations du dollar interviendront et en 1976, les ac-
cords de la Jamaïque sonnent le glas du SMI : il n’y a plus de règle
mondiale qui gère des taux de change.
Vers une unification monétaire
Au cours de cette période, quelques étapes importantes vont mar-
quer l’évolution monétaire en Europe.
L’European Recovery Program, mieux connu sous le nom de Plan
Marshall, annonce le 5 juin 1947 un programme d’aide au dévelop-
pement sans précédent. Les pays bénéficiaires du plan vont instituer,
en 1949, au sein de l’Organisation européenne de coopération éco-
nomique (qui deviendra en 1961, dans un processus d’élargissement
l’OCDE) l’Union Européenne des Paiements (UEP). L’UEP vise à rétablir
la convertibilité des monnaies et s’intègre à ce titre dans la philosophie
de Bretton-Woods. La convertibilité des monnaies est assurée par le
fait que le règlement des soldes est assuré par chaque pays signa-
taire et l’UEP elle-même : un pays débiteur reçoit automatiquement
du crédit, un pays créditeur est forcé d’y consentir. Ceci toutefois à
concurrence de 15% du commerce extérieur de chaque pays.
En 1958, l’UEP est modifié par les Accords monétaires européens,
lesquels organisent la convertibilité externe des monnaies, c’est-à-
dire la possibilité pour les non-résidents de convertir des devises.
Il faudra cependant encore plus de dix ans pour que des structures de
coopération monétaire européenne se mettent en place avec le dépôt
par la Commission d’un morandum, appelé le Plan Barre et surtout le
Rapport Werner, du nom du Premier Ministre luxembourgeois, déposé
en octobre 1970 et qui prévoit – c’est une première – la réalisation pro-
gressive d’une unification monétaire. Ce rapport prévoit :
•laréduction,puislasuppressiondesmargesdeuctuationdes
cours de change entre les monnaies ;
•lalibéralisationtotaledescapitaux;
•laconvertibilitétotaleetirréversibledesmonnaiesàparitésxées
définitivement ;
•lacréationd’unFondseuropéendecoopérationmonétairehabilité
à établir un système de compensation vis-à-vis des pays tiers.
Avec l’éclatement des accords de Bretton-Woods et le désengage-
ment des pays signataires, les monnaies flottent… Après plusieurs
tentatives, seul le Benelux parvient en 1971 à définir un taux pivot
de 1 florin pour 13,81 francs belgo-luxembourgeois avec une marge
de fluctuation de 1,5%.
Le «Serpent monétaire»
Plusieurs tentatives interviendront au cours des années '70 avec,
notamment, les accords du Smithsonian Institute en décembre
1971 au sein du Groupe des Dix, accords qui redéfinissent les pari-
tés (dévaluation du dollar et réévaluation de certaines devises) et la
définition de marges maximales de fluctuation (2,25% de fluctuation
autour du dollar, soit un différentiel entre deux monnaies de 4,5% en
instantané et de 9% à terme) : c’est le fameux «Serpent monétaire».
Au niveau européen, des marges sont également définies par les
accords de Bâle. Toutefois, le système ne tiendra pas la route en
raison de situations économiques fort divergentes entre les pays de
l’Union, qui s’est élargie en 1973 à la Grande Bretagne, l’Irlande et
le Danemark.
En 1976, fin officielle de Bretton-Woods, seuls le Danemark, la RFA
et le Benelux participent encore aux accords au sein d’une «zone
mark»: pour le reste les monnaies flottent toujours et encore.
Cependant, alors que tout semble compromis du point de vue d’une
intégration monétaire, les choses vont se précipiter. En 1978, Va-
léry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt proposent la création
d’une zone de stabilité. Le Système Monétaire Européen (le SME)
sera mis en place le 13 mars 1979. Les principes du SME sont
semblables à ceux du «Serpent» mais concomitamment, l’Europe
(des 9 à l’époque) se dote d’une monnaie de compte : l’ECU (Eu-
ropean Currency Unit) ; il s’agit d’une monnaie composite dont la
valeur est calculée sur base d’un panier de monnaies composé des
monnaies des pays membres dont l’importance relative dépend de
critères définis. De la sorte, il reflète une «valeur moyenne pondé-
rée» des monnaies européennes. Il sert de référence commune,
de moyen de réserve des banques centrales et est le moyen de
règlement entre celles-ci lorsqu'elles interviennent sur le marché
des changes.
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En dépit de certaines réserves (non adhésion de la Grande Bretagne,
marges de fluctuation plus larges – 6% au lieu de 2,5% – pour l’Italie
et en 1986 pour l’Espagne), le SME a bien fonctionné en ce sens que
les fluctuations importantes ont fait place à des ajustements pério-
diques (réévaluation du mark, dévaluation du franc français, du franc
belge, …) qui demeurent nécessaires en raison des divergences,
particulièrement entre les taux d’inflation et les déficits publics.
Vers une monnaie unique
En 1986, l’Acte Unique va permettre la transformation du marché
commun en un marché unique mais c’est surtout le Traité sur l’Union
européenne dit «Traité de Maastricht» qui va ouvrir la voie vers
la monnaie unique. Les objectifs du Traité sont :
•lerenforcementdelalégitimitédémocratiquedesinstitutions;
•l’améliorationdel’efcacitédesinstitutions;
•l’instaurationd’uneunionéconomiqueetmonétaire;
•ledéveloppementdeladimensionsocialedelaCommunauté;
•l’institutiond’unepolitiqueétrangèreetdesécuritécommune.
Ce traité entrera en vigueur le 1er novembre 1993
En ce qui concerne l’Union économique et monétaire, le Traité pré-
voit trois étapes :
•lalibéralisationdelacirculationdescapitaux,processusdéjàen-
tamé depuis le 1er juillet 1990 ;
•laconvergencedespolitiqueséconomiquesàpartirdu1er janvier
1994 ;
•lacréationd’unemonnaieuniqueetl’établissementd’uneBanque
centrale européenne au 1er janvier 1999.
La convergence des politiques économiques doit se traduire sur les
paramètres suivants :
•le taux d’ination national doit être inférieur à la moyenne des
inflations des trois Etats membres présentant les meilleurs résul-
tats, augmentés de 1,5 point de pourcentage ;
•lerapportentreledécitpublicetlePIBdoitêtreinférieurà3%;
•leratiodettepubliqueetPIBdoitêtreinférieurà60%;
•letauxd’intérêtnominalmoyennationalnedoitpasexcéderde
plus de 2 points de pourcentage celui des trois Etats membres
présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des
prix.
Dès la troisième étape du processus d’Union économique et moné-
taire, la convergence sera définie au sein du pacte de stabilité et de
croissance tel que défini à Amsterdam le 17 juin 1997.
«Les États membres s'engagent à respecter l'objectif budgétaire à
moyen terme d'une position proche de l'équilibre ou excédentaire. En
plus, les États membres:
•sontinvitésàrendrepubliques,deleurpropreinitiative,lesrecom-
mandations qui leur sont adressées par le Conseil ;
•s'engagentàprendrelesmesuresbudgétairescorrectricesnéces-
saires pour atteindre les objectifs de leurs programmes de stabilité
ou de convergence ;
•mettront en œuvre les ajustements budgétaires correcteurs qu'ils
jugent nécessaires dans les plus brefs délais lorsqu'ils reçoivent des
informations indiquant qu'il existe un risque de déficit excessif ;
•corrigerontlesdécitsexcessifsleplusrapidementpossibleaprès
leur apparition ;
•s'engagentànepasinvoquerlecaractèreexceptionneld'undé-
cit lié à une baisse annuelle du PIB de moins de 2%, à moins de
connaître une grave récession (baisse annuelle du PIB réel d'au
moins 0,75 %)» 1.
Comme prévu, c’est donc le 1er janvier 1999 qu’a vu le jour l’Euro.
C’est à cette date que les marchés financiers sont passés à la nou-
velle monnaie. L’Euro devenait la monnaie pour le marché des chan-
ges, les marchés boursiers, la dette publique et la trésorerie des
entreprises en contact avec les marchés financiers. Les monnaies
nationales cessent d’exister en tant que véritables monnaies et ne
sont plus qu’une fraction de l’Euro.
Une phase de trois ans de double circulation a été établie et c’est
au 1er janvier 2002.
(1) UE -Europa, synthèse de la législation européenne.
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Wallonie 105 I I I I I Janv/Fév 2011
Dossier
De la crise économique
à la crise des dettes
publiques en Europe
Dès fin 2008 et début 2009, diverses mesures de relance ont
été mises en œuvre dans les différents pays touchés par la
crise pour sortir de la récession le plus rapidement possible.
Elles ont visé à soutenir l’investissement, le pouvoir d’achat
des ménages ou encore le marché du travail. Elles ont été
d’ampleur et de formes différentes selon les Etats membres.
En termes de moyens financiers d’une part, on constatera
par exemple que l’Espagne et la France ont mis en œuvre
des plans de relance globalement plus ambitieux que dans
les autres Etats membres. L’effort budgétaire de la Belgique a été
plus limité en raison du niveau d’endettement initial du pays. En
comparaison, les USA ont choisi la voie du déficit massif puisque
leur plan de relance pour 2010 devrait se chiffrer à près de 3% du
PIB américain, ce qui est largement supérieur à ce qui est observé
en moyenne en Europe.
Dimensons des plans de relance budgétaire (en % du PIB)
Source : FMI, Bruegel, Reuters
En termes de contenu des plans de relance nationaux d’autre part,
force est de constater que les mesures de soutien décidées dans les
Etats membres sont pondérées de manière totalement différente.
Ainsi, la France, l’Espagne ou encore la Pologne ont consacré la
majorité des moyens financiers dédiés à la relance à des mesures
d’envergure dans les travaux publics. La Belgique, la Hollande et le
Royaume-Uni ont davantage choisi la voie des réductions fiscales
temporaires. L’Allemagne et l’Autriche ont pour leur part dédié une
grande part des moyens financiers en cette matière aux réductions
fiscales permanentes. Globalement, les mesures que l’on peut qua-
lifier de mesures «emploi» sont de faible importance dans les plans
nationaux, tout comme les mesures spécifiquement sectorielles
que l’on qualifiera de marginales, à l’exception de l’Espagne et de
la Belgique.
Composition de plans de relance budgétaire (en % du PIB)
Source : FMI, Bruegel, Reuters
AT BE DE ES FR IE IT NL PT SE UK US
3
2,5
2
1,5
1
0,5
0
(EN % DU PIB)
2009 2010
DE AT ES UK FR NL PL SE BE
1,6
1,4
1,2
1
0,8
0,6
0,4
0,2
0
(EN % DU PIB)
Mesures sectorielles
Mesures emploi
Réductions fiscales temporaires
Réductions fiscales temporaires
Investissements publics
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