Approche exploratoire du biais égocentrique chez les patients

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Approche exploratoire du biais égocentrique
chez les patients atteints
de la maladie de Huntington
Muy-Cheng Peich
Cogmaster – Mémoire de Master 2
Session de Juin 2012
Sous la direction du Pr. A.-C. Bachoud-Lévi
et du Dr. C. Jacquemot
Laboratoire de Neuropsychologie Interventionnelle
2
Table des matières
1
Introduction
9
1.1
Qu’est-ce que le biais égocentrique ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
9
1.2
Bases expérimentales pour l’exploration du biais égocentrique chez les patients MH . . . . . . .
10
1.3
Maladie de Huntington (MH) et biais égocentrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
11
1.4
Objectifs de l’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
13
1.4.1
Démontrer l’existence d’un biais égocentrique prononcé chez les patients MH . . . . . . .
13
1.4.2
Le biais égocentrique des patients MH est-il domaine-dépendant ? . . . . . . . . . . . . .
14
1.4.3
Conséquences du biais égocentrique sur le comportement des patients MH . . . . . . . .
14
1.4.4
Biais égocentrique et atteinte des autres fonctions cognitives . . . . . . . . . . . . . . . . .
14
2
Participants
17
3
Expérience de mémoire partagée
19
3.1
Matériel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
20
3.1.1
Tâche de catégorisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
20
3.1.2
Tâche de choix forcé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
20
Protocole expérimental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
20
3.2.1
Tâche de catégorisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
20
3.2.2
Tests de mémoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
21
Analyse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
21
3.3.1
Analyse des performances en rappel libre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
21
3.3.2
Analyse des performances en choix forcé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
22
3.3.3
Définition de l’intensité du biais égocentrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
22
Résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
22
3.4.1
Mémoire partagée en rappel libre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
22
3.4.2
Mémoire partagée en choix forcé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
23
3.4.3
Biais égocentrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
23
Discussion de l’expérience de mémoire partagée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
23
3.2
3.3
3.4
3.5
4
5
Mesure de la distance interpersonnelle
29
4.1
Protocole expérimental et matériel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
29
4.2
Analyse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
29
4.3
Résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
29
4.4
Discussion partielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
29
Questionnaire d’empathie
31
5.1
Protocole expérimentale et matériel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
31
5.2
Analyse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
31
3
6
7
5.3
Résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
31
5.4
Discussion des données d’empathie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
31
Liens entre comportement et biais égocentrique
32
6.1
Analyse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
32
6.2
Résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
32
Discussion
35
7.1
Les patients MH présentent un biais égocentrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
35
7.2
Nature du déficit à l’origine du biais égocentrique des patients MH . . . . . . . . . . . . . . . . .
36
7.3
Déficit de la gestion de l’espace social chez les patients MH . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
38
7.4
Déficit de l’empathie chez les patients MH . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
38
7.5
Le biais égocentrique des patients MH semble domaine-dépendant . . . . . . . . . . . . . . . . .
39
7.6
Liens entre biais égocentrique et comportement des patients MH . . . . . . . . . . . . . . . . . .
39
7.7
Le biais égocentrique : perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
40
A Pilote
49
B Listes de mots
50
B.1 Phase de test . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
C Phase de choix forcé
50
53
4
Remerciements
Je remercie vivement Anne-Catherine Bachoud-Lévi d’avoir guidé mon travail tout au long de cette année,
de m’avoir accueillie au sein de son équipe pour travailler sur ce projet passionnant et de m’avoir apporté sans
compter soutien et conseils. Merci infiniment pour votre disponibilité, votre patience, votre présence !
Je remercie vivement Charlotte Jacquemot pour son soutien, ses précieux conseils et toute l’aide qu’elle
m’a apportée tout au long de l’année. Sans Anne-Catherine Bachoud-Lévi et Charlotte Jacquemot, je n’aurais
jamais eu pu mener à bien un tel projet, je leur suis extrêmement reconnaissante pour la confiance qu’elles
m’ont accordée.
Je remercie également Laurent Cleret de Langavant, Simon Lambrey et Catherine Schramm pour leurs
précieux conseils, leurs commentaires toujours judicieux et toute l’aide qu’ils m’ont apportée.
Je remercie Katia Youssov pour toute l’aide qu’elle m’a apportée dans le recrutement des patients, sa patience, ses précieux conseils et sa disponibilité.
Je remercie les neuropsychologues de l’équipe, Laurie Lemoine, Mehdi Aoun-Sebaiti et Maryline Couette
pour toute l’aide qu’ils m’ont apportée dans la collecte des données.
Je remercie tous les membres du laboratoire de Neuropsychologie Interventionnelle pour leurs conseils,
leur soutien et l’excellente ambiance de travail qui règne dans l’équipe. Merci beaucoup également à Corinne
Léonard pour son aide précieuse, sa disponibilité et son soutien ! Un grand merci également à Farideh Badei
et à Delphine Delbos pour toute l’aide qu’elles m’ont apportée.
Je remercie également tout le personnel médical du CIC pour leur aide, leur patience et leur gentillesse.
Merci tout particulièrement à Graça Morgado pour son temps, sa disponibilité et sa patience !
Enfin, je remercie sincèrement tous les patients et les sujets sains qui ont accepté à mon étude.
5
6
Résumé
La description des patients atteints de la maladie de Huntington par leurs proches et leurs médecins s’accordent sur le caractère égocentré de leur comportement. Toutefois aucun biais égocentrique n’a jusque-là été
démontré expérimentalement. Une expérience de mémoire partagée inspirée d’un protocole mis en place chez
les sujets sains nous a permis de mettre en évidence le biais égocentrique qui semble domaine-dépendant.
En effet, aucune corrélation n’existe entre ce biais égocentrique et les distances interpersonnelles ou les scores
d’empathie des patients. Néanmoins, ceux-ci tendent à présenter une distance interpersonnelle inférieure à
celle des sujets sains et montrent un déficit de l’empathie.
Préface
Les patients atteints des maladies d’Alzheimer, de Parkinson ou de Huntington sont souvent décrits par
leurs proches comme étant égocentrés (Snowden et al. , 2003; Starkstein et al. , 2004), sans que cela ait jamais été
démontré expérimentalement. Ce trouble de la cognition sociale pourrait être handicapant au quotidien pour
les patients dont les relations avec leurs proches se détériorent à mesure que la maladie progresse et pourrait
participer à la désinsertion sociale des patients. En effet, le patient, centré sur lui-même, peut éprouver des
difficultés à maintenir une relation avec son entourage ou même, se sentir insuffisamment pris en compte et
agresser l’entourage en retour. A l’inverse, les proches peuvent ne plus supporter le désintérêt du patient pour
eux et devenir intolérants à son comportement.
Avec 6000 personnes atteintes en France, la maladie de Huntington est l’une des maladies rares les plus
répandues dans la population caucasienne. C’est également la maladie neurodégénérative pour laquelle les
troubles du comportement les plus sévères et les plus fréquents sont observés. Du fait de son caractère génétique, son diagnostic est fiable et ses caractéristiques anatomiques sont relativement homogènes et comprennent une atteinte primitive du striatum. C’est pourquoi, nous prendrons la maladie de Huntington pour
modèle d’étude du biais égocentrique.
Mon projet de master 2 a pour objectif d’une part de mettre en évidence l’existence d’un biais égocentrique
chez les patients atteints de la maladie de Huntington, d’autre part d’explorer des aspects complémentaires
dans les domaines spatial et de l’affect.
7
8
1
Introduction
1.1
Qu’est-ce que le biais égocentrique ?
Le terme de « biais égocentrique » a été introduit pour la première fois par Ross & Sicoly (1979). Il désigne
la tendance des sujets sains à s’attribuer davantage de responsabilité dans les conséquences d’une action commune que ne leur en attribueraient leurs partenaires. Les auteurs ont montré qu’au sein de couples mariés,
chacun tend à surestimer sa contribution aux tâches quotidiennes : 73 % des sujets testés pensent contribuer
davantage que leur conjoint aux activités du couple. Cette surestimation de leur propre participation est vraie
aussi bien pour les actions jugées positives – par exemple, s’occuper des enfants, faire la vaisselle, gérer le budget familial – que pour des actions jugées négatives – telles qu’initier une dispute, irriter le conjoint, mettre la
maison en désordre. Ross & Sicoly ont répliqué ces résultats dans différents contextes sociaux : les joueurs de
basketball, comme les membres de groupes de discussion présentent un biais égocentrique semblable à celui
mis en évidence chez les couples mariés.
Une autre définition du biais égocentrique est celle proposée par Allison et al. (1989) et complétée par de
nombreuses autres études (Allicke et al. , 1995; Dunning et al. , 1989; Epley & Dunning, 2000) : les sujets sains
ont tendance à se considérer plus moraux qu’autrui. Epley & Dunning citent le sondage réalisé aux Etats-Unis,
en février 1998, au moment de l’affaire Lewinsky. CBS News avait téléphoné à un échantillon d’Américains
auxquels il demandait leur niveau d’intérêt pour les détails de l’affaire Lewinsky. Sept pour cent des sondés
s’était déclarés « fascinés », tandis que 50 % des participants se disaient « complètement désintéressés ». Lorsqu’on leur avait demandé leur avis sur le niveau d’intérêt de leurs compatriotes, les personnes sondées avaient
estimé que 25 % de la population étaient « fascinés » et que seulement 18 % étaient « complètement désintéressés ». Ce que certains pourraient considérer comme une contradiction correspond en fait au biais égocentrique
tel qu’il a été défini par Allison et al. . En effet, nombreux sont les travaux qui montrent que les sujets sains ont
tendance à se considérer plus charitable, plus généreux, plus sincère, plus loyal que les autres. Ce biais dans
le jugement de soi ne se limite pas aux concepts moraux abstraits : la plupart des gens pensent par exemple
être plus enclins à coopérer dans le paradigme du prisonnier 1 , plus prompt à laisser leur siège à une femme
enceinte dans les transports en commun que leurs pairs. Allison et al. (1989) ont montré que cette tendance à
se juger favorablement était plus prononcé pour les qualités morales (honnêteté, sincérité, loyauté, justice, etc.)
que pour les qualités intellectuelles, suggérant que le biais égocentrique s’applique essentiellement à des caractéristiques subjectives et privées, par opposition à des caractéristiques facilement mesurables et accessibles
au regard d’autrui.
Les travaux de Greenberg (1983) définissent quant à eux le biais égocentrique comme étant la difficulté à
adopter le point de vue d’autrui, à prendre en compte l’opinion de l’autre dans la construction de son propre
jugement. Greenberg demande à des sujets sains de participer à une expérience de relecture de textes, pour
laquelle les sujets reçoivent habituellement une somme de 2 dollars. Certains sujets vont en fait recevoir une
somme soit supérieure (4 dollars), soit inférieure (0.50 dollars) à cette indemnité usuelle. Les sujets répondent
à la fin de l’expérience à un questionnaire portant sur leur perception de l’équité du paiement reçu. Greenberg a ainsi montré que lorsque les sujets reçoivent une somme inférieure à l’indemnité usuelle, ils s’indignent
1. Le dilemme du prisonnier est un jeu social dans lequel deux sujets sont placés dans la situation de deux prisonniers complices d’un
crime et retenus dans des cellules séparées. Ils ne peuvent communiquer. Les règles sont les suivantes : si un des deux prisonniers dénonce
l’autre, alors il est libéré et l’autre est condamné à la peine maximale (10 ans). Si les deux se dénoncent l’un l’autre, alors ils sont tous deux
condamnés à une peine plus légère (5 ans). Enfin si aucun des deux ne dénonce l’autre, alors ils sont tous deux condamnés à la peine
minimale (6 mois). Les deux participants auraient donc intérêt à coopérer, c’est-à-dire à ne pas dénoncer l’autre. Toutefois, l’incitation à
trahir l’autre est forte.
9
davantage que lorsqu’autrui reçoit une somme inférieure à l’indemnité usuelle. A l’inverse, ils éprouvent davantage d’indignation lorsqu’autrui reçoit une somme supérieure à la somme usuelle, que lorsqu’eux-mêmes
reçoivent une somme plus importante que la norme. Ce biais de jugement disparaît lorsque les sujets sont
placés dans une pièce où des surfaces réfléchissantes leur permettent de se voir. Il a été démontré que le fait de
se voir rendait les sujets plus conscients d’eux-mêmes et de leurs actes (Greenberg, 1983). Or selon Greenberg,
plus on est conscient de soi et de ses actes, plus on est à même de se projeter sur autrui, de prendre en compte
son point de vue. Le biais de jugement des sujets testés par l’auteur relèverait donc d’une tendance générale à
ignorer la perspective d’autrui.
Au vu de cette hypothèse, il semble que la définition du biais égocentrique de Greenberg et celle de Goethals soient à rapprocher. En effet, Epley & Dunning (2000) proposent d’expliquer le biais égocentrique observé
aussi bien dans leurs travaux que ceux de Goethals et d’Allison par la réticence des sujets sains à se référer
aux taux de base lorsqu’ils s’auto-évaluent. Tandis que lorsqu’ils prédisent le comportement d’autrui, ils sont
prompts à faire usage de ces taux de base. Le biais égocentrique dériverait donc d’une réticence à se considérer
comme semblable à autrui. Si nous reprenons l’exemple du sondage réalisé lors de l’affaire Lewinsky, la moitié
des Américains sondés semblent se considérer comme différents de la population générale, considérant que
l’hystérie générée par l’affaire Clinton est née de la vulgarité des autres. Or si on ne se juge pas semblable à autrui, il paraît difficile d’adopter naturellement sa perspective. En effet, lorsque les sujets sont rendus conscients
d’eux-mêmes dans l’expérience de Greenberg, ils sont plus prompts à adopter le point de vue d’autrui, ce qui
pourrait s’expliquer par le fait que plus on est conscient de soi, plus on est conscient de sa similitude avec
autrui.
1.2
Bases expérimentales pour l’exploration du biais égocentrique chez les patients MH
Afin de mettre en évidence l’existence d’un biais égocentrique chez les patients MH, nous nous sommes
inspirés des données sur la coopération sociale existant chez les sujets sains et avons adaptés les protocoles
expérimentaux mis en place par l’équipe de Sebanz (non publié) chez les sujets sains à l’étude des patients.
L’étude de l’action jointe a mis en évidence la tendance à la coopération des sujets sains. Une tâche de compatibilité spatiale testée par Sebanz et al. (2003) a montré que les sujets sains se représentent l’action d’autrui
comme ils se représentent la leur. Dans une première expérience, les sujets doivent appuyer à gauche si le
stimulus présenté à l’écran (une bague) est rouge et à droite si le stimulus est vert. Chaque stimulus est accompagné d’une information non pertinente pour la réponse du sujet : la bague est portée par une main pointant
soit à gauche, soit à droite, soit vers le sujet (information neutre). Il a été montré que les sujets répondent plus
lentement lorsque la main pointe dans la direction inverse de l’action à accomplir (main pointant vers la droite
lorsque la bague est rouge et main pointant vers la gauche lorsque la bague est verte) que lorsque la main
pointe vers eux et plus rapidement lorsque l’information non pertinente et le stimulus sont compatibles que
lorsque la main pointe vers eux. Il s’agit de l’effet de Simon.
Dans une deuxième expérience, la tâche est divisée en deux. Chaque sujet ne répond qu’à une seule couleur,
il lui est soit demandé d’appuyer à gauche lorsque la bague est rouge, soit d’appuyer à droite lorsque la bague
est verte. De même que dans la première expérience, la bague est portée par une main qui pointe soit à gauche,
soit à droite, soit vers le sujet. Chaque sujet réalise donc une tâche de type « go-no go ». Cette expérience
est réalisée soit par le sujet seul (condition Seul), soit par deux sujets assis l’un à côté de l’autre (condition à
Deux). Les résultats montrent que, dans la condition à Deux, les sujets répondent plus vite lorsque le stimulus
et l’information non pertinente sont compatibles que lorsque l’information non pertinente est neutre, et plus
10
lentement lorsque les informations sont incompatibles. L’effet de Simon mis en évidence durant la première
expérience est donc retrouvé lorsque deux sujets se partagent la tâche, chacun effectuant une tâche de « go-no
go » aux côtés d’un co-acteur. Dans la condition Seul, aucun effet de ce type n’est observé, les temps de réaction
ne sont pas significativement différents que le stimulus et l’information non pertinente soient compatibles ou
incompatibles. Les auteurs en ont concluent que deux sujets sains agissant ensemble ne s’ignorent pas : un
sujet sain se représente l’action d’autrui comme il se représente la sienne propre, même si sa tâche et celle
d’autrui sont indépendantes. Cela reste vrai même lorsque le sujet aurait intérêt à ne pas prêter attention aux
actions du co-acteur afin de se concentrer sur sa propre tâche (Sebanz et al. , 2006; Wenke et al. , 2011, Sebanz et
al., non publié).
Une deuxième étude de Sebanz (non publiée) a montré que, placés dans une situation de partage de tâche,
les sujets sains simulent non seulement l’action d’autrui lorsque c’est à son tour d’agir, mais ils mémorisent
aussi l’information nécessaire à la réalisation de la tâche d’autrui, de la même manière qu’ils mémorisent
l’information dont ils ont eux-mêmes besoin pour accomplir la tâche. Il s’agit du phénomène de mémoire
partagée.
C’est cette expérience de mémoire partagée que nous avons choisie pour démontrer l’existence du biais
égocentrique chez les patients MH.
Une fois ce biais égocentrique démontré, nous avons souhaité explorer les autres dimensions de l’interaction sociale et vérifier l’existence du biais égocentrique dans les domaines spatial et affectif.
L’espace est en effet une dimension essentielle des interactions sociales. L’espace péri-personnel est défini
par Hall (1966) comme étant une zone centrée sur le sujet et délimitée par une frontière invisible qu’autrui n’est
pas censé franchir. Il conditionne les relations aux autres et varie fortement en fonction du degré d’intimité que
nous entretenons avec eux. Cet espace péri-personnel est considéré par chacun comme psychologiquement
sien (Hall, 1966; Frith & de Vignemont, 2005). La pénétration de cet espace par autrui est ressentie comme une
violation de son territoire et génère chez les sujets sains dont l’espace péri-personnel a été envahi un sentiment
de malaise, voire d’anxiété ou de colère. Il s’établit donc naturellement entre les sujets sains interagissant une
distance dite « interpersonnelle », qui correspond à la distance entre deux sujets sains à laquelle chacun se sent
à l’aise pour interagir avec l’autre.
Si le biais égocentrique des patients MH mis en évidence dans le domaine mnésique se manifeste par un
trouble dans le domaine spatial, les patients devraient présenter une distance interpersonnelle inférieure à
celle des sujets sains.
Les émotions sont également une composante importante de la relation à autrui (Adolphs, 2011). En particulier, l’empathie, à savoir la capacité à ressentir ce qu’autrui ressent, joue un rôle crucial dans l’interaction
avec l’autre. Elle participe en effet à notre compréhension d’autrui, de son comportement et de ses réactions.
Le questionnaire de Mehrabian (2000) évalue cette capacité d’empathie et nous permettra de comparer les
aptitudes des patients MH et des sujets sains à ressentir les émotions d’autrui.
1.3
Maladie de Huntington (MH) et biais égocentrique
La maladie de Huntington (MH) est une maladie génétique neurodégénérative grave et rare caractérisée
par des mouvements choréiques involontaires, un déclin cognitif qui touche principalement les fonctions exécutives, mais aussi les processus de la cognition sociale et des troubles psychiatriques (anxiété, dépression,
etc.).
Les troubles de la cognition sociale, bien que peu connus et encore mal compris, se révèlent néanmoins
11
extrêmement handicapants pour les patients MH, comme le souligne une étude récente de Ho & Hocaoglu
(2011). Les auteurs ont réalisé une série d’entretiens avec des patients MH à différents stades de la maladie
(patients porteurs du gène 2 , patients aux stades 1, 2, 3, 4 et 5 de la maladie), afin d’apprécier l’impact de la MH
sur la qualité de vie des patients. Il ressort de cette étude que les difficultés relationnelles sont particulièrement
mal vécues. En effet, les patients porteurs du gène déclarent éprouver des difficultés à interagir avec autrui :
ils rapportent des relations compliquées avec leurs proches, un sentiment d’absence de soutien aussi bien de la
part de l’équipe médicale qui les entoure, que de leur famille et de leurs amis, ainsi que la difficulté d’affronter
le regard et l’attitude d’autrui vis-à-vis de la MH. Ces problèmes sociaux constituent selon cette étude 47,7 %
des difficultés ressenties par les patients porteurs du gène. La part des problèmes relationnels se maintient
après l’apparition des symptômes, les patients de stades 1, 2, 3, 4 et 5 rapportant des difficultés sociales avec
une fréquence variant de 13,1 % (stade 3) à 16,9 % (stade 2). Aux problèmes évoqués par les patients porteurs
du gène s’ajoutent des difficultés à sortir et sociabiliser, et à maintenir une relation affective et sexuelle avec le
conjoint.
Les études neuropsychiatriques de la MH décrivent les patients comme étant irritables et anxieux, persévérants et sujets à des idées fixes (Paulsen et al. , 2001; Rosenblatt, 2007). Leurs proches, comme les médecins
qui les suivent, les décrivent souvent comme faisant preuve de peu de compassion, de peu d’empathie et mentalement inflexibles, avec des idées fixes qui ne tiennent compte ni du point de vue général, ni des preuves
de l’environnement pouvant aller à l’encontre de leur propre pensée (Snowden et al. , 2003). Si ces caractéristiques comportementales des patients MH sont cohérentes avec les difficultés relationnelles qu’ils décrivent
eux-mêmes, aucune preuve expérimentale ne permet à ce jour d’en identifier les mécanismes.
Le manque d’empathie et de compassion des patients MH semble relever d’une exacerbation du biais
égocentrique décrit par Greenberg (1983) chez les sujets sains. En effet, les patients éprouvent des difficultés
à ressentir ce qu’autrui ressent, à réagir aux émotions d’autrui, comme ils réagiraient aux leurs (Paulsen et al.
, 2001; Rosenblatt, 2007). De même, leur inflexibilité mentale semble elle aussi relever d’une forme de biais
égocentrique. A l’origine de cette inflexibilité mentale résident effectivement les difficultés des patients MH à
prendre en compte le point de vue d’autrui dans leur raisonnement.
La description clinique des patients MH par leur entourage suggère donc l’existence d’un biais égocentrique, qui s’il n’est pas réductible à une seule des définitions du biais égocentrique chez le sujet sain, n’en
reste pas moins un déficit qui s’apparente à un comportement égocentrique semblable à ceux observés chez
les sujets sains, mais qui serait toutefois plus intense et aurait pour résultat une difficulté à interagir avec
autrui.
Enfin, si le biais égocentrique des patients MH n’a jamais été démontré expérimentalement, les auteurs
s’accordent sur l’existence de troubles de la cognition sociale tels que la production et la reconnaissance des
émotions. Les patients MH éprouvent ainsi des difficultés à reconnaître les émotions aussi bien négatives (peur,
colère, dégoût, etc.) que positives (plaisir) (Sprengelmeyer et al. , 1997, 1998; Hayes et al. , 2007; de Gelder et al. ,
2008; Snowden et al. , 2008; Calder et al. , 2010; Trinkler et al. , 2011). Leur capacité à produire des expressions faciales traduisant des émotions telles que la colère, la surprise ou la joie est également défectueuse relativement
au comportement des sujets sains, tandis que leur compréhension des émotions et leur capacité à les exprimer sont préservées (Trinkler et al. , 2011). Si ces déficits ne peuvent à eux seuls expliquer le comportement
égocentré des patients MH, ils contribuent, du moins partiellement, à l’explication des difficultés d’interaction
sociales rencontrées par les patients.
Les données sur la théorie de l’esprit des patients MH, à savoir leur capacité à inférer les pensées, les
2. Le diagnostic de la MH peut en effet être réalisé avant la déclaration des symptômes.
12
croyances et les intentions d’autrui, sont moins unanimes que les résultats portant sur leurs processus émotionnels. En effet, si les travaux de Brüne et al. (2011) et d’Allain et al. (2011) suggèrent que les patients Huntington
présentent bien un déficit important de la théorie de l’esprit, similaire à celui observé chez les schizophrènes,
Snowden et al. (2003) proposent, chez les patients MH, non pas une atteinte de la théorie de l’esprit, mais
un déficit généralisé non spécifique. Dans les tâches testées par ces auteurs, les patients MH n’éprouvent pas
de difficultés à proposer une interprétation des actions d’autrui. Cette interprétation est néanmoins dans la
plupart des cas erronée, voire n’ayant que peu de rapport avec les indices présents dans l’environnement. Que
les patients MH présentent ou non un déficit de la théorie de l’esprit, il semble donc qu’ils éprouvent des difficultés à prendre en compte, dans leur interprétation des événements et de leurs causes, d’autres perspectives,
d’autres points de vue ou indices que ceux qui correspondent à leur propre opinion. Ce type de comportement
se rapproche de la définition du biais égocentrique donnée par Greenberg (1983).
Ainsi, la description clinique des patients MH suggère l’existence d’un biais égocentrique, jusque-là jamais
mis en évidence expérimentalement. Les données neuropsychologiques sur les processus de traitement des
émotions et la théorie de l’esprit dans la MH corroborent cette hypothèse, sans pour autant offrir d’explication complète et satisfaisante ni des mécanismes, ni de la nature de ce biais comportemental, qui s’apparente
fortement à une forme exacerbée du biais égocentrique décrit chez les sujets sains.
Dans le cadre de notre étude, nous adopterons toutefois une définition plus large du biais égocentrique,
qui alliera la définition de Greenberg à celle de Ross & Sicoly (1979). Nous appellerons biais égocentrique un
comportement qui consiste à se référer excessivement à soi, à se rapporter excessivement à sa propre pensée,
à sa propre opinion, sans tenir compte d’autrui, de ses actions, de ses pensées et de sa perspective.
1.4
Objectifs de l’étude
1.4.1
Démontrer l’existence d’un biais égocentrique prononcé chez les patients MH
L’objectif premier de notre étude est la mise en évidence expérimentale du biais égocentrique chez les
patients MH. Pour cela, nous nous sommes inspirés des protocoles expérimentaux mis en place chez les sujets
sains par l’équipe de Sebanz (?) et avons adapté l’expérience de mémoire partagée décrite ci-dessus à l’étude
des patients MH.
Nous avons répliqué les résultats obtenus par Sebanz en mémoire partagée dans un pilote réalisé chez des
sujets sains et jeunes (Voir Annexe 1). L’expérience de compatibilité spatiale n’est en effet pas réalisable chez
les patients MH. Les patients MH éprouvent en effet des difficultés importantes à réaliser des tâches motrices.
Leurs temps de réaction en tâche de « go-no go » sont extrêmement variables et difficiles à interpréter. C’est
pourquoi nous avons privilégié la tâche de mémoire partagée pour la démonstration du biais égocentriques
chez les patients MH.
Le biais égocentrique ainsi mis en évidence nous permettra de conclure à l’incapacité des patients MH
à mémoriser l’information nécessaire à autrui pour réaliser sa tâche : il s’agit donc d’un biais égocentrique
appliqué au domaine mnésique. L’interaction sociale étant un processus qui implique de nombreuses autres
dimensions cognitives, nous allons dans la suite de notre étude tester l’existence du biais égocentrique dans
d’autres domaines de la cognition sociale.
13
1.4.2
Le biais égocentrique des patients MH est-il domaine-dépendant ?
L’espace et l’affect sont les deux autres dimensions de l’interaction sociale que nous explorerons dans cette
étude, le but étant de tester l’existence ou non du biais égocentrique dans d’autres domaines que la mémoire.
Nous comparerons la distance interpersonnelle des patients MH à celle des sujets sains, afin de déterminer
l’existence ou non d’un déficit de la gestion de l’espace social. Et nous corrélerons le biais égocentrique des
patients MH aux mesures de distance interpersonnelle. Une absence de corrélation suggérera la non-unicité
de la représentation d’autrui dans les différents domaines de la cognition sociale.
Nous explorerons également le domaine des émotions qui constituent pour les sujets sains des signaux sociaux riches en information (Forgas, 1998; Adolphs, 2011). Comme évoqué ci-dessus, les patients MH ont des
difficultés à reconnaître et à produire toute une gamme d’émotions (Sprengelmeyer et al. , 1997, 1998; Hayes
et al. , 2007; de Gelder et al. , 2008; Calder et al. , 2010; Snowden et al. , 2008; Calder et al. , 2010; Trinkler et al.
, 2011). Toutefois, ces déficits dans le traitement des stimuli émotionnels sont accompagnés d’une capacité
intacte à exprimer et à comprendre leurs émotions. Si le biais égocentrique mnésique des patients MH se manifeste dans le domaine émotionnel, nous nous attendons à ce que les patients MH soient moins empathiques
que les sujets sains, validant ainsi la description clinique de la MH.
1.4.3
Conséquences du biais égocentrique sur le comportement des patients MH
Rares sont les études qui ont lié résultats neuropsychologiques et comportement. Nous nous intéressons ici
aux liens entre le biais égocentrique et le comportement des patients MH dans la vie quotidienne. Ce dernier
est évalué par la partie comportementale de l’Unified Huntington’s Disease Rating Scale (UHDRS). La corrélation
des résultats de mémoire partagée avec ce score comportemental nous renseignera sur les liens éventuels entre
comportement et biais égocentrique.
1.4.4
Biais égocentrique et atteinte des autres fonctions cognitives
La maladie de Huntington est caractérisée par un déclin cognitif qui touche essentiellement les fonctions
exécutives (planification, attention, etc.). Si le biais égocentrique des patients MH est démontré, il restera à en
déterminer les mécanismes sous-jacents. La corrélation du biais égocentrique avec les capacités exécutives des
patients devrait nous suggérer des pistes à explorer dans la compréhension des causes du biais égocentrique.
En effet, on sait que les patients MH souffrent d’un déficit de l’attention partagée. Ils éprouvent des difficultés à gérer deux tâches simultanément (Paulsen et al. , 2001). Or la capacité à partager son attention entre
au moins deux tâches est une aptitude essentielle pour l’interaction sociale, puisque pour communiquer avec
autrui, il faut être capable de prendre en compte son propre point de vue et celui d’autrui en même temps. Cela
implique de pouvoir inhiber son propre point de vue, ses propres pensées au profit de ceux d’autrui. L’existence d’un biais égocentrique en mémoire partagée pourrait ainsi s’expliquer par une incapacité du patient
MH à prêter attention à sa tâche et à celle d’autrui en même temps.
Une autre explication serait l’inflexibilité mentale des patients MH (Rosenblatt, 2007; Paulsen et al. , 2001;
Snowden et al. , 2003). S’ils restent mentalement bloqués sur leur tâche, ils peuvent ne pas prendre en compte
autrui, ce qui aboutirait à un comportement égocentré caractérisé par une absence de l’influence d’autrui sur
la performance des patients MH.
14
Mon étude comprend trois expériences :
– Expérience 1 : Mémoire partagée (tâche de catégorisation suivie de deux tests de mémoire)
– Expérience 2 : Mesure de la distance interpersonnelle
– Expérience 3 : Questionnaire d’empathie (BEES, Mehrabian, 2000)
Chaque participant participe aux trois expériences successivement. Les patients MH, inclus dans le protocole
« Biomarqueur », bénéficient aussi d’une évaluation générale comprenant une évaluation globale par l’échelle
du Mattis Dementia Rating Scale (MADRS) et l’échelle de l’Unified Huntington’s Disease Rating Scale (UHDRS),
des tests des fonctions exécutives tels que les Trail Making Tasks A et B (TMT A et TMT B) et des tests mnésiques
tels que le Hopkins Verbal Learning Test (HVLT).
Expérience de mémoire partagée
Tâche de
catégorisation
Tâche de
mémoire
Mesure de la Distance
InterPersonnelle (DIP)
DIPSoi
1
DIPAutrui
2
Mesure de
l’empathie
BEES
3
F IGURE 1 – Déroulement chronologiques de l’étude. L’étude comprend 3 composantes : une expérience de
mémoire partagée, une expérience de mesure de la distance interpersonnelle et un questionnaire d’empathie.
15
16
2
Participants
19 patients atteints de la maladie de Huntington (stades 1 et 2 de la maladie) et 19 sujets sains appariés en
âge, en genre et en éducation aux patients ont participé à l’étude après avoir pris connaissance des modalités
de l’expérience et donné leur consentement.
Groupe
Sujets Sains
Patients MH
Age
48,6 ans ± 7,32
49,6 ans ± 10,5
Sexe
14 femmes ; 5 hommes
9 femmes ; 10 hommes
Latéralité
19 droitiers
18 droitiers, 1 gaucher
Stade de la maladie
—
Stade 1
Age au début de la maladie
—
46,5 ± 8,07
UHDRS - moteur
—
23,1 ± 14,1
UHDRS - comportemental
—
7,33 ± 6,51
UHDRS TFC
—
11,7 ± 1,67
MADRS
—
11,5 ± 9,68
TMTB
—
77,2 ± 62,7
HLVT
—
18,7 ± 7,91
TABLE 1 – Données démographique des sujets sains et des patients Huntington testés (UHDRS : Unified Huntington’s Disease Rating Scale, composantes motrice, cognitive, comportementale, échelle d’indépendance, composante fonctionnelle, TFC : Total Functional Capacity ; MDRS : Mattis Dementia Rating Scale)
Aucun des sujets sains n’a déclaré avoir de troubles neurologiques. Aucun participant (sujet sain ou patient)
n’a déclaré avoir des troubles visuels non corrigés par des lunettes ou des lentilles.
17
18
3
Expérience de mémoire partagée
Cette expérience a pour but d’évaluer l’existence d’un biais égocentrique dans une tâche de mémorisation.
Préalablement à cette tâche de mémorisation, les patients se voient exposer à une tâche de catégorisation.
Celle-ci est réalisée sous deux conditions soit Seul, soit à Deux. Trois catégories sémantiques sont sélectionnées.
Les participants se voient en début d’expérience attribuer l’une d’entre elles. Ils ne doivent répondre que si le
mot présenté sur l’écran d’un ordinateur appartient à la catégorie qui leur a été attribuée. En condition de
catégorisation Seul, ils répondent ainsi uniquement à 1/3 des mots. En condition de catégorisation à Deux, la
tâche est identique mais réalisée aux cotés de l’examinateur qui doit lui aussi répondre à une catégorie qui lui
a été attribuée et qui diffère de celle du participant. Le participant répond donc à 1/3 des mots, l’examinateur
à un autre 1/3 et dans les deux 1/3 des mots, attribués à personne ne sont répondus par personne.
Les participants ne savent pas qu’ils seront ensuite exposés à une tâche de mémoire. Il leur est en effet
ensuite demandé de se rappeler le maximum de mots possible parmi ceux qui ont été présentés dans les
tâches de catégorisation, sans distinction de la personne à qui a été attribuée la catégorie. Le résumé des tâches
est présenté en F IGURE 2. Nous mesurons l’influence de la présence d’autrui sur le rappel des informations
par les participants. Selon l’hypothèse de Sebanz (non publié), les sujets sains devraient mieux retenir les mots
de leur catégorie que ceux des catégories d’autrui ou de personne, à l’inverse ils devraient être meilleur pour
retenir les mots attribués à autrui que ceux attribués à personne. Si les patients MH ont un biais égocentrique,
on s’attend à ce que leurs performances de rappel soient meilleurs pour les mots qui leur ont été attribués que
pour les mots attribués à autrui ou personne mais qu’il n’y ait plus aucune différence entre les mots attribués
à autrui ou à personne.
kangourou
oreiller
artichaut
sucrier
Phase 1
Phase 2
Phase 3
Phase 4
Test Seul
Test à Deux
Test de mémoire
Rappel libre
Test de mémoire
Choix forcés
F IGURE 2 – Déroulement de l’expérience de mémoire partagée. L’expérience de mémoire partagée est constituée d’une tâche de catégorisation qui comprend deux phases (catégorisation seul et catégorisation à deux) et
de tests de mémoire (rappel libre et tâche de choix forcé).
19
3.1
Matériel
3.1.1
Tâche de catégorisation
Trois catégories sémantiques ont été sélectionnées : animaux, fruits/légumes, objets manufacturés. Nous
avons sélectionnés 32 mots par catégorie (la moitié d’entre eux étaient des bisyllabiques, l’autre moitié des
trisyllabiques). Les mots prototypiques de chaque catégorie ont été retirés de chaque liste (Brandt et al, HVLT)
afin d’éviter que les patients ne les produisent naturellement sur un indice sémantique et non à partir d’une
mémorisation. Par exemple, pour « animaux », les mots « chien » et « chat » qui sont les premiers qui viennent à
l’esprit, sont éliminés des listes. Les listes ont ainsi été appariées en prototypicalité grâce à la base de données
BASETY (Léger et al., en révision). Elles ont aussi été appariées sur leur nombre de syllabes, leur nombre de
lettres, leur fréquence lexicale (voir en Annexe 2) à partir la base de données filmique Lexique 3 (New B.,
Pallier C., Ferrand L., Matos R., 2001) (les films étant plus proches de la langue parlée que le langage littéraire)
et finalement sur le nombre d’agrégats consonantiques, c’est-à-dire de regroupements de consonnes difficiles
à prononcer. En effet les patients atteints de MH ayant des troubles de l’articulation pourraient être pénalisés
pour les mots complexes.
3.1.2
Tâche de choix forcé
Pour réaliser la tâche de choix forcé, trois listes complémentaires portant sur les mêmes catégories ont été
construites. Elles ne comprennent aucun des mots utilisés pour les tâches de catégorisation mais leur sont
appariées en fréquence lexicale (Lexique 3, New B., Pallier C., Ferrand L., Matos R., 2001, corpus de sous-titres
de films), en nombre de lettres par mot et nombre d’agrégats consonantiques. Les exemplaires prototypes ont
également été exclus des listes (BASETY, L. Léger et al., en révision).
3.2
Protocole expérimental
3.2.1
Tâche de catégorisation
Deux chaises sont disposées en face de l’écran d’ordinateur. La place attribuée au sujet testé est aléatoirement choisie. Il la conserve tout au long de l’expérience. Le principe de la tâche de catégorisation est le même
que la tâche soit réalisée seul ou à deux. Les mots apparaissent un à un sur l’écran de l’ordinateur (voir F I GURE
4). Le sujet doit appuyer sur une touche si le mot qui apparait à l’écran appartient à la catégorie qui lui a
été attribuée. S’il est assis sur la chaise de gauche, il utilisera la touche « A », s’il est aussi sur la chaise de droite,
il utilisera la touche « P » en utilisant sa main dominante. La répartition des positions des patients et des sujets
sains sur les chaises est identique.
Dès qu’un sujet a appuyé sur une touche, le mot change de couleur : Initialement écrit en noir (RGB : 0, 0,
0), il devient bleu foncé (RGB : 0, 0, 128). En effet, les mouvements effectués pour appuyer sur une touche du
clavier sont d’une amplitude relativement faible et pourraient ne pas être remarqués par des patients dont les
capacités attentionnelles sont diminuées, par rapport à celles de sujets sains. De plus, les sujets sains répondent
plus vite que les patients MH à toute tâche qui leur est proposée et donc à la catégorisation. De manière à éviter
un biais dans le rappel des mots lié au temps de présentation des mots calibré sur la vitesse de réponse des
sujets, le changement de couleur permet non seulement d’attirer l’attention du sujets sur la réponse d’autrui
mais aussi de maintenir le temps de présentation (et donc de mémorisation) constant. Il nous a paru préférable
au paradigme de N. Sebanz dans lequel les mots disparaissaient dès la réponse du sujet.
20
Dans la condition de catégorisation « Seul », le patient est assis seul à gauche ou à droite en face de l’ordinateur. Dans la condition « à Deux », il garde son siège mais l’autre est occupé par l’examinateur. En effet, afin
de respecter la confidentialité du diagnostic médical, les patients MH ne peuvent accomplir la tâche avec un
sujet sain inconnu qui pourrait remarquer leur maladie. Le patient garde la même catégorie que ce soit dans la
condition Seul ou à Deux, l’examinateur se voit attribuer aléatoirement une des catégories restantes. Il appuie
sur la touche « A » ou « P » de l’ordinateur selon sa position face à l’écran.
Les 32 mots de chaque catégorie sont aléatoirement divisés par deux pour chaque sujet, 16 d’entre eux
étant utilisés pour la catégorisation Seul, les 16 autres pour la catégorisation à Deux. Chacun de ces mots
est présenté deux fois dans chaque condition, afin d’améliorer la mémorisation involontaire des mots par les
sujets. La présentation est aléatoire avec contraintes : aucun mot n’est présenté deux fois de suite. Il n’y a jamais
plus de trois mots de la même catégorie présentés successivement, afin d’éviter qu’un sujet n’ait pas à répondre
pendant plus de six essais. Les mots sont présentés sur l’écran d’un Macbook Air 13 pouces. L’expérience a été
programmée en langages HTML, PHP et JavaScript, sous la forme d’un site Internet hébergé localement grâce
au serveur MAMP, et a ensuite été exécutée via le navigateur web Google Chrome.
3.2.2
Tests de mémoire
La deuxième partie de l’expérience consiste en deux tests de mémoire : un rappel libre, suivi d’une tâche
de choix forcé.
Lors du rappel libre, on demande au sujet d’énoncer le maximum de mots possibles parmi ceux présentés
durant les deux conditions de catégorisation, que ces mots appartiennent ou non à la catégorie qui leur a été
attribuée. Le sujet dispose d’autant de temps que nécessaire. Il met fin au rappel libre lorsqu’ils considère ne
plus se remémorer de nouveaux mots. Nous avons décidé de ne pas limiter l’épreuve dans le temps afin de ne
pas pénaliser les patients MH par rapport aux sujets sains. L’expérimentateur note les mots au fur et à mesure
que le sujet les énonce.
La deuxième partie du test de mémoire est une tâche de choix forcé. Des paires de mots sont successivement présentées sur un écran d’ordinateur. Chaque paire est constituée d’un mot présenté durant la tâche de
catégorisation (Condition Seul ou à Deux), et d’un mot n’ayant pas été présenté au cours de la tâche de catégorisation. Le sujet doit choisir le mot qui lui a déjà été présenté. S’il s’agit du mot situé à gauche de l’écran, il
doit appuyer sur la touche « A », s’il s’agit du mot de droite, il doit appuyer sur la touche « P ».
Quatre-vingt-seize paires de mots sont présentées. Elles sont constituées aléatoirement avec contraintes :
chaque paire de mot est constituée de mots appartenant à la même catégorie sémantique et ayant le même
nombre de syllabes. L’ordre de présentation des paires est aléatoire.
3.3
Analyse
3.3.1
Analyse des performances en rappel libre
Une ANOVA 2 × 2 × 3 avec pour variables dépendantes le Groupe (Sujets Sains vs. Patients MH), la Condition (Seul vs. à Deux) et la Catégorie (Soi vs. Autrui vs. Personne) et pour variable indépendante le nombre
de mots rappelés est réalisée. Il est vrai que dans la condition Seul, « autrui » est confondu avec « personne »
au moment de la tâche de catégorisation. Néanmoins, la tâche de rappel identifie clairement la catégorie attribuée à autrui. L’analyse portant sur la tâche de rappel, on ne peut exclure un effet différentiel sur « autrui »
et « personne » y compris dans la condition « Seul ». Néanmoins, afin d’affiner l’analyse des résultats et selon
21
le plan d’analyse proposé par N. Sebanz, nous avons complété nos analyses par deux ANOVA 2 × 2 pour les
sujets sains d’une part, et pour les patients MH d’autre part. La première ANOVA a pour variables dépendantes la Condition (Seul vs A deux) et la Catégorie (Soi vs Personne). La deuxième ANOVA a pour variables
dépendantes la Condition (Seul vs A deux) et la Catégorie (Autrui vs Personne).
3.3.2
Analyse des performances en choix forcé
Les erreurs effectuées par les sujets sont comptabilisées et classées en fonction de la condition (Seul ou à
Deux) durant laquelle les mots ont été présentés et et de leur attribution (soi, autrui ou personne).
Les mêmes ANOVAs que celles réalisées sur les résultats de rappel libre sont réalisées ici.
3.3.3
Définition de l’intensité du biais égocentrique
Le biais égocentrique (BE) ne se conçoit que dans la condition à Deux. Nous définissons une variable notée
BE, avec BE = 100 − (AutruiAD × 100)/SoiAD , où :
– SoiAD est le nombre de mots énoncés par le sujet en rappel libre qui ont été présentés durant la phase de
catégorisation à Deux et qui appartiennent à la catégorie attribuée au sujet (Soi),
– AutruiAD est le nombre de mots énoncés par le sujet en rappel libre qui ont été présentés durant la phase
de catégorisation à Deux et qui appartiennent à la catégorie attribuée à autrui (Autrui).
(AutruiAD × 100)/SoiAD correspond à la proportion de mots auxquels autrui a répondu et dont le sujet se
souvient lors du rappel libre, normalisé par rapport au nombre de mots appartenant à sa catégorie, présentés à
la phase de catégorisation à Deux et énoncés par le sujet en rappel libre. La normalisation permet de s’affranchir
du niveau des performances mnésiques des sujets, afin de faciliter la comparaison entre les performances des
sujets sains et celles des patients MH, dont les capacités en mémoire de travail sont inférieures à celles des
sujets sains.
L’intensité du biais égocentrique des sujets sains et celle des patients MH seront comparées à l’aide de tests
de comparaison de moyenne (t-tests de Student).
3.4
Résultats
3.4.1
Mémoire partagée en rappel libre
Les résultats de rappel libre sont présentés en F IGURE 5 (sujets sains) et F IGURE 6 (patients MH).
L’ANOVA 2 × 2 × 3 montre une interaction significative entre le Groupe (Patients MH vs. Sujets sains), la
Condition (Seul vs. à Deux) et l’Attribution (Soi vs. Autrui. vs. Personne) (F(1; 2) = 7, 18, p < 0, 001). L’analyse
des interactions doubles montrent que les sujets sains se remémorent davantage les mots appartenant à la
catégorie attribuée à autrui que ceux appartenant à la catégorie attribuée à personne, ce qui n’est pas le cas des
sujets sains (F(1; 2) = 13, 33, p < 0, 001).
L’ANOVA 2 × 2 (Condition (Seul vs à Deux) et attribution (soi vs personne)) montre que les sujets sains
ont une meilleure mémoire des mots de la catégorie qui leur a été attribuée (Effet de Catégorie : F(1; 18) =
36, 02, p < 0, 001) mais plus encore dans la condition à Deux que dans la condition Seul (Effet de Condition :
F(1; 18) = 8, 63, p < 0, 05). L’interaction n’est pas significative (F(1; 18) = 1, 97, p = 0, 173). Une seconde
ANOVA 2x2 (Condition (Seul vs à Deux) et Attribution (Autrui vs Personne)) montre que les sujets sains ont
une meilleure mémoire des mots auxquels autrui a répondu durant la condition à Deux mais pas dans la
22
condition Seul (Condition : F(1; 18) = 26, 26, p < 0, 001) et surtout ils retiennent mieux les mots retenus par
autrui plutôt que ceux qui n’ont été attribués à personne. (Effet d’attribution : F(1; 18) = 17, 33, p < 0, 001).
L’interaction est également significative (F(1; 18) = 10, 26, p = 0.005).
Chez les patients, la même ANOVA 2 × 2 montre également deux effets principaux significatifs (Condition :
F(1; 18) = 11, 24, p < 0, 005 ; Catégorie : F(1; 18) = 22, 84, p < 0, 001). L’interaction n’est pas significative
(F(1; 18) = 0, 25, p = 0, 6191). Les patients MH, comme les sujets sains, ont une meilleure mémoire des mots
auxquels ils ont répondu que des mots auxquels personne n’a répondu, et ce, que ces mots aient été présentés
lorsque les sujets réalisaient la tâche seul ou à deux.
3.4.2
Mémoire partagée en choix forcé
Les résultats en choix forcé sont présentés dans en F IGURE 7 (sujets sains) et F IGURE 8 (patients MH).
L’ANOVA 2 × 2 × 3 ne montre pas d’interaction triple significative (F(1; 2) = 0, 03, p = 0, 9727), ni d’interaction double significative. Cette analyse montre uniquement que les sujets sains réalisent moins d’erreurs que
les patients MH en choix forcé (F(1; 1) = 149, 05, p < 0, 001).
Une ANOVA 2 × 2 (Condition (Seul vs à Deux) et Attribution (Soi vs Personne)) montre que les sujets
font autant d’erreur pour les mots de leur catégorie que pour ceux de la catégorie attribuée à personne (Effet
d’attribution non significatif, p = 0, 6876). Ceci est vrai dans la condition Seul, comme dans la condition à
Deux (Effet de condition non significatif, p = 0, 8232). L’interaction n’est pas significative (p = 0.7544).
Une deuxième ANOVA 2 × 2 (Condition (Seul vs à Deux) et Attribution (Autrui vs Personne)) montre
que les sujets font autant d’erreurs sur les mots attribués à autrui que sur ceux attribués à personne (Effet
d’attribution non significatif, p = 0, 1328). Ce comportement est observé en condition Seul comme à Deux
(Effet de condition non significatif, p = 0, 9195). L’interaction n’est pas significative (p = 0, 8399).
3.4.3
Biais égocentrique
L’indicateur BE mesure l’intensité du biais égocentrique des sujets en mémoire partagée. Une comparaison
de moyenne (t-test de Student) montre que les patients MH présentent un biais égocentrique plus important
que celui des sujets sains (t = 3, 577, p = 0, 0010).
3.5
Discussion de l’expérience de mémoire partagée
Les résultats en rappel libre montre que les sujets sains ont une meilleure mémoire des mots d’autrui que
de ceux attribués à personne. Il s’agit du phénomène de « mémoire partagée » introduit par Sebanz (non publié). Les patients MH ne montrent pas ce type de comportement. Ils se souviennent essentiellement des mots
appartenant à leur catégorie et ont un meilleure identique pour les mots d’autrui et les mots de personne.
Ils présentent un biais égocentrique prononcé par rapport aux sujets sains, du moins dans le domaine de la
mémoire.
Des études de fluence verbale (Cardebat et al. , 1990; Capitani et al. , 1999) ont montré que le sexe du sujet
peut influencer la performance en fluence verbale sémantique. Par exemple, les performances des femmes
pour les catégories « fruits » et « meubles » sont meilleures que celles des hommes, tandis que les hommes
sont meilleurs que les femmes pour la catégorie « outils ». De ce fait, nous avons été extrêmement prudents
dans la répartition des catégories aux sujets. Nous avons réparti de la façon la plus homogène possible les
catégories entre d’une part, les patients hommes et femmes et d’autre part, les sujets sains hommes et femmes.
23
Un test de khi-deux avec pour facteurs la catégorie sémantique (Animaux, Fruits/légumes, Objets) et le sexe
(homme, femme) montre que les répartitions des catégories chez les patients, comme chez les sujets sains sont
homogènes. Les effets de mémoire partagée décrits chez les sujets sains, de même que l’absence de mémoire
partagée chez les patients MH, sont donc bien imputables à l’influence de la présence d’autrui et non à la
nature de l’interaction entre le sexe du sujet et la catégorie sémantique qui lui a été attribuée.
On pourrait également critiquer l’influence du changement de couleur sur la mémorisation des mots par
le sujet testé. En effet, l’expérience a été programmée de telle sorte que chacun des mots soit présenté durant 3
secondes, ce qui n’était pas le cas dans l’étude de N. Sebanz dont nous nous sommes inspirés. Dans le protocole
utilisé par son équipe, les sujets devaient appuyer aussi vite que possible sur une touche donnée du clavier
chaque fois qu’un mot appartenant à la catégorie qui leur avait été attribuée apparaissait sur l’écran. Le mot
disparaissait alors, dès que le sujet avait appuyé. Les sujets sains ayant un temps de réaction significativement
plus court que celui des patients MH, nous avons préféré fixer le temps de présentation des mots, afin de ne
pas pénaliser les patients MH par rapport aux sujets sains. En effet, si les mots disparaissaient dès qu’un sujet y
répondait en appuyant sur une touche du clavier, les mots appartenant à la catégorie attribuée aux sujets sains
seraient en moyenne présentés moins longtemps sur l’écran que ceux auxquels les patients MH répondent.
Toutefois, afin de différencier les mots pour lesquels une action est accomplie – par soi ou par autrui – des
mots appartenant à la catégorie attribuée à personne, nous avons introduit un changement dans la présentation
des mots : lorsqu’un sujet répond en appuyant sur une touche du clavier, le mot change de couleur. De noir,
le mot passe à une couleur bleue foncée (RGB : 0, 0, 128), que nous avons jugée suffisamment différente du
noir initial pour que le changement de couleur soit visible, sans être trop saillante et donc distrayante. Nos
résultats montrent que, dans la condition « à Deux » les patients MH n’ont pas une meilleure des mots attribués
à autrui – qui changent de couleur – que des mots attribués à personne – qui ne changent pas de couleur. Le
changement de couleur ne fait donc que mettre en valeur la réalisation de l’action (« appuyer sur une touche
du clavier ») qui sans cela pourrait se révéler trop discrète pour être détectée par les patients MH dont les
capacités attentionnelles, notamment d’attention partagée, sont affectées par la maladie.
La description clinique des patients souligne un biais égocentrique comportemental important. Les composantes de l’interaction sociale ne se limitant pas au domaine de la mémoire, il est important d’explorer les
autres domaines dans lequel le biais égocentrique pourrait s’exprimer.
24
Essai 1
Essai 1
éléphant
koala
Essai 2
Essai 2
oreiller
saladier
Essai 3
Essai 3
tomate
citron
F IGURE 3 – Principe de la tâche de catégorisation (expérience de mémoire partagée). La tâche de catégorisation
comprend deux conditions : une condition de catégorisation seul et une condition de catégorisation à deux.
Durant la condition de catégorisation seul, le sujet appuie sur une touche du clavier chaque fois qu’un mot
appartenant à la catégorie sémantique qui lui a été attribuée (ici, la catégorie animaux) apparaît sur l’écran. Il
répond ainsi à 1/3 des mots présentés. Durant la condition de catégorisation à deux, le sujet continue d’appuyer sur une touche du clavier chaque fois qu’un mot de sa catégorie apparaît sur l’écran. Il répond à 1/3 des
mots présentés. L’expérimentateur, à qui une autre catégorie sémantique a été attribuée (ici, fruits/légumes),
appuie sur une autre touche du clavier chaque fois qu’un mot de sa catégorie apparaît sur l’écran. Il répond
également à un 1/3 des mots. Le tiers restant correspond aux mots de la catégorie qui n’a été attribuée à
personne et auxquels personne ne répond.
Écran de fixation
1s
Présentation du mot
panda
3s
Écran blanc
1.5 s
F IGURE 4 – Présentation des stimuli durant la tâche de catégorisation (expérience de mémoire partagée)
25
Mots
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
Soi
Autrui
Personne
Soi
Condition Seul
Autrui
Personne
Condition à Deux
F IGURE 5 – Moyenne des mots énoncés en rappel libre par les sujets sains. Les mots sont classés en fonction de
la condition durant laquelle ils ont été présentés (condition seul ou à deux) et de leur attribution (Soi, Autrui,
Personne).
Mots
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
Soi
Autrui
Personne
Soi
Condition Seul
Autrui
Personne
Condition à Deux
F IGURE 6 – Moyenne des mots énoncés en rappel libre par les patients MH. Les mots sont classés en fonction de
la condition durant laquelle ils ont été présentés (condition seul ou à deux) et de leur attribution (Soi, Autrui,
Personne).
26
Erreurs (mots)
5
4
3
2
1
0
Soi
Autrui
Personne
Soi
Condition Seul
Autrui
Personne
Condition à Deux
F IGURE 7 – Moyenne des erreurs effectuées en choix forcé par les sujets sains. Les mots sont classés en fonction
de la condition durant laquelle ils ont été présentés (condition seul ou à deux) et de leur attribution (Soi,
Autrui, Personne).
Erreurs (mots)
5
4
3
2
1
0
Soi
Autrui
Personne
Soi
Condition Seul
Autrui
Personne
Condition à Deux
F IGURE 8 – Moyenne des erreurs effectuées en choix forcé par les patients MH. Les mots sont classés en fonction
de la condition durant laquelle ils ont été présentés (condition seul ou à deux) et de leur attribution (Soi, Autrui,
Personne).
27
28
4
Mesure de la distance interpersonnelle
4.1
Protocole expérimental et matériel
La distance interpersonnelle des sujets est mesurée au cours de deux tâches. Durant la première, on de-
mande au sujet de s’approcher de l’expérimentateur jusqu’à une distance qui lui semble optimale pour engager
une conversation avec ce dernier. Cette distance notée DIPsoi est mesurée à l’aide d’un pointeur laser (Stanley,
Tru Laser, TLM 130I), posé contre le sternum de l’expérimentateur et pointé vers le sternum du sujet. Durant
la deuxième tâche, le sujet reste immobile. L’expérimentateur s’avance vers le sujet, auquel il demandé d’arrêter verbalement l’expérimentateur (en lui disant « Stop ») lorsque ce dernier se trouve à une distance notée
DIPautrui que le sujet juge optimale pour entamer une conversation. Cette distance est également mesurée.
4.2
Analyse
Les mesures de la DIPsoi et de la DIPautrui des sujets sains et des patients MH sont comparées au moyen de
tests de comparaison de moyenne (t-tests de Student).
La corrélation entre les distances interpersonnelles DIPsoi et DIPautrui est calculée, ainsi que la corrélation
entre chacune de ces distances et le biais égocentrique mesurée en mémoire partagée.
4.3
Résultats
Chez les sujets sains comme chez les patients MH, il n’y a pas de corrélation entre la DIPsoi et la DIPautrui
(sujets sains : r = 0, 0034, p = 0, 6859 ; patients MH : r = 0, p = 0, 8952).
La comparaison des moyennes de la DIPsoi et de la DIPautrui ne montrent pas de différence significative ni
chez les sujets sains (t = 1, 6112, p = 0, 1280), ni chez les patients MH (t = 0, 5930, p = 0, 5620). Il n’y a de
différence significative ni entre la DIPsoi des sujets sains et des patients MH (t = 1, 7432, p = 0, 0915), ni entre
la DIPautrui des sujets sains et des patients (t = 1, 8135, p = 0, 0798). Néanmoins, il est envisageable qu’avec un
plus grand nombre de mesures cette différence puisse être significative.
La corrélation de la DIPsoi et du biais égocentrique n’est significative ni chez les sujets sains, ni chez les
patients MH (sujets sains : r = 0, 2414, p = 0, 3678 ; patients MH : r = 0.1681, p = 0, 5492). Il en est de même
pour la DIPautrui (sujets sains : r = 0, 2651, p = 0, 3211 ; patients MH : r = 0, 3379, p = 0, 2180).
4.4
Discussion partielle
L’absence de différence significative entre les mesures de distance interpersonnelle des sujets sains et celles
des patients MH suggère une gestion de l’espace social non altérée dans la MH. L’absence de corrélation entre
distance interpersonnelle et biais égocentrique laisse quant à elle penser que si le biais égocentrique des patients MH est incontestable en mémoire partagée, il n’existe pas dans le domaine spatial : le biais égocentrique
serait domaine-dépendant.
Néanmoins le faible nombre de mesures par sujet (une mesure par sujet pour chaque distance) rend ces
résultats difficiles à interpréter. Réitérer l’expérience en augmentant le nombre de mesures pour la DIPsoi et
pour la DIPautrui et en effectuant les mesures avec deux expérimentateurs différents permettrait de consolider
nos résultats.
29
Distance (m)
.70
.60
.50
.40
.30
.20
.10
0
Sujets
sains
Sujets
sains
Patients
DIPSoi
Patients
DIPAutrui
F IGURE 9 – Distances interpersonnelles mesurées chez les sujets sains (orange) et chez les patients MH (bleu).
La DIPSoi correspond à la distance interpersonnelle mesurée lorsque le sujet s’approche de l’expérimentateur,
la DIPAutrui correspond à la distance interpersonnelle mesurée lorsque l’expérimentateur s’approche du sujet.
Dans le cadre de l’exploration des différents domaines de l’interaction sociale, nous nous sommes également intéressés à la relation entre le biais égocentrique et le domaine affectif. Pour cela, nous avons soumis
chaque sujet au questionnaire d’empathie de Mehrabian (2000).
30
5
Questionnaire d’empathie
5.1
Protocole expérimentale et matériel
Nous utilisons une version du questionnaire BEES de Mehrabian, traduite en français (C. Delanaye et L.
Mendlewicz) et modifiée pour une utilisation auprès de patients atteints de la maladie de Huntington (C.
Jacquemot, A.-C. Bachoud-Lévi et I. Trinkler, 2003). Ce questionnaire comporte 30 assertions. Pour chacune
d’entre elles, il est demandé au sujet d’exprimer son degré d’accord ou de désaccord avec chaque assertion, à
l’aide d’une échelle de notation allant de +3 (très fortement d’accord) à -3 (très fortement en désaccord). Quinze
des 30 phrases sont formulées positivement : l’accord du sujet avec la phrase correspond à un haut niveau
d’empathie. Les 15 autres phrases sont formulées négativement : l’accord du sujet avec la phrase correspond
cette fois-ci à un faible niveau d’empathie. Cette construction du questionnaire permet de neutraliser le biais
d’acquiescement, à savoir la tendance de certains sujets à être toujours en accord ou toujours en désaccord
avec les assertions qu’on leur propose.
Chaque assertion est lue à voix haute par l’expérimentateur qui note ensuite la réponse des sujets sur le
questionnaire, visible des sujets.
5.2
Analyse
Les scores d’empathie des sujets sont calculés en faisant la somme algébrique de leurs réponses aux phrases
formulées positivement et en soustrayant de cette quantité leurs réponses aux phrases formulées négativement.
Les scores des patients MH sont comparés à ceux de sujets sains à l’aide de tests de comparaison de
moyenne (t-tests de Student). Et la corrélation entre les scores des patients et l’intensité du biais égocentrique
est calculée.
5.3
Résultats
La comparaison des scores d’empathie des sujets sains et des patients MH montrent que les sujets sains
sont significativement plus empathiques que les patients MH (t = 6, 079, p = 0).
Il n’y a de corrélation significative ni entre les scores des sujets sains et leur biais égocentrique en mémoire
partagée (r = −0, 2054, p = 0, 4291), ni entre les scores des patients MH et leur biais égocentrique (r = −0, 1763,
p = 0, 4702).
5.4
Discussion des données d’empathie
D’après le questionnaire de Mehrabian, les patients MH sont moins empathiques que ne le sont les sujets
sains. L’absence de corrélation entre le biais égocentrique et l’empathie émotionnelle mesurée par le questionnaire suggère la non unicité de la représentation d’autrui. En effet, les patients éprouvant le plus de difficulté
à prendre en compte autrui dans l’expérience de mémoire partagée ne sont pas ceux présentant le plus faible
niveau d’empathie émotionnelle. Il existe un découplage entre la capacité à co-représenter l’action d’autrui et
la capacité à éprouver ce que l’autre ressent.
31
Score BEES
60
50
40
30
20
10
0
Sujets
sains
Patients
F IGURE 10 – Scores d’empathie mesurés chez les sujets sains (orange) et chez les patients MH (bleu).
6
Liens entre comportement et biais égocentrique
6.1
Analyse
Les corrélations entre les données neuropsychologiques des patients sont calculées et corrigées à l’aide
d’une correction de Bonferroni (TABLE 2).
6.2
Résultats
Aucune corrélation n’est trouvée entre le biais égocentrique mesuré en mémoire partagée et les scores des
patients aux évaluations neuropsychologiques.
32
33
HLVT
TMTB
TFC
UHDRSB
UHDRSM
MADRS
AgeDebutMH
DIP_A_P
DIP_SOI_P
Empathie_P
BE_P
1.0000
—
-0.4778
(1.0000)
-0.6377
(0.7785)
-0.4040
(1.0000)
-0.2106
(1.0000)
-0.2409
(1.0000)
-0.5093
(1.0000)
-0.0423
(1.0000)
-0.0970
(1.0000)
0.0897
(1.0000)
(1.0000)
0.1681
(1.0000)
0.3379
(1.0000)
-0.3658
(1.0000)
0.2357
(1.0000)
-0.0760
(1.0000)
0.1347
(1.0000)
0.1571
(1.0000)
-0.6535
(1.0000)
-0.4694
(1.0000)
Empathie_P
-0.2054
—
1.0000
BE_P
(1.0000)
-0.0500
(1.0000)
-0.0646
(1.0000)
0.0421
(1.0000)
0.4456
(1.0000)
-0.2161
(1.0000)
0.6842
(1.0000)
0.3666
—
1.0000
DIP_A_P
(1.0000)
0.0727
(1.0000)
0.4028
(1.0000)
0.1963
(1.0000)
0.3448
(1.0000)
-0.2040
(1.0000)
0.0393
—
1.0000
AgeDebutMH
(1.0000)
-0.1363
(1.0000)
0.3510
(1.0000)
0.3684
(0.2468)
0.9096
(1.0000)
-0.2742
—
1.0000
MADRS
(0.9241)
-0.7629
(1.0000)
-0.4280
(0.1185)
-0.7916
(1.0000)
0.0115
—
1.0000
UHDRSM
TABLE 2 – Comportement et biais égocentrique
(1.0000)
0.0231
(1.0000)
0.2115
(1.0000)
0.6777
(1.0000)
0.5221
(0.2556)
-0.7798
(0.6560)
0.8238
(1.0000)
0.4463
(0.1845)
0.6859
—
1.0000
DIP_SOI_P
(1.0000)
-0.1399
(1.0000)
0.5888
(1.0000)
0.2034
—
1.0000
UHDRSB
(1.0000)
0.4686
(1.0000)
0.4920
—
1.0000
TFC
(1.0000)
0.6038
—
1.0000
TMTB
—
1.0000
HLVT
34
7
Discussion
Notre travail avait pour objectif de mettre en évidence les bases expérimentales du biais égocentrique chez
les patients MH. Dans une première expérience nous avons démontré l’existence d’un biais égocentrique chez
les patients MH dans le domaine de la mémoire. Contrairement aux sujets sains, les patients MH ne mémorisent pas les informations nécessaires à la réalisation de la tâche d’autrui, mais seulement celles en rapport
avec la leur. Ce biais égocentrique semble également présent dans le domaine spatial. Les patients MH tendent
en effet à s’approcher davantage d’autrui et à laisser autrui s’approcher davantage d’eux que les sujets sains.
Enfin, ils sont aussi moins empathiques que les sujets sains, moins susceptibles de ressentir ce qu’autrui ressent.
Néanmoins le biais égocentrique observé dans la tâche de mémoire partagée n’est corrélé ni à la distance
interpersonnelle des sujets, ni à leur score d’empathie, suggérant que le biais égocentrique mis en évidence est
domaine-dépendant.
Aucune corrélation entre le biais égocentrique et les scores aux tests neuropsychologiques évaluant le comportement des patients, leur inflexibilité mentale et leur capacité mnésiques n’a été observée. Le biais égocentrique et les capacités motrices des patients sont également décorrélées, suggérant que le biais égocentrique ne
s’aggrave pas avec l’évolution de la maladie.
7.1
Les patients MH présentent un biais égocentrique
L’expérience de mémoire partagée démontre expérimentalement pour la première fois l’existence du biais
égocentrique chez les patients MH. En effet, si les patients sont souvent décrits comme égocentriques (Paulsen
et al. , 2001; Snowden et al. , 2003; Rosenblatt, 2007), les études qui existent sur la cognition sociale des patients
MH se sont intéressées exclusivement à leurs déficits des processus de la cognition sociale, à savoir leurs
difficultés à reconnaître et produire les émotions (Sprengelmeyer et al. , 1997, 1998; Hayes et al. , 2007; de Gelder
et al. , 2008; Snowden et al. , 2008; Calder et al. , 2010; Trinkler et al. , 2011) et leurs déficits de la théorie de l’esprit
(Snowden et al. , 2003; Brüne et al. , 2011; Allain et al. , 2011).
Nous montrons ici l’existence d’un biais égocentrique qui semble s’apparenter à une forme exacerbée de
celui décrit par Greenberg (1983) chez les sujets sains. Dans son expérience, les sujets sains tendaient à ne pas
prendre en compte autrui lorsqu’ils n’y étaient pas incités. De même, la performance des patients MH dans
l’expérience de mémoire partagée n’est pas influencée par la présence d’un examinateur effectuant la tâche à
leurs côtés. Les patients semblent donc ne pas faire de différence entre la condition « Seul » et la condition « à
Deux » : ils ne tiennent pas compte de la présence d’autrui.
La description des patients MH par leur entourage corrobore notre démonstration de l’existence d’un biais
égocentrique. En effet, les patients sont souvent dits irritables par leurs proches, et cela, à tels point que ces
derniers évitent toute situation, tout acte pouvant irriter le patient (Craufurd et al. , 2001; Paulsen et al. , 2001;
Rosenblatt, 2007; Redeeker et al. , 2012). Ils ne supportent pas de voir leur routine changée (Rosenblatt, 2007;
Thompson et al. , 2012) et ont un seuil de tolérance à la frustration moins élevé que la moyenne des sujets
sains. Mentalement inflexibles, ils présentent parfois des idées fixes qui n’ont que peu de rapport avec la réalité
(Snowden et al. , 2003; Rosenblatt, 2007). Lorsqu’ils sont convaincus d’un fait – même si celui-ci s’avère erroné
– leurs proches ne parviennent pas à les en détacher. Rosenblatt (2007) conseille aux familles de « choisir leurs
combats », de ne contredire le patient que lorsque sa sécurité est en jeu, car certains patients peuvent s’avérer
très obstinés, voire « incorrigibles » au dire des proches.
35
Cette description du comportement des patients MH qui suggère l’existence du biais égocentrique que
nous avons mis en évidence – et qui est à l’origine de notre étude – est semblable à la description par Frith
& de Vignemont (2005) du comportement des patients atteints du syndrome d’Asperger. Les auteurs citent
l’exemple d’un enfant précoce, Bernard, diagnostiqué avec le syndrome d’Asperger. Petit, il inventait des jeux
aux règles complexes que les autres enfants ne comprenaient pas. Et lorsque ses camarades refusaient de jouer
avec lui, il se mettait en colère contre eux. A l’école, élève très doué, ses professeurs le disaient incapables de
travailler en groupe. Il apprenait par ailleurs vite, mais refusait de suivre le programme. Maintenant adolescent, il vit avec ses parents et se plaint de devoir se conformer à leurs règles de vie. Lorsque sa mère a dû
séjourner à l’hôpital, il était agacé de voir sa routine modifiée. La description de Bernard est très semblable à
celle souvent faite des patients MH par leurs proches, ce qui suggère une similitude entre le biais égocentrique
démontré chez les patients MH et le comportement égocentré des patients atteints du syndrome d’Asperger.
Il est cependant difficile de pousser plus loin la comparaison, les mécanismes sous-jacents à ces deux comportements égocentrés pouvant être tout à fait distincts. Toutefois, dans cet article qui porte sur l’égocentrisme
chez les patients atteints du syndrome d’Asperger, Frith & de Vignemont (2005) suggèrent que l’étude de la
théorie de l’esprit des patients ne suffit pas à expliquer leur comportement égocentré. Or une tâche de mémoire
partagée telle que celle que nous avons utilisée pourrait permettre de démontrer expérimentalement chez ces
patients l’existence d’un biais égocentrique.
7.2
Nature du déficit à l’origine du biais égocentrique des patients MH
Les travaux de Cohen (1981) et d’Englekamp et al. (2004) ont montré que les sujets sains mémorisent
mieux les phrases qui décrivent une action qu’ils ont eux-mêmes réalisée que les phrases décrivant une action
qu’ils n’ont pas accomplie. Par exemple, la phrase « fermer la boîte » est mieux mémorisée lorsqu’on demande
aux sujets de lire la phrase et d’effectuer l’action, que lorsqu’on leur demande de simplement lire la phrase. Il
s’agit de l’effet d’« enactment ». Dans notre expérience de mémoire partagée, on s’attend à ce que les sujets sains,
comme les patients aient une meilleure mémoire des mots pour lesquelles ils ont dû accomplir une action de
catégorisation que des mots pour lesquels ils n’ont pas eu à accomplir cette action. En effet, afin d’accomplir
leur propre tâche de catégorisation, les sujets sains, comme les patients, doivent se souvenir de la catégorie
sémantique qui leur a été attribuée et doivent, pour chaque mot présenté, se demander si le mot appartient
ou non à cette catégorie. Si les sujets sains simulent l’action d’autrui, ils mémorisent également la catégorie
attribuée à autrui et se demandent pour chaque mot présenté non seulement si le mot appartient à la catégorie
qui leur a été attribuée, mais aussi si ce mot appartient à la catégorie attribuée à autrui. Chez les sujets sains,
on s’attend donc à ce que l’effet d’enactment soit observé pour les mots appartenant à la catégorie attribuée
à soi, mais aussi pour les mots appartenant à la catégorie attribuée à autrui. En revanche, si les patients MH
présentent un biais égocentrique, ils ne devraient pas être sensible à l’effet d’enactment pour les mots de la
catégorie d’autrui.
Nos résultats montrent effectivement que les patients MH mémorisent mieux les mots appartenant à la
catégorie qui leur a été attribuée que les mots appartenant à la catégorie qui n’a été attribuée à personne.
Et ils n’ont pas une meilleure mémoire des mots appartenant à la catégorie attribuée à autrui que des mots
appartenant à la catégorie qui n’a été attribuée à personne. L’effet d’enactment est donc observé chez les patients
MH uniquement pour les actions qu’ils accomplissent eux-mêmes. Les actions accomplies par autrui ne leur
permettent pas de mieux mémoriser les mots auxquels ces actions sont associées.
A l’inverse, les sujets sains qui réalisent l’expérience de mémoire partagée se représentent l’action d’autrui
36
comme ils se représentent la leur : ils simulent l’action de l’expérimentateur lorsque c’est à son tour d’agir. Les
résultats des tests de mémoire montrent qu’ils mémorisent non seulement l’information dont ils ont besoin
pour réaliser leur tâche, mais aussi l’information dont l’expérimentateur a besoin pour réaliser la sienne. Le
fait que les sujets sains aient une meilleure mémoire des mots appartenant à la catégorie attribuée à autrui
suggère que l’effet d’enactment est valable non seulement pour les mots associés à une action du sujet, mais
aussi pour les mots associés à une action du co-acteur.
L’absence du phénomène de mémoire partagée chez les patients MH peut s’expliquer de deux façons : soit
les patients MH ne se représentent pas les actions d’autrui, comme le font les sujets sains, soit ils se les représentent mais ne mémorisent pas les informations nécessaires à la réalisation de la tâche de l’autre. Dans le premier cas, le biais égocentrique des patients s’expliquent par une représentation de l’action d’autrui déficiente
par rapport à celle construite par un sujet sain. Dans le second cas, le biais égocentrique observé s’expliquerait
par une absence d’encodage de l’information non pertinente pour soi, mais pertinente pour autrui. Nos données ne nous permettent pas de trancher entre ces deux hypothèses. Pour déterminer l’étape déficitaire chez
les patients MH, il nous faudrait tester la capacité des patients à se représenter l’action d’autrui.
Sebanz et collègues ont réalisé une étude en électroencéphalographie (EEG) utilisant la tâche de compatibilité spatiale décrite dans l’introduction. L’expérience comprend deux conditions : Seul et à Deux. Dans la
condition Seul, le sujet réalise une tâche de type « go-no go » durant laquelle on lui présente sur un écran une
main portant une bague qui peut être soit verte, soit rouge. Chaque sujet répond à une seule couleur en appuyant sur un bouton. Par exemple, si on lui assigne la couleur rouge, il doit appuyer sur un bouton à chaque
fois que la bague présentée sur l’écran est rouge et il ne fait rien lorsque la bague est verte. La main portant
la bague pointe soit la gauche de l’écran, soit la droite. La direction dans laquelle la main pointe n’est pas une
information pertinente pour le sujet, qui ne doit prendre en compte que la couleur de la bague. Il y a donc des
essais où l’information de couleur et l’information non pertinente (direction dans laquelle pointe la main) sont
compatibles et des essais où ces deux informations sont incompatibles. Dans la condition à Deux, deux sujets
assis côte à côte réalisent chacun une tâche de « go-no go » : la couleur rouge est assignée à l’un, la couleur verte
est assignée à l’autre. Les auteurs ont montré que lorsqu’un stimulus associé à l’action du co-acteur (autrui) est
présenté à l’écran, il élicite une réponse électrophysiologique dans les régions frontales identique à celle élicitée par un stimulus associé à l’action du sujet (soi). Il semble que les sujets sains représentent l’action d’autrui
de la même façon que la leur. De plus, pour chaque sujet, la présentation d’un stimulus associée à une action
d’autrui génère une P300 dont l’amplitude est plus élevée dans la condition à Deux que dans la condition Seul.
Ce dernier résultat suggère que l’action d’autrui est simulée par les sujets sains et que cette action doit être
inhibée. Cette étude de Sebanz montre donc que les sujets sains, placés dans un contexte social, représentent
l’action d’autrui.
Coupler l’expérience de mémoire partagée que nous avons mise en place chez les patients MH à un enregistrement des activités cérébrales en EEG nous permettrait donc de répondre à la question de l’existence ou
non d’une représentation des actions d’autrui chez les patients MH.
L’adaptation d’une deuxième expérience mise en place par de Langavant et al. (2011b) chez les sujets sains
complèterait cette première approche de l’étude de la représentation d’autrui chez les patients MH. Il s’agit
d’une expérience où les sujets testés doivent désigner des objets posés sur une table située face à eux. Un expérimentateur est assis à leur gauche, un autre est assis à leur droite. Deux conditions sont testées : la désignation
communicative et la désignation non communicative. Dans la condition « désignation communicative », il est
demandé aux sujets de montrer un des objets posés devant eux soit à l’expérimentateur assis à leur gauche, soit
à l’expérimentateur assis à leur droite. Par exemple, l’instruction pouvait être « montrer la gomme à Gilles ».
37
Dans la condition « désignation non communicative », il est demandé aux sujets de désigner un objet, sans intention de communication. L’instruction pouvait alors être « montrer la gomme ». Les auteurs ont montré que
la trajectoire du doigt désignant l’objet varie selon que le sujet montre un objet à un expérimentateur ou qu’il
le montre sans intention de communication. En effet, dans la condition de « désignation communicative », la
trajectoire du doigt pointant l’objet est différente de celle observée dans la condition de « désignation non communicative ». de Langavant et al. suggèrent que cette modification de la trajectoire de pointage est due au fait
que dans la désignation communicative, le sujet doit diriger son attention vers autrui, capturer l’attention de
ce dernier, prendre en compte le point de vue d’autrui et enfin interagir avec autrui à propos de l’objet désigné.
Si les patients MH présentent un biais égocentrique car ils ne tiennent pas compte d’autrui, dans l’expérience
de de Langavant et al. décrite ci-dessus, ils ne devraient pas présenter la différence observée chez les sujets
sains entre les trajectoires de désignation en condition de « désignation communicative » et en condition de
« désignation non communicative ».
7.3
Déficit de la gestion de l’espace social chez les patients MH
Les patients MH ont tendance à s’approcher plus d’autrui et à se laisser approcher davantage par autrui
que les sujets sains. Cette différence comportementale dans la gestion de l’espace social des patients MH par
rapport aux sujets sains est cohérente avec l’existence du biais égocentrique dans la MH. En effet, un patient
qui ne tient pas compte d’autrui aura tendance à ne pas respecter l’espace social de l’autre.
On aurait cependant pu penser que les mouvements choréiques des patients MH susciteraient un trouble
de la gestion de l’espace social inverse. Pour éviter de heurter autrui, on aurait pu supposer que les patients
MH auraient plutôt tendance à présenter une distance interpersonnelle plus importante que celle des sujets
sains. Néanmoins les travaux de Snowden et al. (1998) et ceux de Ho et al. (2006) montrent un déficit de
l’« insight » chez les patients MH. Ils sont peu conscients des mouvements involontaires qu’ils effectuent. Ce
déficit de l’insight, couplé au biais égocentrique des patients, pourrait expliquer que bien que sujets à des mouvements choréiques, les patients MH aient tendance à s’approcher davantage d’autrui et à se laisser davantage
approcher que les sujets sains.
Le déficit d’insight présenté par les patients MH affecte non seulement la capacité des patients à juger de
la sévérité de leurs troubles moteurs, mais aussi leur capacité à estimer leurs aptitudes comportementales. En
effet, l’étude de Ho et collègues montrent que les patients MH sous-estiment la sévérité de leurs troubles du
comportement de 26 % par rapport au jugement de leurs proches. Vérifier l’existence d’un lien entre ce déficit
d’insight et le biais égocentrique pourrait éclairer le comportement égocentré des patients MH. Un patient qui
ne s’aperçoit pas qu’il se comporte de manière égocentré ne peut corriger son comportement, ce qui aboutirait
à un biais égocentrique observable. L’expérience de Greenberg (1983) a montré que des sujets sains incités à se
considérer comme semblable à autrui ne présentaient pas de biais égocentrique. Le même mécanisme pourrait
exister chez les patients MH. Réaliser l’expérience de mémoire partagée en incitant les patients MH à prêter
attention aux actions d’autrui nous renseignerait sur le lien entre capacité d’insight et biais égocentrique.
7.4
Déficit de l’empathie chez les patients MH
Dans notre étude, les patients MH présentent des scores d’empathie inférieurs à ceux des sujets sains. Ils
sont moins susceptibles que les sujets sains de ressentir ce qu’autrui ressent. Il a été démontré que la MH
affecte la capacité des patients à reconnaître les émotions positives comme négatives (Sprengelmeyer et al. ,
1997, 1998; Hayes et al. , 2007; de Gelder et al. , 2008; Snowden et al. , 2008; Calder et al. , 2010; Trinkler et al. ,
38
2011). Une atteinte des capacités d’empathie des patients est donc cohérente avec ces déficits de la perception
des émotions : en effet, un patient incapable de reconnaître les émotions d’autrui est moins susceptible de
ressentir ce qu’autrui ressent.
L’étude de Trinkler et al. (2011) avait montré que les scores d’empathie des patients MH étaient similaires
à ceux des sujets sains. Une comparaison de nos données à celles de Trinkler et al. montre que les résultats
des patients MH testés dans les deux études sont semblables (t = 0, 892, p < 0, 05). Ce sont les scores des
sujets sains testés qui diffèrent (Trinkler et al. (2011) : score moyen des sujets sains = 33 ; notre étude : score
moyen des sujets sains = 61). Cette différence peut s’expliquer par l’échantillonnage effectué. En effet, dans
notre étude, davantage de femmes ont été testées parmi les sujets sains que dans l’étude de Trinkler et al.
(aucune différence n’a cependant été montrée entre la distribution en genre des patients et des sujets sains) :
14 femmes et 5 hommes ont été testés dans notre étude, tandis que 6 femmes et 7 hommes ont été testés dans
l’étude de Trinkler et al. . Or, Mehrabian (2000) a montré que les femmes étaient en moyenne plus empathiques
que les hommes (score moyen des femmes = 60 ± 21, score moyen des hommes = 29 ± 28). De plus, contrairement à l’étude précédente, nous n’avons pas testé les conjoints des patients, afin d’obtenir un échantillon
de sujets sains homogène et ne présentant aucun trouble du comportement, la maladie du conjoint pouvant
être à l’origine de troubles psychiatriques chez certains sujets. Enfin, on discerne une tendance dans l’étude de
Trinkler et al. qui peut ne pas avoir été significative en raison du plus faible nombre de sujets testés (13 dans
l’étude de Trinkler et al. contre 19 ici).
7.5
Le biais égocentrique des patients MH semble domaine-dépendant
Aucune corrélation n’a été trouvée entre le biais égocentrique et la distance interpersonnelle des sujets
sains et des patients MH d’une part, et entre le biais égocentrique et les scores d’empathie des sujets sains
et des patients MH d’autre part. Ces résultats suggèrent que le biais égocentrique est domaine-dépendant.
La représentation d’autrui dans le domaine de l’action jointe et de la mémoire ne serait pas la même que la
représentation d’autrui dans le domaine spatial ou dans le domaine affectif.
Une exploration des mécanismes sous-jacents au biais égocentrique, ainsi qu’une étude plus approfondie
de la distance interpersonnelle chez les patients MH devraient nous renseigner sur la nature de la représentation d’autrui et confirmer la dépendance au domaine d’application du biais égocentrique. En effet, le faible
nombre de mesures des distances interpersonnelles effectuées par sujet rend la tendance observée ici difficile à interpréter. Nous répéterons l’expérience de mesure de la distance interpersonnelle chez les sujets sains
et les patients MH en augmentant le nombre de mesure par sujet et en effectuant chaque mesure avec deux
expérimentateurs différents, afin de minimiser l’effet de l’expérimentateur.
7.6
Liens entre biais égocentrique et comportement des patients MH
Rares sont les études qui lient facultés neuropsychologiques et comportement des sujets. Nous avons voulu
établir le lien entre le biais égocentrique des patients MH et leur comportement dans la vie quotidienne en étudiant le lien entre le biais égocentrique et les scores des patients MH à l’UHDRS comportemental et à la Total
Functional Capacity (TFC) (composantes de l’Unified Huntington’s Disease Rating Scale ou UHDRS). L’UHDRS
comportemental évalue le comportement des patients en termes de tristesse, d’estime de soi, d’anxiété, de
tendances suicidaires, d’agressivité, d’irritabilité, de comportements obsessionnels, de comportements compulsifs, de fantasmes et d’hallucinations. L’échelle TFC évalue quant à elle la capacité du patient à occuper
un emploi, à gérer ses finances, à effectuer les tâches ménagères, à gérer les tâches de la vie quotidienne, à
39
prendre soin de lui. Aucune corrélation n’a été établie entre le biais égocentrique des patients et leurs scores
à ces tests. Les items composant chacun de ces questionnaires étant très variés, il aurait été intéressant de ne
s’intéresser qu’au lien entre le biais égocentrique et les sous-parties de l’UHDRS comportemental qui portent
sur les comportements agressifs et l’irritabilité. Je ne disposais cependant pas de ces scores.
Aucune corrélation n’a non plus été démontrée entre le biais égocentrique et le score à l’UHDRS moteur,
suggérant une absence de lien entre la sévérité des troubles moteurs et l’intensité du biais égocentrique. Le
score à l’UHDRS est très lié à la progression de la maladie, une absence de corrélation laisse donc supposer
soit que le biais égocentrique ne s’aggraverait pas avec l’évolution de la maladie, soit qu’il existe un effet
protecteur contre l’aggravation du biais égocentrique. La relation entre troubles moteurs et biais égocentrique
semble complexe : ne pas tenir compte d’autrui est sans doute le résultat d’une interaction entre par exemple
les capacités attentionnelles, émotionnelles et de flexibilité mentale des patients.
Aucune corrélation n’a été montrée entre le biais égocentrique des patients et leurs performances au Trail
Making Task B, qui mesure la flexibilité mentale des sujets testés. Le biais égocentrique des patients MH ne serait
donc pas liée à leur inflexibilité. Si leur performance en mémoire partagée n’est pas influencée par la présence
d’autrui, ce n’est donc pas parce concentrés sur leur tâche, ils ne peuvent alterner entre la représentation de
leur tâche et celle d’autrui.
Le déficit d’attention partagée des patients MH pourrait également être à l’origine de leur biais égocentrique. La corrélation entre ce dernier et les scores des patients au test de barrage de signes permettrait de
mettre en évidence l’existence d’un éventuel lien entre attention partagée et biais égocentrique. Enfin, nous
proposons de réitérer chez des patients MH et des sujets sains l’expérience de mémoire partagée en demandant
cette fois-ci explicitement aux sujets de prêter attention aux actions d’autrui durant la phase de catégorisation à
deux. Si le biais égocentrique des patients MH est lié à leurs déficits en attention partagée, ils devraient obtenir
dans cette expérience les mêmes résultats que ceux présentés dans cette étude.
7.7
Le biais égocentrique : perspectives
Chez l’adulte, il a été montré que les individus dépressifs étaient plus égocentriques que les sujets sains
(Baron & Hanna, 1990). On pourrait donc objecter à notre étude que le biais égocentrique des patients MH
n’est pas spécifique aux maladies neurodégénératives, mais caractéristique des patients atteints de maladie
grave. Un patient souffrant d’une maladie incurable est plus susceptible qu’un sujet sain de développer une
dépression. Par conséquent, il est aussi plus susceptible de se replier sur lui-même et donc de présenter un
comportement égocentré. Le biais égocentrique que nous avons démontré pourrait donc soit avoir une base
neurologique, soit être lié à la dépression engendrée par le diagnostic de la MH. Cependant, les descriptions
des patients MH, comme celles des patients atteints du syndrome d’Asperger, sont souvent différentes de
celles des comportements égocentrés chez le sujet dépressif (Baron & Hanna, 1990), qui relèveraient plus de la
focalisation sur soi que du fait de ne pas tenir compte d’autrui.
Toutefois, nous avons prévu de tester sur l’expérience de mémoire partagée des patients atteints d’arthroses
sévères. Il s”agit là d’une maladie grave non neurologique. Si les patients atteints d’arthroses sévères ne présentent pas de biais égocentrique, nous pourrons écarter l’hypothèse d’un biais égocentrique dû au repli du
patient sur lui-même suite au diagnostic d’une maladie grave et nous intéresserons alors aux bases neurales
du biais égocentrique.
Une adaptation de l’expérience de pointage de de Langavant et al. (2011b) chez les patients MH, ainsi
que le couplage de l’expérience de mémoire partagée à de l’EEG chez les sujets sains et les patients MH nous
40
renseignera sur la capacité des sujets sains à percevoir autrui comme un agent semblable à soi et susceptibles
d’interagir avec eux. Il a en effet été montré que les sujets sains qui pointent un objet pour le montrer à quelqu’un modifient leur référentiel de pointage par rapport à une situation où ils pointent un objet sans qu’il
n’y ait d’interaction avec autrui. Si les patients MH ne perçoivent pas autrui comme un agent social, ils ne
devraient pas présenter ce phénomène d’adaptation du référentiel de pointage à la communication.
Dans ce cas, il serait alors probable que ce soit la représentation d’autrui par les patients MH qui soit
déficitaire. Étudier en imagerie fonctionnelle chez les patients MH l’activation du système connu chez le sujet
sains pour être impliqué dans la représentation des actions d’autrui pourrait nous permettre de clarifier la
question des mécanismes sous-jacents au biais égocentrique.
La MH s’accompagne d’une atteinte primitive du striatum. Or nombreux sont les travaux qui ont montré
le rôle du striatum en cognition sociale. Riling et al. (2002) ont par exemple montré son implication dans la
coopération sociale. Lorsque les sujets sains se montrent coopératifs dans le dilemme du prisonnier, ils présentent une activation du striatum supérieure à celle observée lorsqu’ils prennent des décisions égocentrées.
Le comportement de coopération mutuelle est en effet associé à l’activation du réseau formé par le nucleus
accumbens, le noyau caudé, le cortex orbito-frontal et le cortex ventro-médian. Les auteurs proposent que
l’activation de ce réseau renforce les comportements altruistes et est associée à une diminution des décisions
d’accepter l’aide d’autrui, sans lui offrir la sienne. De même, Izuma et al. (2008) ont montré l’implication du
striatum dans la récompense sociale, à savoir le fait d’être jugé positivement par ses pairs. Les sujets sains
testés devaient répondre à des questionnaires de personnalité, puis se présenter en quelques mots dans une
vidéo. L’expérimentateur leur faisait ensuite croire que leurs résultats aux questionnaires et leur vidéo allaient
être présentés à d’autres sujets qui évalueraient leur personnalité sur la base de ces informations. En réalité, les
évaluations étaient faites par l’expérimentateur et distribuées de telle sorte que tous les sujets aient la même
expérience d’évaluation. Izuma et al. ont ainsi montré une activation du striatum lorsque les sujets recevaient
une évaluation positive, suggérant l’implication du striatum dans la récompense sociale. Ainsi, le striatum
constitue une des régions que nous étudierons en imagerie fonctionnelle dans notre exploration des bases
neurales du biais égocentrique.
Des travaux ont également montré l’implication du sillon temporal supérieur (STS), du cortex pariétal et
du cortex prémoteur – qui constitue un système homologue au système miroir mis en évidence chez le singe
(di Pellegrino et al. , 1992; Fadiga et al. , 2000; Rizzolati & Luppino, 2001) – dans la représentation partagée
d’actions familières chez le sujet sain (Decety & Grezes, 1999; Grezes et al. , 1998, 1999; de Langavant et al. ,
2011b). Or on sait que la MH s’accompagne d’une atteinte du cortex pariétal (Ho & Hocaoglu, 2011; Rosas et al.
, 2008).
Si la représentation de l’action d’autrui chez les patients MH apparaît comme déficiente par rapport aux sujets sains, l’exploration de l’activation de l’aire prémotrice supplémentaire (pre-SMA) constitue une autre piste
à explorer. Dans l’expérience de désignation mise en place par de Langavant et al. chez les sujets sains et décrite ci-dessus, une activation du STS et du pre-SMA a été mise en évidence dans la condition de « désignation
communicative », suggérant que ces régions sont impliquées dans la représentation d’autrui lors de tâches où
il est demandé au sujet de communiquer avec un partenaire. Une étude récente réalisée chez le macaque (Yoshida et al. , 2011) a également mis en évidence dans le pre-SMA l’existence de neurones codant spécifiquement
l’action d’autrui – par opposition aux neurones miroirs qui déchargent à la fois lorsque le singe observe une
action accomplie par autrui et lorsqu’il réalise lui-même cette action. Les auteurs proposent l’hypothèse de
connexions entre le STS et le pre-SMA qui formeraient un réseau impliqué dans la détermination de l’agent
qui réalise l’action observée. Il a en effet été montré que les régions fronto-médiales jouaient un rôle important
41
dans la théorie de l’esprit chez l’humain. Or la capacité à distinguer soi d’autrui est une étape préliminaire
cruciale à tout processus relevant de la théorie de l’esprit (Knoblich & Sebanz, 2006; ?). Pour réussir une interaction sociale, il semble en effet aussi important de se représenter l’action d’autrui comme la sienne propre que
de pouvoir identifier l’agent réalisant l’action. Cette aptitude à distinguer soi de l’autre permet se coordonner
avec autrui, de savoir quand son action s’arrête pour laisser place à celle du partenaire. Une lésion du sillon
temporal supérieur ou du pre-SMA chez les patients MH pourrait donc expliquer un potentiel déficit de la
représentation d’autrui.
Nous garderons toutefois à l’esprit que l’étude de Yoshida et al. , si elle est prometteuse, ne garantit pas
l’existence de neurones dit « neurones-partenaires », à savoir des neurones encodant la nature de l’agent accomplissant l’action. En effet, il est possible que les neurones identifiées dans le pre-SMA ne codent pas pour
la nature de l’agent, mais plutôt pour des associations complexes entre action et condition Burnett & Husain
(2011). Une étude réalisée en imagerie fonctionnelle a en effet mis en évidence cette fonction du pre-SMA (Nachev et al. , 2008). Néanmoins, Il n’en reste pas moins intéressant de comprendre les interactions entre le sillon
temporal supérieur et le pre-SMA, nombreuses étant les études montrant l’implication du sillon temporal supérieur et les régions fronto-médiales dans différents processus propres à la cognition sociale et notamment la
distinction entre soi et autrui (Decety & Lamm, 2007, Amodio and Frith, 2006 ; ). On sait par exemple qu’une
lésion du STS peut mener à des symptômes tels que la perte du sentiment de possession d’un membre (Wise
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47
48
A
Pilote
Un pilote de l’expérience de mémoire partagée a été réalisée chez 6 sujets sains âgés de 22 à 26 ans (m =
23, 7 ± 1.63 ans), avec un niveau d’éducation moyen égal à 16,7 ± 0,516 ans d’étude. Les résultats en rappel
libre sont présentés dans la figure suivante.
Mots
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
Soi
Autrui
Personne
Soi
Condition Seul
Autrui
Personne
Condition à Deux
49
B
B.1
Listes de mots
Phase de test
Catégorie
Exemplaire
Fréquence film
Syllabes
Lettres
Log fréquence film
animaux
cochon
21,67
2
6
1,33585891131982
animaux
tortue
4
2
6
0,602059991327962
animaux
iguane
0,63
2
6
-0,200659450546418
animaux
renard
4,69
2
6
0,671172842715083
animaux
requin
8,15
2
6
0,911157608739977
animaux
taureau
8,37
2
7
0,92272545799326
animaux
castor
2,4
2
6
0,380211241711606
animaux
corbeau
3,57
2
7
0,552668216112193
animaux
brebis
7,02
2
6
0,846337112129805
animaux
panda
1,46
2
5
0,164352855784437
animaux
lézard
4,9
2
6
0,690196080028514
animaux
chameau
7,21
2
7
0,857935264719429
animaux
vipère
3,42
2
6
0,534026106056135
animaux
baleine
11,52
2
7
1,06145247908719
animaux
grenouille
5,74
2
10
0,758911892397974
animaux
panthère
1,84
2
8
0,264817823009536
animaux
koala
0,15
3
5
-0,823908740944319
animaux
écrevisse
0,54
3
animaux
chimpanzé
1,96
3
9
0,292256071356476
animaux
coccinelle
1,15
3
10
0,0606978403536116
animaux
écureuil
5,71
3
8
0,756636108245848
animaux
perroquet
4,39
3
9
0,642464520242121
animaux
cachalot
0,7
3
animaux
hérisson
0,69
3
8
-0,161150909262745
animaux
papillon
8,12
3
8
0,909556029241175
animaux
crocodile
6,14
3
9
0,788168371141168
animaux
lémurien
0,3
3
8
-0,522878745280338
animaux
colibri
0,21
3
7
-0,677780705266081
animaux
scarabée
0,6
3
8
-0,221848749616356
animaux
libellule
1,07
3
9
0,0293837776852097
-0,267606240177031
-0,154901959985743
50
Catégorie
Exemplaire
Fréquence film
Syllabes
Lettres
Log fréquence film
animaux
antilope
2,16
3
8
0,334453751150931
animaux
caribou
0,74
3
7
-0,130768280269024
fruits/légumes
pastèque
2,39
2
8
0,378397900948138
fruits/légumes
melon
4,92
2
5
0,69196510276736
fruits/légumes
groseille
0,29
2
9
-0,537602002101044
fruits/légumes
cassis
0,67
2
6
-0,173925197299174
fruits/légumes
pruneau
0,92
2
7
-0,0362121726544447
fruits/légumes
chataigne
0,55
2
9
-0,259637310505756
fruits/légumes
noisette
0,57
2
8
-0,244125144327509
fruits/légumes
goyave
0,06
2
6
-1,22184874961636
fruits/légumes
endive
0,03
2
6
-1,52287874528034
fruits/légumes
radis
1,81
2
5
0,257678574869184
fruits/légumes
oignon
4,35
2
6
0,638489256954637
fruits/légumes
cresson
0,24
2
7
-0,619788758288394
fruits/légumes
poivron
0,51
2
7
-0,292429823902064
fruits/légumes
olive
2,54
2
5
0,404833716619938
fruits/légumes
rhubarbe
1,56
2
8
0,193124598354462
fruits/légumes
navet
1,25
2
5
0,0969100130080564
fruits/légumes
avocat
89,28
3
6
1,9507541815935
fruits/légumes
mandarine
0,6
3
9
-0,221848749616356
fruits/légumes
pamplemousse
1,56
3
12
0,193124598354462
fruits/légumes
nectarine
0,12
3
9
-0,920818753952375
fruits/légumes
mirabelle
0
3
9
0
fruits/légumes
ananas
2,02
3
6
0,305351369446624
fruits/légumes
aubergine
0,11
3
9
-0,958607314841775
fruits/légumes
brocoli
0,07
3
7
-1,15490195998574
fruits/légumes
artichaut
1,45
3
9
0,161368002234975
fruits/légumes
cornichon
1,29
3
9
0,110589710299249
fruits/légumes
salsifis
0
3
8
0
fruits/légumes
haricot
1,4
3
7
0,146128035678238
51
Catégorie
Exemplaire
Fréquence film
Syllabes
Lettres
Log fréquence film
fruits/légumes
pomelo
0,01
3
6
-2
fruits/légumes
potiron
0,99
3
7
-0,00436480540245009
fruits/légumes
céleri
1,43
3
6
0,155336037465062
fruits/légumes
ciboulette
0,95
3
10
-0,0222763947111523
objets
fourchette
4,98
2
10
0,697229342759718
objets
stylo
15,34
2
5
1,18582535961296
objets
boussole
2,71
2
8
0,432969290874406
objets
tondeuse
1,72
2
8
0,235528446907549
objets
bougie
7,4
2
6
0,869231719730976
objets
brouette
1,1
2
8
0,0413926851582251
objets
compas
1,5
2
6
0,176091259055681
objets
ciseau
0,86
2
6
-0,0655015487564323
objets
carafe
1,02
2
6
0,00860017176191757
objets
bocal
2,73
2
5
0,436162647040756
objets
ballon
27,27
2
6
1,43568513794163
objets
raquette
1,77
2
8
0,247973266361807
objets
tricycle
0,5
2
8
-0,301029995663981
objets
passoire
1,27
2
8
0,103803720955957
objets
cuillère
5,18
2
8
0,714329759745233
objets
panier
13,82
2
6
1,14050804303818
objets
agrafeuse
0,73
3
9
-0,136677139879544
objets
rapporteur
11,4
3
10
1,05690485133647
objets
écouteur
0,37
3
8
-0,431798275933005
objets
domino
0,35
3
6
-0,455931955649724
objets
trampoline
1,17
3
10
0,0681858617461616
objets
entonnoir
0,81
3
9
-0,0915149811213502
objets
portefeuille
16,53
3
12
1,21827285357145
objets
saladier
0,68
3
8
-0,167491087293764
objets
lavabo
2,56
3
6
0,40823996531185
objets
thermomètre
1,37
3
11
0,136720567156407
52
C
Catégorie
Exemplaire
Fréquence film
Syllabes
Lettres
Log fréquence film
objets
éventail
2,82
3
8
0,450249108319361
objets
oreiller
7,93
3
8
0,899273187317604
objets
étagère
3,29
3
7
0,517195897949974
objets
tabouret
2,79
3
8
0,445604203273598
objets
cendrier
3,86
3
8
0,586587304671755
objets
sécateur
0,15
3
8
-0,823908740944319
Phase de choix forcé
Catégorie
Exemplaire
Fréquence film
Syllabes
Lettres
Log fréquence film
animaux
cochon
21,67
2
6
1,33585891131982
animaux
tortue
4
2
6
0,602059991327962
animaux
iguane
0,63
2
6
-0,200659450546418
animaux
renard
4,69
2
6
0,671172842715083
animaux
requin
8,15
2
6
0,911157608739977
animaux
taureau
8,37
2
7
0,92272545799326
animaux
castor
2,4
2
6
0,380211241711606
animaux
corbeau
3,57
2
7
0,552668216112193
animaux
brebis
7,02
2
6
0,846337112129805
animaux
panda
1,46
2
5
0,164352855784437
animaux
lézard
4,9
2
6
0,690196080028514
animaux
chameau
7,21
2
7
0,857935264719429
animaux
vipère
3,42
2
6
0,534026106056135
animaux
baleine
11,52
2
7
1,06145247908719
animaux
grenouille
5,74
2
10
0,758911892397974
animaux
panthère
1,84
2
8
0,264817823009536
animaux
koala
0,15
3
5
-0,823908740944319
animaux
écrevisse
0,54
3
animaux
chimpanzé
1,96
3
9
0,292256071356476
animaux
coccinelle
1,15
3
10
0,0606978403536116
-0,267606240177031
53
Catégorie
Exemplaire
Fréquence film
Syllabes
Lettres
Log fréquence film
animaux
écureuil
5,71
3
8
0,756636108245848
animaux
perroquet
4,39
3
9
0,642464520242121
animaux
cachalot
0,7
3
animaux
hérisson
0,69
3
8
-0,161150909262745
animaux
papillon
8,12
3
8
0,909556029241175
animaux
crocodile
6,14
3
9
0,788168371141168
animaux
lémurien
0,3
3
8
-0,522878745280338
animaux
colibri
0,21
3
7
-0,677780705266081
animaux
scarabée
0,6
3
8
-0,221848749616356
animaux
libellule
1,07
3
9
0,0293837776852097
animaux
antilope
2,16
3
8
0,334453751150931
animaux
caribou
0,74
3
7
-0,130768280269024
fruits/légumes
pastèque
2,39
2
8
0,378397900948138
fruits/légumes
melon
4,92
2
5
0,69196510276736
fruits/légumes
groseille
0,29
2
9
-0,537602002101044
fruits/légumes
cassis
0,67
2
6
-0,173925197299174
fruits/légumes
pruneau
0,92
2
7
-0,0362121726544447
fruits/légumes
chataigne
0,55
2
9
-0,259637310505756
fruits/légumes
noisette
0,57
2
8
-0,244125144327509
fruits/légumes
goyave
0,06
2
6
-1,22184874961636
fruits/légumes
endive
0,03
2
6
-1,52287874528034
fruits/légumes
radis
1,81
2
5
0,257678574869184
fruits/légumes
oignon
4,35
2
6
0,638489256954637
fruits/légumes
cresson
0,24
2
7
-0,619788758288394
fruits/légumes
poivron
0,51
2
7
-0,292429823902064
fruits/légumes
olive
2,54
2
5
0,404833716619938
fruits/légumes
rhubarbe
1,56
2
8
0,193124598354462
fruits/légumes
navet
1,25
2
5
0,0969100130080564
fruits/légumes
avocat
89,28
3
6
1,9507541815935
fruits/légumes
mandarine
0,6
3
9
-0,221848749616356
54
-0,154901959985743
Catégorie
Exemplaire
Fréquence film
Syllabes
Lettres
Log fréquence film
fruits/légumes
pamplemousse
1,56
3
12
0,193124598354462
fruits/légumes
nectarine
0,12
3
9
-0,920818753952375
fruits/légumes
mirabelle
0
3
9
0
fruits/légumes
ananas
2,02
3
6
0,305351369446624
fruits/légumes
aubergine
0,11
3
9
-0,958607314841775
fruits/légumes
brocoli
0,07
3
7
-1,15490195998574
fruits/légumes
artichaut
1,45
3
9
0,161368002234975
fruits/légumes
cornichon
1,29
3
9
0,110589710299249
fruits/légumes
salsifis
0
3
8
0
fruits/légumes
haricot
1,4
3
7
0,146128035678238
fruits/légumes
pomelo
0,01
3
6
-2
fruits/légumes
potiron
0,99
3
7
-0,00436480540245009
fruits/légumes
céleri
1,43
3
6
0,155336037465062
fruits/légumes
ciboulette
0,95
3
10
-0,0222763947111523
objets
fourchette
4,98
2
10
0,697229342759718
objets
stylo
15,34
2
5
1,18582535961296
objets
boussole
2,71
2
8
0,432969290874406
objets
tondeuse
1,72
2
8
0,235528446907549
objets
bougie
7,4
2
6
0,869231719730976
objets
brouette
1,1
2
8
0,0413926851582251
objets
compas
1,5
2
6
0,176091259055681
objets
ciseau
0,86
2
6
-0,0655015487564323
objets
carafe
1,02
2
6
0,00860017176191757
objets
bocal
2,73
2
5
0,436162647040756
objets
ballon
27,27
2
6
1,43568513794163
objets
raquette
1,77
2
8
0,247973266361807
objets
tricycle
0,5
2
8
-0,301029995663981
objets
passoire
1,27
2
8
0,103803720955957
objets
cuillère
5,18
2
8
0,714329759745233
objets
panier
13,82
2
6
1,14050804303818
55
Catégorie
Exemplaire
Fréquence film
Syllabes
Lettres
Log fréquence film
objets
agrafeuse
0,73
3
9
-0,136677139879544
objets
rapporteur
11,4
3
10
1,05690485133647
objets
écouteur
0,37
3
8
-0,431798275933005
objets
domino
0,35
3
6
-0,455931955649724
objets
trampoline
1,17
3
10
0,0681858617461616
objets
entonnoir
0,81
3
9
-0,0915149811213502
objets
portefeuille
16,53
3
12
1,21827285357145
objets
saladier
0,68
3
8
-0,167491087293764
objets
lavabo
2,56
3
6
0,40823996531185
objets
thermomètre
1,37
3
11
0,136720567156407
objets
éventail
2,82
3
8
0,450249108319361
objets
oreiller
7,93
3
8
0,899273187317604
objets
étagère
3,29
3
7
0,517195897949974
objets
tabouret
2,79
3
8
0,445604203273598
objets
cendrier
3,86
3
8
0,586587304671755
objets
sécateur
0,15
3
8
-0,823908740944319
56
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