chapitre 4

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CHAPITRE 4
LE CONSTRUCTIVISME
I. DEFINITION
1) Préambule
Jusqu’à
maintenant
nous
avons
vu
deux
types
d’approches
du
développement:
- le behaviorisme, qui accorde un rôle important aux facteurs de
l’environnement,
- le maturationnisme: qui accorde un rôle prépondérant aux facteurs
endogènes et à la maturation physique.
Ainsi dans ces deux premières approches, l'accent est mis soit sur les
facteurs internes, soit sur les facteurs externes dans l’analyse du
développement.
Toutefois, et comme vous pouvez vous en douter, une opposition aussi
nette entre conditions internes et conditions externes ne peut satisfaire
à l'explication psychologique du sujet en développement. Et nous en
avons vu une illustration déjà au cours du chapitre précédent sur
l’inné/l’acquis.
Le constructivisme a pris son essor en fait en réaction au behaviorisme qui
limitait trop l'apprentissage à l'association stimulus-réponse.
Nous allons continuer en évoquant des théories qui dépassent cette
opposition et qui considèrent ainsi que facteurs internes et facteurs externes
interagissent sur le développement : conception interactionniste.
2) Le constructivisme : caractéristiques
a- Le sujet acteur de son développement
Cette approche met l'accent sur l'activité du sujet pour appréhender les
phénomènes.
La
compréhension
du
monde
s'élabore
à
partir
des
représentations que le sujet a déjà, à partir des connaissances que le sujet a
d’ores et déjà «emmagasinées» dans son vécu.
Et le sujet restructure les nouvelles informations reçues en fonction de
ses propres concepts: c’est le phénomène de restructuration conceptuelle
des informations au regard des connaissances particulières à chaque
personne. Ainsi, les constructivistes supposent que les connaissances de
chaque sujet ne sont pas une simple "copie" de la réalité, mais une
"(re)construction" de celle-ci.
b- Des processus internes
Le constructivisme s'attache à étudier les mécanismes et processus
permettant la construction de la réalité chez les sujets à partir d'éléments déjà
intégrés. Et les processus ici sont intra-individuels. Ici « interne » ne renvoie
pas exclusivement à la maturation.
c- Développement structural
Cette approche constructiviste postule que le développement de
l'enfant est une construction progressive où chaque élément de cette
construction ne devient possible qu'en fonction de l'élément qui le précède.
Les théories conçoivent ainsi le développement comme la construction
d’organisations données ou de structures, c’est pourquoi on parle dans ce
cadre de « développement structural ».
Ces organisations ou ces structures ont une relative stabilité et se
succèdent dans le temps : il y a donc une succession d’étapes ou de stades
de développement.
Enfin, cette construction d’organisations ou de structures concerne
plusieurs domaines de développement : cognitif, affectif ou social.
Maintenant, nous allons relever certaines caractéristiques de l’approche de
Wallon. Pour Piaget et Freud, se référer aux CM du premier semestre et ceux
de psychologie clinique.
II/ WALLON
1) Citation
« Alors que le jeune animal (...) ajuste directement ses réactions aux situations du
monde physique, l’enfant reste des mois et des années sans rien pouvoir satisfaire
de ses désirs, sinon par le moyen d’autrui ». Le « seul instrument » de l’enfant « va
donc être ce qui le met en rapport avec l’entourage, c’est-à-dire (...) ses propres
réactions qui suscitent en autrui des conduites profitables pour lui et les réactions
d’autrui qui annoncent ces conduites ou des conduites contraires ». “Cette action
varie évidemment avec les possibilités organiques de l’être vivant, et c’est la
maturation de son organisme qui permet à l’enfant d’entretenir avec son ambiance
les rapports réciproques qui sont à la base de son existence. Cette ambiance est
pour le petit de l’homme une ambiance sociale” (Wallon, 1959).
2) Les facteurs qui interviennent dans le développement:
- des facteurs internes, d’origine biologique, liés à la maturation organique, et
- des facteurs externes, d’origine sociale, liés à l’entourage humain.
Dans le développement psychique de l’enfant dit Wallon « s’affrontent et s’impliquent
mutuellement des facteurs d’origine biologique et sociale ».
Autrement dit, chez l’enfant, maturation et milieu, facteurs internes et facteurs
externes s’entremêlent dès le début du développement (interactionnisme).
La maturation organique progressive, notamment celle du système nerveux est
absolument nécessaire et indispensable, mais elle n’amène que des possibilités
que le milieu doit actualiser.
C’est le milieu, et notamment le milieu humain, qui sollicite le développement, qui
suscite les apprentissages, cependant qu’aucun apprentissage d’une fonction n’est
possible sans l’intégrité organique et neurologique de la fonction en question.
Wallon écrit: « la constitution biologique de l’enfant à sa naissance ne sera pas la loi
unique de son destin ultérieur. Ses effets peuvent être amplement transformés par
les circonstances sociales de son existence, d’où le choix personnel n’est pas
absent » (1959).
Et Wallon ne s’en tient pas là: si facteurs internes et facteurs externes s’impliquent
mutuellement, et réagissent solidairement, ils le font d’une façon qui elle-même varie.
Autrement dit, l’interaction entre facteurs internes et facteurs externes est ellemême variable au cours du développement.
Cela tient au fait que certaines activités que l’enfant manifeste deviennent à leur
tour facteur de développement d’où « constructivisme ».
En conclusion
Il y a chez Wallon une pluralité causale complexe dans le développement, qui
gouverne un système de stades généraux de la personnalité.
Chez Wallon, à la double détermination de facteurs internes (biologiques,
maturationnels) et externes (social, humain) s’ajoute un 3ème facteur, d’ordre
psychologique, qui interfère avec les deux autres : c’est une causalité plurale
complexe de nature bio-socio-psychologique.
CHAPITRE 5
L’APPROCHE SOCIOCONSTRUCTIVISTE
I/ DEFINITION
C’est une approche qui est centrée plus particulièrement sur le développement de
l’intelligence.
Dans cette approche, la composante constructiviste est conservée, mais l’adjonction
du terme « socio » renvoie à une thèse particulière : l’intelligence a une origine
sociale : l’évolution et la construction des connaissances sont tributaires des formes
culturelles socialement communiquées.
Cette thèse est celle défendue par un psychologue russe : VYGOTSKY.
II LES PROCESSUS MENTAUX SUPERIEURS
Ils se développent à partir de la mise en place de la fonction symbolique, et en
particulier à partir de l’acquisition du langage. Leur développement repose sur trois
principes fondamentaux, totalement interdépendants.
Un premier principe fonde les rapports entre éducation, apprentissage et
développement ;
Le second établit le rôle de la médiation sociale dans les rapports entre
l’individu et son environnement et dans l’activité psychique intra-individuelle
Le troisième concerne le passage de l’interpsychique à l’intrapsychique dans
les situations de communication sociale.
1) Education, apprentissage et développement
Selon Vygotski il n’y a pas de séparation entre psychologie du développement
et éducation. Le développement est une conséquence des apprentissages auxquels
l’enfant est confronté. Il est donc nécessaire de prendre en compte les situations
sociales dans lesquelles se réalisent ces apprentissages.
Les processus constructeurs relèvent de modèles explicatifs ternaires en ce
qui concerne les interactions individu / objet / contexte social. La question centrale
chez V. étant ainsi de déterminer comme le matériel symbolique d’une culture (par
exemple le langage) parvient, à travers l’interaction sociale, à devenir partie
intégrante du répertoire interne de la pensée.
Ainsi, le développement résulte de l’apprentissage ; autrement dit, l’enfant se
développe parce qu’il apprend. Toutes les fonctions psychiques supérieures sont
alors directement issues de rapports sociaux (par transformation de processus
interpersonnels en processus intrapersonnels, cf principe plus loin).
Lorsque l’enfant doit résoudre un problème, certes cela dépend des moyens dont il
dispose étant donné son niveau de développement, mais surtout réussir à résoudre
un problème nécessite de sa part un effort, requiert une activité volontaire qui va lui
permettre de se hausser au dessus de lui-même et d’accéder à un niveau de
développement supérieur. Or, pour y parvenir, l’enfant doit initialement bénéficier de
l’intervention d’un « expert » (parent, enseignant, ou enfant plus avancé ou plus âgé)
qui va le soutenir dans son activité, le soutenir aussi bien d’ailleurs affectivement
qu’intellectuellement : il va lui fournir l’incitation, l’aide appropriée, ajustée à ses
possibilités sans se substituer à son action (ne pas résoudre le problème à sa place).
Et cette relation asymétrique se situe, pour être efficace dans une zone délimitée que
V. a appelée « Zone Proximale de Développement » (ZPD)
Dans la perspective de V., cela signifie aussi qu’il n’y a pas de développement
cognitif possible sans apprentissage et éducation. L’éducation est ici considérée
comme un facteur primordial du développement, dans la mesure où elle permet
d’actualiser des potentialités que l’enfant atteint d’abord avec l’aide d’autrui, puis, à
force d’exercices, tout seul.
2) Nature sociale des processus mentaux supérieurs
Dans la conception développée par V., les fonctions mentales supérieures (comme la
pensée, le langage, le comportement volontaire, la mémoire…) ont un caractère
conscient, dans la mesure où elles peuvent être l’objet d’un contrôle pendant leur
exécution
En outre, ce qui fait, pour Vygotsky, la spécificité de ces activités humaines c’est
d’être
socialement
médiatisées.
C’est-à-dire
qu’elles
sont
instrumentées,
structurées et transformées par des procédures (ou des outils) qui sont élaborées
socialement, comme le langage ou encore comme tous les autres systèmes de
signes servant à représenter des relations entre les objets ou leurs propriétés.
Cette appropriation d’instruments, que sont les outils techniques et les signes, et
qui appartiennent à l’héritage socio-culturel, est ce qui marque essentiellement -et
permet- le passage des activités élémentaires aux activités supérieures.
Cette idée rejoint les conceptions de Hegel et Marx sur le fait que la spécificité
humaine (/à l’animal) consiste dans l’emploi médiateur d’instruments et d’outils de
travail qui, tout en transformant le milieu, transforment l’homme lui-même dans ses
modes d’action et de pensée.
Mais cette médiation par l’outil a 2 incidences sur l’activité elle-même :
- une fonction de transformation: c’est-à-dire qu’elle transforme l’outil, elle
lui donne une autre forme, les modifications opérées évoluent au gré des
transformations de l’outil et aboutissent à créer des outils nouveaux.
- une fonction de représentation ou de signification: c’est-à-dire que l’outil
représente l’activité qu’il transforme, « les activités ne sont plus seulement présentes
dans leur seule exécution. Elles existent (en quelque sorte) indépendamment d’elle
dans les outils qui les représentent et par là-même signifient » (B. Schnewly, 1986).
3) Ontogenèse: passage de l’interpsychique à l’intrapsychique dans les situations de
communication sociale.
Ce troisième principe du développement dans la conception de V. concerne
les processus par lesquels l’individu s’approprie les signes et systèmes de signes
constitutifs de son appareil psychique. Il renvoie donc directement aux processus
impliqués dans l’ontogenèse individuelle.
C’est encore une fois la thèse d’une origine sociale puisque ce sont
initialement des processus interpersonnels qui vont par transformation devenir des
processus intrapersonnels.
Autrement dit, V. défend l’idée d’une sociogenèse des processus supérieurs. Cette
sociogenèse part des conduites langagières dans les situations sociales de
communication. C’est-à-dire que dans ces situations de communication, l’adulte aide
l’enfant en utilisant la parole pour le guider dans ce qu’il fait.
Les mots ont d’abord une fonction générale communicative, c’est-à-dire qu’ils
sont initialement utilisés par l’adulte comme moyen de communication pour réguler
l’interaction et pour réguler le déroulement de l’activité qui est l’objet de l’interaction.
Et c’est à l’occasion de ces situations sociales que l’enfant apprend à utiliser les
signes langagiers d’abord pour agir sur autrui puis pour agir sur lui-même.
Progressivement l’enfant va également s’approprier les significations des mots pour
influencer l’autre, puis pour s’influencer lui-même.
Autrement dit, et selon V., la fonction communicative des signes précède et est à
l’origine de leur fonction intellectuelle. Les signes sont d’abord utilisés dans leur
fonction sociale et communicative (interpersonnelles), avant d’acquérir une fonction
individuelle et intellectuelle (intrapersonnelle).
Ici on aborde un point central de la théorisation de V.: le rôle que V. accorde au
langage dans le développement mental ; rôle beaucoup plus important que Piaget lui
accordait.
On peut dire, d’une manière générale, que le langage (cad le système de signes) est
un instrument qui va permettre de libérer notre pensée et notre attention du champ
perceptif immédiat. C’est le fait de pouvoir disposer de cet instrument qui va en outre
mettre l’espèce humaine à part des autres espèces (animales) vivantes.
Mais plus précisément, selon V., le langage va se développer selon un schéma
général qui est le suivant :
Langage social ÎLangage égocentrique ÎLangage intérieur
C’est-à-dire :
« le langage a d’abord une fonction de communication. Il permet le contact social,
l’interaction sociale et la coordination sociale des comportements ». Mais cette
interaction sociale médiatisée sémiotiquement ne commence pas par les
significations.
La
fonction
du
langage
initialement
est
de
permettre
une
intersubjectivité à propos des objets perceptivement présents, même s’il n’y a pas
d’accord total, entre l’adulte et l’enfant, sur l’interprétation ou la catégorisation de ces
objets.
Ensuite, vers l’âge de 3-4 ans selon V., apparaît le langage égocentrique. Cad que
l’enfant, tout en exécutant seul une activité, l’accompagne de propos qui décrivent
et/ou commentent cette activité, comme s’il dialoguait avec lui-même (« il est où ce
ballon » ; « elle est pas cassée ma voiture » ; etc.). Selon V., l’apparition de ce
« langage égocentrique » est la trace, la manifestation visible de l’extérieur, de
l’apparition d’une nouvelle fonction d’autorégulation ; cad que les formes sociales,
coopératives du comportement langagier commencent à être transférées à la sphère
du fonctionnement psychologique individuel.
Puis vers 7 ans environ, ce langage égocentrique disparaît parce qu’il devient, dit V.,
« souterrain » et constitue le langage « intérieur ».
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