A LUMIÈRE a deux impacts sur l’œil du sujet jeune : première-
ment, un impact délétère par la lumière naturelle dont les effets
multiples seront accumulés au fil des années, enregistrés et poten-
tialisés et pourront accélérer la pathologie ultérieurement. L’œil
devra, de ce fait, être protégé de ces effets néfastes de la lumière
naturelle. Deuxièmement, mal utilisée, la lumière artificielle pourra
rendre difficile la vie quotidienne lors de la scolarité ou du travail sur écran,
entraînant, outre une fatigue visuelle, la possible décompensation de
troubles oculomoteurs latents et, à plus long terme, avoir des répercus-
sions sur le comportement psychique de l’individu et sur sa rentabilité
au travail. Il faudra que l’œil puisse être utilisé de façon optimale en
fonction de la lumière émise et réfléchie et de la qualité de l’éclairage.
Effets néfastes du soleil sur les yeux des sujets jeunes
Les rayons ultraviolets appartiennent au rayonnement solaire invisible.
On les classe en 3 catégories, selon leur longueur d’ondes :
UVC entre 180 et 280 nm
UVB entre 280 et 315 nm
UVA entre 315 et 380 nm.
Les ultraviolets sont les plus dangereux pour les yeux, par comparaison
avec la lumière visible et les infrarouges. Les UVA le sont particulière-
ment puisque, chez l’enfant, ils peuvent pénétrer jusqu’à la rétine, alors
que chez l’adulte, ils sont arrêtés au niveau du cristallin. Les UVB sont
absorbés par le cristallin, tandis que les UVC sont arrêtés en totalité par
l’ozone de l’atmosphère. Seule une petite partie atteindra la cornée.
Á 10 ans, 60 % des UVA et 25 % des UVB atteignent encore la rétine.
Quant aux ultraviolets, ils arriveront à l’œil soit directement, soit par
diffusion ou par réflexion.
Nous sommes sensibles aux rayons directs, contre lesquels nous
savons nous protéger, mais nous sommes moins attentifs aux rayons
L
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Environnement
lumineux et
santé visuelle
de l’enfant
Lors des JNL de Toulouse, en septembre
dernier, Claude Speeg-Schatz, professeur
d’ophtalmologie pédiatrique, a présenté
les dangers du soleil sur les enfants
et leurs exigences visuelles.
L’occasion de rappeler dans ce cahier
technique que l'œil doit être protégé
des effets néfastes de la lumière pour
pouvoir être utilisé de façon optimale.
Un éclairage de qualité améliore en outre
leurs conditions scolaires, moyennant
quelques précautions.
Cahier
TECHNIQUE
JANVIER/FÉVRIER 2009 LUX N° 251 31
CLAUDE
SPEEG-SCHATZ
PROFESSEUR
D’OPHTALMOLOGIE
PÉDIATRIQUE, PUPH
STRASBOURG
diffusés, en particulier par temps couvert, et aux rayons réfléchis par
l’eau, le sable, la neige ou un mur blanc. En effet, l’eau réfléchit 5 à
10 % des ultraviolets, le sable 20 %, la neige 85 %. Il faut noter
qu’en altitude, la quantité d’ultraviolets reçue augmente de 10 %
tous les 1 000 mètres.
Ainsi, avant l’âge de 18 ans, nous recevons 50 % de l’exposition
solaire de toute notre vie. Il faudra donc sensibiliser particulièrement les
enfants âgés de 5 à 10 ans, plus réceptifs.
Les rayons ultraviolets ont des effets d’expression tardive, les cellules
oculaires étant renouvelées en permanence. Cependant les yeux dispo-
sent d’un capital soleil limité : si la dose d’ultraviolets est très impor-
tante, ce capital s’épuisera rapidement. L’œil deviendra vulnérable. Les
autres types de rayonnement, comme les infrarouges, ont des effets
immédiats de chaleur ou de brûlure, exposant ainsi les paupières aux
coups de soleil et, à plus long terme, au risque de mélanome.
Quelques cas de pathologies provoquées
par la lumière naturelle
La photo-kératoconjonctivite aiguë
Elle fait suite à une exposition à la lumière solaire (réflexion du rayon-
nement solaire sur la neige, le sable ou le ciment) ou à une lumière
artificielle, tels l’arc à souder ou la cabine à bronzer… Elle donne lieu
au « coup d’arc » ou ophtalmie des neiges avec larmoiement, rougeur,
douleur intense des yeux, photophobie, impression de sable pouvant
être provoqués par quelques secondes d’exposition aux rayonnements
ultraviolets intenses. Après une période de latence, variant inversement
à la gravité de l’exposition de 6 à 12 heures, le sujet restera invalide
pendant 6 à 24 heures au niveau oculaire, et guérira en 48 heures.
Á long terme et contrairement à la peau, l’appareil visuel deviendra
intolérant à l’exposition répétée aux ultraviolets.
La rétinopathie solaire aiguë
La rétine est 6 fois plus sensible aux ultraviolets qu’aux radiations
visibles comme le bleu, qui léseront plutôt l’épithélium pigmentaire.
Les UVA peuvent ainsi altérer les photorécepteurs.
La rétinopathie survient après observation du soleil (éclipse) ou après une
exposition prolongée à la lumière solaire, sans protection oculaire. Les
sources de lumière artificielle comme l’arc à souder ou le microscope
opératoire au long cours peuvent également endommager la rétine.
La cataracte
Il existe une prévalence élevée des cataractes dans les régions où
l’irradiation en ultraviolets est importante, ce qui est confirmé par les
études chez l’animal et in vivo.
Il s’agit vraisemblablement d’une photo-oxydation d’amino-acides chro-
matiques dont le tryptophane. Chez l’enfant, la conséquence est une
apparition plus précoce (de 5 à 10 ans) de la cataracte.
La dégénérescence maculaire liée à l’âge
L’exposition répétée aux ultraviolets pourrait conduire à la dégénéres-
cence maculaire liée à l’âge, cause fréquente de malvoyance avec
important impact social. L’exposition de la rétine à la lumière entraîne des
réactions inflammatoires aboutissant à la libération de lipides rétiniens.
La lipofuscine, pigment du vieillissement de l’épithélium pigmentaire
rétinien, s’accumule tout au long de la vie et peut être en cause dans
le dysfonctionnement des photorécepteurs et la dégénérescence macu-
laire liée à l’âge.
Les sports d’hiver et d’été, ainsi que les expositions répétées à des
lumières artificielles plus fortes dont certaines contiennent des ultravio-
lets, entraînent une incidence croissante de la dégénérescence macu-
laire liée à l’âge. Dégénérescence pouvant être favorisée par une accu-
mulation successive des doses d’ultraviolets.
Pour limiter le métabolisme oxydatif et afin que les défenses anti-
oxydantes puissent être mises en œuvre lors de l’éclairement de la
macula, les individus doivent se protéger très tôt du soleil par des
lunettes protectrices, port de chapeau, casquette… ce qui permettra de
réduire le risque de plus de 50 % de cette pathologie.
Le mélanome de la choroïde
Cette forme rare de cancer se manifeste par l'apparition de troubles
de la vue de l'œil atteint. Il peut être induit par une exposition solaire
avec une forte corrélation après 20 années d’exposition solaire en
Australie.
Moyens de prévention et de protection oculaire
contre le rayonnement solaire
L’idéal est le port de lunettes équipées de verres avec une coupure de
100 % des ultraviolets. Les verres actuels offrent une coupure à partir
de 445 nm. Dans certaines pathologies comme l’albinisme, on pourra
abaisser ce seuil par un traitement spécifique de la surface du verre.
CahierTECHNIQUE
32 LUX N° 251 JANVIER/FÉVRIER 2009
Le mélanome de la choroïde est l’un des troubles oculaires résultant
d’une radiation ultraviolette sur une longue période.
Les enfants ont des yeux plus perméables à la lumière que les adultes.
Le nourrisson et jusqu’à l’âge de 3 ans, absorbe le rayonnement lumineux
de la cornée jusqu’à la rétine de façon TOTALE.
PHOTO DR
DOC. DR
Concernant la protection contre l’éblouissement, elle peut se faire par
des verres teintés. Il existe 5 classes de teintes selon la norme euro-
péenne, dont les verres de classe 3 ou 4, recommandés en altitude.
Les montures doivent être enveloppantes avec des verres suffisamment
grands. Il est possible de prendre des verres photochromiques (à teinte
variable), car ils protègent en toute circonstance.
Les lentilles, quant à elles, protègent des ultraviolets et de
l’éblouissement, mais elles ne couvrent qu’une partie de l’œil, exposant
toujours les paupières, la sclère (blanc de l’œil) et la cornée.
Les moyens d’action restent individuels, et les adultes ne doivent jamais
laisser un enfant de moins de 2 ans exposé au soleil, en particulier entre
12 et 16 heures, lorsque les risque sont les plus élevés.
Les campagnes de prévention et de dépistage ont contribué à
l’information du public, sachant que la première cible de prévention
primaire doit être les parents, qui peuvent contrôler l’exposition de leur
enfant, chez lequel les lunettes de protection solaire sont recomman-
dées dès le plus jeune âge, mais également servir d’exemple aux
adolescents dont l’exposition est très excessive.
L’éclairage pour l’enfant et l’adolescent
L’appréhension du monde extérieur passant par la vision, celle-ci doit
pouvoir s’exercer correctement par la lumière émise et réfléchie.
L’éclairage devra, d’une part, faciliter l’exécution d’une tâche, ce que
nous appellerons la performance visuelle et, d’autre part, assurer le
bien-être, ce que nous appellerons le confort visuel.
Afin que le confort soit optimal dans le but d’une parfaite efficacité
visuelle, l’œil doit s’accommoder : cela d’autant mieux qu’il est jeune
et développera correctement son acuité visuelle. Celle-ci augmentera
avec l’âge et la lumière. Un bon éclairage artificiel permettra ainsi de
limiter les erreurs, les accidents et les phénomènes de fatigue visuelle.
Le confort visuel nécessite une bonne qualité de la lumière émise par
la source, une uniformité de l’éclairement et un équilibre des lumi-
nances pour éviter les éblouissements. Cet éclairage devra donc être
conçu pour s’adapter à l’enfant dès son plus jeune âge.
L’éclairement devra être horizontal sur le plan de travail afin d’éviter la
fatigue visuelle et les affections de la vue qui peuvent en résulter, en
donnant la priorité à la lumière naturelle et en protégeant contre
l’éblouissement.
Performance visuelle et choix du niveau d’éclairement
NORME EUROPÉENNE D’ÉCLAIRAGE INTÉRIEUR DES LIEUX DE TRAVAIL PRESCRIT
Éclairage moyen pour les enfants jusqu’au secondaire 300 lux
Bureau, dactylographie, bricolage 500 lux
Précision électronique 600 lux
Autoroute éclairée la nuit 20 à 35 lux
Pièce à l’éclairage artificiel 300 à 750 lux
Projecteur de tests (AV) 600 lux
Une rue à Paris à midi en juillet plus de 20 000 lux
Plage et soleil au zénith en juillet 100 000 lux
LAF (lampe à fente pour examen des yeux) plus de 30 000 lux
Pour assurer le confort visuel, il convient donc de choisir le système
d’éclairage (direct, semi-direct, indirect…) les sources lumineuses
(fluo, halogène…), le type de luminaires et leur implantation.
Le nombre, la répartition et le choix des luminaires assurera une unifor-
mité de l’éclairement, 3000 candelas/m2pour les sources lumineuses,
600 cd/m2pour un plafond, un mur, une fenêtre avec un rapport entre
2 luminances voisines inférieur à 50. L’éblouissement peut être direct,
par une luminance trop élevée, un fond trop sombre… et indirect, par
la réflexion de sources lumineuses, par des surfaces brillantes du
pupitre au tableau pouvant amoindrir la perception visuelle, entraîner
une fatigue visuelle et un inconfort. Il faut utiliser les surfaces mates à
l’endroit de la tâche visuelle, des plafonds à luminance élevée et choisir
la couleur.
Ainsi, pour améliorer la lecture, les matières doivent être non ou peu
réfléchissantes pour les livres, idéalement en papier blanc, les tableaux
doivent être foncés mais non brillants sur lesquels on peut écrire à la
craie blanche pour assurer un meilleur contraste. Il faudra, en outre,
éliminer les ombres portées, assurer une position du corps correcte, non
génératrice d’ombres portées, améliorer la position du plan de travail, de
la latéralisation de la main, la position du doigt sur le crayon, etc.
Les chefs d’établissements scolaires assureront l’éclairage des postes
de travail des salles de classe afin d’éviter la fatigue visuelle rendant
difficile la lecture et l’écriture et pouvant influencer négativement la
réussite scolaire, voire à terme, le comportement.
La santé scolaire passera bien sûr par le dépistage des troubles visuels,
leur correction optique optimale et l’éducation des effets néfastes de la
lumière et des effets bénéfiques d’un bon éclairage. Nous insisterons
sur la modération de l’usage des jeux électroniques et des écrans infor-
matiques, qui sollicitent la vision de près et l’accommodation et dont
les technologies LCD apporteront un meilleur confort visuel. La fatigue
visuelle par le travail sur écran est classique, souvent majorée par un
défaut visuel mal corrigé et par l’éblouissement, la durée d’exposition
nécessitant une autodiscipline, des pauses et le recours à des larmes
artificielles.
Il existe une directive européenne aménageant le plan de travail,
s’assurant de la qualité de l’éclairage, de l’emplacement des postes de
travail par rapport aux sources lumineuses, de l’ergonomie des sièges,
de l’adaptation au travail (90/270/CEE).
Ce qu’il faut retenir
La santé visuelle de l’enfant ou de l’adolescent passe par une
meilleure éducation des personnels concernés dans l’éducation des
enfants et par une meilleure éducation des jeunes en matière de
prévention des risques visuels environnementaux et des moyens de
réduire les fatigues visuelles afin d’assurer la meilleure performance
visuelle possible. I
CahierTECHNIQUE
JANVIER/FÉVRIER 2009 LUX N° 251 33
Bibliographie
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Peyresblanques J. « Éclairage – Vision – Lecture ». Colloque Vision et Lecture,
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