AVANT-PROPOS
à Alger en 1927, Martial Solal est assurément l’un des
musiciens qui ont doté le jazz d’une nouvelle identité stylis-
tique, marquée par l’Europe. Il faut voir plus qu’un hasard
dans le fait que la dernière séance d’enregistrement de
Django Reinhardt fut aussi, au printemps de 1953, la pre-
mière pour le pianiste, convié comme accompagnateur du
splendide manouche. Après avoir fait à Alger ses débuts de
musicien professionnel, Martial Solal s’installe à Paris en
1950, et joue dans les clubs de la Capitale où il accompagne la
plupart des musiciens américains de passage. Prix Django
Reinhardt de l’Académie du jazz en 1956, il s’affirme dès 1958
par l’originalité de sa Suite en bémol pour quartette de jazz.
Parallèlement, sa carrière de compositeur de musique de
films commence avec éclat puisqu’il signe la partition de À
bout de souffle. Poursuivant en trio une approche nouvelle des
formes, il fait en 1963 un passage remarqué à New York, pour
le festival de Newport, et revient aux États-Unis l’année sui-
vante. Du solo au big band, Martial Solal aborde, en improvi-
sateur et en compositeur, tous les formats du jazz, et reçoit des
commandes de solistes, d’ensembles de musique contempo-
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raine et d’orchestres symphoniques. Une très belle technique
pianistique, qui suscite très tôt l’admiration, sera par lui jugée
insuffisante: c’est ainsi qu’après une rencontre avec le grand
pédagogue Pierre Sancan, dans les années 70, il reprendra
une étude méthodique de l’instrument jusqu’à atteindre le
but qu’il s’était fixé: jouir d’une pleine liberté d’improvisa-
teur par la conquête de moyens pianistiques qui repoussent à
l’extrême les limites de l’invention instantanée. De nouvelles
visites à New York, en septembre 2001 au Village Vanguard,
puis au Lincoln Center, ont contribué à asseoir définitivement
sa réputation Outre-Atlantique.
Le grand compositeur, musicologue et écrivain André
Hodeir voit en lui un improvisateur sans égal en Europe. Par
sa liberté tonale, son effervescence rythmique faite de rup-
tures, de bifurcations incessantes (mais sans jamais altérer
l’idée même de jazzité), la musique de Martial Solal accomplit
ce qui fut depuis toujours son ambition musicale: doter le jazz
du langage et des œuvres qu’il mérite, à hauteur même de
l’importance de cette musique, qui jamais n’a cessé de se
transformer, depuis que Armstrong, Ellington et quelques
autres lui conféraient ses premiers emblèmes d’excellence.
Grand Prix National de la Musique (1993), Martial Solal a
reçu en 1999 le Jazzpar Prize danois, dont on a coutume de
dire que c’est le « Nobel du jazz ». En 1989, la Ville de Paris a
créé un Concours international de piano jazz Martial Solal, qui
a connu en 2002 sa troisième édition. C’est chez lui, dans sa
maison de Chatou (Yvelines), que Martial Solal nous a accordé
cet entretien, filmé du 3 au 5 décembre 2003. Il y évoque très
largement sa vie, son parcours musical, ses rencontres, sa per-
ception du jazz, de son histoire, et la place de son instrument,
le piano, dans cette large mise en perspective.
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