Comment une étude en ouvert peut
être méthodologiquement acceptable
Lorsque l’étude ne peut être conduite en double
aveugle, plusieurs précautions doivent être prises pour ten-
ter de minimiser les biais potentiels liés à l’absence de
double aveugle, depuis la randomisation jusqu’à l’analyse
statistique.
Minimiser le biais de sélection par
une randomisation imprévisible
Une randomisation imprévisible permet de garantir
que le traitement alloué dont on connaît alors la nature
après randomisation n’influence pas l’inclusion ou la non-
inclusion du patient dans l’étude. La génération de la liste
de randomisation doit être trac¸able, et aléatoire. De plus,
l’utilisation de cette liste doit garantir la non-prévisibilité
du traitement du patient suivant, donc une communication
du traitement alloué patient par patient. Aussi, l’utilisation
d’enveloppes scellées dans un essai en ouvert est inaccep-
table et une randomisation dite à distance ou centralisée
(souvent système IVRS pour interactive voice response sys-
tem) est donc recommandée. En son absence, il est très
facile de favoriser l’attribution d’un des traitements aux
patients les plus sévèrement atteints et d’introduire ainsi un
biais de sélection. De plus, la liste doit être imprévisible, et
l’utilisation de blocs de 4 rend la randomisation prévisible
tous les 2 ou 3 patients inclus et n’est pas recomman-
dée [7]. Il faut alors choisir des blocs de tailles variables
(cf. MT 2003;9:187-91).
Minimiser le biais d’évaluation
Lorsque le double aveugle n’est pas possible, il
convient que le critère de jugement soit le moins pos-
sible sujet à interprétation afin d’éviter l’apparition d’un
biais d’évaluation. Plusieurs solutions peuvent permettre
de limiter le biais d’évaluation dans les études :
•L’idéal réside dans le choix du critère avec soit un
critère objectif mesuré de fac¸on objective (taux de cho-
lestérol), soit un «critère dur »(mortalité), pour lequel la
suspicion de l’événement et son diagnostic sont indiscu-
tables : la mortalité totale permet de parer à ce problème
mais ne résout pas la subjectivité entachant les autres cri-
tères. De plus, l’utilisation de ce critère n’est pas toujours
pertinente : l’évaluation d’un traitement antalgique dans
la douleur de l’arthrose n’aurait pas d’intérêt à porter sur
la mortalité toutes causes.
•Afin de ne pas être influencé par la connaissance
du traitement dans la suspicion des événements, une éva-
luation systématique de tous les patients à un temps t
par le même examen peut être envisagée. C’est le cas
de la plupart des études conduites évaluant un traite-
ment anticoagulant dans la prévention des événements
thromboemboliques veineux en chirurgie orthopédique.
Cependant, ce critère correspond à un critère intermé-
diaire, enregistrant des événements silencieux dont la
pertinence clinique est méconnue, et le résultat pas for-
cément lié à un critère clinique symptomatique [8].
•Le recours à des critères plus ou moins sub-
jectifs dont la mesure pourrait être influencée par la
connaissance du traitement doit être évité mais est par-
fois indispensable ; leur évaluation devra être réalisée en
aveugle du traitement, par un autre médecin que celui qui
assure le traitement et le suivi médical du patient. Cette
évaluation à l’aveugle du traitement peut être réalisée par
un comité d’adjudication indépendant et à l’aveugle du
traitement alloué. C’est ce que l’on appelle les études
PROBE pour Prospective Randomized Open trial with a
Blind Evaluation (tableau 1). C’est la solution qui fut adop-
tée dans l’étude RE-LY étudiée en LCA dans un numéro
précédent (cf. MT 2010 vol 16 : 290-2). En fait, la pro-
bité que donne cette technique à une étude ouverte est
toute relative. Le comité d’adjudication ne peut en effet
que statuer sur les événements signalés et documentés.
L’investigateur, qui travaille en ouvert, peut déclarer ou
ne pas déclarer un événement. Il peut ne pas documenter
des événements qu’il déclare car il doute de leur réalité, en
toute bonne foi, du fait de la connaissance du traitement.
Afin de réduire le doute quant à un biais de détection pos-
sible, il serait bon de vérifier que le taux d’événements
diagnostiqués par rapport à ceux déclarés est identique
dans les 2 bras. Enfin, même en présence d’une déclara-
tion et d’une documentation exhaustives, la validation des
événements en insu ne protège absolument pas contre le
biais de suivi. La conclusion est qu’une étude PROBE est
indispensable lorsque le double aveugle est impossible,
mais qu’elle reste une étude ouverte et que l’absence de
biais n’est pas garantie.
•Quelles que soient les précautions envisagées, per-
sistera toujours dans les études en ouvert le risque d’un
biais de suivi : il est important de vérifier en fin d’étude
que les modalités de suivi ne sont pas trop différentes entre
les deux bras de traitement, notamment concernant les
motifs d’arrêts d’étude, les visites de suivi, les traitements
concomitants.
Analyse statistique en aveugle
ou plan d’analyse statistique défini a priori
L’essai peut être analysé sans avoir connaissance de la
nature des traitements. Les traitements sont identifiés par
un code type «traitement A »et «traitement B »et ce
n’est qu’une fois l’analyse terminée que la nature exacte
des traitements A et B est révélée. Cette procédure évite
une certaine subjectivité dans le choix des analyses statis-
tiques [9]. A ce jour, en dehors des comités de surveillance
indépendants (IDMC pour «independent data monito-
ring board ») où cette procédure est monnaie courante,
mt, vol. 18, n◦1, jan-fév-mars 2012 33
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