ECOLE NATIONALE VETERINAIRE DE LYON Année 2004 - Thèse n° 046 Problématique et perspectives d'utilisation des techniques d'épuration extra-rénale chez le cheval THESE Présentée à l’UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD - LYON I (Médecine - Pharmacie) et soutenue publiquement le 12 mars 2004 pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire par CAHAREL Christine Née le 9 novembre 1976 à Ollioules (VAR) 1 A Monsieur le Professeur CHASSARD, chef du service de réanimation à l’hôpital Hôtel-Dieu de Lyon, qui nous a fait l’honneur d’accepter la présidence de notre jury de thèse. Hommages respectueux. A Madame le Docteur BONNET, de l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon, qui nous a fait l’honneur d’accepter la direction de ce travail. Pour sa disponibilité et son aide. Toute ma gratitude et mes remerciements. Hommages respectueux. A Madame le Docteur BENAMOU-SMITH, de l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon, qui nous a fait l’honneur d’encadrer une partie de la réalisation de ce travail. Hommages respectueux. A Monsieur le Professeur OLMER, président de l’Association pour le Traitement des Urémiques de Provence, ancien chef de service de l’unité de Néphrologie de l’hôpital de la Conception à Marseille, qui nous a fait l’honneur d’accepter d’être membre invité de notre jury. Hommages respectueux. A Monsieur AYOUB, de l’Ecole National Vétérinaire de Lyon, qui a largement contribué à l’élaboration de ce travail pour sa disponibilité et sa gentillesse Hommages respectueux. A toi, qui ne pourra jamais goûter à tous ces moments délicieux de la vie. De là-haut j’espère que tu seras fière de moi. Mais par dessus tout, je souhaite que tes parents puissent ressentir un peu moins la douleur de ta perte en s’imaginant toute la portée de la décision qu’ils ont prise. L’immense respect et gratitude que j’éprouve ne sont rien à côté de la générosité et du courage de tes proches. Que ma vie soit aussi la tienne. A vous mes parents, pour tout l’amour et l’attention que vous portez sur moi. Toi Papa, sans ton obstination et ton aide, les barrières administratives auraient eu raison de ma vocation. Toi Maman, le réconfort que tu m’apportes chaque jour m’aide à avancer dans la vie en dépit des difficultés. A toi Laëtitia, ma sœur, je ne te remercierais jamais assez d’avoir autant pris soin de moi, de m’avoir permis de ne penser qu’à mes études et aujourd’hui, d’être toujours là pour moi. A toi, Olivier, ton amour éclaire chaque jour ma vie et me comble de bonheur depuis le jour où je t’ai rencontré. Au petit bout d’amour prénommé Emilie, le soleil de la famille. A Claudine, je n’oublierai jamais le réconfort que tu m’as apporté et te regretterai toujours. Au Professeur Michel Olmer, qui a su alléger le poids de ce coup du destin par sa compétence, sa disponibilité et son écoute. A toute l’équipe de l’ATUP, pour leur dévouement, leur bonne humeur et leur soutien. A Sébastien, pour sa patience. A la famille Goubet, mamie, Bertrand, tonton Francis, pépé, pour m’avoir transmis cette passion des chevaux. A mes amis, Anne-Laure, Audrey, Caroline, Cathy, Delphine, Deus, Ingrid, Laure, Magali, Sébastien, Séverine… A Mme Geneviève Lombardo, sans qui je n’aurais jamais su ce qu’était réellement un cheval. Table des matières : Lexique :___________________________________________________________________ 4 Introduction : _______________________________________________________________ 5 I- Les techniques d’épuration extra-rénale : ______________________________________ 6 A/ Description des techniques avec circulation extra-corporelle (CEC): ____________ 6 1- Les principes :_________________________________________________________ 7 i. La diffusion : ________________________________________________________ 8 ii. La convection : ______________________________________________________ 9 iii. L’adsorption : _____________________________________________________ 11 2- Les membranes artificielles : ____________________________________________ 11 i. Structure des membranes :_____________________________________________ 12 ii. Les caractéristiques des membranes :____________________________________ 13 iii. La biocompatibilité : ________________________________________________ 15 iv. Le choix d’une membrane en fonction de la technique :_____________________ 19 3- L’hémodialyse : ______________________________________________________ 22 i. Généralités : ________________________________________________________ 22 ii. Le circuit :_________________________________________________________ 23 iii. Les paramètres d’hémodialyse : _______________________________________ 24 iv. L’hémodialyseur : __________________________________________________ 28 v. Les abords vasculaires : ______________________________________________ 32 vi. Les générateurs : ___________________________________________________ 35 vii. Les solutions d’hémodialyse : ________________________________________ 37 4- L’hémofiltration : _____________________________________________________ 39 i. Généralités : ________________________________________________________ 39 ii. Les circuits : _______________________________________________________ 41 iii. Les paramètres de l’hémofiltration : ____________________________________ 42 iv. L’hémodialyseur : __________________________________________________ 43 v. Les abords vasculaires : ______________________________________________ 44 vi. Le générateur : _____________________________________________________ 44 5- L’hémodiafiltration :___________________________________________________ 44 6- Les complications de l’épuration extra-rénale : ______________________________ 45 i. Complications techniques : ____________________________________________ 45 ii. Complications cardio-vasculaires :______________________________________ 45 B/ Description des techniques d’épuration sans CEC :__________________________ 48 1- La dialyse péritonéale :_________________________________________________ 48 i. Le choix : __________________________________________________________ 48 ii. La technique : ______________________________________________________ 48 iii. Les complications : _________________________________________________ 49 2- La fluidothérapie : ____________________________________________________ 50 II- Les champs d’application de l’épuration extra-rénale en médecine humaine : _______ 51 1- L’insuffisance rénale chronique : _________________________________________ 51 i. Manifestation clinique de l’IRC et épuration extra-rénale : ___________________ 51 ii. Les causes de l’IRC : ________________________________________________ 58 2- L’insuffisance rénale aiguë :_____________________________________________ 61 1 i. Définition :_________________________________________________________ 61 ii. Le syndrome urémique aigu : __________________________________________ 61 iii. Causes, mécanismes et lésions rénales de l’IRA :__________________________ 63 3- Application de l’épuration extra-rénale lors de conséquences d’une rhabdomyolyse : 67 i. Pathogénie de la rhabdomyolyse : _______________________________________ 67 ii. L’indication de l’épuration extra-rénale : _________________________________ 69 4- Application de l’épuration extra-rénale lors de conséquences d’un choc cardiogénique : ______________________________________________________________________ 71 5- L’épuration d’un toxique exogène : _______________________________________ 73 i. Toxique : __________________________________________________________ 73 ii. Poison : ___________________________________________________________ 78 6- La surcharge hydrique : ________________________________________________ 80 i. La congestion cardiaque : _____________________________________________ 80 ii. L’œdème aigu du poumon : ___________________________________________ 83 iii. L’ascite __________________________________________________________ 84 7- Le choc septique : _____________________________________________________ 86 i. Description chez l’homme :____________________________________________ 86 ii. Thérapeutique du choc septique: _______________________________________ 90 iii. Discussion sur l’avenir de l’hémofiltration dans le traitement du choc septique : _ 95 III- Les champs d’application possibles de l’épuration extra-rénale chez le cheval : _____ 97 A/ Les applications de la suppléance rénale: __________________________________ 97 1- La physiologie rénale du cheval et ses grands syndromes : _____________________ 97 i. La fonction rénale normale et l’équilibre hydro-électrolytique :________________ 97 ii. L’insuffisance rénale aiguë :__________________________________________ 102 2- Les glomérulonéphrites : ______________________________________________ 109 i. Lésions glomérulaires : ______________________________________________ 109 ii. Etio-pathogénie des glomérulonéphrites: ________________________________ 111 iii. Traitement : ______________________________________________________ 112 3- Les nécroses tubulaires aiguës : _________________________________________ 113 i. Néphrotoxicité due aux antibiotiques : __________________________________ 113 ii. Néphrotoxicité due aux anti-inflammatoires non stéroïdiens :________________ 117 iii. Néphrotoxicité due à la vitamine K3 :__________________________________ 120 4- Les dépôts de substances : _____________________________________________ 120 i. La vitamine D : ____________________________________________________ 121 ii. Les pigments de myoglobine et d’hémoglobine :__________________________ 123 iii. Le mercure :______________________________________________________ 125 iv. L’arsenic : _______________________________________________________ 127 v. Le sélénium :______________________________________________________ 127 vi. Le cadmium : _____________________________________________________ 128 vii. Les oxalates : ____________________________________________________ 128 viii. Les mycotoxines : ________________________________________________ 129 5- Autres pathologies pouvant nécessiter une suppléance rénale par épuration extrarénale: _______________________________________________________________ 130 B/ Rétablissement de l’homéostasie du milieu intérieur : épuration et rééquilibration : _______________________________________________________________________ 131 1- Les toxiques : _______________________________________________________ 131 2- La rhabdomyolyse : __________________________________________________ 133 i. La myopathie d’exercice : ____________________________________________ 134 ii. La dégénérescence musculaire nutritionnelle :____________________________ 136 2 iii. La rhabdomyolyse post-anesthésique : _________________________________ 137 C/ Cas particulier de l’endotoxémie : _______________________________________ 138 1- Définition : _________________________________________________________ 138 2- Pathophysiologie de l’endotoxémie : _____________________________________ 140 i. Le contact muqueux :________________________________________________ 140 ii. Interaction des endotoxines avec les macrophages : _______________________ 140 iii. Liaison des neutrophiles aux cellules endothéliales et activation : ____________ 141 iv. Modification de la perfusion des organes : ______________________________ 142 v. Guérison d’une endotoxémie sans traitement chez certains chevaux :__________ 143 3- Les signes cliniques de l’endotoxémie : ___________________________________ 144 i. Dose modérée d’endotoxines :_________________________________________ 144 ii. Doses plus élevées d’endotoxines : ____________________________________ 144 iii. Les signes clinico-pathologiques :_____________________________________ 145 4- Prévention de l’endotoxémie clinique : ___________________________________ 146 i. La vaccination : ____________________________________________________ 146 ii. La supplémentation diététique : _______________________________________ 146 5- Traitement :_________________________________________________________ 146 i. Soutien de la circulation systémique : ___________________________________ 146 ii. Elimination des causes de l’endotoxémie :_______________________________ 148 iii. Neutralisation des endotoxines circulantes : _____________________________ 148 iv. Inhibition du processus inflammatoire induit par les endotoxines : ___________ 149 6- Perspectives futures de traitement : ______________________________________ 150 D/ Mise en oeuvre des techniques chez le cheval : _____________________________ 151 1- Données expérimentales chez le cheval : __________________________________ 152 2- Contingences techniques : _____________________________________________ 156 3- Matériel et méthodes : ________________________________________________ 157 i. Animaux__________________________________________________________ 157 ii. Matériel__________________________________________________________ 157 iii. Montage du circuit :________________________________________________ 158 iv. Paramètres sanguins :_______________________________________________ 160 v. Protocole : ________________________________________________________ 161 4- Résultats attendus : ___________________________________________________ 162 Conclusion : ______________________________________________________________ 164 BIBLIOGRAPHIE: ________________________________________________________ 165 3 Lexique : AIE = anémie infectieuse équine AINS = anti-inflammatoires non-stéroïdiens β2m = β2 microglobuline CAVH = continuous arterio-venous hemofiltration =hémofiltration continue artérioveineuse CVVH = continuous veno-venous hemofiltration =hémofiltration continue veinoveineuse CVVHD = continuous veno-venous hemodialysis = hémodialyse continue veinoveineuse CEC = circulation extra-corporelle CIVD = coagulation intravasculaire disséminée FNAIR = fédération nationale d’aide aux insuffisants rénaux GM-CSF = facteur de stimulation des colonies de granulocytes et monocytes HTA = hypertension artérielle IEC = Inhibiteur de l’enzyme de conversion IgG = immunoglobuline G Il1 (6, 8, ) = Interleukine 1 (6, 8) IRAF = insuffisance rénale aiguë fonctionnelle IRC = insuffisance rénale chronique Kuf = coefficient d’ultrafiltration LCR = liquide céphalo-rachidien LPS = Lipopolysaccharide LTB4 = leucotriène B4 MBG = membrane basale glomérulaire NIA = néphropathie interstitielle aiguë NTA = nécrose tubulaire aiguë OAP = œdème aiguë des poumons PaCO2 = pression partielle en CO2 PM = poids moléculaire PTH = parathormone PAF = Platelet Activating Factor PAI-A = inhibiteur de type 1 de l’activation du plasminogène PGI2 = Prostacycline PCA = molécule à activité pro-coagulante SC = coefficient de tamisage SCUF-D = slow continuous ultrafiltration and dialysis = Ultrafiltration et dialyse lente continue SHU = syndrome hémolytique et urémique TFPI = Inhibiteur physiologique du facteur tissulaire TF = facteur tissulaire TNFα = Tumor Necrosis Factor α TOM = métabolite de l’oxygène toxique 4 Introduction : Le cheval est prédisposé à des troubles digestifs sévères en raison de son anatomie et du mode de vie qui lui est imposé. En effet, l’enfermement, le stress, l’accès à l’alimentation de façon discontinue, la morphologie de son tube digestif et le volume de son abdomen sont autant de facteurs qui entrent en ligne de compte dans la pathologie des coliques. La gravité de ces troubles nécessite souvent la mise en œuvre de chirurgies très lourdes. Elles débouchent parfois sur un suivi post-opératoire difficile avec de nombreuses complications telles qu’une endotoxémie, une insuffisance rénale aiguë ou une myosite . Depuis quelques années, des techniques d’épuration extra-rénale (hémodialyse, hémofiltration, hémodiafiltration) sont développées en médecine humaine dans les services de soins intensifs. Outre le rétablissement de l’équilibre hydro-électrolytique, ces techniques réduiraient les troubles cardio-vasculaires dus au choc septique grâce à une éventuelle élimination des substances pro-inflammatoires et des endotoxines, responsables du dérèglement de la cascade inflammatoire. En médecine vétérinaire, les thérapeutiques de réanimation médicale se limitent de façon courante à des perfusions et à une médication de « soutien » cardiovasculaire. Au vu des résultats thérapeutiques obtenus dans les centres de soins intensifs humains, l’application de l’hémodialyse chez le cheval nous est apparue intéressante en ce qui concerne différents désordres, en particulier ceux de l’endotoxémie et de l’insuffisance rénale aiguë. Cependant, les enjeux et le contexte financier constituent un réel obstacle à l’étude et au développement de cette technique dont le matériel et les produits utilisés sont peu adaptés à la taille de cet animal. C’est pourquoi nous nous sommes particulièrement attachés ici, à développer les caractéristiques des différentes techniques d’épuration extra-rénale et des biomatériaux utilisés. Ces pré-requis nous permettent d’exposer, dans une deuxième partie, l’ensemble des contextes pathologiques dans lesquels l’épuration extra-rénale est utilisée en médecine humaine, pour enfin connaître toute l’étendue des possibilités d’application de ces techniques en médecine équine et envisager une stratégie d’hémodialyse ainsi qu’un choix de matériel, adaptés au cheval. 5 I- Les techniques d’épuration extra-rénale : L’épuration extra-rénale est un traitement de pointe dans le domaine vétérinaire. Elle exige un personnel bien formé et une maîtrise parfaite de la technique, afin d’obtenir des résultats optimums là où la thérapeutique classique atteint ses limites. Dans le cas de l’hémodialyse, l’hémofiltration ou l’hémodiafiltration, elle nécessite la mise en circulation du sang par l’intermédiaire de pompes. C’est pourquoi on les qualifie de « techniques avec circulation extra-corporelle ». Les « techniques sans circulation extra-corporelle », telles que la dialyse péritonéale, ne sont pas basées sur le même principe. A/ Description des techniques avec circulation extracorporelle (CEC) : L’hémodialyse consiste en l’épuration du sang au travers d’une membrane artificielle. Cette technique met en contact dans le « rein artificiel », ou « dialyseur », le sang du malade à épurer avec une solution de dialyse, ou dialysat, de composition appropriée. Durant la séance, une soustraction volumique peut-être réalisée, on parle alors d’ultrafiltration. D’autres techniques d’épuration extra-rénale avec CEC dérivent de l’hémodialyse : → L’hémodiafiltration utilise les mêmes principes physiques que l’hémodialyse, mais une solution de composition choisie est perfusée tout au long de la séance afin de compenser les pertes dues à l’ultrafiltration qui occupe ici une place importante et par conséquent rend la composante convective tout aussi déterminante que la diffusion dans l’épuration. → L’hémofiltration n’utilise aucun dialysat pour l’élimination des déchets, car la composante convective permet la formation d’un dialysat qui doit être remplacé chez le malade par un liquide de substitution. Quelle que soit la technique, l’épuration du sang repose sur des principes physiques que nous allons évoquer. 6 1- Les principes : Deux milieux (ex : le sang et le dialysat) vont être mis en contact par l’intermédiaire d’une fine membrane semi-perméable perforée de pores ou canaux de diffusion. (cf. Fig.1) Membrane semiperméable Pression positive Dialysat se vide dans l’égout Urée Sodium Sodium Membrane semiperméable bicarbonate Flux du dialysat Flux sanguin du patient Pression négative Ultrafiltration (convection) Solutés aqueux Retour du sang vers le patient Fig.1 : Principe de diffusion et d’ultrafiltration (convection) à travers une membrane semi-perméable, (ELLIOT 2000) Il se créé entre ces deux milieux des gradients de concentration, de pressions osmotique, hydrostatique, et oncotique. Cet ensemble de paramètres, combiné aux propriétés de la membrane et du circuit, va régler des mouvements de solutés et de solvants selon un mode de convection ou de diffusion. L’hémodialyse et l’hémodiafiltration font appel à deux principes physiques de base, la diffusion et la convection, tandis que l’hémofiltration n’utilise principalement que la composante convective de l’épuration extra-rénale. Ces deux types de technique sont cependant entièrement dépendants des caractéristiques intrinsèques 7 de la membrane semi-perméable (« membrane artificielle ») qui constitue le pilier de la réussite du traitement. i. La diffusion : Les mouvements de solutés par diffusion résultent de leur mobilité thermique aléatoire. Un soluté de bas poids moléculaire entre en collision avec la membrane semiperméable de façon aléatoire. Si le soluté rencontre sur cette membrane un pore de taille appropriée, il peut passer de l’autre côté. Un soluté peut aussi bien aller dans un sens que dans un autre. Si la concentration du soluté d’un côté est plus haute que celle du côté opposé, alors les mouvements se feront du côté où le soluté est le plus concentré vers celui où il est le moins concentré, c’est-à-dire dans le sens du gradient de concentration. Si une durée adéquate de mise en présence des deux milieux est permise, alors les concentrations des solutés vont s’égaliser des deux côtés et le gradient est aboli : l’équilibre de filtration est établi. A ce stade il n’y a plus de changements dans les compositions respectives des solutions (VAN STONE et DAUGIRDAS, 1994). Pour empêcher cet équilibre de filtration de se produire, optimiser la diffusion et donc l’épuration, les deux milieux dans la dialyse sont continuellement renouvelés pour maintenir un gradient de diffusion. Le taux de diffusion du soluté est déterminé globalement par le gradient de concentration du soluté, la rapidité des mouvements cinétiques ainsi que la perméabilité de la membrane semi-perméable. Plus le poids moléculaire du soluté est haut, plus les mouvements cinétiques sont faibles, et donc plus lents sont les transports. De petits solutés tels que l’urée (60 daltons) diffusent plus vite que d’autres, plus gros, tels que la créatinine (113 daltons). C’est pourquoi aussi la concentration plasmatique de l’urée décroît plus vite que celle des gros solutés pendant la séance de dialyse (MUJAIL et SCHMIDT, 1995). La perméabilité de la membrane est déterminée par son épaisseur, sa surface effective, ainsi que le nombre, la taille et la forme des pores ou canaux de diffusion. La résistance au transport des solutés est d’autant plus haute que la membrane est épaisse, le nombre de pores faible, et la taille de ceux-ci petite. (COWGILL et ELLIOT, 2000). 8 Etat initial Etat final Force motrice = gradient de concentration Fig. 2 : Transport diffusif des solutés. (MAN et al 1996) Le transfert de masse diffusif d’un soluté par unité de surface de membrane est la résultante de la force promotrice, c’est à dire de la différence de concentration du soluté de part et d’autre de la membrane et de la résistance opposée au transfert par chacun des compartiments à traverser. Dans le cadre de l’hémodialyse, cette résistance équivaut à la somme des résistances du compartiment sanguin (Rs), de la membrane (Rm) et du dialysat (Rd) : Rt = Rs + Rm + Rd (MAN et al, 1996) ii. La convection : Le second mécanisme de mouvement des solutés à travers la membrane est le transport convectif associé à l’ultrafiltration. L’ultrafiltration est l’extraction d’une quantité de liquide à partir d’un autre liquide contenu dans un compartiment. Elle se produit lorsque l’eau est conduite à travers la membrane par une force hydrostatique ou osmotique (HENDERSON, 1989). Le flux se réalise de la solution ayant la plus haute pression hydrostatique vers celle où la pression est plus basse. Les solutés diffusibles dissous dans l’eau sont alors entraînés à travers la membrane par ce drainage. 9 Contrairement au transport par diffusion, le transport par convection ne requiert pas de gradient de concentration à travers la membrane pour acheminer les solutés. Le gradient de pression hydrostatique transmembranaire entre les deux milieux, la perméabilité hydraulique et la surface effective de la membrane déterminent le taux de filtration et le transfert de solutés. Pendant l’hémodialyse, la pompe à sang génère une pression positive dans le compartiment sanguin et une autre pompe (dite « à vide ») crée une pression négative dans le compartiment du dialysat (ou de l’ultrafiltrat dans le cas de l’hémofiltration). L’ultrafiltration est donc contrôlée par l’ajustement de la pression transmembranaire, soit en modifiant la pression positive du compartiment sanguin, soit en jouant sur la pression négative du compartiment de l’ultrafiltrat ou dialysat. Etat initial Etat Final Force motrice = gradient de pression hydrostatique Fig. 3 : Le transport convectif de l’eau et des solutés. (MAN et al, 1996) La perméabilité à l’eau de la membrane artificielle dépend de son épaisseur et de la taille de ses pores. La perméabilité hydraulique de l’hémodialyseur est mesurée par le coefficient d’ultrafiltration, Kuf, défini par le nombre de millilitres de fluides transférés par heure à travers le dialyseur et par mm Hg de pression transmembranaire (équivalant à la pente de la courbe définissant le taux d’ultrafiltration en fonction de la pression transmembranaire entre deux compartiments). Un minimum de pression transmembranaire de 25 mm Hg est requis pour que l’ultrafiltration se produise car la pression oncotique des protéines plasmatiques favorise la réabsorption dans le sens inverse (ultrafiltration vers le sang), appelée rétrofiltration. 10 Le transport par convection peut devenir une contribution significative au transport par diffusion, spécialement dans l’élimination des molécules de haut poids moléculaire lorsque l’on utilise des membranes hautement perméables (COWGILL et ELLIOT, 2000). En effet, il devient le mécanisme central dans l’utilisation de l’épuration extra-rénale par la technique de l’hémofiltration. iii. L’adsorption : L’adsorption de molécules sur la membrane de dialyse est un mécanisme présent quelle que soit la méthode utilisée, mais qui s’accentue avec la variation de certains paramètres de dialyse et selon les membranes utilisées. Les protéines telles que l’albumine, les IgG, le fibrinogène, la β2-microglobuline dont l’intérêt est majeur dans la réduction de l’amyloïdose induite par l’hémodialyse, les fragments de compléments activés (C1q, C3, C5), le lysozyme, le cytochrome C, la PTH (son fragment carboxyterminal et l’hormone elle-même) et les cytokines telles que l’IL1 et le TNFα peuvent dans une certaine mesure, être adsorbées. L’adsorption des protéines est une propriété exclusive des membranes hydrophobes. (MAN et al, 1996) Ainsi, l’adsorption du facteur D, protéine enzymatique responsable de l’activation de la voie alterne de l’activation du complément, a pu être mise en évidence, de même que le blocage de l’expression de cytokines (Il1β, Il 6 et TNFα) que cette adsorption entraînait (PASCUAL et al, 1996) grâce à l’utilisation de membranes hydrophobes. De cette façon, on réduit l’incidence des réactions d’hypersensibilité responsables des problèmes de biocompatibilité membranaires (cf.2-iii-). Les caractéristiques des membranes sont susceptibles de modifier les principes physiques de la dialyse. 2- Les membranes artificielles : Les membranes semi-perméables vont être utilisées dans différents types de circuits, privilégiant un mode de transport des solutés par rapport à un autre. C’est pourquoi la connaissance des caractéristiques des membranes est fondamentale pour le choix d’un dialyseur adapté aux objectifs du traitement dialytique. Elle nous 11 permettra ultérieurement d’effectuer une sélection du dialyseur dans la mise au point de la technique chez le cheval. i. Structure des membranes : Les membranes peuvent être d’origine naturelle comme la cellulose, ou artificielle comme des fibres textiles synthétisées à partir de produits dérivés de l’industrie pétrochimique. Dans les deux cas, elles sont conçues pour se rapprocher le plus possible des caractéristiques de perméabilité de la membrane basale glomérulaire. Leur structure de base se compose d’une large variété de polymères et de copolymères. Dans les membranes naturelles de cellulose hydrophiles on trouve : → la cellulose régénérée non-substituée ex : le Cuprophan® → la cellulose régénérée substituée ex : l’Hémophan®, le Diaphan® → l’acétate de cellulose ex : CA® → le tri-acétate de cellulose ex : Tricea®, CTA® Dans les membranes polymériques synthétiques, on trouve : • les membranes hydrophiles → le polyétherpolycarbonate → le copolymère d’éthylvinyl-alcool ex : EVAL® • les membranes hydrophobes → le polysulfone ex : PS® → le polyamide ex : PA® → le polyméthylméthacrylate ex : PMMA® → le polyacrylonitrile ex : PAN® → le copolymère d’acrylonitrile et de méthallylsulfonate de sodium ex : AN69® Les membranes hydrophobes présentent la propriété d’adsorber les protéines et possèdent la porosité et le coefficient d’ultrafiltration les plus élevés (MAN et al, 1996). 12 Les canaux de diffusion sont présents sur toute la membrane et sont en moyenne d’une dimension de 50Å. Ils laissent passer facilement les molécules de moins de 300 Daltons comme l’urée (60 Daltons) et la créatinine (113 Daltons). Pour les autres molécules, de poids moléculaire compris entre 300 et 5000 daltons, telles que les hormones peptidiques ou l’inuline, le transfert est possible de façon plus ou moins lente en fonction des techniques et paramètres utilisés pour optimiser ce passage. Les molécules de taille supérieure à 10 000 daltons ne passent plus du tout. Les bactéries et cellules, sauf endommagement de la membrane, sont trop grosses pour passer. En revanche, les vitamines de faible poids moléculaire sont perdues pour le patient au cours de la séance de dialyse car elles ne peuvent être incluses dans le bain de dialyse : le patient est donc supplémenté per os (CORNET, 1998). Dans cette même perspective de préserver ou plutôt de compenser les pertes issues de l’hémodialyse, les membranes de dialyse ne sont plus considérées comme de simples barrières semi-perméables pour l’eau et les solutés, mais comme des interfaces importantes avec le sang du patient. La possibilité de lier de multiples molécules (vitamines C, E, héparine…) à la surface interne des membranes représente une innovation intéressante pour le maintien de l’équilibre du patient, pendant la dialyse (cf.A-2-c- La biocompatibilité) et entre les séances (RONCO et al, 2000). ii. Les caractéristiques des membranes : La perméabilité hydraulique des membranes constitue la principale caractéristique à considérer pour juger de leur utilisation. La résistance à la diffusion des solutés, le coefficient de perméabilité hydraulique (Kf) et le coefficient de tamisage (SC) doivent se rapprocher le plus possible des valeurs de la membrane basale glomérulaire du rein pour avoir la plus haute perméabilité (cf. fig. 4). 13 Fig. 4 : Coefficients de tamisage comparés des membranes de faible perméabilité (MFP) et de haute perméabilité (MHP) et de la membrane basale glomérulaire naturelle (MBG) (MAN et al, 1996). Avec les membranes à haute perméabilité, l’augmentation de la perméabilité membranaire est proportionnellement plus forte pour les solutés de haut poids moléculaire que pour ceux de faible poids moléculaire. Le tableau 1 référence les paramètres des principales membranes existant en ce moment sur le marché. On peut noter la différence de perméabilité hydraulique lorsque l’on considère une solution protéique par rapport à une solution aqueuse. Cette diminution importante est due aux interactions des protéines avec la surface des membranes, se matérialisant par une diminution des transferts de solutés lors de l’utilisation in vivo. 14 Tableau 1 : Perméabilité hydraulique et coefficients de tamisage de diverses membranes de dialyse. Les caractéristiques correspondantes de la membrane basale glomérulaire (MBG) sont indiquées à titre de comparaison (MAN et al, 1996). iii. La biocompatibilité : L’étude de la biocompatibilité des membranes revêt un caractère fondamental pour la réalisation optimale de l’épuration extra-rénale. En effet, une série de réactions provoquées par le contact sang/membrane artificielle peut entraîner de lourdes conséquences sur le bénéfice de la technique, voire même mettre en péril le devenir du patient traité (PASCUAL et al, 1996), aussi bien dans l’insuffisance rénale aiguë que dans l’insuffisance rénale chronique. 15 Contact du sang avec la membrane de dialyse Adhésion des cellules au biomatériel Adsorption des protéines plasmatiques sur le biomatériel Activation et altération des protéines Activation et altération des cellules Libération de substances intracellulaires Effets cliniques Fig. 5 : Effets multiples du contact entre le sang et les membranes de dialyse (MAN et al, 1996) On différencie une action directe sur la composition du sang (activation du complément et des facteurs de coagulation), d’une action indirecte à long terme (MAN et al, 1996) : - L’activation du complément : La mise en jeu de la voie alterne de la cascade de l’immunité après contact sang/membranes fait apparaître des composés C3a, C5a, et C5b-9 pour la formation du complexe d’attaque membranaire. Cette activation est dépendante de la présence de groupements hydroxyles sur la surface des membranes. C’est pourquoi les membranes cellulosiques non-substituées (riches en groupements hydroxyles) sont dites bioincompatibles, alors que celles qui sont substituées telles que l’Hémophan®, le Diaphan® ou encore l’acétate et le 16 triacétate de cellulose provoquent une moindre activation du complément en raison de la substitution au niveau du radical hydroxyle. L’activation la plus faible est observée pour les membranes synthétiques pour lesquelles les groupes hydroxyles sont absents. Le fragment C5a est un agent puissant capable d’induire une anaphylaxie. Cette réaction peut débuter en 10 à 15 minutes et durer jusqu’à 90 minutes après le début de la dialyse, en cas d’utilisation de membranes bioincompatibles. Elle entraîne une neutropénie profonde mais transitoire résultant de la séquestration des neutrophiles dans le lit vasculaire pulmonaire. → L’héparine, l’oxyde d’éthylène utilisé lors de la stérilisation, l’acétate du dialysat ainsi que les endotoxines, présentes parfois dans le sang à partir du dialysat contaminé, peuvent aussi induire une activation du complément : → Des radicaux oxygénés libres et des protéases provenant des neutrophiles activés, ainsi que des cytokines pro-inflammatoires (Il1β, Il6, et TNFα) résultant de l’activation des monocytes pourraient provoquer des lésions endothéliales. → L’activité phagocytaire des polynucléaires neutrophiles est altérée, du fait de la diminution de leurs récepteurs pour les opsonines et de leurs molécules d’adhésion, tandis que l’inactivation de leurs oxydases réduit leur capacité bactéricide. → L’histamine et les leucotriènes résultant de l’activation des basophiles peuvent entraîner une bronchoconstriction et une vasodilatation, avec augmentation de la perméabilité veineuse. → L’Il1β et le TNFα synthétisés et sécrétés par les monocytes activés peuvent entraîner fièvre et hypotension. L’atout majeur des membranes récentes n’est pas seulement la réduction de ces phénomènes par la chute en anaphylatoxines produites, mais la capacité de ces membranes, nous l’avons vu précédemment, à fixer par adsorption ces molécules et même à les éliminer par dialyse. 17 - Activation des facteurs de coagulation : Elle se réalise grâce à la réaction des surfaces chargées négativement sur diverses molécules telles que le facteur XII (Hageman) et donc précisément lorsque le pH du liquide de rinçage initial du circuit sanguin est inférieur à 7,4. L’utilisation des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) par les dialysés majore le problème en raison de l’augmentation des concentrations sanguines en bradykinines chez ces patients (cf. fig.5). On comprend que les patients traités par ces IEC puissent déclencher des réactions d’hypersensibilité même avec des membranes dites « biocompatibles » (ex : PAN ou AN69), (SCHULMAN G. et al, 1993). autoactivation Kininogène de haut PM XII XIIa Surface et charges négatives Bradykinine Enzyme de conversion ⊝ IEC Kallicréine Prékallicréine autoactivation Peptide inactif Fig.6 : Mécanisme des réactions anaphylactiques induites par les membranes chargées négativement chez les patients traités par les IEC (MAN et al, 1996). Ces types de réaction peuvent prendre la forme de véritables réactions anaphylactiques aiguës qui peuvent être très sévères (arrêt cardio-respiratoire) et commencer dès les cinq premières minutes de dialyse. C’est le « syndrome de 1ère utilisation ». Ce phénomène s’atténue lors de la réutilisation des membranes cellulosiques, c’est pourquoi on effectue par prévention un rinçage des dialyseurs avec deux à trois 18 litres de liquide de rinçage pour soustraire les composés toxiques. Si c’est le produit de stérilisation, l’oxyde d’éthylène, qui est en cause, il faut utiliser des dialyseurs stérilisés selon une autre technique (stérilisation par rayon gamma ou par vapeur). Si c’est une interférence entre une membrane chargée négativement et la prise d’IEC, il convient de cesser la prise d’IEC ou de changer le mode d’amorçage du dialyseur. Si les endotoxines sont en jeu, il convient de vérifier la qualité du traitement de l’eau. - Action à long terme de la bioincompatibilité : Elle entraîne un état inflammatoire chronique se traduisant par une sécrétion excessive de cytokines pro-inflammatoires, suivie par une amylose à β2microglobuline (β2-m). Les monocytes activés par les membranes cellulosiques non substituées vont libérer ces β2-m, en même temps que la libération de radicaux oxygénés libres et de protéases qui favorisent la formation de fibrilles de β2-m. L’amylose à β2-m est donc issue à la fois d’une augmentation de synthèse, d’un défaut d’extraction et de conditions favorisant l’altération structurelle de la β2-microglobuline. Du fait de l’altération de leurs propriétés de chimiotactisme et d’adhérence, une diminution de la capacité des polynucléaires à répondre à des stimuli phagocytaires se produit également par cet état inflammatoire chronique. De plus, les membranes bioincompatibles stimuleraient à long terme le catabolisme protéique par l’intermédiaire de l’action délétère des cytokines contre les cellules musculaires provenant des monocytes activés. Elles contribueraient également à la malnutrition du dialysé. iv. Le choix d’une membrane en fonction de la technique : - La perméabilité : Les membranes à basse perméabilité sont généralement employées dans les traitements reposant essentiellement sur la diffusion, c’est à dire dans l’hémodialyse. Les coefficients de perméabilité pour l’eau sont alors compris entre 4 et 8 19 mL/h/mmHg. Avec ces membranes, le procédé de diffusion est optimisé pour les petites molécules. Cette optimisation est réalisée par la réduction de l’épaisseur des fibres et grâce au système à contre-courant des circuits. Ces mêmes membranes peuvent être utilisées avec des débits sanguins élevés pour une plus grande efficacité mais à condition d’augmenter la surface membranaire au dessus de 2m². Les membranes à haute perméabilité ont un Kuf supérieur à 20 mL/h/mmHg et une plus grande porosité, ce qui se traduit par un coefficient de tamisage plus important pour les gros solutés. Ces membranes sont originellement crées pour des traitements purement convectifs tels que l’hémofiltration. A la base, elles sont asymétriques, hydrophobes et plutôt épaisses (entre 50 et 100 µm). La large épaisseur de ces membranes rend difficile leur utilisation dans les procédés basés sur la diffusion. En revanche, le développement de nouvelles membranes synthétiques avec une épaisseur réduite, une nature à la fois hydrophobe et hydrophile, et une structure homogène telle que le polyméthylméthacrylate, le polyacrylonitrile, la polysulfone et le polyamide des dernières générations, permet une utilisation de membranes hautement perméables dans des traitements combinant la diffusion et la convection (l’hémodiafiltration) (RONCO et al, 2000). Le choix de la membrane pour les techniques d’hémofiltration peut se baser sur des paramètres définis par les objectifs propres à chaque patient (SIGLER et MANNS, 1996) : • la pression trans-membranaire qu’il est possible d’établir, soit (∆P – ∆ π) différence entre la pression hydrostatique (∆P ) et la pression osmotique (∆ π) • le débit d’ultrafiltration envisagé, fonction des concentrations en solutés à éliminer (Qf) • le temps de la séance • le coefficient d’ultrafiltration (dépendant de la perméabilité hydraulique de la membrane) = Kuf = Qf / (A x (∆P – ∆ π)) avec A = la surface du dialyseur (MAN et al, 1996) 20 - La durée de vie et les performances : Dans une étude de comparaison des différentes membranes (SIGLER et MANNS, 1996), la clairance de l’urée est étudiée d’après les données expérimentales. De façon générale, à 30mL/ min de débit pour la pompe à dialysat et 100mL/min pour le débit de la pompe à sang, toutes les membranes semblent équivalentes concernant la clairance et la saturation maximale du dialysat. Cependant, au-dessous de 30mL/min (et c’est le cas dans les techniques dites « lentes »), des variations se font ressentir dans les capacités des membranes à saturer le dialysat en urée. Les membranes de type polyamide sont une exception aux bonnes capacités générales de diffusion des membranes de l’étude de SIGLER et MANNS. Elles ont une clairance aux petites molécules faibles en méthode continue avec pourtant des débits pour le dialysat de 25mL/min. Avec des membranes telles que l’AN69® la clairance peut être augmentée avec des débits de pompe à dialysat plus importants ce qui est le cas dans les méthodes intermittentes. Des membranes telles que AN69®, cuprophane, polysulfone, acétate de cellulose ont des coefficients d’ultrafiltration et de perméabilité suffisants pour autoriser à la fois une bonne diffusion et une bonne ultrafiltration dans les circuits utilisant des pompes . Cela offre la possibilité d’avoir des clairances par cumul élevées et pour des molécules de taille plus importante. Elles seront intéressantes dans l’hémofiltration à visée « éliminatoire ». - Le coût : En dépit des avantages des membranes synthétiques, les hémodialyseurs cellulosiques restent très utilisées en médecine vétérinaire en raison de leur coût avantageux et leurs caractéristiques pour l’élimination des solutés ainsi que pour l’ultrafiltration. Les membranes telles que l’Hémophan® permettent, en plus de cela, une diminution des doses d’héparine, indispensables à la réalisation d’une circulation extra-corporelle sans problème de coagulation, et une meilleure biocompatibilité par rapport aux autres membranes cellulosiques. Leurs performances sont aujourd’hui très comparables à beaucoup de membranes synthétiques polymériques (LUCCHI et 21 al, 1989). En médecine vétérinaire la prise en compte du coût est fondamentale ; c’est pourquoi il faut dans le choix du dialyseur considérer le rapport qualité-prix. 3- L’hémodialyse : i. Généralités : L’hémodialyse utilise le principe de diffusion et donc s’applique de façon la plus appropriée à la correction du déséquilibre homéostatique provoqué par l’insuffisance rénale. On recherche surtout une bonne clairance des petites molécules telles que l’urée et la créatinine. Elle peut intervenir dans la thérapeutique de l’insuffisance rénale aiguë (IRA) ainsi que dans le traitement de l’insuffisance rénale chronique (IRC). En médecine vétérinaire c’est surtout en soin intensif, et donc en IRA, qu’elle est rapportée dans la littérature européenne. Cependant, aux USA des centres de traitement d’insuffisance rénale chronique par hémodialyse intermittente fonctionnent déjà de façon courante en pratique canine (ELLIOT, 2000). En médecine humaine, la mise en œuvre de l’hémodialyse lors de l’insuffisance rénale chronique au stade terminal nécessite de créer un accès pérenne au courant sanguin pour la réalisation d’une circulation extracorporelle et d’effectuer de façon régulière des séances (3 par semaine en général). La durée des séances dépend de l’état hémodynamique du patient (âge, pathologies associées), de ses besoins métaboliques (régime diététique suivi ou non) et des performances des techniques utilisées : des dialyses courtes à haute efficacité de 4 heures s’opposent aux dialyses longues ou douces de 8 à 12 heures. Dans l’IRC canine, lorsque le traitement diététique ne suffit plus et que la concentration sérique en créatinine dépasse 60mg/L et celle en urée 0,9 g/L, la mise en place de séances d’hémodialyse intermittente (2 à 3 fois par semaines) diminue l’intoxication urémique, l’hypertension, et les déséquilibres hydriques, acido-basiques, et électrolytiques. Cela est en général réalisé jusqu’à ce que les propriétaires finissent par accepter le stade terminal de leur animal domestique (ELLIOT, 2000). La question aujourd’hui se pose surtout sur le mode d’hémodialyse à utiliser, intermittente ou continue qui soit le plus adapté possible. 22 En effet, les enjeux sont différents lors du traitement d’une IRC et d’une IRA. L’IRC évolue progressivement avec une adaptation de l’organisme. Ainsi, la prise en compte des paramètres de l’hémodialyse aura pour but de rendre possible de multiples séances offrant un allongement maximal de l’espérance de vie. L’IRA impose la réalisation de soins intensifs visant à corriger les désordres mettant en danger de façon immédiate la vie du patient pendant les 24 premières heures. Dans ce cas, l’hémodialyse, outre le rétablissement de l’homéostasie, permet également la survie le temps que le rein recouvre ses fonctions ; elle réduit l’incidence des désordres métaboliques engendrés sur les autres organes. Le choix de l’hémodialyse continue s’avère alors se rapprocher le plus possible des caractéristiques physiologiques du rein : la correction plus douce des déséquilibres entraîne moins de troubles organiques tels que l’hypotension ou l’œdème cérébral chez un patient déjà instable (BELLOMO et RONCO, 1996). ii. Le circuit : Il est identique dans l’hémodialyse intermittente et dans l’hémodialyse continue appelée aussi Ultrafiltration Continue Lente avec Dialyse (SCUF-D = Slow Continuous Ultrafiltration and Dialysis). Il se compose d’une ligne artérielle branchée par l’intermédiaire d’un dispositif d’accès vasculaire à l’artère du patient. Sur cette ligne est installé divers accessoires permettant d’avoir une sécurité maximale dans le dispositif à savoir le moniteur de pression et le piège à bulle. La pompe à sang permet l’établissement de la pression transmembranaire adéquate. Le générateur comprend tout ce qui permet la fabrication du dialysat, la maîtrise et la surveillance de l’ultrafiltration. Le circuit se compose également d’une ligne veineuse sur laquelle se trouve un détecteur de mousse et de niveau reliés à un moniteur de pression afin d’éviter tout accident vasculaire. 23 Fig. 7 : Diagramme du circuit sanguin (à gauche) et du circuit du dialysat (à droite) avec indication des dispositifs de surveillance et de régulation correspondants (MAN et al, 1996) iii. Les paramètres d’hémodialyse : Les débits des pompes à sang et à dialysat : Ils sont importants car ce sont eux qui permettent d’atteindre les objectifs de l’hémodialyse. 24 Ils comprennent tout d’abord les débits des pompes utilisées, aussi bien celles situées sur le circuit extra-corporel que celles qui règlent la vitesse du dialysat. En médecine vétérinaire, l’usage restrictif de l’épuration extra-rénale aux soins intensifs fait que nous développerons plus particulièrement les paramètres de l’hémodialyse continue beaucoup plus efficace dans ce contexte thérapeutique. Ainsi, l’objectif étant de permettre une clairance suffisante des molécules de bas poids moléculaire (telles que l’urée et la créatinine), on réglera les débits des pompes à sang et des pompes à dialysat pour que la diffusion au niveau des membranes se fasse correctement et pour un grand volume de sang : on utilisera des membranes aux propriétés de diffusion maximale et des vitesses de pompes à sang modérée pour ne pas induire de trop brusques changements de concentrations en urée et créatinine . Dans les cas d’hémodialyses isovolémiques continues (BELLOMO, 1996), les pompes à sang sont réglées selon les préférences dictées par la clinique (pouvant aller de 100 à 150 mL/min en humaine soit 1,5 à 2,2 mL/kg/min) et les pompes à dialysat réglées à des débits équivalents ou plus bas (aux alentours de 15 mL/min soit 0,2 mL/kg/min), offrant de meilleures conditions d’opération pour permettre une saturation complète du dialysat par les solutés sanguins (SIGLER et MANNS, 1996). Cette situation est inverse dans le cas de l’hémodialyse intermittente, des débits plus importants permettront une clairance supérieure car la durée de la séance sera réduite (RONCO, 2000). Dans les cas de patients à métabolisme catabolique élevé, la clairance de l’urée peut être augmentée en établissant des débits supérieurs de dialysat (30 à 33mL/min). Dans ce cas, le choix de la membrane du dialyseur doit alors être judicieux (cf. 2-iv-). Si une composante convective veut être rajoutée pour permettre en plus l’élimination de fluides ou rendre possible une clairance d’autres types de molécules à poids moléculaire (PM) plus élevé, on mettra en place une ultrafiltration lente avec dialyse (SCUF-D) grâce à un réglage du débit de la pompe d’entrée du dialyseur inférieur au débit de sortie, pour établir une balance de fluide négative (les flux de dialysat et de sang à contre-courant) (BELLOMO, 1996). 25 La durée de vie de l’hémodialyseur La durée des séances d’hémodialyse dites « continues» dépend avant tout de la durée de vie de l’hémodialyseur qui semble subir des phénomènes de coagulation des fibres. Ceci est perçu comme une propriété intrinsèque de l’hémodialyseur puisque lors d’expérience in vitro sans protéine, ni sang, une chute de la perméabilité se produit au-delà de 23h (SIGLER et MANNS, 1996). Les membranes de type polysulfone ou acétate de cellulose semblent maintenir une bonne perméabilité au bout de 45h. La durée de la séance Dans les cas d’hémodialyses intermittentes, les paramètres sont différents, avec comme contrainte de rétablir un équilibre homéostasique dans un délai plus court. Pour cela, les débits sanguins pourront être faibles à élevés mais les débits des pompes à dialysat devront être supérieurs à ceux des pompes à sang : un débit de dialysat de 500 mL/min pour une pompe à sang réglé à 150 mL/min est utilisé par exemple dans le traitement de l’IRA (VAN BOMMEL, 1995). Une adaptation des réglages pourra être effectuée selon le taux d’urée à éliminer ou l’urgence d’un retour à l’équilibre homéostasique (ELLIOT, 2000). Application de l’adaptation des paramètres d’hémodialyse chez le chien Par exemple, en hémodialyse chez des chiens d’une moyenne de 10kg, les débits et la durée seront réglés comme dans le tableau ci-dessous. En prenant en compte un nombre de séances par semaine égal à 3 et un taux d’urée donné avant dialyse, on pourra envisager un réglage des paramètres d’hémodialyse plus affiné. En raison de la chute brutale des concentrations en urée et autres solutés qui bouleversent l’organisme et peuvent entraîner des réactions de déséquilibre, il faut entreprendre de façon prudente les premières séances d’hémodialyses intermittentes. Pendant les 30 premières minutes de la séance initiale, les débits doivent être abaissés pour éviter l’hypotension et les nausées. En hémodialyse continue, ces précautions ne semblent pas être nécessaires étant donné que l’on fonctionne avec des débits déjà bas. 26 Pour des patients sévèrement urémiques, la réduction du taux d’urée sera réduite pour ne pas induire ces complications sur l’organisme. Ainsi on peut remarquer dans le tableau 2 que pour des concentrations supérieures à 100 mg/dL, les débits des pompes à sang seront réduits jusqu’à 1 mL/kg/min. De même, pour les débits des pompes à dialysat, ils seront abaissés en dessous de 500 mL/min afin de réduire l’efficacité de l’hémodialyse intermittente. En réduisant la surface de l’hémodialyseur on réduit aussi la capacité de diffusion lors d’une même séance. Ce tableau nous permet de prendre en compte de façon plus claire l’importance du réglage des paramètres lors d’une séance d’hémodialyse. Intoxications Urée (mg/dL) 100 à 150 >150 aiguës 10 à 20 3à5 1à3 15 à 25 0,2 à 1,1 0,2 à 0,6 0,2 à 0,6 0,2 à 1,1 240 à 300 120 à 180 60 à 120 300 à 480 0,9 0,2 à 0,4 0,1 à 0,2 Non <100 Débit sanguin (mL/kg/min) Surface de l’hémodialyseur (m²) Durée de la séance d’hémodialyse (min) Taux de réduction de applicable l’Urée Débit du 500 <500 <500 500 dialysat (mL/min) Tableau 2 : Instructions dans la prescription de l’hémodialyse (ELLIOT, 2000) Dans les expériences chez le mouton (BONNET et al, 2000), les paramètres de l’hémodialyse se rapprochaient de ceux de l’hémodialyse intermittente chez l’homme 27 et chez le chien, à savoir un débit sanguin de 300 mL/min et un débit de dialysat >500mL/min (MAN et al, 1996). iv. L’hémodialyseur : L’hémodialyseur constitue l’unité essentielle du montage de l’hémodialyse : il est « le rein artificiel ». Il s’organise à partir des membranes artificielles sous des modèles différents. Le premier rein artificiel occupait un volume considérable avec une longueur de 3 mètres. Il fut créé par Kolff en 1944 (SCHLESINGER, 1980). Depuis, de gros progrès ont été réalisés et l’on peut recenser sur le marché 2 types principaux d’hémodialyseur, les dialyseurs en plaques et les dialyseurs à fibres creuses, les dialyseurs à bobine étant pratiquement abandonnés (cf. fig. 9). Ils sont à usage unique en France et sont stérilisés par l’oxyde d’éthylène, les rayons Gamma ou la chaleur. → Les dialyseurs en plaques : Ils sont composés d’un nombre variable de compartiments parallèles, rectangulaires, séparés par des structures de soutien rigides sur lesquelles repose la membrane. Le sang circule entre les couches de membranes, tandis que le dialysat s’écoule à contre-courant autour des structures de soutien ce qui optimise le retrait de soluté. Les résistances du circuit sanguin et du bain de dialyse sont faibles, l’ultrafiltration est aisée à contrôler. La rétrofiltration, phénomène de retour de fluide du dialysat vers le sang lorsque les valeurs de pressions hydrostatiques s’inversent, est nulle ou très faible (MAN et al, 1996). L’étanchéité entre les deux circuits est assurée par le maintien en compression de l’empilement plaques/membranes. Ils sont les plus adaptés pour les dispositifs sans pompe à sang en raison de leur faible résistance (CORNET, 1998). On utilisera ce type de rein artificiel pour l’hémofiltration ou l’hémodiafiltration, car des différences de pressions hydrostatiques importantes peuvent être créées. 28 → Les dialyseurs à fibres creuses : Ils sont composés par la juxtaposition de 10 000 à 15 000 fibres creuses, ou capillaires ayant un diamètre de 200 à 300 µm et une épaisseur membranaire de 10 à 40 µm. Le faisceau de fibres est renfermé dans une gaine plastique percée d’entrées pour le sang et le liquide dialyse. Le sang circule à l’intérieur des fibres, tandis que le dialysat s’écoule à contre-courant à l’extérieur des capillaires. En raison du rapport élevé de la surface effective de dialyse au volume sanguin et de l’absence pratiquement complète de distensibilité, ce dispositif est théoriquement le meilleur. De plus ces dialyseurs sont de faibles dimensions et aisés à manipuler. Tous ces avantages combinés expliquent que leur usage soit très répandu dans le monde. Dialyseur à bobines 29 a/ Dialyseur à plaques Dialyseur à plaques Dialyseur à fibres creuses Fig.9 : Représentation schématique des 3 types d’hémodialyseur 30 Pour adapter les exigences techniques aux perspectives établies, le choix du diamètre interne des fibres creuses de l’hémodialyseur est important. En effet, dans l’hémodialyse, on cherche d’abord à minimiser le taux d’ultrafiltration dit « obligatoire » car ce qui est recherché est avant tout une optimisation des débits dans les compartiments du sang et du dialysat afin d’améliorer la clairance des petits solutés. De cette façon, en augmentant les diamètres internes des fibres creuses de 200 à 250-260 µm, on s’est rendu compte dernièrement que l’on réduisait le taux de filtration obligatoire pour un débit sanguin donné. Ce taux de filtration obligatoire est dépendant de la pression transmembranaire (RONCO et al, 2000). Aussi, à un débit sanguin donné, lorsqu’on augmente le diamètre des fibres, la chute de pression initiée par ces fibres à la sortie du filtre diminue. Par conséquent pour une même pression veineuse à la sortie du filtre, la pression à l’entrée et dans le filtre sera plus basse et donc la filtration obligatoire également (cf. fig. 9). Filtration Filtration Diamètre Résistance faible Résistance Diamètre faible Fig. 9 : Influence de la résistance des hémodialyseurs sur la filtration obligatoire Une approche opposée sera envisagée dans l’hémofiltration pour laquelle la diminution du diamètre des fibres d’environ 175 µm permettra d’augmenter la chute de pression. La pression à l’entrée du filtre et dans le filtre sera alors plus grande. La filtration obligatoire et le transport convectif seront améliorés sans nécessiter pour autant de réinjecter plus de fluide de remplacement, car on aura à la fois une 31 augmentation du taux de filtration et de rétrofiltration, sans augmentation pour autant de l’ultrafiltration nette. Ce phénomène s’explique par l’utilisation de la circulation à contre-courant entre le compartiment sanguin et celui du dialysat. Au cours de celle-ci, une augmentation de la chute de pression après passage dans le filtre se traduit par une augmentation du gradient de pression transmembranaire positif dans la partie proximale du filtre et d’une augmentation du gradient de pression transmembranaire négatif dans la partie distale du filtre. Il se produit ainsi un passage de fluides d’abord dans un sens (filtration) dans la partie proximale, puis dans l’autre dans la partie distale (rétrofiltration) : la balance hydrique nette est pratiquement inchangée. Ce principe est depuis peu amélioré avec l’utilisation d’un anneau qui viendrait compresser le groupe de fibres dans le segment médian du dialyseur afin d’augmenter la chute de pression responsable de l’augmentation de la filtration proximale et de la rétrofiltration distale. Ce type de dialyseur est surtout intéressant en hémodiafiltration. La clairance, qui définit les performances de l’hémodialyseur, est dépendante de la surface membranaire. Ainsi, plus la surface est importante, plus la clairance est élevée. En outre, plus la surface de la membrane (entre 0,6 m² et 2,5 m²) est grande, plus la quantité de sang nécessaire au remplissage du dialyseur est élevée (CORNET, 1998). L’effet de la géométrie est également important pour certains auteurs. Ainsi, les « reins en plaques » permettraient une meilleure saturation du dialysat que les reins à fibres (YOHAY et al, 1992). Pour d’autres, ce ne serait pas un facteur déterminant (IFEDIORA et al, 1992). v. Les abords vasculaires : En médecine vétérinaire, contrairement à la médecine humaine pour laquelle le patient est suffisamment discipliné pour respecter les abords vasculaires, il faut être prudent dans la réalisation du dispositif vasculaire. L’animal ne doit pas détruire par morsure ou une agitation intempestive ce qui a été installé chirurgicalement ; certaines précautions sont donc à prendre. 32 L’objectif majeur d’un abord vasculaire adapté est de permettre d’obtenir des débits sanguins suffisamment élevés pour apporter de grands volumes de sang à des pressions compatibles avec le fonctionnement des circuits. Les techniques mises en oeuvre lors de l’hémodialyse chez les carnivores utilisent des cathéters veineux transcutanés de dialyse à double lumière. Ils sont utilisés à la fois en hémodialyse chronique et en hémodialyse aiguë. Lorsqu’un abord vasculaire immédiat (hémodialyse de moins d’une semaine) est nécessaire, un cathéter en polyuréthane ou en silicone est placé. L’accès vasculaire à long terme ou semi-permanent est réalisé grâce à une technique percutanée, ou une technique chirurgicale avec veinotomie. Dans les 2 cas, le cathéter est avancé par la veine jugulaire de la région cervicale crâniale du cou à l’atrium droit ou la veine cave crâniale (COWGILL et ELLIOT, 2000). Chez des animaux de taille supérieure tels que le mouton, l’utilisation de cathéters simples, artériels et veineux, en chlorure de polyvinyle a été adoptée (CORNET, 1998). Ceux-ci sont mis en place sous anesthésie générale après dissection de l’artère carotide et jugulaire, fixés à la paroi puis tunnelisés sous la peau jusque dans la région interscapulaire où ils sont extériorisés. En médecine humaine, le perfectionnement des abords vasculaires est matérialisé par les fistules artério-veineuses qui constituent une technique de choix aujourd’hui. Elles créent une anastomose au niveau de l’avant-bras entre l’artère radiale et la veine céphalique. Cette anastomose peut également se réaliser au niveau de l’avant-bras à l’origine de l’artère radiale. Le diamètre de l’anastomose est un point délicat : trop faible, il expose au risque de thrombose, tandis qu’une anastomose trop large peut entraîner un débit sanguin excessif de la fistule, conduisant à une insuffisance cardiaque à haut débit. Habituellement, la taille de l’orifice anastomotique est choisie d’un diamètre égal à celui de l’artère nourricière. Le débit sanguin usuel d’une fistule est de l’ordre de 700mL/min. La cicatrisation de l’anastomose et la dilatation de la veine artérialisée nécessitent un certain délai, pouvant aller jusqu’à plusieurs mois. La création de la fistule doit donc être programmée un certain temps avant le début des séances d’hémodialyse. 33 D’autres types d’abords vasculaires en médecine humaine ont été développés en tant que méthodes alternatives : • les auto-greffes veineuses utilisant une veine saphène du patient lui- • les homogreffes veineuses (veines du cordon ombilical ou veines même saphènes prélevées à l’occasion d’interventions pour varices) • les xénogreffes (carotides de bœuf préparées par digestion trypsique pour en réduire l’antigénicité) • prothèse synthétique en Dacron ou Polyuréthane • greffon en pontage artério-artériel ou superficialiser une artère humérale dilatée par une fistule artério-veineuse antérieure • l’Hémasite consistant en un « bouton » de biocarbone implanté entre une artère et une veine par l’intermédiaire de segments en polyuréthane et offrant la possibilité grâce à des valves auto-occlusives d’un branchement vasculaire par des connecteurs amovibles évitant la ponction à l’aiguille. Les principales complications des abords vasculaires sont la sténose et la thrombose. Celles-ci peuvent être limitées et évitées par une héparinisation adéquate et une surveillance attentive et régulière du dispositif. L’infection bactérienne est possible et peut même entraîner une septicémie ou une endocardite. Elle est davantage fréquente lorsqu’on utilise des cathéters plutôt que des fistules internes. Cependant, une bonne hygiène et une manipulation par un personnel spécialisé réduisent la contamination bactérienne (MAN et al, 1996). L’utilisation d’anticoagulants constitue une étape importante dans la réussite d’une séance d’hémodialyse qu’il faut considérer selon l’état du patient. En effet, l’héparinisation peut être déconseillée dans certaines pathologies. C’est pourquoi d’autres stratégies devront être envisagées (ex : citrate). En routine, on administre une dose de charge puis on renouvelle les injections au cours de la séance. 34 vi. Les générateurs : Ils sont indispensables dans les circuits d’hémodialyse et d’hémodiafiltration pour lesquels le mélange sel/bicarbonate est nécessaire. Ce sont des dispositifs contrôlés par des microprocesseurs qui intègrent, régulent et contrôlent le déroulement du traitement par hémodialyse. Au minimum, le générateur élabore le bain de dialyse à partir de concentrés de sels et de solutions de bicarbonates, puis régule sa composition électrolytique, son pH, et sa température. Il peut également contrôler les débits des pompes à sang, le taux d’ultrafiltration et parfois la délivrance d’anticoagulant. La préparation du dialysat peut soit être fixe dans les dispositifs anciens, soit adaptées aux exigences de l’état du patient dans les récents modèles de générateurs (COWGILL et ELLIOT, 2000). On peut différencier plusieurs modes de circulation du bain de dialyse selon que le dialysat est réutilisé ou non (THORNHILL, 1984) : • Le circuit fermé : le bain de dialyse issu d’une cuve non compliante hermétique va alimenter le circuit de dialyse grâce à une pompe volumétrique, créant ainsi une dépression par l’intermédiaire de laquelle une ultrafiltration sera provoquée à partir du plasma sanguin afin de compenser le déséquilibre de volume. Un opérateur doit ajouter dans le générateur les concentrés en sels et en acétate ou bicarbonate qui seront ensuite dilués dans de l’eau déminéralisée. Cependant, au cours de la séance d’hémodialyse, le bain de dialyse sera de moins en moins performant à cause d’une saturation de plus en plus grande en déchets cataboliques de l’animal. • Le circuit ouvert : il est de plus en plus utilisé et permet une préparation du bain de dialyse par la machine elle-même et un rejet continu du dialysat. De cette façon le dialysat n’est jamais saturé et le gradient de concentration étant toujours maintenu de manière optimale, on améliore le rendement de la séance. • Le circuit mixte : le générateur rejette une partie du dialysat et recycle le reste. 35 Les différents dispositifs de surveillance du bon fonctionnement de la dialyse ont pour but, d’une part, d’éviter tout accident et, d’autre part, de mesurer l’efficacité de la séance et donc d’adapter les paramètres pour la séance suivante (MAN et al, 1996) : • Contrôle du circuit de bain de dialyse (CORNET, 1998) = → sa conductivité : elle permet d’apprécier la dilution adéquate du dialysat et donc de contrôler son osmolalité en rapport avec la concentration de sodium. → sa température : la plus proche de celle du corps → son débit : par l’intermédiaire de pompes → sa pression : par l’intermédiaire de manomètres → son ultrafiltration : contrôlée soit par un système de débit différentiel à l’entrée et à la sortie du dialyseur, soit par un système volumétrique dans le cas d’un circuit fermé. . • Contrôle du circuit sanguin (CORNET, 1998) = → fuites de sang : si une lésion de la membrane artificielle se produit, une cellule photo-électrique, présente dans le circuit du dialysat, détecte une coloration anormale du dialysat et déclenche une alarme → pression négative dans la ligne artérielle : grâce à un petit sac qui se distend sous l’action de la pression sanguine une obstruction de la ligne artérielle ou bien un débit trop rapide par rapport à ce que peut supporter l’artère sera détecté par le collapsus du sac et le déclenchement de l’alarme. → bulles d’air : un piège à bulle empêche la restitution éventuelle de bulles d’air mélangées au sang → pression dans le circuit extra-corporel de dialyse: un capteur installé dans le piège à bulle permet de détecter un niveau de sang qui correspond à un niveau de pression supérieur à ce qui a été réglé sur le moniteur et signifiant une pression trop importante dans les lignes veineuses. Ce dérèglement peut entraîner une élévation de pression dans le dialyseur et donc une ultrafiltration plus importante à partir du sang. Un tel trouble déclenchera une alarme. 36 → pression artérielle : le moniteur enregistre la pression dans les lignes artérielles et celle dans le dialyseur. De cette façon il calcule le débit d’ultrafiltration (cf. 4- l’hémofiltration). Chaque fois que l’un des paramètres cité ci-dessus sort des limites de sécurité fixées, le dialysat est dérivé hors du dialyseur, la pompe à sang est stoppée et les lignes sanguines sont clampées, tandis que des alarmes sonores et visuelles se déclenchent. Le circuit de bain de dialyse subit une désinfection entre chaque séance de dialyse soit par la chaleur, soit par des agents chimiques définis par le fabriquant (formol, hypochlorite de sodium, eau oxygénée, acide acétique ou paracétique) qui vont séjourner dans les circuits hydrauliques jusqu’à la dialyse suivante. Des tests seront réalisés entre chaque désinfection pour vérifier que le rinçage a été correct : test de Hantzsch ou le réactif de Schiff pour le formol, Iodure de potassium pour l’hypochlorite et l’acide acétique. De plus, les tubulures du circuit de dialysat doivent être changées périodiquement pour éviter la formation d’un biofilm sujet à la colonisation bactérienne. Il en est de même pour les connecteurs rapides pouvant être désinfectés séparément pendant une durée de 24 heures au moins (MAN et al, 1996). vii. Les solutions d’hémodialyse : Les bains de dialyse doivent permettre l’établissement d’un gradient de concentration à travers la membrane artificielle afin d’éliminer efficacement les solutés en excédent dans le plasma. Pour cela on choisit des bains de dialyse dont les concentrations électrolytiques et les propriétés chimiques sont proches de celles du plasma sanguin, hormis pour les paramètres dont on veut diminuer les concentrations : • Sodium : il détermine l’osmolalité du dialysat dans les conditions physiologiques. L’utilisation d’un dialysat de faible osmolalité peut provoquer une baisse trop importante de l’osmolalité du plasma et de là entraîner une hémolyse par pénétration importante d’eau dans le cytoplasme des hématies à osmolalité élevée. En outre, les dialysats hyposodés sont responsables en humaine d’hypotension artérielle, de céphalées et de crampes musculaires. La concentration en sodium est en général de 140 à 145 mmol/L en hémodialyse (MAN et al, 1996) et la différence 37 d’osmolalité tolérée est de 20 à 30 mOsm/L par rapport au plasma du malade (CORNET, 1998). • Potassium : l’excès de potassium étant fréquent chez le patient dialysé en phase de catabolisme intense. Les concentrations dans le bain de dialyse en potassium sont généralement réduites par rapport à celle du plasma, voire nulles afin d’augmenter le gradient de concentration et d’optimiser la dialyse. Les concentrations sont habituellement de 2 mEq/L. En revanche, lors de troubles du rythme en fin de dialyse chez des patients âgés ou ayant une instabilité cardiovasculaire, on augmente les concentrations du bain de dialyse à 3 ou 4 mEq/L (MAN et al, 1996). • Calcium : les concentrations peuvent être augmentées en cas de traitement contre l’hyperphosphorémie par prise orale de carbonate de calcium afin de limiter l’hypercalcémie. Mais on détermine une concentration de 3,5 mEq/L pour laquelle le bilan calcique ne risque pas d’être négatif. • Acétate : c’est un précurseur de l’ion bicarbonate qui sert de tampon dans l’organisme. Le bicarbonate malheureusement précipite en présence de calcium et de magnésium, l’acétate est donc plus facile d’utilisation (pas de mélange à faire). Cependant, le métabolisme du foie et des muscles étant ralenti chez le dialysé, il arrive qu’avec des dialyseurs à haute performance une hyperacétatémie se produise, soit aussi à l’origine de l’activation du complément et de monocytes et par conséquent de la libération de cytokines et anaphylatoxines. Des troubles, tels que l’hypotension artérielle, les céphalées, les crampes musculaires et des vomissements en découlent. On utilise des concentrations de 35 mEq/L habituellement • Bicarbonate : il permet une augmentation continue du pH sanguin au cours de la dialyse sans phénomène d’augmentation post-dialytique car il est plus physiologique (non métabolisé). Il est mieux toléré et donc préféré surtout chez les patients dont l’état cardio-pulmonaire est précaire et l’hémodynamique instable en dialyse. Les concentrations finales du dialysat après dilution et reconstitution par le générateur se situent entre 26 et 36 mmol/L en prenant en compte la quantité de bicarbonate de sodium consommé par l’acide acétique pour la formation de dioxyde de carbone. L’inconvénient majeur reste le stockage séparé du bicarbonate et de la solution concentrée acide et la nécessité d’un mélange extemporané vérifié à l’aide d’un conductivimètre, avant la mise en route des dialyses. 38 • Magnésium : les concentrations doivent être comprises entre 1 et 1,5 mEq/L afin d’éviter une hypermagnésémie (troubles de la conduction atrioventriculaire et intraventriculaire, dépression voir ostéodystrophie rénale et calcification des tissus mous en chronique) • Chlore : pour qu’il y ait neutralité électrochimique la concentration en chlore doit varier entre 105 et 120 mEq/L • Glucose : les bains de dialyse en sont généralement dépourvus cependant pour limiter la perte d’acides aminés et celle de glucose (quoique minime) causant un bilan azoté négatif, il est possible de supplémenter avec 1 à 2 g/L. Cela est recommandé chez les diabétiques et les patients âgés. • Eau : à partir de l’eau de ville un traitement est effectué pour la rendre dépourvue de contaminations microbiennes, de composés minéraux et organiques. Cela reste fondamental pour le patient à cause d’une part, de l’accumulation en éventuels ions métalliques et d’autre part, de la nature favorable au développement bactérien que constitue les dialysats avec glucose et bicarbonate, pouvant entraîner la formation d’endotoxine. Le système de traitement de l’eau se compose, successivement, de filtres destinés à la rétention des particules, d’un adoucisseur pour soustraire le calcium et le magnésium, d’un filtre à charbon activé pour adsorber le chlore et les substances organiques, puis d’un système d’osmose inverse assurant la désionisation pratiquement totale de l’eau (MAN et al, 1996). 4- L’hémofiltration : i. Généralités : Le principe de circulation extra-corporelle étant le même, l’hémofiltration se distingue de l’hémodialyse par l’absence de bains de dialyse et d’échange avec ce milieu : en créant un gradient de pression, un ultrafiltrat (eau plasmatique) est obtenu par passage à travers une membrane de haute perméabilité hydraulique. L’hémofiltration se sert des phénomènes d’ultrafiltration pour permettre un passage des solutés en même temps que celui des solvants. En créant un gradient de pression, un ultrafiltrat (eau plasmatique) est obtenu par passage à travers une membrane de haute perméabilité hydraulique. Grâce à un système de balance, un 39 liquide de substitution égal à l’ultrafiltrat recueilli, diminué de la perte de poids souhaitée est réinjecté au patient. Cependant l’objectif thérapeutique n’est pas toujours l’élimination de l’urée surtout en soins intensifs vétérinaires. Aussi, les exigences techniques seront également différentes : l’hémofiltration continue revêt actuellement un attrait supérieur aux méthodes intermittentes surtout dans les traitements en aiguë que ce soit en IRA qu’en soins intensifs. En médecine vétérinaire l’hémofiltration proprement dite n’est que peu utilisée et faiblement rapportée dans la littérature ; cependant sa facilité de mise en œuvre et le nombre d’applications thérapeutiques de plus en plus croissant en médecine humaine en fait une technique envisageable en médecine vétérinaire en particulier chez des animaux de grande taille tels que les chevaux. L’utilisation en continue de la technique consiste à la réalisation de séances de plusieurs heures jusqu’à ce que l’homéostasie du milieu intérieur soit retrouvée. Des quantités supérieures de liquide de substitution seront donc nécessaires par rapport aux méthodes intermittentes. Les avantages en matière de thérapeutique de l’IRA restent les mêmes pour l’hémofiltration continue (CVVH= continuous veno-venous hémofiltration) qu’en hémodialyse continue (SCUF-D)(cf. 2-vi-). Cependant pour ce qui est du traitement de l’ IRC, la composante convective de l’hémofiltration apporterait certains avantages sur l’hémodialyse; à considérer en fonction de l’état du patient (HILLION et HAAS, 1991) : • Durée réduite pour un même objectif de clairance = en échangeant 30 L en 3 heures on arrive à maintenir une clairance équivalente à celle obtenue en hémodialyse en 4 heures • Reproductibilité de la qualité d’épuration • Bonne tolérance de la séance = fréquence moindre des crampes, de l’hypotension ou d’hypertension, perte de poids plus rapide • Meilleure biocompatibilité = tampons à base d’acétate, membranes non cellulosiques, peu de contacts entre les monocytes et les interleukines, catabolisme moins important En dépit de tous ces avantages, la technique ne s’est que très peu développée en France et reste réservée à des patients sélectionnés sur l’âge, l’instabilité tensionnelle en hémodialyse, l’existence d’une acidose, d’un diabète, d’une hyperparathyroïdie sévère. 40 Le problème du coût du liquide de réinjection, bien qu’étant un souci dans l’application en médecine vétérinaire, semble moins se poser en raison de la possibilité technique de fabrication dites « en lignes » limitant le coût du liquide de réinjection à celui des poches stériles et des bains de dialyse (bicarbonate et concentrés) (HILLION et HAAS, 1991). Pour cela différents types de circuits sont envisageables avec des coûts plus ou moins avantageux lorsqu’on considère l’objectif d’une application en équine. ii. Les circuits : Le circuit de l’hémofiltration diffère de celui de l’hémodialyse par l’absence de bains d’hémodialyse. L’extraction de soluté et de solvants (ultrafiltrat) est générée par un gradient de pression hydrostatique entre deux compartiments du dialyseur. L’ultrafiltrat est éliminé et remplacé par un liquide de substitution perfusé dans le circuit. Le lieu de substitution se situe soit en amont du rein artificiel, c’est l’hémofiltration pré-dilutionnelle, soit en aval, c’est l’hémofiltration post-dilutionnelle (cf. fig. 10). Fig. 10 : Circuit d’hémofiltration veino-veineuse continue (CVVH) (HOSPAL) 41 Il peut être intéressant pour des raisons métaboliques de réutiliser l’ultrafiltrat soustrait au patient comme liquide de substitution. Pour ce faire il est nécessaire de l’épurer avant la réinjection en le passant préalablement sur des filtres (des membranes de dialyse également) afin qu’il soit toujours stérile et apyrogène. iii. Les paramètres de l’hémofiltration : Les calculs de clairance en hémofiltration nous mènent à la conclusion que pour obtenir une clairance optimale pour les molécules de bas poids moléculaire telles que l’urée il faut utiliser des membranes à haute perméabilité hydraulique et des pressions transmembranaires élevées (cf. 2-iv-) : débit d’ultrafiltration de l’urée = clairance convective de la membrane (SIGLER et MANNS, 1996) Lorsqu’on travaille avec des circuits comportant une pompe à sang, le réglage des débits sera réalisé en fonction de l’objectif établi à savoir le débit d’ultrafiltration choisi en relation avec le type de membrane utilisé (sa perméabilité hydraulique = Kuf). D’une manière générale les débits sanguins restent supérieurs à ceux utilisés en hémodialyse puisque par l’intermédiaire du débit sera créée une pression transmembranaire donnée indispensable au phénomène de convection. Dans les méthodes intermittentes en remplacement de l’hémodialyse des taux d’ultrafiltration élevés seront requis pour éliminer l’urée accumulée entre deux séances : avec un échange de 30 litres en 3 heures on aura un débit d’ultrafiltration de 170 mL/min et un débit sanguin de 400 à 500mL/min (HILLION et HAAS, 1991) Dans les méthodes continues, les débits sanguins seront plus réduits car le nombre de litres à retirer pour obtenir la clairance voulue sera obtenu en un temps plus long : avec un débit d’ultrafiltration de 17 mL/min, le débit des pompes à sang sera de 200 à 250mL/min (BELLOMO, 1996). En terme de durée de vie des filtres et de stabilité du circuit il est déconseillé d’avoir un débit d’ultrafiltration net plus grand que 25% du débit sanguin : le réglage des débits sera donc adapté. La réinjection de fluides sera réalisée de façon préférentielle avant l’hémodialyseur afin d’éviter l’hémoconcentration due à des débits d’ultrafiltration 42 élevés et pour permettre une efficacité supérieure de l’ultrafiltration, notamment lorsque l’hématocrite du patient sera élevée. L’utilisation de pompes volumétriques présente l’avantage dans les méthodes continues de pouvoir surveiller de très près la quantité d’ultrafiltrat produit et de pouvoir la régler lorsqu’elle est placée à la sortie de l’hémodialyseur au niveau du compartiment du dialysat, et de contrôler la quantité de liquide réinjecté lorsqu’elle est placée au niveau du site de réinjection pré ou post-dilutionnel. iv. L’hémodialyseur : Les membranes artificielles utilisées dans l’hémofiltration sont les mêmes que celles utilisées dans l’hémodialyse, cependant on privilégiera pour optimiser le phénomène de convection, les membranes à coefficient d’ultrafiltration (Kuf) ou à perméabilité hydraulique élevée (cf. 2-iv). L’étude de la résistance du circuit et surtout de l’hémodialyseur est aussi très importante lorsqu’on travaille avec des circuits sans pompe à sang comme dans la CAVH (Continuous Arterio-Venous Hemofiltration). En effet, seule la pression artérielle agit pour maintenir un gradient de pression suffisant pour permettre les échanges convectifs. Par conséquent la pression étant basse au départ (50mmHg) de l’artère le flux doit être maintenu jusqu’à l’interface de l’hémodialyseur en réduisant le plus possible la force de Poiseuille. Ces mêmes contraintes sont à prendre en compte pour les filtres utilisés en pédiatrie. Ainsi les reins à plaques semblent présenter moins de résistances et donc nécessiter moins d’anticoagulants. L’importance de la résistance de l’hémodialyseur ne présente pas autant d’importance lorsque l’hémofiltration est réalisée avec des circuits avec pompes à sang puisque la pression transmembranaire est maintenue grâce au débit des pompes. Le choix d’hémodialyseur à surface importante et haute perméabilité hydraulique peut ne devenir également qu’accessoire lorsqu’on définit comme objectif simplement le contrôle de la surcharge hydrique et non celui de l’urée qui nécessite d’importants taux d’ultrafiltration (SIGLER et MANNS, 1996). 43 v. Les abords vasculaires : Le montage du circuit étant le même que pour l’hémodialyse au niveau de l’extraction du flux sanguin, les abords vasculaires sont aussi identiques. vi. Le générateur : Il n’existe pas systématiquement en hémofiltration. Il diffère peu dans ces principales fonctions par rapport au générateur de l’hémodialyse. (cf.3-vi.) Cependant, la nécessité de réinjecter un liquide stérile et apyrogène avant ou après l’hémodialyseur ajoute une fonction de plus sur certains générateurs qui, à partir d’eau et de bicarbonate sont capable de préparer extemporanément des fluides réinjectables. Les générateurs peuvent aussi calculer la quantité de fluides à réinjecter en fonction de l’ultrafiltration et de la perte de poids programmée. 5- L’hémodiafiltration : L’hémodiafiltration est une combinaison de l’hémodialyse et de l’hémofiltration. Elle allie les phénomènes convectifs et diffusifs dans une même proportion. La composante convective étant plus importante que dans l’hémodialyse pour permettre une clairance supérieure, un liquide de substitution sera nécessairement réinjecté dans le circuit sanguin. Les principes ont été exposés précédemment. Avec un débit de 150 mL/min pour la pompe à sang et de 1,7L/h pour la pompe à dialysat on peut obtenir une clairance de la créatinine de 25mL/min (BELLOMO, 1996). Tout comme dans l’hémofiltration, la possibilité de produire le liquide de réinjection « en ligne » améliore considérablement le coût de la technique. On utilise dans ce type de circuit le liquide stérile et apyrogène produit pour la réinjection à la fois pour compenser l’ultrafiltration et pour servir de bain de dialyse. 44 6- Les complications de l’épuration extra-rénale : Les complications sont à peu près les mêmes en hémodialyse, en hémofiltration et donc en hémodiafiltration. On a pu en aborder certains tout au long de la présentation des différentes techniques et se rendre compte de l’importance des réglages pour réduire l’incidence de ces complications. i. Complications techniques : Elles rassemblent toutes les complications découlant d’un défaut de composition ou d’un chauffage excessif du dialysat, d’une hémolyse causée par la pompe à sang, d’une ultrafiltration non détectée par le générateur, d’une embolie gazeuse, d’une fuite de sang dans le dialysat ou encore des pertes de sang par fuite ou coagulation dans les lignes extracorporelles. Le niveau de technicité des générateurs actuels fait que ces problèmes sont de moins en moins fréquents et rendent l’épuration extra-rénale de plus en plus sûre. ii. Complications cardio-vasculaires : (COWGILL et ELLIOTT, 2000)(MAN et al, 1996) • Les problèmes vasculaires : Elles ont déjà été envisagées dans les abords vasculaires. En plus des problèmes de thrombose, de sténose ou d’infection, que ce soit au niveau des cathéters qu’au niveau des fistules artério-veineuses, se posent aussi les problèmes de positionnement des cathéters qui pourraient avoir une incidence sur la vitesse du flux sanguin et donc l’efficacité du traitement. Les phénomènes de thrombose dans la lumière des cathéters sont rares et peuvent être traités prudemment par thromboaspiration, par décollement à l’aide d’un guide ou par injection de fibrinolytiques tels que l’urokinase ou la streptokinase. En revanche, ceux qui entourent le cathéter dans l’espace vasculaire ou dans l’atrium droit sont beaucoup plus fréquents et difficiles à corriger. Le risque de thrombo-embolie n’est pas à négliger et peut entraîner des oedèmes cervicaux et faciaux, un pneumothorax et une détresse respiratoire aiguë. 45 • L’hypotension : C’est une complication fréquente, transitoire et cliniquement insignifiante. En revanche la pression artérielle doit être mesurée toutes les 15 à 30 minutes. Elle est influencée par le poids, la taille, l’état d’hydratation, la sévérité de l’urémie dans les cas d’IR, l’état cardio-vasculaire, les thérapies antihypertensives en cours, et enfin de possibles réactions de biocompatibilité avec les membranes (cf.2-). Lors des premières minutes de la séance d’hémodialyse l’hypotension peut traduire également un volume trop important du circuit extra-corporel par rapport à la taille du patient (ex : en médecine canine chez des petites races ou chez le chat). De même l’élimination rapide d’une surcharge hydrique peut entraîner une chute de tension et une hypovolémie. A l’inverse, une surcharge hydrique pourra entraîner de l’hypertension. L’utilisation d’une complémentation au sodium peut permettre de résoudre les problèmes tensionnels en provoquant un appel compensatoire de fluides, du milieu interstitiel vers l’espace vasculaire notamment chez les sujets âgés (RAJA, 1996). • Les troubles neurologiques : Ils ont déjà été cités comme syndrome de déséquilibre dû à une élimination trop rapide de l’urée des milieux extra et intra-vasculaires pour comparaison au liquide céphalo-rachidien (LCR). L’hyperosmolarité du LCR engendre un appel d’eau à l’origine d’un œdème cérébral, une hypertension intra-cranienne et d’une acidose cérébrale paradoxale. Les signes sont : de l’abattement, de la désorientation, de l’amaurose, des tremblements, des crises avec vocalisations, voire même des comas. Ils peuvent durer jusqu’à 24 heures après la séance. Le syndrome de déséquilibre peut être traité par l’arrêt ou le ralentissement de la séance mais également par l’administration de Mannitol pour augmenter l’osmolalité du plasma en traitement et en prévention chez les patients à risque (taux d’urée important, petite taille, acidose métabolique préexistante). Le Diazepam peut aussi être utilisé en cas de crises. • Les troubles respiratoires : L’activation du complément après contact du sang avec la membrane, comme nous l’avons vue précédemment, peut entraîner une agrégation plaquettaire et des 46 leucocytes dans les capillaires pulmonaires, interférent avec la diffusion de l’oxygène à l’origine d’une hypoxémie. De plus lors de l’utilisation de bains de dialyse à base d’acétate, une hypoventilation résultant de la perte de dioxyde de carbone peut se produire alors qu’elle n’apparaît pas avec du bicarbonate. D’autres causes de dyspnées et d’hypoxémie existent mais ne sont pas reliées directement à la technique d’épuration extra-rénale (Œdème Aiguë du Poumon, Intoxication urémique…). • Les troubles hématologiques : Une chute des globules blancs et du taux de plaquettes peut se produire à cause des réactions de biocompatibilité après 15 à 30 minutes de séance. Une hémolyse aiguë peut survenir avec un dialysat trop hypotonique à la suite d’un problème de dilution engendré par le générateur. L’anémie est fréquente à cause d’un défaut d’érythropoïèse chez les patients insuffisants rénaux, mais aussi à cause des pertes sanguines pouvant survenir pendant la séance (phénomène de volume de sang résiduel dans le circuit…). En outre, du sang peut rester en fin de séance dans les lignes. Pour éviter cela le rinçage ou encore la restitution est une étape essentielle de l’épuration extra-rénale pour permettre « une économie » maximale en globules rouges. • Les troubles cliniques divers : Les vomissements, nausées, convulsions, crampes, fièvres transitoires sont un ensemble de signes qui peuvent se produire à cause d’un déséquilibre dans la gestion de certains paramètres le plus souvent hydro-électrolytiques (cf. 2-vii.les solutions de dialyse). 47 B/ Description des techniques d’épuration sans CEC : Les techniques d’épuration extra-rénale ne comprennent pas seulement celles qui utilisent une CEC. On a pu citer dans l’application de ces techniques au traitement de l’ascite, un protocole d’épuration extra-rénale à la limite de sa définition puisque le liquide mis en circulation extra-corporelle n’était pas le sang mais le liquide d’ascite. D’autres techniques peuvent être envisagées lorsque le clinicien vise un retour à l’homéostasie du milieu intérieur d’un patient ou encore l’élimination d’un toxique. 1- La dialyse péritonéale : i. Le choix : Le choix de la dialyse péritonéale est fonction de multiples critères à la fois médicaux et personnels. Certaines contre-indications à la réalisation d’une hémodialyse existent : mauvais état vasculaire (diabétique), insuffisance cardiaque sévère avec une tension artérielle basse. Par ailleurs la possibilité de moduler librement les horaires de changement des poches de dialyse péritonéale et le refus d’être dépendant d’une infirmière ou d’un hôpital peut faire préférer la dialyse péritonéale automatisée. En revanche, la dialyse péritonéale peut elle aussi, dans certains cas, être contre-indiquée lorsqu’une obésité majeure est présente, lors d’interventions chirurgicales abdominales importantes, des hernies abdominales à répétition, d’insuffisance respiratoire sévère, et lors des premières semaines qui suivent un échec de transplantation. Enfin l’image du corps déformé par une fistule artério-veineuse ou par un tuyau qui sort du ventre influence ce choix fait par le patient. ii. La technique : Les feuillets viscéraux et pariétaux du péritoine forment une membrane séreuse constituée d’un tissu de soutien lâche de 0,1 à 1 mm d’épaisseur. Celui-ci est recouvert de cellules mésothéliales. Leur pôle apical est surmonté de micro-villosités 48 qui emprisonnent un film liquidien. Les capillaires péritonéaux sont situés dans la profondeur du tissu de soutien. La circulation sanguine des 2 feuillets est indépendante. Le drainage lymphatique péritonéal se fait essentiellement au niveau sous-diaphragmatique du côté hépatique. Les échanges se réalisent entre le plasma et le liquide de dialyse à travers la membrane naturelle semi-perméable que constitue le péritoine. L’équilibre hydroélectrolytique est retrouvé grâce aux échanges d’eau par création d’un gradient osmotique entre les 2 milieux et par diffusion passive à partir du sang circulant dans les capillaires péritonéaux et ralentie par les structures anatomiques du péritoine. Par l’intermédiaire d’un cathéter péritonéal permanent, les patients renouvellent eux-mêmes 4 fois par jour, 7 jours sur 7, 2 litres de dialysat dès qu’il est saturé en substances à éliminer. L’injection et le drainage du liquide se font par gravité sans machine (à la différence de la méthode utilisée pour le traitement de l’ascite). Le dialysat est une solution stérile, apyrogène, prête à l’emploi, tamponnée par le lactate et non plus par l’acétate ou le bicarbonate. Sa composition avoisine celle du liquide extra-cellulaire normal. Le gradient osmotique est assuré par le glucose. iii. Les complications : Anciennement des complications liées aux cathéters étaient fréquentes (déplacements intra-abdominaux, fuites du dialysat, éventrations) mais le délai pour débuter la dialyse péritonéale après la pose du cathéter réduit ce risque. Des modifications morphologiques du péritoine peuvent avoir lieu après de nombreuses dialyses péritonéales augmentant ainsi sa perméabilité par un phénomène d’abrasion du mésothélium ou la diminuant par un épaississement fibreux du péritoine qui peut aboutir à une sclérose encapsulante. Des complications infectieuses sont fréquentes. Ainsi les péritonites secondaires à l’introduction accidentelle de germes dans le dialysat se produisent à cause notamment des faibles défenses immunologiques locales. L’évolution et le tableau clinique sont en général bénins. Des complications nutritionnelles liées à l’absorption de 60 à 80 % du glucose perfusé et à la fuite péritonéale quotidienne de 8 à 10 g de protéines et de 1 à 2 g d’acides aminés sont présentes. L’apport glucidique entraîne un hyperinsulinisme et 49 une hypertriglycéridémie. L’obésité n’est observée que chez les patients déjà en surcharge pondérale avant la prise en charge en dialyse. Un régime diététique afin de compenser les pertes et les apports excessifs est souvent nécessaire. Les progrès techniques sont à l’origine de la réduction des péritonites. La connaissance du mécanisme des échanges et des modifications anatomiques du péritoine induites par la dialyse péritonéale permet une adaptation rationnelle de la méthode à chaque patient. Ces éléments la situent au moins à moyen terme, comme une alternative à l’hémodialyse dans le traitement de l’insuffisance rénale chronique. 2- La fluidothérapie : Elle regroupe tous les traitements visant à augmenter le volume sanguin et la diurèse afin d’augmenter la fonction du rein pour un retour rapide à un équilibre hydroélectrolytique satisfaisant ou permettre l’élimination par voie rénale d’un toxique exogène ou endogène. 50 II- Les champs d’application de l’épuration extrarénale en médecine humaine : 1- L’insuffisance rénale chronique : Elle recouvre l’ensemble des pathologies qui aboutissent au syndrome d’urémie chronique, c’est à dire à l’altération progressive des fonctions excrétrices et endocrines du parenchyme rénal, conséquence de lésions anatomiques irréversibles. Avant d’arriver au stade où le traitement par l’épuration extra-rénale devient indispensable, plusieurs étapes vont se succéder jusqu’au stade dit d’insuffisance rénale chronique terminale pour lequel seuls 5% des néphrons sont encore fonctionnels. Les signes de l’IRC apparaissent lorsqu’il ne reste que 30% des néphrons fonctionnels. Tout au long de l’évolution de la pathologie, les néphrons vont s’adapter à la réduction progressive de l’excrétion en modifiant la fraction excrétée du filtrat glomérulaire en fonction des besoins. Grâce à cette adaptation, les éliminations urinaires d’eau, de sodium, de potassium et autres électrolytes continuent à varier en fonction des apports et des pertes extra-rénales, même en cas d’IRC sévères, et à maintenir temporairement nul le bilan, condition de la survie. L’IRC chez l’homme regroupe outre les perturbations hydro-électrolytiques et acido-basiques, mais aussi celles qui résultent du retentissement de déséquilibres métaboliques (nutritionnel, hormonaux) lorsque les néphrons restant ne parviennent plus à compenser suffisamment pour conserver l’homéostasie. i. Manifestation clinique de l’IRC et épuration extra-rénale : (MIGNON F., 1993) a/ Accumulation de produits et déchets de faible poids moléculaire : L’altération du fonctionnement du rein au stade de l’IRC se traduit au niveau histologique par l’aspect de boules fibreuses des glomérules dites « en pain à cacheter », par la dédifférenciation de l’épithélium des tubes, la fibrose interstitielle et l’endartérite oblitérante. Les études de Bricker ont permis de mettre en évidence la compensation de la réduction néphronique grâce à un reliquat d’excrétion assuré par les néphrons restant prenant l’aspect d’îlots dits de Bright. 51 L’urée et la créatinine représentent les 2 principaux témoins de la perte fonctionnelle du rein lors d’IRC : • La créatinine : son équilibre d’excrétion atteint normalement par filtration glomérulaire ne sera suffisant en IRC que si les concentrations sanguines sont suffisamment élevées pour accroître la charge filtrée par néphrons restants. Par ailleurs, pour un individu donné, la production quotidienne de créatinine étant constante d’un jour à l’autre et indépendante de l’apport alimentaire, on comprend donc que la clairance de la créatinine constitue un marqueur spécifique de la filtration glomérulaire et donc de la fonction rénale (à noter cependant que contrairement à l’inuline, la créatinine possède une petite sécrétion tubulaire lors d’IRC). Son accumulation dans le sang n’exerce aucune toxicité directe • L’urée : elle est la substance azotée la plus abondante dans l’urine. Son élimination, en cas d’IRC s’adapte également par une augmentation du taux plasmatique mais le taux d’urée sanguine n’est pas un aussi bon marqueur de la fonction rénale que celui de la créatinine en raison des fluctuations dépendantes de l’alimentation, de l’intensité du catabolisme azoté (3g de protéine produisent 1g d’urée) et de la diurèse, puisque la clairance de l’urée est d’autant plus faible que la diurèse est basse. A partir d’un taux supérieur à 40 mmol/L, il se produit des troubles tels que l’anorexie, les vomissements, les nausées, la somnolence et un ralentissement des fonctions intellectuelles. • L’acide urique : il s’accumule également dans le sang et peut entraîner des crises de goutte. b/ Accumulation de toxines de poids moléculaire moyen : Ces toxines sont des molécules de PM compris entre 300 et 12000 daltons s’accumulant chez les urémiques et responsables d’une multitude de troubles rassemblées sous le terme de manifestations viscérales extra-rénales de l’IRC (cf. tab.3). 52 Tableau 3 : Principales molécules impliquées dans la toxicité urémique (VAN HOLDER et al, (1994), Sémin. Néphrol., 14, 205-218) c/ Perte des fonctions de régulation hydro-électrolytique : - L’eau : en cas d’IRC la diminution de la charge aqueuse filtrée est compensée par une réduction de la réabsorption tubulaire dans les néphrons restants, grâce à la diurèse osmotique réalisée par l’augmentation du taux plasmatique des produits de déchets tels que l’urée. Ainsi cette charge osmotique, accrue dans l’urine primitive, s’oppose à la réabsorption d’une quantité normale d’eau dans le tube proximal. Il en résulte une polyurie, obligatoire, isotonique non influencée par l’ADH. La polyurie avec polydipsie accentuée lors du décubitus se manifeste par des besoins hydriques supérieurs, à respecter pour éviter la déshydratation. En revanche lorsque la filtration glomérulaire est au dessous de 10 mL/min, 53 l’incapacité du rein à diluer les urines peut entraîner une hyperhydratation avec hyponatrémie, source de vomissements et de troubles de la conscience. - Le Sodium : il continue d’être éliminé par le même procédé de diurèse osmotique et de diminution de la réabsorption tubulaire. Les néphrons résiduels deviendraient particulièrement sensibles à « l’ hormone natriurétique » dont le taux plasmatique augmente. La rétention de sodium et en conséquence les oedèmes, ne constituent donc pas un symptôme obligatoire de l’IRC chez l’homme. On en rencontre cependant chez les insuffisants rénaux lors de syndrome néphrotique (baisse de la pression oncotique par protéinurie importante), d’insuffisance cardiaque ou encore lors d’un apport massif de sodium. - Le Potassium : la kaliémie reste normale grâce à une augmentation de la fraction excrétée du potassium filtré pouvant atteindre 80% lors d’IRC. La diurèse osmotique et les effets de l’hyperaldostéronisme sont les mécanismes expliquant cette adaptation de l’excrétion. - Le Phosphore : les mécanismes d’adaptation à l’élimination passent par l’augmentation des taux plasmatiques en réponse à la diminution de la filtration glomérulaire et la diminution de la réabsorption tubulaire (inférieure à 20% de la quantité filtrée) sous l’action de la Parathormone ; cette hormone est elle-même sous la dépendance de l’augmentation de la phosphorémie et de la diminution du calcium ionisé, induite par l’hyper phosphorémie et par le bilan calcique négatif. - Le Calcium : l’hypocalcémie constante au cours de l’IRC en raison des troubles endocriniens entraînera une hypocalciurie par diminution de la charge filtrée. d/ Déséquilibre acido-basique : Sachant que l’élimination quotidienne d’ions H+ est de 60 à 90 mEq pour un rein normal, on comprend mieux l’importance des phénomènes de compensation lors d’IRC pour éviter rapidement une acidose métabolique. En effet, chez l’homme les néphrons restants vont permettre le maintien d’un pH (entre 7,35 et 7,4) et d’une acidification des urines presque normale. Le NH3 tubulaire va être de plus en plus réduit à cause de la réduction de la masse tubulaire. Le bilan des ions H+ sera quotidiennement positif. Pourtant la réduction de la concentration plasmatique de bicarbonates est également tardive à cause d’une mobilisation de tampons tissulaires 54 tels que le carbonate de calcium osseux et d’une baisse de la pression partielle en CO2 par hyperventilation compensatoire. e/ Perte des fonctions endocrines : La perturbation de la masse rénale a pour conséquence la réduction de la production de métabolites : l’érythropoïétine hormone indispensable à la production des globules rouges, et de la 1α- hydroxylase, enzyme nécessaire à la formation du calcitriol (1,25(OH)2vitD3), la forme active de la vitamine D3 régissant l’absorption du calcium. En revanche l’activité de l’axe rénine-angiotensine est exagérée chez les insuffisants rénaux chroniques aboutissant à une hypertension artérielle (HTA). Ces perturbations associées à l’accumulation de toxines dites « urémiques » participent à la création des troubles viscéraux extra-rénaux de l’IRC. f/ Manifestations viscérales extra-rénales de l’IRC : • Cardio-vasculaires : - L’hypertension artérielle : Elle est l’une des complications majeure de l’IRC avec une étiologie multiple. A partir de la formule : Pression artérielle = Débit cardiaque x Résistance périphérique On comprend la place de l’augmentation du débit cardiaque et des résistances périphériques dans l’HTA. Une hypervolémie (oligo-anurie de l’IRC terminale), et la stimulation du système rénine-angiotensine sont les principales causes évoquées avec comme autres facteurs, l’état du système nerveux, la sécrétion des catécholamines, l’état biochimique de la paroi artérielle, la néphropathie causale. La maîtrise de cette HTA est fondamentale dans le ralentissement de l’évolution de l’IRC et ainsi pour retarder le traitement par épuration extra-rénale. En effet, l’HTA aggrave les lésions rénales en agissant sur les artérioles rénales et en provoquant une sclérose précoce. Parallèlement, elle est la cause première de mortalité chez les malades en IRC en provoquant une artériosclérose cérébrale et coronaire. 55 - L’hypertrophie ventriculaire gauche : Suivie d’une défaillance ventriculaire gauche ou globale, elle apparaît souvent lors de surcharge sodée dépassant les possibilités physiologiques d’adaptation rapide d’excrétion rénale. La déplétion hydrosodée constitue le seul traitement. - Les péricardites : Elles sont de plus en plus rares dans les complications cardio-vasculaires grâce au traitement par épuration extra-rénale mis en œuvre précocement. Il s’agit le plus souvent d’une péricardite sèche entraînant des douleurs thoraciques et un frottement péricardique avec un épanchement séro-fibrineux ou hémorragique (risque de tamponnade). • Hématologiques : - L’anémie : A partir d’une filtration glomérulaire inférieure à 40 mL/min les troubles de l’érythropoïèse (insuffisance en érythropoïétine), et la destruction des hématies par les toxines urémiques vont entraîner une anémie. La supplémentation aujourd’hui des malades en Erythropoïétine recombinante a permis une correction spectaculaire de cette complication. - Troubles de l’hémostase et déficit immunologique : Ils interviennent à la suite de l’action des toxines urémiques sur les fonctions plaquettaires à partir de concentrations plasmatiques de créatinine supérieures à 1000 µmol/L et d’urée supérieure à 50 mmol/L ainsi que sur les leucocytes. • Osseuses : - Déséquilibres phosphocalciques: L’hyperphosphorémie est la conséquence d’une hyperparathyroïdie secondaire à l’abaissement de la calcémie qui ramènera pendant quelque temps le phosphore à un taux normal mais entraînera une ostéite fibreuse. L’hypocalcémie est la conséquence de l’hyperphosphorémie mais aussi de l’insuffisance de synthèse en 1-25-dihydroxycalciférol, métabolite actif de la vitamine D, synthétisée normalement par le rein. Le bilan calcique négatif et le déficit en métabolite actif de la vitamine D entraînent l’apparition de lésions osseuses de type ostéomalacie. Celle-ci est le plus souvent latente sans manifestations cliniques 56 jusqu’à ce qu’une fraction importante de l’os soit modifiée (tissu ostéoïde insuffisamment chargé en calcium et front de calcification misérable). - Les calcifications métastatiques : Conséquence des troubles du métabolisme phosphocalcique de l’IRC lorsque le produit P x Ca atteint 70 (Concentrations en mg pour 100mL) dans le plasma, correspondant à la limite de solubilité, d’où un risque de précipitations anarchiques pouvant siéger dans la conjonctive (hyperhémie conjonctivale), la peau (prurit), les articulations (pseudo-goutte phospho-calcique) et même les artères (accidents vasculaires coronariens et cérébraux). • Neurologiques : L’œdème cérébral et l’accident vasculaire cérébral sont le fait de l’ensemble des complications décrites ci-dessus (en particulier l’HTA). Des troubles de la conscience et des crises convulsives sont consécutives à des désordres hydroélectrolytiques (hyponatrémie). Des accidents neuropsychiques seront à surveiller lors d’administrations médicamenteuses par surdosage consécutif à une baisse des clairances rénales en cas d’IRC (raideur pyramidal, trismus, atteinte cochléovestibulaire…). L’ensemble de ces troubles contribue à l’entrée dans le coma urémique fait de phases de torpeurs succédant à des phases d’agitation, avec dyspnée et qui se produisaient auparavant lorsque le traitement par épuration extrarénale était impossible. La polynévrite urémique d’origine toxique prend place tardivement dans l’IRC et se traduit par des troubles sensitifs subjectifs (pieds brûlants et crampes dans les membres inférieurs), puis objectifs (diminution de la force musculaire, abolition des réflexes Achiléens et rotuliens) g/ La suppléance par l’épuration extra-rénale : Lorsque le patient atteint d’IRC commence à ne plus pouvoir compenser l’ensemble des déséquilibres décrit précédemment alors l’épuration extra-rénale devient indispensable pour maintenir l’individu en vie. La mise en œuvre du traitement par hémodialyse ou hémofiltration doit être le plus précoce possible pour ne pas laisser le syndrome urémique installer des lésions poly-organiques. Il ne doit pas l’être 57 trop afin de ne pas court-circuiter la fonction rénale encore suffisante. La décision de débuter l’hémodialyse est le plus souvent programmée après un suivi étroit de l’IRC sachant que la préparation de l’abord vasculaire peut parfois être long (cf. I-3-v- : abords vasculaires). En général, la symptomatologie urémique est absente lorsque l’épuration extra-rénale est débutée avec un débit de filtration glomérulaire compris entre 5 et 8 mL/min/1,73 m². On se sert de la clairance de la créatinine corrigée par la formule de Cockcroft et Gault qui se rapproche alors le plus de celle de l’inuline pour évaluer ce débit de filtration glomérulaire. Elle ne permet de suppléer que la fonction éliminatoire du rein mais pas la fonction endocrine qui reste perturbée. De même, les troubles métaboliques et immunologiques résultant de la perte de la masse rénale active ne pourront être corrigés par la dialyse elle-même mais par un traitement pharmacologique spécifique. L’anémie bien que persistante en hémodialyse est améliorée toutefois par le traitement grâce à une élimination progressive des toxines urémiques pouvant être responsables de la réduction de la durée de vie des hématies. L’hémodialyse pourra maintenir une clairance moyenne de l’urée d’environ 15 mL/min/1,73m². Du fait de la faible diffusibilité des toxines de poids moléculaire moyen à travers les membranes de dialyse, celle ci ne sont pas éliminées correctement au cours des séances d’hémodialyse. C’est pourquoi chez des patients ayant des troubles importants métaboliques, immunologiques et endocriniens, il est intéressant d’utiliser l’hémofiltration ou encore l’hémodiafiltration pour étendre la capacité d’élimination de l’épuration extra-rénale lorsque la simple hémodialyse n’est pas suffisante pour rétablir l’homéostasie du milieu intérieur. ii. Les causes de l’IRC : (MIGNON, 1993) Malheureusement, elles sont nombreuses mais ne représentent plus une fatalité pour les patients puisque la prise en charge par l’épuration extra-rénale rend possible une survie convenable des patients. En 2003, au total la prévalence de l’insuffisance rénale chronique traitée est d’environ 700 à 760 personnes par million d’habitants. On compte 28 000 à 29 000 patients traités par épuration extra-rénale, 58 avec ¼ en unité d’auto-dialyse, 5% en dialyse péritonéale à domicile, 3% en centre allégé et moins de 2% en hémodialyse à domicile (FNAIR). Les causes les plus fréquentes sont les maladies glomérulaires telles que la glomérulonéphrite à dépôts mésangiaux d’IgA (maladie de Berger), puis la néphropathie diabétique, la néphroangiosclérose d’origine hypertensive, la maladie polykystique rénale, les néphrites interstitielles chroniques, la néphropathie du reflux urinaire, les néphropathies obstructives et les atteintes rénales secondaires à des maladies systémiques telles que le lupus érythémateux disséminé, les vasculites et le myélome multiple. a/ Les glomérulopathies : Elles atteignent en général les deux reins et sont une destruction des glomérules par divers processus résultant d’une néphropathie glomérulaire primitive ou secondaire. Elles se manifestent par une protéinurie pouvant être abondante et/ou une hématurie microscopique ainsi que par une hypertension artérielle traduisant le passage au stade irréversible de l’affection. A cela s’ajoute la visualisation de reins petits, mais symétriques harmonieux avec des cavités excrétrices normales (si une urographie intraveineuse est faite). La détection de la cause de l’IRC est d’autant plus difficile que l’évolution est terminale. b/ Les néphropathies interstitielles : Elles se manifestent en générale par une atteinte asymétrique au niveau du parenchyme rénal avec des modifications du fond des petits calices et sont diagnostiquées grâce à l’urographie intraveineuse. Cette dernière permet d’affiner en plus l’étiologie (maladie urologique, troubles métaboliques anciens tels que la lithiase avec néphrocalcinose). Cliniquement on est en présence souvent d’une protéinurie minime, sans anomalie du sédiment urinaire ou une simple leucocyturie, voire une infection urinaire. De plus l’hypertension artérielle est en générale absente. 59 c/ Les néphropathies vasculaires : Elles se manifestent par une hypertension artérielle primitive et sévère présente avant même le stade IRC. En effet, l’altération des petits vaisseaux des reins par une pression artérielle dépassant les 160 et 90 mmHg respectivement pour les pressions systoliques et diastolique, engendre des difficultés dans le passage du sang au glomérule et donc une filtration moins efficace à l’origine d’autres lésions de type sclérose du néphron. A ce stade, l’hypertension artérielle outre les répercussions rénales, se fait ressentir au niveau du cœur, de l’encéphale, et de l’état général. d/ Les néphropathies constitutionnelles : Elles peuvent être héréditaires ou non et apparaissent progressivement. La polykystose rénale en est une des représentantes (4ème grande cause d’IRC) La manifestation dépend avant tout de l’élément constitutif anormal. Définir la cause de l’IRC en humaine, est important même lorsque l’on accueille le patient au stade terminal où l’épuration extra-rénale est déjà indispensable. En effet un patient ayant une polykystose rénale ne réagira pas de la même façon qu’un autre souffrant d’une maladie de Berger. De plus, la perspective aujourd’hui d’entreprendre une transplantation rénale étant envisagée dès l’entrée en dialyse, il faut se poser la question de la récidive de la maladie sur le greffon. Le traitement par hémodialyse apporte aujourd’hui aux patients une qualité de vie satisfaisante avec cependant des contraintes de régimes et de dépendance à une machine souvent difficiles à accepter. Cependant les modalités de traitement proposées offrent la possibilité de conserver de plus en plus une certaine autonomie qui peut se traduire par exemple par la dialyse à domicile, ou bien les centres d’autodialyse. Il ne faut pas cependant oublier que l’hémodialyse reste un moyen de survie et les patients doivent en prendre conscience. 60 2- L’insuffisance rénale aiguë : i. Définition : L’insuffisance rénale aiguë est un syndrome se rapprochant au niveau de la clinique de l’IRC, mais dont l’apparition brutale (de quelques heures à quelques semaines) et la réversibilité potentielle (dans plus de 80% des cas) rendent le diagnostic important à poser étant donné les risques de destruction définitive des reins. ii. Le syndrome urémique aigu : • Comme dans l’IRC, la concentration en urée plasmatique s’élève mais très rapidement dans l’IRA, car influencée par plusieurs facteurs. L’apport en protéines alimentaires et le degré de catabolisme des protéines endogènes de l’organisme fonction des pathologies ayant conduit à l’IRA, influencent le taux d’urée. Une nette augmentation supérieure à 8 mmoles/24h évoque indubitablement une lésion associée à la simple diminution du débit de filtration : lésions musculaires traumatiques, infectieuses, toxiques ou viscérales, hématome ou foyer infectieux profond, atteinte viscérale, septicémie, etc… • La créatinine plasmatique s’élève soudainement de 200 µmol/L/jour lorsque le patient est totalement anurique et témoigne du niveau de détérioration de la fonction rénale. • L’acide urique s’élève au-dessus de 400 µmol/L • Désordres électrolytiques : → Hyperkaliémie = elle constitue un risque vital lorsqu’elle se situe au-dessus de 6,5 mmol/L et doit donc être vite corrigée pour ne pas entraîner de troubles de la conduction auriculaire, auriculo-ventriculaire, puis intraventriculaire, aboutissant à la tachycardie et au flutter ventriculaire précédent la fibrillation ventriculaire et donc la mort. Les mécanismes mis en jeu lors de l’IRA 61 sont une sortie des ions K+ intracellulaires due à l’augmentation des ions H+ par défaut d’élimination et un relargage de K+ par destruction cellulaire. → Natrémie : une hyponatrémie est en général présente (apport hydrique excessif, libération d’eau endogène) mais il se peut qu’une hypernatrémie (perte d’eau +/apport massif de sodium hypertonique) engendre de graves troubles cérébraux. → Calcémie : une hypocalcémie souvent présente est rarement associée à des signes de tétanie car une hypermagnésémie et une acidose sont en général présentes (risque de coma si correction d’une hypermagnésémie et d’une acidose trop rapide) → Désordres acido-basiques : on observe généralement une acidose métabolique avec augmentation du trou anionique (différence entre la somme des cations et la somme des anions mesurables) par accumulation d’acides. Elle peut-être aggravée en cas d’hypoxie par choc (urémie post-opératoire et post-traumatique), lors d’hémorragie digestive, ou lors de diarrhée riche en bicarbonates. Elle peut en revanche se transformer en alcalose lors d’urémie toxique avec faible catabolisme et perte d’acide par vomissements. Le trou anionique est normalement inférieur à 15 mEq. Une élévation traduit une fuite digestive des ions chlores, une diminution des bicarbonates plasmatiques (acidose métabolique), et une accumulation des anions libérés avec les H+ (sulfates, phosphates, lactates). Si l’élévation est supérieure à 25 mEq/L cela traduit une acidose métabolique particulière avec accumulation d’anions endogènes (corps cétoniques du coma acido-cétosique, acide lactique du choc prolongé) ou exogènes (intoxication par l’acide acétylsalycilique, ou par l’éthylène glycol). Le pH ne diminue que rarement sous 7,3 et 7,35, et les bicarbonates sous 15 mmol/L par une intervention des tampons du sang et des tissus (ex : osseux) et une compensation respiratoire permettant l’élimination du CO2 sanguin et un maintien d’une PaCO2 basse entre 25 et 30 mmHg. • Les désordres hydriques : le plus souvent une hyperhydratation intracellulaire est présente liée à un excès d’eau seul exo ou endogène ; celle-ci entraîne des vomissements et troubles de la conscience. Un excès de sodium causera une hyperhydratation extra-cellulaire avec HTA et oedèmes. La diurèse peut-être diminuée ( IRA parenchymateuse, obstacle), ou conservée (IRA à perméabilité tubulaire maintenue) 62 iii. Causes, mécanismes et lésions rénales de l’IRA : L’identification de l’origine de l’IRA permet d’adapter le traitement afin d’augmenter les chances de réversion du processus pathologique. • L’IRA prérénale ou fonctionnelle (IRAF) : elle s’identifie par une diminution de la filtration glomérulaire associée à une réabsorption tubulaire maximum pour compenser l’hypovolémie à l’origine de l’IRA. Le rein ne présente pas de lésions histologiques, au début tout du moins et le processus peut être rapidement réversible. → IRAF de l’hypotension artérielle = on distingue les IRAF secondaires à des hypotensions dues à des hémorragies (externes ou interne) ou à des déshydratations extracellulaire, des IRAF par choc septique (toxines). Dans le premier cas, l’IRAF cessera dès le rétablissement de la volémie. Dans le second cas malgré la disparition de l’hypotension, des lésions parenchymateuses rénales peuvent persister si le traitement symptomatique n’a pas d’effets. → IRAF de l’insuffisance cardiaque = elle est responsable d’une rétention de sodium et d’une surcharge circulatoire par hyperaldostéronisme secondaire à la baisse de la perfusion rénale. → IRAF du syndrome néphrotique = la diminution de la pression oncotique à cause d’une fuite d’albumine entraîne une baisse de la volémie et un hyperaldostéronisme secondaire. → IRAF des cirrhotiques = la baisse de la pression oncotique par défaut de production hépatique de protéines conduit à une baisse de la volémie et baisse de la perfusion rénale . • L’IRA par obstacle : elle rétrocède dès la levée de l’obstacle et se manifeste par une anurie. Il faut cependant surveiller les désordres hydro-électrolytiques qui font suite généralement. • L’IRA parenchymateuse : la plus fréquente, elle est aussi celle qu’il faut surveiller attentivement pour améliorer les chances de réversibilité de l’insuffisance rénale : 63 → IRA par nécrose tubulaire aiguë (NTA) = c’est pour cette entité que fut inventée l’épuration extra-rénale entre 1940 et 1950 (SRAER et al, 1993). Un stade initial d’oligo-anurie (sauf NTA à diurèse conservée) sévère, rapide et persistant est présent même après rétablissement de la volémie. Généralement, l’augmentation de l’urémie reste modérée (< 8 mmol/L) à moins d’un hyper catabolisme protéique (abcès, rhabdomyolyse, hémorragie digestive…) et aucuns signes d’œdème, d’HTA, d’hématurie ou d’albuminurie n’est présent. La reprise de la diurèse se produit en général entre le 6ème et le 12ème jour sous forme d’une polyurie lorsque l’épuration extra-rénale n’a pas été entreprise (diurèse osmotique comme après une levée d’obstacle). A présent, la mort au stade urémie aiguë est rare grâce à l’épuration extra-rénale qui maintient un équilibre homéostasique en attendant une réparation des lésions parenchymateuses. Les séquelles rénales sont rares sauf en cas de nécrose corticale pour laquelle la récupération peut être très longue. Diverses causes de NTA sont décrites : - L’Etat de choc = en post-opératoire, le plus souvent la NTA est liée au choc endotoxinique et plus rarement au choc cardiogénique. Lors de chirurgie cardiaque on prévient les risques ischémiques par restauration de la volémie. - Les néphropathies obstétricales = en complication d’avortements septiques et accouchements avec anomalies placentaires. Elles sont dues au phénomène infectieux. - Les néphropathies avec myoglobinurie : elles sont la conséquence le plus souvent d’une rhabdomyolyse d’effort, ou de posture (comas éthyliques ou narcotiques) et sont donc en règle générale étroitement mêlées à d’autres troubles. Elles résultent de l’action toxique de la myoglobine au niveau des tubules rénaux, mais d’autres facteurs interviennent - Les néphropathies toxiques : elles sont essentiellement dues aux intoxications iatrogènes telles que les antibiotiques de type amynosides (Gentamycine) ou les produits de contraste iodés utilisés pour les urographies ou les cholécystographies avec le plus souvent un terrain prédisposant au développement de la néphropathie (déshydratation, diabète…). - Les néphropathies hémolytiques : l’hémolyse brutale qu’elle soit toxique, immuno-allergique ou par déficit enzymatique, associée à un choc peut être la cause d’une NTA . 64 - Les coagulations intra-vasculaires disséminées (CIVD) : Le choc peut à la fois provoquer une CIVD et une NTA, cependant les CIVD elles-mêmes présentes lors de pancréatites et d’hépatites aiguë peuvent entraîner une NTA. → Les néphropathies interstitielles aiguës (NIA) : leur reconnaissance est difficile en dehors de la réalisation d’une biopsie rénale. En effet les signes cliniques sont frustes sans oedèmes, ni hématurie, ni HTA, ni même oligurie ; seule la rétention azotée est présente avec protéinurie quelques fois. Les causes sont : - Infectieuses par complications de septicémies, d’infections urinaires et lésions urologiques. La formation de micro-abcès et l’infiltration de l’interstitium par des polynucléaires neutrophiles entraînent la destruction des néphrons. - Toxiques par infiltration de cellules rondes polymorphes sans caractère particulier à cause souvent de médicaments (Colistine, Glafénine, parfois Amynosides…), difficilement distinguables des NIA immuno-allergiques. - Immuno-allergique par réactions médicamenteuses (Methicilline Ampicilline, Rifampicine, Diurétiques thiazidiques ou le triamtérène …). Rares, elles sont découvertes par un dosage systématique de la créatinine ou de l’urée au cours d’un tableau clinique riche marqué par de la fièvre, une éruption cutanée, des arthralgies, une éosinophilie sanguine et doivent être identifiées pour écarter ces substances durant toute la vie du malade. → Les néphropathies glomérulaires : on en distingue 2 grands types : - Les glomérulonéphrites extracapillaires : elles sont caractérisées par la présence dans l’espace urinaire d’images dites en croissant et correspondant à des éléments épithéliaux du floculus et de la capsule de Bowman ainsi qu’à des macrophages et des polynucléaires neutrophiles. Elles associent cliniquement une IR aggravée de jour en jour, un syndrome urinaire de néphropathie glomérulaire (protéinurie, hématurie), une HTA discrète ou absente et se manifestent histologiquement à la biopsie par une hypercellularité extra-capillaire et quelques fois également endo-capillaire avec nécrose. En immunofluorescence on décèle des dépots linéaires ou granuleux d’IgG et/ou de C3 sur les membranes basales glomérulaires ainsi que leur siège pariétal ou mésangial. Pour adapter le traitement une recherche soigneuse de signes infectieux (cutanés, pulmonaires, ORL, 65 neurologiques, articulaire…) extra-rénaux ou de septicémie subaiguë doit être entreprise. - Les glomérulonéphrites endocapillaires : elles se manifestent par un syndrome néphrotique aigu (HTA, oedèmes, cylindres hématiques, protéinurie, hématurie, parfois oligo-anurie) et une étiologie streptococcique fréquente. On observe une hypercellularité endocapillaire avec polynucléaires neutrophiles et des dépots de C3 et d’IgG sur les parois des capillaires. → Les néphropathies vasculaires : elles constituent 5% des IRA (surtout chez l’enfant) et se présentent sous forme de syndrome hémolytique et urémique (SHU). Elles se caractérisent par une anémie hémolytique microangiopathique se manifestant par une HTA souvent sévère et des lésions viscérales se traduisant à l’artériographie par exemple par une ischémie rénale. L’anurie est souvent définitive. Le SHU peut survenir sans maladie vasculaire préalable avec quelques fois primitivement des signes infectieux (Shigella, fièvre typhoïde, septicémie à germes Gram négatifs ou infections virales), obstétricaux (fin de grossesse ou post-partum), hormonaux ou encore une cause médicamenteuse lors de traitement anticancéreux ( Mitomycine). En revanche une hypertension artérielle maligne peut s’extérioriser par l’apparition d’un SHU de même que la sclérodermie pour laquelle l’hémolyse va provoquer l’IRA. L’épuration extra-rénale n’étant pas le traitement spécifique de toutes les IRA, elle reste cependant la thérapeutique la plus répandue aujourd’hui afin de suppléer la fonction rénale en attendant une possible réversibilité des lésions en cause (BELLOMO et RONCO, 1996). Elle n’est pas un traitement étiologique mais reste l’élément essentiel en rétablissant un équilibre métabolique indispensable. Dans les unités de soins intensifs, l’hémodiafiltration apparaît comme le traitement de choix lors d’IRA chez les patients au stade d’insuffisances pluri-organiques et pour lesquels l’hémodiafiltration continue artério-veineuse offrirait une probabilité de survie supérieure à l’hémodialyse intermittente (VAN BOMMEL, 1995). En revanche dans certaines des pathologies citées ci-dessus et conduisant à une IRA, l’épuration extra-rénale et particulièrement l’hémofiltration constitue en plus du traitement de l’urémie, une lutte contre l’élément en cause dans la pathogénie. 66 3- Application de l’épuration extra-rénale lors de conséquences d’une rhabdomyolyse : i. Pathogénie de la rhabdomyolyse : Comprendre la pathogénie de la rhabdomyolyse c’est saisir l’importance de l’épuration extra-rénale dans le traitement et même dans la prévention de cet état critique. On définit la rhabdomyolyse comme une dissolution des fibres musculaires avec décharge de substances toxiques dans la circulation. Les événements conduisant à cette situation sont le syndrome d’écrasement, l’exercice intensif et les myopathies intrinsèques (maladies métabolique, génétique…). Ils conduisent tous à la surcharge de la cellule musculaire en Calcium et une déplétion en ATP (ZAGER, 1996): → L’écrasement entraîne un stress et une tension sur les cellules musculaires à l’origine d’un flux entrant de Na+/Ca2+ abolissant les gradients de concentration permettant la séquestration du Ca2+ et donc la relaxation musculaire (retour de l’inhibition de la troponine-tropomyosine sur les liens d’actine-myosine). De plus, la pression entraîne également une ischémie à l’origine d’une déplétion en oxygène et donc en ATP qui aggrave la surcharge en Ca2+ (arrêt des pompes ATPase calciques). Les lésions physiques directes sur les membranes et mitochondries s’ajoutent à celles occasionnées par l’activation de protéases, phospholipases et autres enzymes due aux concentrations critiques en Calcium. C’est seulement lors de la reperfusion après l’écrasement que les dégâts vont se produire lors du relargage des substances toxiques telles que les radicaux libres, les enzymes cellulaires, H202 : c’est alors que la myoglobine va être déversée dans la circulation sanguine. → La rhabdomyolyse d’exercice soulève la question des mécanismes d’adaptation de certains organes face à des événements et notamment celles des cellules musculaires lors de l’entraînement. En effet la tension excessive et la chaleur produite lors d’un exercice violent et soudain, vont entraîner une consommation accrue d’ATP et une utilisation des réserves de glycogène et de créatine phosphate. De là, une surcharge en Ca2+ va se produire et être à l’origine de la cascade décrite précédemment. → Les myopathies intrinsèques sont un ensemble de maladies qui se produisent chez des individus prédisposés et pour lesquels des troubles du 67 métabolisme des cellules musculaires vont entraîner de la même façon que précédemment une désorganisation de la cellule musculaire. L’exemple le plus connu étant l’hyperthermie maligne, on peut citer également la déficience en Carnitine Palmitoyl transférase ou les troubles métaboliques des fibres de type II. L’action de la myoglobine sur le rein est à l’origine d’une IRA par différents mécanismes : → La vasoconstriction rénale : des études expérimentales ont reporté la liaison étroite qui existait entre le déclenchement de l’IRA par la rhabdomyolyse et l’état préexistant d’hypovolémie/déshydratation et d’acidurie chez ces patients. De là, il a été mis en évidence l’action de l’hème de la myoglobine sur le rein et le système circulatoire pour induire une vasoconstriction rénale: • la nécrose musculaire engendrerait la création d’un 3ème secteur aggravant la déplétion intravasculaire • les lésions musculaires sévères activeraient la cascade endotoxinique des cytokines et accentueraient par la même la vasoconstriction rénale et la dépression ventriculaire gauche • les protéines de l’hème dégraderaient le monoxyde d’azote (NO) responsable de la vasodilatation rénale, donc du maintien de l’oxygénation médullaire rénale. Lors d’hypotension il d’ensuivrait une augmentation des résistances périphériques à l’origine de dommages tissulaires ischémiques. → La précipitation des protéines de l’hème au sein des néphrons de la partie distale des tubules participe à l’endommagement du rein et conduit également à l’établissement de l’IRA dans la rhabdomyolyse. Une réduction de la filtration glomérulaire est causée par la vasoconstriction intra-rénale. En revanche, il semble que la rétro-diffusion de l’ultrafiltrat glomérulaire joue un rôle mineur dans l’établissement des lésions rénales. L’action cytotoxique de l’hème de la myoglobine sur les cellules tubulaires se produit à cause de cette précipitation et serait accentuée par des facteurs adjuvants tels qu’une déshydratation, un état de choc ou une acidose (formation de cylindres intra-tubulaires. La précipitation serait influencée par le pH urinaire puisque la rhabdomyolyse avec acidurie mènerait à une IRA et par les protéines de Tamm Horsfall qui agrègeraient l’hème sous un pH acide là où elles sont produites à savoir la partie distale des néphrons. 68 → L’action cytotoxique de l’hème porte : • sur la sensibilisation des cellules tubulaires proximales au contact des phospholipases A2 libérées lors d’ischémie. • sur le stress oxydant généré par le Fer de l’hème qui est libéré dans les cellules tubulaires après endocytose (production d’H202, peroxydation de lipides…) → L’hyperphosphatémie, l’hyperuricémie, et la CIVD, concomitants de la rhabdomyolyse, peuvent également aggraver les lésions rénales. Ainsi, outre le fait d’augmenter le volume intra-vasculaire afin de limiter les conséquences de la vasoconstriction, il serait intéressant lorsqu’on étudie la pathogénie de limiter le temps d’exposition des cellules tubulaires proximales à l’hème au afin de limiter son action cytotoxique. Shunter le circuit rénal pour l’élimination de la myoglobine revêt donc un intérêt particulier. ii. L’indication de l’épuration extra-rénale : En raison du faible poids moléculaire de la myoglobine (17000 Daltons), il est tout à fait indiqué de réaliser une épuration extra-rénale comme traitement pathogénique de la rhabdomyolyse. En plus de ses effets bénéfiques de prévention de l’IRA et de suppléance de la fonction rénale si celle-ci est altérée, l’hémofiltration continue (CVVH) constitue l’indication majeure de la myoglobinurie (SCHETZ, 1999). En effet, si l’hémodialyse traditionnelle utilisant des filtres standards ne permet pas le passage de la myoglobine, en revanche l’hémofiltration avec des membranes de type Polysulfone (Amicon20®) éliminerait des substances de poids moléculaire jusqu’à 30 000 Daltons. Elle constituerait un atout majeur par rapport à des méthodes thérapeutiques standards que sont la diurèse alcaline et les perfusions de mannitol (BERNS et al, 1991). Des expériences chez le porc, sur la clairance de la myoglobine équine lors de séances d’hémofiltration continue avec ou sans dialyse apportent la preuve évidente qu’il est possible d’éliminer la myoglobine par cette technique (NICOLAU et al, 1998) Cependant, étant donné la variabilité des concentrations de myoglobine dans le sang en raison des phénomènes continus de production et de dégradation de la myoglobine lors de rhabdomyolyse, il apparaît difficile de prouver dans quelle 69 proportion l’hemofiltration continue est capable d’éliminer la myoglobine de l’organisme (VAN HAMERSVELT, 1999). Ainsi, chez certains patients traités par hémofiltration continue dans le cadre d’une rhabdomyolyse (AMYOT et al, 1999) une chute considérable des concentrations de myoglobine présente dans le sérum est observée. A l’opposé chez d’autres patients (WAKABAYASHI et al, 1994) on n’observe pas de différences significatives concernant la disparition quotidienne de myoglobine par rapport à des patients en rhabdomyolyse et n’ayant pas subi d’épuration extra-rénale. De façon générale l’ensemble des publications s’accorde à souligner l’apport majeur de l’épuration extra-rénale et plus particulièrement les hémofiltrations ou hémodiafiltrations continues, dans le traitement de la rhabdomyolyse (SPLENDIANI et al, 2001)(SCHENK, 2001)(BELLOMO et al, 1991). On peut à partir de ces travaux consigner le matériel, les paramètres les plus adaptés à l’épuration de la myoglobine : 1- membranes du type Acrylonitrile et Polyacrylonitrile, Polysulfone, 2- durées de traitement de 12 heures sans changer de l’hémodialyseur à plusieurs jours en changeant d’hémodialyseur, 3- débits sanguins de 100mL/min en CVVH, CVVHD et CVVHDF et de 300mL/min en Hémodialyse intermittente des débits de dialysat de 500mL/min en Hémodialyse intermittente à des débits de 1.5L/min à 2L/min en CVVHD et CVVHDF 4- ultrafiltrations de 1L5 ou 2L/h en CVVH et CVVHDF 5- mécanismes d’hémofiltration continue (CVVH) sont efficaces, plus longtemps que l’hémodialyse (CVVHD). L’usage de l’hémofiltration continue permet de limiter l’effet de couche grâce à l’apport de la convection et permet d’éliminer plus longtemps l’hémoglobine que ne le ferait l’hémodialyse. La multitude des cas rapportés de succès de l’hémofiltration dans le traitement de la rhabdomyolyse en humaine justifie qu’on lui accorde un certain intérêt en médecine vétérinaire. 70 4- Application de l’épuration extra-rénale lors de conséquences d’un choc cardiogénique : L’indication majeure extra-rénale en médecine humaine de l’hémofiltration en dehors d’un contexte d’insuffisance rénale est le support des patients en choc cardiogénique conduisant d’une part à un état inflammatoire délétère pour les différents organes et d’autre part à une insuffisance rénale aiguë. L’application la plus documentée de l’hémofiltration est la prévention post- chirurgicale du choc cardiogénique déclenché par la circulation extra-corporelle (CEC) en chirurgie cardiaque. En effet, une dysfonction myocardique est souvent observée lors de CEC, concomitante de défaillances viscérales dues à l’augmentation de l’eau extra-cellulaire notamment au niveau pulmonaire, rénal, hépatique, splanchnique et myocardique. Cette dysfonction myocardique est constamment observée dans les 24 premières heures post-opératoires (PHILLIPS et al, 1983). Elle s’explique par plusieurs facteurs. Tout d’abord la présence de mauvaises conditions per ou post-opératoires telles que (BUREAU, 1992) : • Le bas débit per ou post circulation extra-corporelle • L’infarctus du myocarde post-opératoire • L’hypothermie • Le débit non pulsatile de la CEC D’autre part, l’altération post-opératoire de différents organes serait également consécutive à une réaction inflammatoire extensive et généralisée secondaire à une activation humorale et cellulaire intense. Ce phénomène est bien décrit en anesthésiologie avec par exemple le syndrome post by-pass (JOURNOIS, 1999) durant les chirurgies cardio-pulmonaires et qui correspondrait à une réaction inflammatoire proche de celle retrouvée lors de sepsis, déclenchée par la mise en contact du sang avec des matériaux inertes formant les circuits de la CEC. On aurait donc une élévation des cytokines au décours des CEC pouvant expliquer les dysfonctions myocardiques post-CEC. Des concentrations plasmatiques élevées en Il6, Il8, Il10 et TNFα ont été rapportés lors de plusieurs études autour des CEC avec une bonne corrélation avec les dysfonctions myocardiques post-opératoires et les épisodes d’ischémies myocardiques. La mise en cause de l’oxyde nitrique et de 71 l’activation des neutrophiles (migration et dégranulation) permet de présager un rôle thérapeutique à ce niveau de l’hémofiltration qui permettrait le rétablissement de l’homéostasie en éliminant les substances pro-inflammatoires lesquelles auraient une action directe sur le cœur et les vaisseaux par une augmentation de la perméabilité vasculaire et une accumulation liquidienne tissulaire en particulier myocardique. L’inhibition de ces cytokines pro-inflammatoires (inhibiteurs non spécifiques de la protéase inhibant la kallicréine, la plasmine et autres) aussi séduisante soit–elle comme thérapeutique est cependant à considérer avec précaution du fait de l’interaction entre les différentes cascades inflammatoires et le risque de basculer d’un extrême à l’autre (LEVY et KELLY, 1993). L’hémofiltration serait une réponse plus adaptée aux phénomènes mis en cause lors de la circulation extra-corporelle avec un traitement des surcharges hydrosodées préopératoires ou des inflations excessives per-opératoires liées au « priming » (amorce de la CEC) et une amélioration de la gestion de l’équilibre hydroélectrolytique. Tout comme lors de l’endotoxémie l’hémofiltration permettrait également l’épuration par adsorption ou élimination des cytokines surproduites lors de la CEC. Diverses études confirment ces hypothèses avec la réduction des Il1,Il6, Il1β, Il8, Il10, TNFα, et une réduction de l’activation de la NO synthase lors de la pratique de l’hémofiltration au cours de chirurgie cardiaque avec CEC (HUBERT, 2000). De là, des conséquences cliniques ont été également mise en évidence avec une stabilité et une non-dégradation de la cinétique myocardique segmentaire dans le groupe de patients hémofiltrés durant la chirurgie cardiaque avec CEC. L’hémofiltration est devenue donc un atout majeur dans la prévention et le traitement du choc cardiogénique post-chirurgical. On peut supposer également que l’hémofiltration pourrait influencer le taux de survie des patients en choc suite à une hémorragie importante, cependant cette éventualité n’est cependant pas rapportée dans la littérature. 72 5- L’épuration d’un toxique exogène : i. Toxique : L’administration de médicaments est toujours un acte délicat. C’est pourquoi la thérapeutique à envisager en cas de surdosage ou d’effets secondaires non souhaités est fondamentale en médecine urgentiste. Hormis les traitements classiques des soins intensifs reposant sur l’intubation, la perfusion et différentes médications, l’épuration extra-rénale constitue aussi un traitement efficace pour l’élimination d’un toxique définis (VERNON et GLEICH, 1997). Concernant la diurèse forcée, il est important de prendre en compte les modifications de pH pour accroître cette élimination. En effet certains toxiques, lorsqu’on connaît leur nature (ce qui est le cas le plus souvent lors d’empoisonnements iatrogènes) sont fréquemment des acides faibles ou des bases. Par conséquent en agissant sur le pH de l’urine on peut faire passer le toxique sous une forme ionisé qui ne sera pas réabsorbé par les tubules rénaux. Par exemple l’administration de bicarbonates dans l’intoxication aux salicylates augmente son élimination (BARREAU, 1993). L’utilisation de techniques d’épuration extra-corporelle apparaît de façon assez controversée dans la littérature. L’hémodialyse conventionnelle et l’hémofiltration semblent être occasionnellement utilisées. L’hémoperfusion au charbon consiste à l’utilisation d’une circulation extra-corporelle par l’intermédiaire de laquelle le sang va passer à travers une colonne de charbon qui va absorber les éléments toxiques su sang. Elle est donc également une technique d’élimination de toxique tout comme l’utilisation de charbon activé par voie orale pour limiter l’absorption digestive et permettre une sorte d’entérodialyse intestinale. L’hémoperfusion s’utilise très souvent en association avec les techniques d’épurations extra-rénales. L’hémodialyse intermittente ne s’est pas généralisée à cause des contraintes qu’elle peut présenter lors de situations d’empoisonnement avec dysfonctionnement cardio-vasculaire. Le rapport bénéfice-risque semble selon les études en défaveur de l’hémodialyse : afin que l’épuration soit envisageable il faut que le poids moléculaire des substances soit faible pour qu’elles franchissent le filtre, que le volume de distribution du toxique soit peu important et que les molécules soient faiblement liées aux protéines plasmatiques. Les risques d’hypotension, de pertes sanguines, 73 d’embolies gazeuses et d’hématomes concomitant à l’hémodialyse ne doivent pas constituer un facteur aggravant de l’état général de l’intoxiqué. a/ La théophylline : Parmi les molécules retrouvées lors d’intoxication, la théophylline figure parmi les plus délicates à éliminer. L’hémoperfusion sur charbon est la technique recommandée pour son élimination cependant lors de taux sanguins très élevés l’association avec une épuration extra-rénale semble plus adaptée (VERNON et GLEICH, 1997). Dans le cas rapporté par HIGGINS et al (1994) une insuffisance rénale aiguë associée à une rhabdomyolyse, une hypokaliémie, une hypotension, une hyperthermie ainsi qu’une arythmie étaient présentes. Pour l’ensemble de ces symptômes l’hémodialyse continue artério-veineuse s’avère un traitement de choix, d’autant plus que la durée du traitement rends possible une élimination en continue lorsqu’un relargage de théophylline se produit à partir de l’appareil digestif ou bien comme dans les travaux d’Higgins et al, à partir des tissus des jambes. La technique d’hémodialyse semble donc adaptée à condition d’être entreprise tôt. b/ Les aminosides : La vancomycine est un traitement antibiotique de la famille des aminosides adapté dans le cas de sévères infections telles que des péritonites (AKIL et MIR, 2001). Cependant ses effets secondaires importants (aigus = fièvre, phlébite, hypotension, choc, anaphylaxie, trémulations musculaires ; chroniques = neutropénie, thrombocytopénie, ototoxicité, néphrotoxicité) en font une molécule délicate à manipuler surtout lors de traitement chez des insuffisants rénaux. Il peut arriver d’autre part que des doses trop importantes soient administrées (limite du taux sanguin = 30 mg/L). Un cas d’intoxication iatrogène a été traité avec succès grâce à l’hémodiafiltration continue artério-veineuse. En effet à cause du haut poids moléculaire de la molécule (1500 Kda) et de sa forte tendance à se lier aux protéines (55%) la vancomycine est insuffisamment éliminée par l’hémodialyse ou la dialyse péritonéale. Des flux de dialysat de 30 L/h furent mis en oeuvre dans le cas de l’hémodiafiltration d’AKIL et MIR 74 c/ La Metformine : La Metformine est utilisée de façon croissante dans le traitement du diabète de type II. Pour cela les risques de surdosage sont de plus en plus fréquents et se traduisent par une acidose lactique ainsi qu’un dysfonctionnement rénal. L’hémodialyse semble donc appropriée dans la thérapeutique de cette intoxication (BARRUETO et al, 2002). La Metformine ne se liant pas aux protéines, elle est libre dans le secteur vasculaire et donc éliminée à 100% par le rein. Aussi lors d’intoxication, l’insuffisance rénale qui s’installe aggrave le pronostic. L’hémofiltration continue utilisant des débits d’ultrafiltration de 2,5 L/h apparaît la plus adaptée des thérapies en particulier lorsque les patients présentent des perturbations hémodynamiques. Chez le patient intoxiqué traité par BARRUETO et al, la baisse considérable des concentrations de Metformine sanguines est encourageante pour un approfondissement de l’utilisation de cette technique dans le traitement des intoxications à la metformine. d/ L’acide valproïque : Il est utilisé dans le traitement de l’épilepsie et de la migraine. Lors de surdosage, l’hémodialyse classique apparaît également comme le traitement de choix dans l’élimination de cette molécule au bas poids moléculaire (144 Da) et au faible volume de distribution (0,2L/Kg). Cependant, le fort taux de fixation de la molécule aux protéines sanguines limite sa clairance. L’hémodiafiltration apparaît de ce fait plus adaptée comme cela est rapporté chez l’enfant (DHARNIDHARKA et al, 2002). L’hémodialyse conventionnelle est cependant rapportée comme efficace dans certains cas anecdotiques. Des débits de pompes à dialysat de 800 mL/h ont été utilisés dans le traitement par hémodiafiltration et des durées de 6 heures seulement. e/ La N-acétylprocaïnamide : Un autre médicament peut devenir toxique lorsqu’il est mal dosé chez l’insuffisant rénal chronique et entraîner ainsi une tachycardie ventriculaire : c’est la Nacétylprocaïnamide. Une étude (DOMOTO et al, 1987) qui démontre l’efficacité de l’épuration extra-rénale dans l’épuration d’un toxique iatrogène, a montré l’avantage 75 des méthodes continues sur les méthodes intermittentes surtout lorsqu’une pathologie préexistante telle qu’une insuffisance rénale et une instabilité hémodynamique atteignent le patient intoxiqué. Ainsi, l’avantage d’une méthode continue dans ce type d’intoxication est que, lors de phénomènes de redistribution du toxique à partir des compartiments tissulaires, l’hémofiltration continue poursuit le retrait de la procaïnamide. Cela permet une élimination plus complète du toxique, alors que dans l’hémodialyse intermittente une fois l’équilibre atteint dès la fin de la séance, aussi rapidement soit-il, on peut observer un effet rebond qui conduit à une réapparition du toxique dans le secteur vasculaire. L’hémofiltration continue permet une élimination stable et durable dans le cas de toxiques à fort volume de distribution. f/ L’aspirine : L’aspirine constitue le médicament le plus consommé dans le monde. Rien d’étonnant donc au fait qu’elle arrive parmi les premières molécules mises en cause dans des intoxications. La description de cas d’intoxication (BARREAU, 1993) montre malgré l’absence d’une atteinte glomérulaire et de la fonction rénale, une atteinte polyviscérale : une insuffisance hépato-cellulaire avec encéphalopathie hépatique, une hyperventilation, un œdème pulmonaire, une acidose métabolique, un état de choc, une coagulopathie de consommation, des désordres ioniques sont un ensemble de troubles qui peuvent justifier de la mise en place de la technique d’épuration extrarénale. De plus, le faible poids moléculaire de l’aspirine (200 Da pour l’aspirine pure) et sa distribution élevée dans le secteur extra-vasculaire en font une molécule que l’on peut envisager d’éliminer par rein artificiel. L’épuration extra-rénale est indiquée de façon systématique lorsque le taux sanguin est supérieur à 100 mg/100mL et lorsque certains indices de mauvais pronostic sont présents : coma, convulsions, hyperventilation majeure avec détresse respiratoire, oligoanurie, insuffisance rénale, troubles électrolytiques majeurs, grande acidose (pH<7,2). Dans le cas rapporté par BARREAU le temps de demi-vie d’élimination de l’aspirine est passé grâce à l’hémofiltration artério-veineuse pendant 27 heures de 54,7 à 4,6 heures. Au cours de cette étude les avantages et inconvénients de l’utilisation de la CAVH et de la CVVH sont présentés en rappelant que : - pour l’hémofiltration artério-veineuse continue(CAVH) = → pas de matériel particulier 76 → volume sanguin extra-corporel faible (avantage en pédiatrie) → autorégulation de l’élimination de liquide entraînant de faibles perturbations hémodynamiques et hydro- électrolytiques mais = → dépendance de l’efficacité d’élimination au débit sanguin → complications de la cathétérisation fémorale → hypothermie possible - pour l’hémofiltration veino-veineuse continue (CVVH) = → pas d’abord artériel → débit sanguin garanti par la pompe donc efficacité stable mais = → l’équipement se complique avec la nécessité d’un moniteur de pression et d’un détecteur d’air → pas d’autorégulation de l’élimination de liquide. Enfin des volumes de 3 à 20 mL/min d’ultrafiltrat obtenu sont rapportés ce qui correspond au renouvellement total du volume sanguin d’un enfant toutes les 2 à 3 heures. C’est ce rapport considérable entre la quantité d’ultrafiltrat et le volume sanguin qui est à l’origine de l’excellente efficacité de cette technique et qui explique le bénéfice supplémentaire apporté par cette thérapeutique par rapport à l’hémodialyse où l’ultrafiltrat est limité à 2 ou 3 litres par séance. Ainsi les techniques d’épuration extra-rénale constituent donc dans le cas des intoxications iatrogènes une opportunité de cibler le traitement puisqu’on connaît la molécule en cause responsable des troubles et d’adapter les paramètres de la technique d’épuration extra-rénale choisie en fonction de cela. Il en va cependant autrement lorsque l’intoxication est due à un empoisonnement. 77 ii. Poison : L’empoisonnement rend un peu plus délicat le choix de l’épuration extra-rénale dans la mesure où l’agent en cause n’est pas souvent isolé de façon claire. On retrouve toutefois l’épuration extra-rénale dans de nombreux protocoles de traitement à visée éliminatoire. a/ Le Mercure : Le sel de mercure inorganique devient mortel lors d’ingestion de 1 à 4 grammes. Différentes atteintes sont en cause telles qu’une glomérulonéphrite d’origine auto-immune et des lésions de nécrose de la muqueuse digestive par le complexe formé par l’ion mercurique et le groupement sulfhydryl des protéines. Ainsi l’épuration extra-rénale constitue le traitement de choix concernant l’anurie, les déséquilibres électrolytiques et l’élimination du mercure. Pour ce dernier objectif, l’utilisation de chélateurs améliore l’épuration (PAI et al, 2000). C’est ainsi que du Dimercaprol ou bien du Dimercapo-1-propane sulfonate (moins agressif) peuvent être utilisés comme chélateurs. Cependant, vu la taille des complexes formés avec l’ion mercure dans le sang, l’hémodialyse apparaît comme inefficace pour l’élimination du toxique. En revanche le choix de l’hémofiltration continue (CVVH) apparaît comme la technique de choix lorsqu’on considère la taille du complexe DMPS-Mercure de l’ordre de 600 Da. b/ Les champignons toxiques : L’Amanite Phalloïde fait partie des toxiques mortels encore fréquents dans certaines régions d’Italie (SPLENDIANI et al, 2000). Les symptômes hépatiques et rénaux apparaissant à la suite des troubles digestifs (douleurs abdominales, vomissements, diarrhées) font de l’hémofiltration une technique de choix se substituant à la diurèse forcée et complétant l’hémoperfusion sur charbon qui permet une élimination du toxique lorsqu’il est lié aux protéines du sérum. En effet, les poisons de l’Amanite Phalloïde sont nombreux. Si les hémolysines sont détruites par la chaleur et le suc gastrique, il n’en est pas de même pour l’α-amanitine (1000 Daltons) bloquant la synthèse de l’ARN et donc entraînant des nécroses cellulaires, 78 qui s’élimine difficilement par les glomérules à cause de sa liaison avec l’albumine du sérum. Ainsi dans les études rapportées, la technique de l’hémofiltration continue sur 20 heures associée à l’hémoperfusion sur charbon durant 3 heures, offre une guérison en moins de 5 jours. c/ L’Ethylène glycol : L’intoxication par le liquide antigel est une intoxication grave entraînant une acidose métabolique et des défaillances multiorganiques. Le traitement instauré en routine consiste en l’injection d’éthanol afin de réduire la conversion de l’éthylène glycol en ses métabolites toxiques et l’hémodialyse pour l’élimination de ces toxiques (CHRISTIANSSON et al, 1995). Cependant lors de cas très avancés d’intoxication l’instabilité dynamique rend difficile la mise en oeuvre de l’hémodialyse c’est pourquoi l’hémodiafiltration artério-veineuse continue représente une bonne alternative offrant un bon pronostic de par la rapide chute du taux d’acide glycolique dans le sang durant les 24 premières heures (taux d’ultrafiltration à 250-600 mL/h). d/ Aluminium : De la même façon que dans tout ce qui a été décrit jusque là, les techniques d’épuration extra-rénale sont également efficaces pour permettre l’élimination des métaux toxiques dans le corps. Le cas de l’aluminium montre l’importance de la connaissance du toxique en cause pour permettre à la technique d’épuration extrarénale d’être efficace. En effet, il ne se produit pas d’élimination de l’aluminium lors de séances d’hémodialyse ou d’hémofiltration si un chélateur tel que la desferrioxamine (DFO) n’est pas injecté avant la séance (SULKOVA, 1991). L’hémofiltration sera encore une fois privilégiée en cas d’instabilité cardio-vasculaire chez le patient et les troubles d’encéphalopathie par intoxication à l’aluminium ne se trouvent en aucun cas aggravés. En routine il est conseillé d’effectuer 2 séances d’hémofiltration après l’administration d’une simple dose de DFO afin de limiter l’effet rebond car il existe plusieurs compartiments où se concentre le complexe d’aluminoxamine. 79 e/ Le lithium : Concernant l’intoxication par le Lithium, l’efficacité de l’hémodialyse veinoveineuse continue est également rapportée (BECKMANN et al, 2001). Bien que la clairance soit plus importante lors d’hémodialyse intermittente, la méthode continue prévaut sur la méthode intermittente lors d’instabilité hémodynamique accompagné de signes nerveux majeurs. Un taux d’ultrafiltration de 2 L/h est utilisé avec succès et des séances allant jusqu’à 18 heures sont réalisées. f/ Le pentobarbital : Le Dolethal® (pentobarbital) est une molécule largement utilisée en médecine vétérinaire pour effectuer des euthanasies. L’empoisonnement par cette molécule s’avère donc sévère avec des signes d’hypotension, de choc cardiogénique conduisant à un arrêt respiratoire (BIRONNEAU, 1996). L’hémodiafiltration a été entreprise avec des taux d’ultrafiltration de 750 à 850 mL/h pour contrer les lésions hépatiques et rénales et permettre l’élimination du Pentobarbital, de faible poids moléculaire (232 daltons) et faible volume de distribution. Avec des taux d’ultrafiltration plus élevés une clairance supérieure est évoquée et prouve l’importance d’une adaptation des paramètres techniques en fonction de la molécule à éliminer et de l’état du patient. 6- La surcharge hydrique : L’accumulation de liquide dans le secteur extra-vasculaire constitue un problème délicat à gérer en soins intensifs. L’épuration extra-rénale apparaît comme une thérapie adjuvante dont les effets, rapportés dans différents cas de rétention hydrosodée, sont intéressants. i. La congestion cardiaque : L’insuffisance cardiaque reconnaît plusieurs étiologies aboutissant à un état congestif réfractaire à toute thérapeutique traduisant une insuffisance cardiaque chronique terminale (ADRIAMAMPIORONA, 1991). A côté des médicaments dits 80 « conventionnels », d’autres modalités thérapeutiques tels que le contrôle artificiel des volumes liquidiens par l’épuration extra-rénale se sont développées ainsi que la transplantation cardiaque. L’insuffisance cardiaque se traduit par un accroissement des pressions en amont et/ou une diminution des pressions en aval. L’évolution des insuffisances cardiaques se fait par poussées et conduit à une insuffisance d’apport d’oxygène aux tissus, des anomalies dans la distribution du sang avec entre autres, une inflation de la masse sanguine et une insuffisance d’apport artériel, une rétention de sel et d’eau. C’est donc l’organisme tout entier qui subira les répercussions de la décompensation cardiaque. Celles qui touchent le rein jouent un rôle de premier plan car elles vont aggraver la situation en commandant la rétention hydrosodée responsable de la congestion de l’organisme. Le traitement de l’insuffisance cardiaque vise donc autant la dysfonction rénale que celle du cœur. L’épuration extra-rénale permet d’assurer l’homéostasie artificielle des volumes liquidiens en créant une soustraction liquidienne par transfert convectif d’eau, d’électrolytes et des substances de faible poids moléculaire par ultra-filtration. L’ultrafiltration isolée est réservée électivement aux surcharges sans insuffisance rénale. Mais lorsque l’insuffisance rénale entre en complication de l’insuffisance cardiaque congestive une épuration est nécessaire ; on a recours à des séances d’hémodialyse, d’hémodiafiltration, ou d’hémofiltration lors desquelles on soustrait le liquide en excès. Ces techniques permettent donc une sortie du cercle vicieux par lequel le déséquilibre hydro-électrolytique aggrave l’insuffisance cardiaque congestive (fig. 11). Dans les cas graves d’insuffisance cardiaque congestive résistante aux traitements par diurétiques, l’hémofiltration veino-veineuse continue apparaît comme étant le meilleur traitement (BRAÜSE et al, 1999). Elle permet une reprise de sensibilité aux thérapeutiques médicales classiques et de façon plus précise abaisse les pressions veineuses atriales et centrales ce qui par l’abaissement de la précharge cardiaque améliorerait les patients. L’hémofiltration semble donc totalement adaptée même lorsque l’insuffisance rénale n’est pas encore installée dans les cas d’insuffisance cardiaque congestive. 81 Hypovolémie efficace Adaptation neurohumorale (Catécho, Rénine, Aldostérone, AVP…) Augmentation de la résistance périphérique Diminution du débit cardiaque Insuffisance rénale fonctionnelle Insuffisance Cardiaque globale Baisse de la filtration glomérulaire Augmentation de la réabsorption de Na Rétention Hydro-sodée H2O-Na Ultrafiltration Isolée Fig. 11 : Cercle vicieux Rein-Cœur (ADRIAMAMPIORONA , 1991). 82 ii. L’œdème aigu du poumon : L’une des conséquences majeures de l’insuffisance cardiaque congestive reste de toute évidence l’œdème aigu du poumon (OAP). Pour toutes les raisons précédemment exposées l’hémofiltration apporte une bonne réponse au traitement étiologique de l’OAP. Dans de nombreux cas elle est présentée comme le traitement majeur restaurant les fonctions mécaniques des poumons par soustraction d’eau. Elle améliore la saturation de l’hémoglobine, la pression partielle en O2 sans pour autant induire des troubles hémodynamiques (Hématocrite constant) puisque le monitoring permet grâce au liquide de remplissage d’éviter l’hypovolémie (MARENZI et al, 2001). Cependant, aucune amélioration n’est apportée à la capacité de diffusion alvéolaire des poumons après l’hémofiltration alors que de façon évidente les propriétés mécaniques sont restaurées tout comme après une greffe cardiaque (AGOSTONI et al, 2000). En effet si l’hémofiltration élimine la surcharge hydrique des membranes alvéolaires, d’autres phénomènes ne sont pas réduits à savoir, des réactions de fibrose ou une augmentation de la cellularité des membranes capillaires alvéolaires. Cela explique l’évolution opposée entre les propriétés mécaniques et la capacité de diffusion des poumons après le traitement par hémofiltration de l’OAP. L’œdème pulmonaire lorsqu’il n’est pas d’origine cardiogénique peut aussi être traité par hémofiltration. C’est le cas lors d’œdème dû à l’augmentation de perméabilité capillaire pulmonaire des septicémies (GOTLOIB et al, 1984). L’hémofiltration permettrait alors d’épurer par convection le sang des basses et moyennes molécules vasoactives impliquées dans l’augmentation de perméabilité des micro-vaisseaux pulmonaires. Un cas d’œdème aigu du poumon massif faisant suite à l’ingestion d’éthylène glycol butyl glycol par un patient alcoolique a été traité par hémodialyse avec succès (BAUER, 1992). De même, un succès thérapeutique a été enregistré lors d’une intoxication chronique au salicylate avec oedème (COHEN et al, 2000). 83 iii. L’ascite L’ascite est aussi souvent la conséquence de l’insuffisance cardiaque congestive mais on la retrouve dans de nombreuses autres pathologies (cirrhose, carcinome péritonéal, syndrome néphrotique). L’injection de diurétiques et d’albumine constituent le traitement utilisé en routine. Ces méthodes peuvent induire de l’hypotension, une Insuffisance rénale aiguë, une encéphalose hépatique et se compliquer par des troubles gastro-intestinaux, des saignements, de la fièvre, ou même une coagulation intra-vasculaire disséminée (DAIMON et al, 1998). Le principe de l’ultrafiltration du liquide d’ascite a déjà été utilisé dans le but de concentrer les protéines afin de les réinjecter par voie intraveineuse quelques heures plus tard. En effet, les causes de la production d’ascite sont nombreuses : hypertension portale, hypoalbuminémie, chute de la pression oncotique, fuite du liquide lymphatique dans la cavité abdominale à cause d’un excès de pression au niveau des capillaires sinusoïdaux et donc d’un mauvais retour de la lymphe par le canal thoracique, facteurs endogènes mettant en cause le système rénine-angiotensine. C’est pourquoi on comprend l’effet délétère que peut représenter un retrait simple du liquide d’ascite qui représenterait alors une perte énorme en protéines et entretiendrait donc la production d’ascite. Deux modalités sont utilisées, s’éloignant de l’épuration extra-rénale classique mais conservant les mêmes principes. En effet au lieu d’extraire le sang du patient c’est le liquide d’ascite qui va être retiré et injecté dans le rein artificiel pour subir une ultrafiltration grâce à une pompe semblable aux pompes à sang de l’hémofiltration. Le liquide d’ascite à la sortie du dialyseur peut alors soit être réintroduit dans la cavité abdominale, soit réinjecté dans la circulation sanguine. L’injection intra-veineuse du liquide d’ascite après concentration (NOBLE-JAMIESON et al, 1991) trouve un certain succès notamment dans le cas d’ascite post-transplantation sans hypertension portale. Le taux de réinjection peut être assez rapide avec des valeurs de 100 à 600 mL par heure et la quantité de liquide retiré peut-être de 100 à 150 mL par heure. Une héparinisation est également nécessaire pour éviter la formation de caillots de fibrine. 84 Fig. 12 : Ultrafiltration extracorporelle du liquide d’ascite (DAIMON et al, 1998) Des effets secondaires potentiels de cette méthode tels des troubles gastrointestinaux, des saignements, de la fièvre, une IRA ou même une coagulation intravasculaire disséminée sont considérablement réduits par la réinjection du liquide dans la cavité abdominale (DAIMON et al, 1998). Les protéines concentrées sont réadministrées dans la cavité abdominale de façon continue permettant une réabsorption de l’albumine par la circulation systémique (cf.fig.12). 85 On peut également réinjecter le liquide épuré par voie intra-veineuse ce qui cause en revanche davantage de complications (phénomènes de contact et production de cytokines inflammatoires). L’ultrafiltration péritonéale tend à se généraliser dans le traitement de l’ascite réfractaire notamment dans les cas de cardiomyopathies dues à l’alcoolisme (BILORA et al, 2002). Elle constitue une des applications supplémentaires de l’épuration extra-rénale avec variantes. 7- Le choc septique : i. Description chez l’homme : (PARILLO, 1993 ; LEVI, 2000) Le choc septique est l’une des causes de mortalité les plus communes dans les centres de soins intensifs. Le taux de mortalité peut avoisiner les 80 % il est en relation avec la gravité à la fois du choc mais aussi de la pathologie ayant conduit à ce choc. Récemment, il a été mis en évidence que le choc septique représente un exemple de réponse inflammatoire systémique déclenchée à la fois par des infections mais aussi des désordres non infectieux. La gravité du choc est le plus souvent associée aux dysfonctionnements multiorganiques ainsi qu’à l’hypoperfusion (acidose lactique, oligurie, ou état mental altéré) et l’hypotension. La pathogénie du choc septique et, plus particulièrement la cause du déclenchement de la cascade inflammatoire sont les bactéries Gram+, les levures, ainsi que certaines bactéries Gram– renfermant des endotoxines. Ces micro-organismes peuvent envahir le courant sanguin mais aussi relarguer des substances réactionnelles (composantes structurales ou exotoxines synthétisées) qui stimuleront les précurseurs plasmatiques et les cellules inflammatoires (monocytes, macrophages, cellules endothéliales, neutrophiles…). a/ Dysfonctionnement cardio-vasculaire : Le choc est classiquement défini comme une perfusion inadéquate des tissus aboutissant à un dysfonctionnement cellulaire et à une mort cellulaire. Cependant 86 cette définition est plutôt réservée aux chocs cardiogéniques, aux obstructions vasculaires ou bien aux mécanismes hypovolémiques ; ces pathologies induisent des phénomènes compensatoires qui impliquent une augmentation de la résistance vasculaire pour maintenir la pression sanguine et une diminution de l’oxygénation artérielle pulmonaire reflétant l’augmentation de l’extraction tissulaire. Nid d’infection • Abcès • Pneumonie • Péritonite • Pyélonéphrit e • Cellulite Organisme Exotoxines • TSST-1 • Toxine A Composent structural • Antigène de l’acide Teichoic • Endotoxine Plasma Monocytes et macrophages Cellules Endothéliales Neutrophiles Médiateurs Endogènes Cytokines • Tumor Necrosis Factor • Interleukines 1-2-6-8… Platelet Activating Factor Endorphines Facteurs dérivés de l’Endothélium Myocarde • Dépression • Dilatation Métabolites de l’acide arachidonique • Cycloxygénase • Prostaglandines • Leucotriènes • Lipoxygénase Complément C5a Kinine Facteur de la coagulation Substances dépressives du myocarde Vaisseaux • Vasodilatation • Vasoconstriction • Agrégation des leucocytes • Dysfonctionnement des cellules endothéliales Organes (Reins, foie, poumon, cerveaux) • Dysfonctionnement • Défaut du métabolisme Choc Hypotension réfractaire Dysfonctionnement multiorganique Guérison Mort TSST1= toxine 1 du syndrome de choc toxique Toxine A = Pseudomonas aeruginosa toxin A Fig.13 : Séquences pathogéniques des événements dans le choc septique (PARILLO 1993) 87 Lors de choc septique, on observe une hypovolémie induite par une dilatation à la fois artérielle et veineuse ainsi qu’une fuite plasmatique dans l’espace extravasculaire. Cela se manifeste par un rythme cardiaque et un débit cardiaque normaux ou augmentés, une diminution de la fraction d’éjection ventriculaire droite et gauche, une augmentation des volumes ventriculaires en fin de systole et en fin de diastole. Le remplissage intraveineux par fluide entraîne un syndrome hyperdynamique caractérisé par une augmentation du débit cardiaque, une tachycardie, une faible résistance vasculaire systémique et une élévation de la concentration en oxygène dans le sang artériel pulmonaire. La persistance de ce syndrome constitue un mauvais signe concernant la survie du patient tout comme l’absence de dilatation ventriculaire traduisant le manque de compensation ventriculaire. b/ Les agents du dysfonctionnement myocardique : L’étude des relations entre la présence des endotoxines et les manifestations cardiovasculaires du choc septique montre la capacité de ces molécules à activer la réponse inflammatoire du patient. Le premier symptôme en est une fièvre durant 2 à 6 heures. L’injection expérimentale d’endotoxines induit de façon variable et fonction de la dose d’endotoxines, une tachycardie, une augmentation de l’index cardiaque, une réduction de la pression sanguine et des résistances vasculaires systémiques. L’exposition des monocytes, des macrophages, et autres cellules aux endotoxines va entraîner la production du TNFα (Tumor Necrosis Factor α), médiateur clé du choc septique. Le mécanisme responsable de la dépression myocardique ferait intervenir des substances de type leucotriène agissant directement sur les cellules myocardiques et également des cytokines. c/ Les troubles multiorganiques et vasculaires : La diminution des résistances vasculaires systémiques est la plus commune des manifestations du choc endotoxinique avec la chute de la différence en oxygène artério-veineuse qui traduit la non-utilisation de l’oxygène par les tissus. Une mauvaise distribution du sang peut s’expliquer par une agrégation des neutrophiles et 88 des plaquettes. Les neutrophiles vont subir une margination le long de l’endothélium vasculaire ainsi qu’une migration dans les tissus aboutissant au relargage de la part des neutrophiles de médiateurs inflammatoires et de radicaux oxydés endommageant directement les cellules. Ce phénomène va activer le système du complément tel que le C5a qui à son tour va attirer d’autres neutrophiles et entraîner le relargage d’autres agents de l’inflammation localement de type leucotriènes. Tous ces médiateurs dérivés de l’acide arachidonique (prostaglandines et leucotriènes) sont responsables de vasoconstriction ou vasodilatation ainsi que l’accumulation de molécules inflammatoires. Ce serait probablement la décharge d’oxyde nitrique par les cellules endothéliales qui activerait le pouvoir vasodilatateur du TNF sur les muscles lisses vasculaires d’où l’absence d’effet des inhibiteurs des Cyclooxygénases sur ce type de vasodilatation. D’autres cytokines sont mise en cause dans la cascade inflammatoire et interagissent entre elles et les cellules du système immunitaire. On retrouve le plus souvent dans les études faites sur le choc septique les interleukines Il1, Il6, Il8. D’autres part des molécules du système du complément C3a et C5a constituent également des témoins de l’endotoxémie dans laquelle ils induiraient une vasodilatation. d/ Le dysfonctionnement du système de coagulation dans le choc septique: Le degré de progression des phénomènes de dépôt de fibrine intra-vasculaire n’est pas corrélé de façon systématique à l’insuffisance multi-organique phase ultime du choc septique. Cependant les troubles de la coagulation font partie des anomalies présentes dans le choc septique. Histologiquement, il semblerait que le dépôt de fibrine dans les vaisseaux de petite et moyenne taille des différents organes amènerait à la nécrose et l’ischémie directement reliée aux dysfonctionnements multiorganiques. e/ La pathogénie des troubles de la coagulation : L’injection d’endotoxines semble déclencher la production de thrombine par l’intermédiaire du système facteur tissulaire/facteur VIIa de façon indépendante du TNFα médiateur pro-inflammatoire. Le facteur tissulaire (TF) serait produit par les 89 monocytes, les plaquettes, les cellules endothéliales (+/- Polynucléaires du sang). Une diminution de l’inhibiteur du facteur tissulaire (TFPI) se produirait également lors de choc septique. La formation de fibrine activée par la thrombine s’explique aussi par diminution de l’inhibiteur spécifique de la thrombine c’est à dire l’Antithrombine III, causée par la consommation (sollicitation continue de la thrombine durant l’inflammation), la dégradation par l’élastase relarguée par les neutrophiles activés et enfin un défaut de synthèse. D’autre part, une dépression significative en complexe Protéine C/Protéine S causée par la diminution de l’activité de la Thrombomoduline aboutit à une action procoagulante réprimée. Ce serait également par l’intermédiaire du C4bBP protéine plasmatique de la phase aiguë de l’inflammation que l’inhibition du complexe Protéine C/protéine S se produirait (liaison avec la protéine S). Une activité fibrinolytique augmentée va d’abord avoir lieu lors d’endotoxémie causée par la décharge en activateur du plasminogène par les cellules endothéliales. Puis une suppression de l’activité fibrinolytique va se produire traduit par une augmentation de l’inhibiteur de type 1 de l’activateur du plasminogène (PAI-1). De nombreux médiateurs entrent en jeu dans l’action pro-inflammatoire Il1, Il6, et TNFα. Seul l’Il10 est capable de limiter les effets induits par les endotoxines sur la coagulation. ii. Thérapeutique du choc septique: La thérapeutique du choc septique constitue un défi pour les unités de soins intensifs étant donné le fort taux de mortalité. En premier lieu, limiter la décharge d’endotoxines représente le premier objectif avec la mise en place d’un traitement antibiotique adapté ainsi qu’un drainage du nid infectieux de façon chirurgical si nécessaire. En second lieu, les effets du choc septique devront être contrecarrés en ayant mesuré l’ensemble de ses conséquences sur les différentes partie de l’organisme : administration de fluides pour limiter l’hypotension, d’hypertenseurs et d’inotropes pour améliorer la fonction cardio-vasculaire, d’héparine pour enrayer la cascade de coagulation avant son dérèglement (PARILLO, 1993), de corticostéroïdes à faible dose (ANNANE et CAVAILLON, 2003). 90 L’utilisation d’inhibiteurs des médiateurs de la cascade de l’inflammation constitue une voie largement étudiée. De façon plus précise l’administration de l’inhibiteur physiologique du TF (TFPI) constitue une thérapie anti-coagulante (LEVI, 2000). La voie de l’Antithrombine III, et celle de la Protéine C activée est aussi en cours d’étude respectivement comme substance anticoagulante et anti-inflammatoire dans le choc septique. L’utilisation d’anticorps contre certains médiateurs de la cascade inflammatoire et les endotoxines elles-mêmes, est assez controversée. Ainsi, on retrouve l’anticorps contre le lipide A (partie constante du Lipopolysaccharide (LPS)) ou l’anticorps contre le TNFα mais aussi le développement de thérapies innovatrices comme l’utilisation d’antagonistes du récepteur à l’interleukine 1 ou les récepteurs solubles inactivés au TNFα (PARILLO, 1993). Depuis ces 10 dernières années, l’immunomodulation constitue un espoir thérapeutique essentiel. De nombreuses études ont été effectuées et se poursuivent actuellement pour mettre en évidence les réels bénéfices de la technique de l’hémofiltration veino-veineuse continue dans le traitement du choc septique. L’avenir de l’hémofiltration dans les unités de soins intensifs s’explique par la capacité de celle-ci à éliminer les médiateurs pro et anti-inflammatoires d’une façon non-sélective qui seraient présents lors de l’endotoxémie dans des proportions anormales. C’est le concept de « pic de concentration » (RONCO et al, 2003) qui permet d’expliquer le bénéfice d’une telle technique alors que l’élimination directe des médiateurs de la cascade inflammatoire semblerait ne pas apporter d’amélioration concernant le taux de survie des patients. On nomme couramment le choc septique « le syndrome de réponse inflammatoire systémique ». Cette dénomination prouve le rôle central que les cytokines, médiateurs de l’inflammation jouent. Leur élimination par hémofiltration a été testée et les effets de l’épuration ont été étudiés. Enfin le choix de la technique la plus adaptée dans ce cas particulier d’utilisation de l’épuration extra-rénale (nous l’avons déjà évoquée dans la partie sur le choix des membranes) a été abordée par beaucoup d’auteurs. 91 Médiateurs de l’inflammation Adsorption sur la membrane Décroissance de la production Flux sanguin Clairance convective Clairance diffusive Fig.13 : Mécanisme potentiel de l’hémofiltration dans l’abaissement des concentrations plasmatiques en cytokines (KELLUM et al, 1998) a/ L’élimination des cytokines et endotoxines : Les principales cytokines étudiées sont celles qui auraient un rôle majeur dans la pathogénie du choc septique. La détermination du mode d’élimination de chacune des cytokines aide également à améliorer et cibler le type de filtre à utiliser. Ainsi, une élimination principalement convective pourra être améliorée par des taux d’ultrafiltration plus 92 importants. Une élimination principalement par adsorption sera accrue par un changement de filtre plus fréquent (DE VRIESE et al, 1999). Ainsi, expérimentalement, il semblerait que les concentrations moyennes en TNFα diminueraient lors de l’hémofiltration veino-veineuse continue alors qu’elles augmenteraient au contraire lors d’hémodialyse veino-veineuse continue. Le phénomène d’adsorption serait donc majeur pour l’élimination du TNFα, médiateur clé de la cascade inflammatoire (KELLUM et al, 1998) . L’Il6 est perçu comme un bon marqueur de l’inflammation avec une bonne corrélation entre sa concentration plasmatique et le taux de survie des patients en choc septique (KELLUM et DISHART, 2002). Ainsi, déterminer la meilleure façon d’éliminer ce médiateur revient à déterminer comment améliorer le pronostic des patients en endotoxémie. Cependant il est difficile de déterminer si la diminution des concentrations en Il6 est due à une chute de production conséquence d’une élimination des autres médiateurs régulant le taux d’Il6 ou bien simplement en une augmentation de l’élimination d’Il6 par adsorption. Dans les deux cas il apparaît de façon claire que c’est l’amélioration des capacités d’adsorption de médiateurs qui améliorerait le taux de survie des patients. Toutefois, d’autres études nuancent cette tendance à donner la priorité au phénomène d’adsorption sur la filtration. En effet, la totalité des expériences sont faites sur un type de filtre sans prendre en compte les variations propres de leurs caractéristiques (HONORE et MATSON, 2002). Par exemple, l’AN69 et les polyamides adsorberont 30 à 32% des TNFα alors que les polysulfones et acétate de cellulose n’en adsorberont pas. D’autre part, les paramètres tels que la composition ionique et le pH des liquides de substitution influencent la capacité d’adsorption et la polarisation des fibres du dialyseur. On remarque que des membranes avec des pores plus larges adsorbent et filtrent plus de cytokines en quantité et en variété que celles avec des pores plus petits. Il en découle l’application suivante : on peut soit utiliser des débits d’ultrafiltration hauts avec des filtres conventionnels, soit des débits plus bas avec des filtres à larges pores tout en ayant une bonne efficacité et en s’adaptant aux conditions hémodynamiques des patients. Une autre étude, tout en mettant en évidence l’importance de l’élimination des anaphylatoxines C3a et C5a dans le succès de l’hémofiltration lors de choc septique 93 interprète le phénomène précédemment évoqué. Elle justifie l’augmentation du phénomène d’adsorption lors des hautes hémofiltrations par une plus grande pression transmembranaire garantissant le recrutement d’un plus grand nombre de sites membranaires d’absorption (COLE et al, 2001). La question se pose de savoir aussi si l’élimination concomitante des cytokines anti-inflammatoires ne serait pas susceptible d’entretenir le choc. Il semble que cette élimination se fasse dans les mêmes proportions que pour les cytokines proinflammatoires. Cependant, cela n’aurait que peu d’effets car la balance pro/antiinflammatoire ne serait pas affectée. Pour cela certaines études ont démontrées que le TNFα serait éliminé dans les mêmes proportions que son récepteur soluble (DE VRIESE et al, 1999). Il est difficile de prouver expérimentalement l’origine de l’effet positif de l’hémofiltration. Cependant on peut observer d’un côté une forte production endogène de cytokines (à demi-vie courte) et de l’autre une haute clairance par hémofiltration (surtout la première heure). C’est pourquoi, l’explication de l’effet de l’hémofiltration résiderait surtout dans le phénomène de réduction de l’excès de cytokines difficilement perceptible expérimentalement. L’amélioration clinique ne peut être obtenue que si on prolonge l’épuration de cytokines : pour ce faire il faut procéder à des changement de filtres et afficher des débits d’ultrafiltration plus importants. De plus il apparaît que l’importance des effets inflammatoires des médiateurs ne serait pas proportionnelle aux changements des concentrations de ceux-ci (NEUGEBAUER et al, 2001). b/ L’effet clinique de l’hémofiltration continue : L’hémofiltration standard (débits de 1 à 2L/h) améliore la fonction cardiopulmonaire mais ne permet pas une élimination suffisante des médiateurs de l’inflammation (VAN BOMMEL et al, 1997). En revanche l’hémofiltration à haut débit permettrait une amélioration plus importante du débit cardiaque (diminution de la précharge) et de la pression artérielle sanguine notamment chez des modèles de chocs endotoxémique porcins (GROOTENDORST et al, 1993) pour lesquels les performances cardiaques seraient améliorées et l’hypotension atténuée avec des débits de 200 mL/kg/h. L’hémofiltration continue atténuerait également l’hypotension induite par l’injection expérimentale d’endotoxines chez des chiens et diminuerait les 94 taux sanguins d’endothélines 1 à action pro-inflammatoires lorsque des débits d’ultrafiltration plus faibles sont utilisés (80mL/Kg/h) ce qui présente un intérêt économique et hémodynamique (BELLOMO et al, 2000). L’amélioration clinique observée sous hémofiltration lors de choc septique varie avec le débit d’ultrafiltration. A 3L/h chez l’homme, on observe une amélioration des performances cardiaques et un abaissement de la vasoconstriction pulmonaire. A 6L/h la pression artérielle sanguine moyenne est augmentée, le travail d’attaque du ventricule gauche est diminué, le flux sanguin artériel fémoral et hépatique est augmenté et enfin le niveau de lactate sanguin est diminué. En revanche les concentrations de TNFα ne semblent pas modifiés (ROGIER et al, 1999). L’amélioration clinique est en général observée lors d’utilisation de méthode continue, mais certaines études suggèrent la possibilité d’utiliser au départ une méthode courte de 4 heures à haut volume puis une méthode continue conventionnelle pendant au moins 4 jours. Les données expérimentales révèlent un meilleur index cardiaque, une bonne saturation veineuse, une pH sanguin moins acide, et une réduction des doses d’adrénaline nécessaires pour le maintien de la pression artérielle lors de la mise en place d’une hémofiltration à haut débit même sur une courte durée après échec de l’hémofiltration continue conventionnelle (HONORE et al, 2000). iii. Discussion sur l’avenir de l’hémofiltration dans le traitement du choc septique : Le bénéfice de l’hémofiltration tend à être démontré dans une grande partie des études en médecine humaine. Cependant, la recherche est difficile à effectuer dans les services de soins intensifs de par l’absence de justifications solidement établies concernant la supériorité des bénéfices d’une telle méthode comparés aux risques qu’elle représente avec par exemple la mise en place du cathéter intraveineux ou la réaction de synthèse de cytokines par contact avec les membranes artificielles (RUFFELL, 2003). Le devenir des patients en choc septique traités par hémofiltration n’est pas assurément meilleur selon les études réalisées ces 10 dernières années. Il semble cependant se dégager une tendance de façon unanime pour laquelle seule de hauts taux d’hémofiltration avec des vitesses de pompe à sang rapides seraient susceptibles d’assurer une amélioration de l’état du patient 95 (RUFFELL, 2003). Le problème pour la réalisation d’essais cliniques indispensables à la généralisation de la technique est le manque de précision concernant les données sur les doses optimales de traitement et la difficulté d’effectuer un monitoring pour la réinjection de fluide étant donné l’importance des volumes impliqués (REITER et al, 2002). Il en résulte donc que l’avenir de l’utilisation de la technique n’est pas encore sûr dans tous les services de soins intensifs sachant que l’équipe doit être correctement formée à la technique de l’hémofiltration continue à haut volume et que les machines doivent être adaptées (KELLUM et BELLOMO, 2000). D’autres essais cliniques avec des membranes à haute porosité (clairance d’au moins 60 kDa) et de hauts taux d’hémofiltration (au moins 4 L/h), sont nécessaires pour justifier une généralisation de la technique du moins dans le cadre du choc septique (RUFFELL, 2003). En ayant considéré l'ensemble des utilisations possibles des techniques d'épuration extra-rénale chez l'homme, l'intérêt d'une application chez le cheval se justifie mieux. Pour cela, il est nécessaire de répertorier chez le cheval toutes les pathologies analogues à celles que nous venons d'évoquer et envisager la mise en œuvre de la technique d'hémofiltration. 96 III- Les champs d’application possibles de l’épuration extra-rénale chez le cheval : A/ Les applications de la suppléance rénale: 1- La physiologie rénale du cheval et ses grands syndromes : Le rein du cheval a longtemps été négligé par la médecine vétérinaire, considérant les pathologies du rein comme anecdotiques. Cependant, l’intérêt grandissant pour la néphrologie équine a permis de mettre en évidence, grâce à des moyens d’investigations plus précis, de nombreuses pathologies. i. La fonction rénale normale et l’équilibre hydro-électrolytique : a/ Evaluation du rein : Chez le cheval la palpation physique du rein gauche est possible grâce à l’examen trans-rectal. En revanche, celle du rein droit n’est possible que très exceptionnellement et qu’en cas d’une importante augmentation de taille de celui-ci. Le rein gauche doit être lisse, quelque peu mobile et non douloureux à la palpation. L’utilisation de l’échographie permet un examen des structures internes du rein gauche à partir de la surface corporelle en région lombaire. Pour le rein droit, cela est possible mais plus aléatoire. Des biopsies écho guidées ou non peuvent être ainsi réalisées sur le rein gauche. b/ Les structures internes du rein : Elles ne varient pas beaucoup par rapport avec les autres espèces. Le parenchyme rénal est composé d’une corticale et d'une médulla. Il est entouré d’une capsule. Au centre, se trouve le sinus rénal, débouchant sur le bassinet (cf. fig. 14). 97 Fig. 14 : Coupe de rein de cheval au niveau du cortex et de la médulla (Laboratoire d’anatomie de l’ENVL, Professeur E. CHATELAIN, 1995) Le parenchyme rénal est constitué par les tubules rénaux (les néphrons), les tubes collecteurs et un interstitium conjonctivo-vasculaire. Le néphron, unité fonctionnelle du rein, est constitué par le corpuscule de Malpighi comprenant la capsule de Bowman, le glomérule, les tubules contournés et droits (CORNET, 1998) : • Le glomérule : Il est au centre des mécanismes de formation de l’urine primitive et se constitue d’un peloton de capillaires coiffé par l’invagination de la capsule de Bowman. Le réseau vasculaire se constitue d’une artériole afférente et d’une artériole efférente. Le glomérule renferme un complexe cellulaire, l’appareil juxtaglomérulaire, intervenant dans la régulation de la pression artérielle. Il est constitué (cf. fig.15 et 16) : - de cellules tubulaires de la jonction de l’anse de Henlé et du tube contourné distal (cellules de la Macula densa) - des cellules mésangiales en regard du hile vasculaire du corpuscule - des cellules granuleuses à rénine 98 Fig. 15 : Représentation schématique du corpuscule rénal (BONNET et CADORE, 1995) Cellule endothéliale Cellule mésangiale Membrane basale Fig.16 : Ultrastructure d’une anse capillaire (PUECH, 1991) • La capsule de Bowman : elle représente l’extrémité proximale dilatée du néphron, refermée sur le glomérule. 99 Elle débouche sur le pôle urinaire du corpuscule, le tube rénal. Le feuillet pariétal est un épithélium simple et plat alors que le feuillet viscéral est formé par les podocytes dont les cytotrabécules et les cytopodes enveloppent les capillaires glomérulaires. La barrière hémato-urinaire, qui représente le filtre rénal, est constituée : - de l’endothélium capillaire (endothéliocytes fenêtrés) - de la membrane basale - des prolongements des podocytes. Elle filtre selon la taille de ses pores et par les charges électriques négatives réparties sur ses 2 faces, le passage des molécules. • Le tubule rénal : il se constitue d’un épithélium simple ; il est replié sur lui- même, en épingle à cheveux sur plusieurs centimètres de longueur. Selon la géométrie des tubules, on voit se succéder : - le tube contourné proximal - l’anse de Henlé - le segment terminal constitué du tube droit distal et du tube contourné distal. • Le tube collecteur : il est constitué de plusieurs segments avec : - un tubule arqué faisant suite au tube contourné distal (situé dans la partie externe du cortex) - un tube collecteur droit traversant la partie radiée du cortex • la vascularisation issue de l'artériole efférente se constitue : - du réseau capillaire péritubulaire pour les néphrons dont les corpuscules sont situés dans la zone externe du cortex (néphrons à anse de Henlé courte) - des vasa recta (vaisseaux droits) pour les néphrons dont les corpuscules sont situés à la limite cortex-médulla (néphrons à anse de Henlé longue) qui suivent les anses de Henlé et jouent un rôle très important dans le maintien du gradient osmotique cortico-papillaire. c/ La formation de l’urine et l’équilibre hydro-électrolytique : La prise d’eau est dépendante de plusieurs variables telles que la nourriture, la température ambiante et le travail fourni. 100 En moyenne, pour un cheval de 400 kg (BROWN,1986): • La boisson se situe entre 22 et 90 L par jour • L’urine entre 5 et 16 litres par jour • La densité de l’urine est de 1,028 • L’osmolalité est de 1040 mOsm/kg. • L’excrétion quotidienne en sodium est de 1001 mEq, en potassium 3811 mEq, en chlore de 2299 mEq, en calcium de 3296 mEq, et en Magnésium de 932 mEq • Le pH est alcalin et d'environ de 8,3. Le rein du cheval se comporte comme celui des autres mammifères (cf. fig. 17). L’eau, le sodium et le chlore sont conservés tandis que le potassium est excrété. Le rein, dans l’espèce équine, constitue la route principale de l’excrétion du calcium, ce qui se manifeste clairement par l’abondant sédiment présent dans l’urine constitué en fait de cristaux de carbonates de calcium. Une particularité chez le poulain (dans les 3 à 4 premières semaines de vie) est son incapacité par rapport à l’adulte à s’adapter aux déplétions hydriques avec une urine toujours diluée, même en cas de déshydratation sévère lors de diarrhée aiguë. Ceci est encore plus accentué chez le prématuré pour lequel on suppose qu’il existe une immaturité du système rénine-angiotensine aldostérone. 101 Fig. 17 : Réabsorption et sécrétion au niveau du néphron d’après BONNET et GOY-THOLLOT (1997) ii. L’insuffisance rénale aiguë : a/ Les principales étiologies C’est le syndrome pour lequel le diagnostic rapide et la thérapeutique sont fondamentaux pour permettre un retour prompt à un état normal et ne pas basculer dans l’insuffisance rénale chronique terminale condamnant le cheval. On distingue 3 catégories comme en médecine humaine (cf. I B. 2) : • L’IRA prérénale ou fonctionnelle • L’IRA rénale ou organique • L’IRA postrénale Les plus fréquentes chez le cheval 102 Dans l’IRA prérénale on retrouve fréquemment chez le cheval des situations analogues aux cas décrits chez l’homme lors de déshydratation, d’hémorragie aiguë ou lors d’insuffisance circulatoire suite à un choc endotoxémique ou à une insuffisance cardiaque congestive. Ces modifications hémodynamiques accompagnent par exemple les entérocolites aiguës, les pertes de sang abondantes ou un exercice prolongé (GEOR, 1983). L’IRA organique regroupe une multitude de pathologies, inflammatoires ou non. Les néphrites rassemblant les glomérulonéphrites, pyélonéphrites ou néphrites interstitielles sont rares chez le cheval. En revanche, les néphroses constitueraient la majorité des pathologies rénales aiguës (KOTERBA et COFFMAN, 1981). Elles rassemblent : - les nécroses tubulaires aiguës ischémiques. Le profil le plus couramment rencontré est celui du cheval guérissant d’une grave entérite ou d’une obstruction intestinale avec une azotémie importante et une urine isosténurique traduisant les lésions tubulaires (BROWN, 1986) - la nécrose tubulaire aiguë néphrotoxique. Elle constitue l’une des affections rénales les plus courantes dont le diagnostic étiologique est souvent difficile à poser. En effet, les agents filtrés par le rein et mis en cause sont nombreux avec : → Les toxiques endogènes = hémoglobine (anémie hémolytique, transfusion de sang incompatible, injection intra-veineuse d’un médicament pouvant causer une hémolyse (solutés hypotoniques ou DMSO en solution à plus de 20%)), myoglobine suite à une lésion musculaire (Rhabdomyolyse d’effort, myosite post-anesthésique, traumatisme musculaire ou brûlures étendues) → Les toxiques exogènes = antibiotiques (ex : aminoglycosides), antiinflammatoires non-stéroïdiens (ex : phénylbutazone), vitamine D2 et D3, vitamine K3 de synthèse, plantes (ex : érable), légumes (oignons), mycotoxines (ex : aflatoxines), métaux lourds (ex : mercure), cantharidine. L’IRA post-rénale est assez rare chez le cheval mais quelques pathologies se retrouvent sous cette appellation avec la rupture spontanée de la vessie en postpartum ou l’obstruction par des calculs vésicaux. 103 b/ Le diagnostic : (GEOR, 1983 ; BROWN, 1986) Avant la connaissance des principales situations amenant à une IRA, il est important pour le clinicien de prévoir les complications d’IRA en fonction des signes cliniques. Ainsi, après une chirurgie de colique, il est important de surveiller la fonction rénale car, l’association de l’hypovolémie (fréquente lors de coliques) à une possible endotoxémie, aux anti-inflammatoires non stéroïdiens et antibiotiques, à une myosite (post-anesthésique) constitue un terrain favorable à l’installation d’une IRA. Ainsi, lors de choc, d’administration de médicaments néphrotoxiques, de syndrome hémolytique ou myoglobinurique avec des signes d‘abattement, d’anorexie, de déshydratation, d’abdomen levretté, de colique modérée, de polyuro-polydipsie, d’hyperthermie, les paramètres rénaux doivent être contrôlés. L’observation de la miction informe sur les quantités émises et sur la présence d’une éventuelle douleur. La palpation trans-rectale peut révéler des reins de taille augmentée et parfois douloureux. Les caractéristiques de l’urine peuvent être modifiées : • Volume : une oligurie est présente lors d’IRA pré-rénale (rarement une anurie), lors d’IRA post-rénale (souvent une anurie, suivie d’une polyurie après levée d’obstacle), et lors d’IRA organique par NTA (suivie aussi d’une polyurie dite alors « de réparation »). Certaines pathologies rénales sont dites à diurèse conservée et sont de meilleur pronostic, surtout lors d’IRA iatrogène ou lors d’une mise en place précoce d’une thérapeutique liquidienne. • Densité : une isosthénurie apparaît lorsque 2/3 des néphrons sont atteints. Lors d’IRA pré-rénale, la densité est augmentée alors qu’elle est diminuée lors d’IRA organique (1,008 à 1,030). En revanche, si l’animal est déshydraté, la densité est élevée. • L’osmolalité : difficilement utilisable en routine, elle est cependant intéressante pour définir la capacité du rein à concentrer les urines. Lors d’IRA prérénale l’osmolalité est élevée (>400 mOsm/kg) et lors d’IRA organique, elle est basse. • Le pH : il peut devenir acide lors d’IRA. 104 • Les protéines : des réactions faussement positives à la bandelette peuvent se produire en cas de pH alcalin. Il vaut mieux alors préférer un test à l’acide sulfosalicylique ou à l’acide nitrique. La protéinurie reflète rarement une glomérulonéphrite aiguë mais plutôt un trouble tubulaire modéré lié à une diminution de la réabsorption tubulaire. • Le glucose : une glycosurie sans hyperglycémie traduit un trouble tubulaire voir un signe précoce de NTA. • Sang : présence possible. • Le culot urinaire : difficile à apprécier de par la présence de mucus et de cristaux. On peut cependant noter la présence de neutrophiles (lors de pyélonéphrite), d’hématies, et de cellules de l’épithélium urinaire (BAYLY et al, 1986). Des cylindres peuvent également être présents lors de NTA (cylindres hyalins, granuleux, épithéliaux ou hématiques) tout comme des cristaux d’oxalate de calcium lors de néphropathies aux oxalates (ADAMS, 1987). • Le Gamma glutamyl transférase (GGT) : chez le cheval, c’est le tissu rénal qui produit le plus de GGT, suivi du pancréas et du foie. Il n’est pas filtré et en temps normal ne se retrouve pas dans l’urine de façon élevée. Aussi lorsque des taux supérieurs à 25% de GGT urinaire (U/L)/Créatinine urinaire (mg/dl) sont présents, une atteinte tubulaire aiguë peut être suspectée, puisque le GGT ne peut provenir d’aucun autre tissu que les bordures en brosse des cellules épithéliales des tubes contournés proximaux du rein (BAYLY et al, 1986). Lors d’IRA, les caractéristiques hématologiques se trouvent également modifiées : • L’urée et la créatinine : signes tardifs (lorsque 75% des néphrons sont atteints), de la diminution du taux de filtration glomérulaire, également chez le cheval, avec une plus grande spécificité de la créatinine. • L’ionogramme sanguin : une hyponatrémie et une hypochlorémie sont en générale présentes lors d’IRA installée et surtout lors de polyurie, de diarrhée, ou d’œdème. Le potassium peut être bas lors de diarrhée, lors de la phase polyurique de réparation mais élevé lors d’oligurie et d’acidose. Ce dernier cas est plutôt rare chez le cheval (DIVERS et al, 1987). 105 • L’équilibre phospho-calcique : une hyperphosphatémie, une hypocalcémie, et une concentration en hormone parathyroïdienne augmentée sont les plus fréquentes. • Le pH : une acidose métabolique est en général présente avec une augmentation du trou anionique (sauf lors d’hypochlorémie où l’on a une alcalose métabolique et une acidurie). • La fraction d’excrétion du phosphore, du sodium et du chlore : cette donnée permet de détecter des troubles de la filtration glomérulaire sans avoir à connaître les volumes d’urines émis en 24 heures (ADAMS, 1987). FE(X) = [X]urinaire x [Créat.]plasmatique [X]plasmatique x [Créat.]urinaire Il faut savoir cependant que l’excrétion urinaire du phosphore varie avec l’alimentation. c/ Le traitement : (GEOR, 1983 ; BROWN, 1986) Par analogie avec la médecine humaine, le traitement de l’IRA constitue l’application la plus favorable, des techniques d’épuration extra-rénale. Cependant en routine cela paraît difficilement applicable de par les nombreuses contraintes évoquées tout au long de la présentation de la technique (cf. I-A.). Pourtant, dans certains cas particuliers l’hémofiltration ou l’hémodialyse sont la seule alternative à une issue fatale. Nous présenterons donc dans ce paragraphe la thérapeutique mise en place en routine dans les cas d’IRA, pour ensuite décrire au cas par cas les causes d’IRA et les paramètres qui font de l’épuration extra-rénale un traitement plus ou moins adapté. Le traitement se déroule en 4 temps (PUECH, 1990) : • Thérapeutique liquidienne : elle vise à rétablir la volémie, l’équilibre hydro- électrolytique et l’équilibre acido-basique. A partir de l’examen clinique (pli de peau, 106 enophtalmie, TRC, sécheresse des muqueuses, FC) et sanguin (hématocrite, protidémie) on définit le volume de liquide à administrer. Déficit liquidien = % de déshydratation x Poids (kg) 5 à 7 % = persistance du pli de peau égale à 3 secondes, sécheresse des muqueuses, temps de remplissage capillaire (TRC) égal à 2 secondes. 8 à 10% = persistance du pli de peau supérieure à 3 secondes, TRC supérieur à 2 secondes, enophtalmie 12 à 15% = enophtalmie accentuée, tachycardie, pouls filant Un cheval de 450 kg déshydraté à 10 % devra recevoir 45 litres de fluides (type NaCl, Ringer Lactate, Bicarbonate 1,4%) à une vitesse de 10 litres par heures Ces fluides pourront être complémentés par divers solutés en fonction des besoins après mesures des concentrations sériques : Besoins (mEq) = Poids (Kg) x Coefficient x (Valeur usuelle – Valeur mesurée)(mEq/L) Le produit (poids x Coefficient) correspond à l’estimation du volume de distribution ionique avec comme coefficient pour l’ion [coefficient Sodium : 0,3 ; Chlore : 0,3 ; Potassium : 0,6 ; Bicarbonates : 0,367 ou 0,472] La kaliémie doit être interprétée en fonction du statut acido-basique du cheval. Cependant, elle varie rarement sauf dans les cas d’IRA post-rénale pour lesquels un traitement hypokaliémiant devra être instauré à base de solution hypertonique de bicarbonate de soude à 1,4% en IV avec éventuellement du glucose et de l’insuline Le traitement devra être adapté selon que le patient est oligurique ou non : → Oligurie = la perfusion doit apporter juste l’équivalent des pertes liquidiennes sans entraîner une hyperhydratation. On pourra administrer du mannitol à 20% (0,25 à 1 g /kg) pour diminuer les résistances vasculaires rénales, augmenter l’excrétion urinaire 107 des solutés tout en ayant un effet favorable par action sur le gradient corticopapillaire : - sur les cellules tubulaires rénales - sur le système rénine-angiotensine - sur les prostaglandines d’origine rénales L’administration de furosémide (1 mg/kg toutes les 2 heures) pourra être faite de façon précoce, de même que celle de Dopamine (1 à 5 µg/kg/min dans une solution de dextrose à 5 %) pour augmenter le flux sanguin rénal et la filtration glomérulaire. → Non-oligurie : c’est généralement le cas lors de NTA. La solution de perfusion sera alors du NaCl à 0,9%. Pour un cheval de 450 kg, on administrera 40 à 80 mL/Kg/jour jusqu’à diminution de la créatinémie, puis 10 à 20 mL/Kg/J pour un retour à des valeurs normales (DIVERS, 1985). Le Dextrose dans la perfusion, à raison de 50 à 100 g/L provoque une diurèse osmotique tout en apportant des calories. La correction d’une éventuelle HTA sera réalisée à l’aide d’Acépromazine (0,02 mg/kg IM) après correction de la volémie. • Thérapeutique étiologique : elle est le plus souvent assez difficile à cause de l’absence de moyens d’investigation des substances incriminables. L’élimination des médicaments néphrotoxiques constitue un premier pas. L’épuration extra-rénale tient une place importante dans cette thérapeutique puisque, outre le soutien dans le maintien de l’homéostasie, elle permet le plus souvent une élimination de l’agent en cause dans l’IRA (cf. étiologie de l’IRA). • Thérapeutique diététique : L’anorexie est souvent un signe de l’IRA, aussi faut- il prévenir la dégradation des protéines endogènes en installant une sonde nasogastrique (ADAMS,1987). L’apport en protéine de bonne qualité pourra être effectué grâce à du fromage blanc. Cependant, lorsque l’animal continue à s’alimenter il faut chercher à faire diminuer le plus possible le taux d’urée sanguin toxique pour l’organisme en diminuant l’apport d’azote, grâce à du foin de prairie naturelle ou du maïs concassé. Lors de polyurie ou de diarrhée, un apport oral en chlorure de potassium (1 à 2 mEq/kg/j) et en chlorure de sodium sera entrepris. 108 L’ensemble de ce traitement n’est cependant pas toujours suffisant lorsque les lésions rénales sont trop avancées et que l’organisme ne parvient pas à établir un équilibre suffisant pour autoriser une réparation des dommages présents. C’est à cette étape que peut être envisagée l’installation de l’épuration rénale comme un traitement optimisant les chances de retour à un état normal dans les cas où l’enjeu financier ou sentimental est acceptable. 2- Les glomérulonéphrites : On s’intéresse aux pathologies des glomérulonéphrites dans l’application de l’épuration extra-rénale dans l’éventualité où les lésions touchant le glomérule sont réversibles et peuvent subir une évolution favorable lors d’une IRA grâce au traitement de suppléance rénale. Ceci permet de mettre toutes les chances de notre côté pour une guérison rapide grâce au traitement étiologique de l’inflammation. Les glomérulonéphrites, résultant d’une pathologie inflammatoire affectant le glomérule puis secondairement les tubules, le tissu interstitiel et les vaisseaux. Elles représentent une affection rénale rare chez le cheval, ne se manifestant pas obligatoirement par des signes cliniques d’insuffisance rénale. Cependant, l’étude de cette entité pathologique revêt son importance pour définir une stratégie visant à réduire l’incidence des dérèglements présents selon les types de glomérulonéphrites et si possible le rôle de l’épuration extra-rénale dans cette optique. i. Lésions glomérulaires : Tout d’abord, il se produit une hypertrophie des cellules du floculus (cellules épithéliales, endothéliales et mésangiales) avec une fusion des pieds des podocytes. Ceci entraîne entraîne une augmentation de la taille des fentes de filtration, aboutissant à une augmentation de la perméabilité glomérulaire. D’autre part, les cellules de la capsule de Bowman prolifèrent, ce qui entraîne la formation d’adhérences floculo-capsulaires. En réponse, la membrane basale augmente en épaisseur : ce sont des lésions dites membraneuses avec apparition sur un côté d’expansions (hérissées), ou d’une rupture. 109 Une augmentation de sa perméabilité se produit aussi, entraînant le passage de protéines. Le même phénomène se produit au niveau du mésangium (prolifération cellulaire et matricielle). Au sein de ces 2 structures on reconnaît des dépôts protéiques correspondant à des immunoglobulines, des fractions de complément et des dérivés apparentés au fibrinogène (LAGRUE et al, 1977). On observe également une infiltration leucocytaire des pelotons capillaires (destruction par les enzymes lysosomiales) et une hyalinisation des glomérules entraînant leur destruction. Cette destruction peut-être soit diffuse, soit focale. On distingue 5 grandes classes morphologiques de glomérulonéphrites selon l’avancée des lésions (MOREAU, 1989) : • Les Glomérulonéphrites aiguës exsudatives = afflux de leucocytes (Neutrophiles) au niveau des capillaires, turgescence des cellules endothéliales et mésangiales et prolifération cellulaire suite au dépôt d’immuns complexes sur les basales • Les Glomérulonéphrites membraneuses = dépôt sur la membrane basale (versant externe) d’Ig G et surtout de C3, sans atteinte mésangiale. • Les Glomérulonéphrites mésangiales = atteinte essentiellement de la matrice (dépôt) et prolifération des cellules mésangiales. • Les Glomérulonéphrites mésangio-prolifératives pures = atteinte uniquement de la partie axiale des anses capillaires. • Les Glomérulonéphrites membrano-prolifératives = sténose des lumières capillaires due à la prolifération des cellules mésangiales sous l’endothélium capillaire, entre l’endothélium et la membrane basale. • Les Glomérulonéphrites extra-capillaires = présence de croissants cellulaires (prolifération des cellules épithéliales) encerclant le bouquet glomérulaire. • Les Glomérulonéphrites scléro-hyalines = fibrose et collagénisation de l’ensemble des structures du glomérule à la suite de dépôts et de proliférations aboutissant à l’insuffisance rénale terminale. 110 ii. Etio-pathogénie des glomérulonéphrites: a/ Glomérulonéphrite par dépôt d’immuns complexes circulants : La présence de complexes Ag-Ac circulants dans le sang s’explique tout d’abord le plus souvent par une infection préexistante et un excès d’antigènes. Cependant, l’Ag mis en cause est rarement identifié. Certains Ag du virus de l’Anémie Infectieuse Equine (AIE) ont parfois été mis en cause (BANKS et al, 1972). Des glomérulonéphrites semblent plus fréquemment présentes chez les chevaux présentant une AIE, une infection à Herpesvirus, à Streptococcus equi et à Leptospira pomona Ces complexes immuns viennent se localiser secondairement dans le glomérule et forment des dépôts d’aspect granuleux à l’immunofluorescence. Leur disposition mésangiale, sub-épithéliale, ou sous-endothéliale varie selon leur taille, leur charge, et leur composition. b/ Glomérulonéphrite par formation de complexes immuns in situ : L’échec de la mise en évidence d’Ag exogènes vient probablement du fait que l’Ag responsable des glomérulonéphrites est souvent un auto-antigène : ce sont alors des glomérulonéphrites à Ac anti-MBG ou glomérulonéphrites néphrotoxiques. Ces Ac anti-MBG (dirigés contre le collagène IV, composant majoritaire de la membrane basale) se déposent sur la membrane basale glomérulaire en position sousendothéliale. Ce type de glomérulonéphrite semble être spontané chez le cheval avec cependant des possibilités de formation d’Ac anti-MBG (Membrane basale glomérulaire) par analogie avec ceux qui se seraient formés à partir de la membrane basale de tumeurs vasculaires (BANKS et al, 1972). D’autres mécanismes pathogéniques caractérisent la formation de complexes immuns dans la paroi du capillaire glomérulaire à partir d’Ac libres et d’Ag glomérulaire intrinsèques ou Ag étrangers fixés au glomérule. Des dépôts granuleux apparaissent de la même façon et sont responsables de glomérulonéphrites extra-membraneuses. 111 c/ Réponse inflammatoire : Après dépôt des complexes immuns, quelle que soit leur origine, on observe : - une activation du complément, - une augmentation de la perméabilité vasculaire, - un leucotactisme, - un relargage des enzymes lysosomiales des polynucléaires neutrophiles, - activation du système de coagulation, Tout cela aboutit à la destruction des capillaires glomérulaires et des lésions de glomérulonéphrites. iii. Traitement : Après étude de l’étiopathogénie des glomérulonéphrites, l’élimination des Ag responsables de l’inflammation apparaît comme le vrai traitement. Cependant, les Ag sont le plus souvent inconnus. La thérapeutique immunosuppressive bien que séduisante, n’est pas satisfaisante excepté lors de glomérulonéphrites légères ou membraneuses. En effet, il semble que ces médicaments pourraient inhiber les réponses inflammatoires et immunitaires bénéfiques pour l’organisme, aggraveraient l’insuffisance rénale en induisant une néoglucogenèse, et favoriseraient la production de complexes immuns (PUECH, 1991). Les anticoagulants (héparine, warfarine) et anti-plaquettaires (aspirine, indométhacine, dipyridamole) minimiseraient les dépôts de fibrine et les phénomènes de coagulation intraglomérulaire. Le traitement symptomatique de l’insuffisance rénale est bien entendu primordial. C’est là que l’apport de la technique de l’épuration extra-rénale peut en théorie, prendre toute son importance. On peut se demander si, outre les avantages cités précédemment dans le rétablissement de l’homéostasie intérieure, l’hémofiltration ou l’hémodialyse ne seraient pas capable d’éliminer les Ag, la fibrine en excès dans l’organisme et limiter la réponse inflammatoire nocive. D’autre part, le concept de réparation des lésions glomérulaires qui passe par l’élimination des dépôts de complexes immuns avant le stade de glomérulonéphrite sclérohyaline, laisse supposer qu’il est important que l’organisme affecté concentre son métabolisme vers les réparations tissulaires et non vers le rétablissement de 112 l’équilibre homéostasique. Dans ce sens, l’épuration extra-rénale apparaît intéressante si une guérison rapide veut être entreprise, ou bien si une maladie infectieuse (type AIE) avec IRA débutante est présente. 3- Les nécroses tubulaires aiguës : On rassemble essentiellement sous ce terme l’ensemble des néphropathies toxiques dont les lésions sont localisées aux tubules rénaux et se manifestant par une nécrose. On séparera les NTA avec dépôts de substances pour mettre en évidence d’une part l’action mécanique et d’autre part l’action chimique de substances néphrotoxiques. Le rein est l’un des organes les plus touchés par les substances toxiques de part l’irrigation importante de cet organe (25% du débit cardiaque) et la grande surface de contact entre le toxique et les cellules épithéliales tubulaires considérablement augmentée par les bordures en brosse dans la partie proximale du néphron. De par les phénomènes d’adsorption et de sécrétion, c’est la cellule tubulaire qui est la cible des substances néphrotoxiques. i. Néphrotoxicité due aux antibiotiques : a/ Famille des aminoglycosides : Les aminoglycosides sont très utilisés chez le cheval. C’est une famille à action bactéricide importante sur les bacilles Gram, aérobies facultatifs. Leurs caractéristiques sont une grande solubilité dans l’eau et une faible liposolubilité d’où une faible absorption intestinale suite à l’administration par voie orale et un faible volume de distribution. L’élimination est rénale, par filtration glomérulaire et sans biotransformation car ils ne peuvent pénétrer dans les hépatocytes. Une faible réabsorption par les cellules du tube contourné proximal se produit par endocytose avec séquestration dans les lysosomes (EDWARDS et al, 1989). On observe ainsi une forte accumulation dans le cortex rénal où les concentrations tissulaires sont 20 fois supérieures à celle du plasma. La pharmacocinétique est importante dans l’étiologie de la néphrotoxicité des aminoglycosides. En effet, le temps de demi-vie plasmatique est court : 2 heures et demi chez l’adulte et 3 heures et demi chez le 113 poulain âgé de 1 à 3 mois (RIVIERE et COPPOC, 1981). Pour maintenir des doses sériques convenables il faut donc répéter les doses. Or ce n’est pas l’importance des doses qui explique la néphrotoxicité des aminoglycosides mais leur répétition qui entraîne une accumulation tissulaire et donc les dégâts cellulaires (GEOR, 1983). En effet, concernant la gentamycine, la toxicité s’exerce sur les lysosomes formant des cytoségrésomes, les mitochondries et les pompes à sodium des cellules du tube contourné proximal aboutissant à leur mort cellulaire. En revanche, comme la membrane basale tubulaire demeure intacte, l’épithélium tubulaire peut se régénérer (PUECH, 1990). La filtration glomérulaire diminue par modification structurale de la barrière de filtration, ainsi qu’à cause de la diminution du coefficient de filtration des capillaires glomérulaire et de l’obstruction par les débris nécrotiques des cellules tubulaires ce qui augmente la pression hydrostatique intratubulaire (SAVIN et al., 1985). La néphrotoxicité des aminoglycosides varie énormément d’un cheval à un autre. Cependant du fait du caractère cumulatif de la toxicité, il faut davantage considérer avec précaution la dose totale administrée que la dose journalière, ainsi que l’état du cheval lors de l’administration (IRA, hypovolémie, déshydratation, fièvre, endotoxémie). L’étude des concentrations minimales et maximales plasmatiques chez l’adulte et le poulain permet de cibler de façon plus adaptée les doses en fonction de l’état général du cheval. Ainsi, des concentrations chez l’adulte entre 10 µg/mL et 1 µg/mL semblent acceptables et permises. L’administration de la dose totale, à savoir 6,6 mg/kg, sera préférentiellement donnée en une fois plutôt qu’en 3 fois pour réduire la toxicité due à une réduction progressive des capacités de filtration, et donc une augmentation de la toxicité de l’antibiotique par persistance de la molécule dans le sang. Le dosage chez le poulain est plus délicat à cause d’un volume de distribution 2 fois plus important que chez l’adulte et d’une capacité de filtration glomérulaire moins importante. Aussi faut-il adapter les doses et le rythme d’administration chez le poulain, à savoir une dose plus importante (3,3mg/kg) mais avec un intervalle d’administration plus important (12h au lieu de 8h). L’amikacine semble moins néphrotoxique et l’administration simultanée d’un complément en Calcium (JOSE-CUNILLERAS et HINCHCLIFF, 1999) et d’une alimentation comprenant du foin de légumineuse (SCHUMACHER et al, 1991) réduirait les risques de néphrotoxicité. 114 Cette action des substances accumulées dans les cellules du tube contourné proximal entraîne différentes anomalies dans le transport membranaire au niveau des cellules du tube contourné proximal suivies d’une diminution de la filtration glomérulaire. Cliniquement, on aura une polyurie, les urines seront moins concentrées avec présence de cellules épithéliales, de protéines, d’enzymes, de cylindres, de glucose. On pourra détecter la protéinurie d’origine tubulaire et l’augmentation de la GGT et des PAL urinaires de façon très précoce (EDWARDS et al, 1989). Cependant la diminution de la filtration glomérulaire sera plus tardive d’où une élévation tardive de l’urée et de la créatinine. A l’histologie le diagnostic de NTA néphrotoxique sera confirmé par la présence de cytoségrésomes. Le traitement tient seulement en la suppression de la cause ou d’une adaptation des doses lorsque le traitement est indispensable à la guérison (septicémie, endotoxémie…), et une suppléance de la fonction rénale en attendant la régénération des cellules épithéliales du tube contourné proximal. On maintiendra donc la volémie et le débit de filtration glomérulaire par la réalisation d’une diurèse forcée. La place de l’épuration extra-rénale peut paraître superflue dans ce cas-ci puisque la diurèse semble permettre un bon retour à l’équilibre. Cependant, on peut supposer qu’en cas de nécessité d’un rétablissement d’urgence de l’homéostasie, dans le but de réaliser une chirurgie ou tout simplement par convenance (cheval de très haute valeur), la technique d’hémodialyse ou hémofiltration peut se substituer à la fluidothérapie pour suppléer la fonction rénale de façon plus adaptée. Cela permet d’apporter un meilleur état général permettant à l’organisme d’entreprendre une bonne réparation des lésions rénales. D’autre part, lors de situations critiques où l’antibiothérapie par aminoglycosides apparaît comme la seule solution face à une infection réfractaire à tout autre antibiotique, et alors que l’état du cheval ne permet pas une adaptation des doses permettant de limiter la néphrotoxicité, l’épuration extra-rénale intervient comme un moyen sûr d’utiliser une molécule qui pourra diffuser dans l’organisme sans être éliminé par le rein et donc sans l’endommager. 115 b/ Famille des β-Lactamides : (SCHMITZ, 1988) Les céphalosporines ont une place importante dans l’antibiothérapie équine. Mais, leur toxicité rénale est relativement limitée parmi ses représentants les plus utilisés (1ère génération pour les ITU à Gram + et 3ème génération pour celles à Gram – et infection par S. Aureus). Parmi elles, la céphaloridine (Céporine) est la plus néphrotoxique, entraînant aussi une NTA. Cette toxicité est dose-dépendante, c’est pourquoi l’adaptation des doses en fonction de l’état du patient est fondamentale. c/ L’Amphotéricine B : (PUECH, 1990) La NTA entraînée par cette molécule est due à une lyse directe des cellules épithéliales des tubes contournés distaux, avec en plus une composante hémodynamique par vasoconstriction rénale. La fuite du cytosol causée par une infiltration de l’Amphotéricine dans la membrane plasmique entraîne, outre une mort cellulaire, une perte excessive de potassium, de bicarbonate et d’eau dans les urines. La toxicité est aussi dose dépendante et se traduit par une hypokaliémie et une acidose métabolique. d/ Les Sulfamides : (JOSE-CUNILLERAS et HINCHCLIFF, 1999) Autrefois, les sulfamides étaient très souvent associés à une toxicité due à une précipitation dans les lumières tubulaires engendrant une obstruction tubulaire, une anurie et par conséquent aussi une NTA. A présent, son utilisation est associée systématiquement au Trimétoprime. Ceci réduit considérablement les problèmes de solubilité dans les urines et réduit les phénomènes de néphrotoxicité, excepté quelques fois chez les patients déshydratés ou insuffisants rénaux. 116 ii. Néphrotoxicité due aux anti-inflammatoires non stéroïdiens : Leur utilisation en médecine équine est importante de par leur action antiinflammatoire, analgésique, et antipyrétique. La phénylbutazone y trouve une place de choix, étant d’ailleurs la molécule la plus utilisée avec la flunixine méglumine. Chez l’homme, elle n’est pas utilisée en raison des importants effets toxiques (agranulocytose, anémie aplasique, ulcères du tractus gastro-intestinal, atteinte hématique, atteinte rénale…) (TRAUB et al, 1983). Dans l’espèce équine, elle est responsable de multiples effets secondaires avec, cependant, une incidence assez faible sauf lorsque des facteurs de risque sont présents (administration d’autres médicaments néphrotoxiques, déshydratation, animaux âgés…). a/ Mode d’action : De par son caractère acide la phénylbutazone s’accumule facilement dans les tissus inflammatoires ainsi que dans l’estomac, l’intestin grêle, et les reins. De plus, au niveau rénal, la phénylbutazone augmente la réabsorption tubulaire, entraînant une rétention de sodium, de chlore, et d’eau. La voie d’administration orale reste la voie préférentielle de par l’action irritante de la phénylbutazone en injection IV ou périveineuse. L’absorption est à la fois réalisée dans l’estomac et dans l’intestin grêle, d’où une administration préférentiellement sans alimentation. La phénylbutazone se retrouve ensuite très fortement liée aux protéines plasmatiques d’où une faible filtration glomérulaire (seulement 1% de la dose administrée). C’est la biotransformation de la molécule qui permet son élimination et donc un temps de demi-vie assez court. Ce dernier est de 3 heures et demi avec des doses de 4,4 mg/kg IV, et de 6 heures lorsque la dose est quadruplée (PUECH, 1990). L’âge semble avoir une certaine influence puisque chez les jeunes, la clairance plasmatique étant plus rapide, les concentrations plasmatiques seront plus basses. De même, les concentrations augmentent lors d’insuffisance hépatique. Les métabolites de la phénylbutazone, actifs (oxyphenbutazone) et inactifs (γ- hydroxyphénylbutazone) s’accumulent dans le plasma lors d’administrations de doses élevées à cause d’une inhibition de la biotransformation par la phénylbutazone elle117 même. D’autre part, l’élimination de ces métabolites serait ralentie par l’acidité des urines ce qui est le cas chez les pur-sang à l’entraînement. L’action de la phénylbutazone est semblable à celle de tous les antiinflammatoires non-stéroïdiens (AINS), c’est à dire une inhibition de la cyclooxygénase et donc une réduction de la formation des prostaglandines responsables de la poursuite des phénomènes inflammatoires (cf. fig.18). L’action de la phénylbutazone se produit à partir de 30 minutes par la distribution tissulaire et l’arrêt de production de prostaglandines. En revanche, la présence de prostaglandines en quantité déjà importante dans les tissus inflammatoires ne permet une diminution effective qu’au bout de 3 à 4 heures et une disparition des signes inflammatoires que 12 heures après. Phospholipides Phospholipase Corticoïdes Leucotriènes Acide arachidonique Lipoxygénase Cyclo-oxygénase __ AINS Endopéroxydes PgG2, PgH2 Thromboxane A2 Tx A2 Pg E2, Pg F2a Prostacycline Pg I2 Fig. 18 : Synthèse des prostaglandines et action des AINS (PUECH, 1990) 118 . D’autre part, l’action de la phénylbutazone ne se limite pas à la période de distribution plasmatique. Elle peut durer toute une journée et jusqu’à 3 jours lors d’un traitement à cause de concentrations tissulaires encore élevées et d’une liaison irréversible des AINS aux cyclo-oxygénases (PUECH, 1990). b/ Toxicité : Même si la phénylbutazone apparaissait ne pas avoir d’effets toxiques aux doses thérapeutiques, il semble à présent prouvé que l’association phénylbutazone et déshydratation entraînerait des signes de nécrose des cellules épithéliales tubulaires et de la papille rénale (GUNSON, 1983). En effet, l’inhibition de la synthèse de prostaglandines rénales par la phénylbutazone engendrerait une absence de compensation par vasodilatation locale lors de situations critiques où le flux sanguin rénal est réduit et où il existe une action vasoconstrictrice secondaire à l’activation du système rénine-angiotensine. Il s’ensuit donc une baisse du flux sanguin et de la filtration glomérulaire voir une ischémie à l’origine des nécroses. Une action toxique directe de la phénylbutazone sur la papille rénale serait également soupçonnée (MACKAY et al, 1983). Les doses recommandées actuellement sont 8,8 mg/kg en 2 prises une fois puis, 4,4 mg/kg en 2 prises 4 jours consécutifs et ensuite 2,2 mg/kg en une prise pendant 7 jours. Chez le poney (plus sensible à la néphrotoxicité et hépatotoxicité de cette molécule une posologie de 4,4mg/kg une fois par jour pendant 4 jours puis à jours alternés est aussi possible. La toxicité apparaît pour des doses supérieures à 8,8 mg/kg et sur plus de 4 jours ou sur des doses de plus de 2,2 à 4,4 mg/kg pendant plus de 50 jours (PUECH, 1990). Aux signes rénaux s’ajoutent les ulcérations de la bouche et du tube digestif et une diminution de la protidémie secondaire à la fuite de protéines plasmatique par voie digestive. 119 c/ Traitement : Tout comme les autres causes de NTA, le traitement correspond à la suppression de la cause et en une suppléance rénale qui pourra être l’hémofiltration ou l’hémodialyse en attendant les réparations des lésions rénales. iii. Néphrotoxicité due à la vitamine K3 : La vitamine K3 de synthèse (ménadione bisulfite de sodium) administrée à des doses recommandées de 2,2 à 11 mg/kg IV ou IM peut entraîner des signes de toxicité rénale (REBHUN et al, 1984) (La préparation vétérinaire française per os et parentérale est recommandée aux doses de 1 mg/kg). L’intoxication provoque une NTA avec dans les cas extrêmes une fibrose interstitielle associée à une infiltration par des cellules mononuclées. Les mécanismes de toxicité, bien qu’encore peu élucidés pourraient être une action directe toxique sur les tubules rénaux ou de façon moins probable une nécrose tubulaire aiguë pigmentaire secondaire à une hémolyse. Les signes cliniques sont assez généraux : dépression, signes de colique rénale (dos voussé, prise d’appui, se frotte le périnée, la base de la queue, se regarde les flancs, se couche), strangurie, anorexie, hématurie (inconstant), hyperthermie (2 premiers jours), fourbure, rein gauche augmenté de taille moins ferme. Les examens de laboratoire sont ceux d’une IRA (urée et créatinine élevées), d’une hématurie microscopique, et d’une hyposthénurie. Le traitement étant simplement celui de l’IRA, on peut encore une fois considérer l’épuration extra-rénale comme une alternative, toutefois peu spécifique. 4- Les dépôts de substances : (PUECH, 1990) On définit dans cette catégorie les intoxications se caractérisant par des lésions dues à des dépôts de substances entravant le bon fonctionnement rénal. La NTA peut être présente mais ne constitue pas le phénomène primaire. 120 i. La vitamine D : Les vitamines D, molécules liposolubles, dérivées de la structure stérolique se retrouvent principalement sous deux formes dans l’utilisation courante : • La vitamine D2 ou ergocalciférol • La vitamine D3 ou cholécalciférol Chez le cheval, la ration apporte la vitamine D par l’intermédiaire de végétaux (l’ergostérol se transformant en ergocalciférol grâce aux rayonnements ultra-violet (UV)). Une synthèse endogène est également réalisée sous l’action des UV au niveau de la peau. Lors de carences, on observe du rachitisme chez les animaux en croissance et de l’ostéomalacie chez les animaux adultes. Pour atteindre la dose recommandée de 6,6 U/kg comme dose minimale journalière et limiter les déséquilibres phospho- calciques une supplémentation en vitamine D est parfois préconisée pour les animaux en croissance et ceux restant enfermés plusieurs mois pendant l’hiver. Des cas de surdosages ont été rapportés par erreurs d’administration ou de fabrication. Il a été rapporté également des intoxications à la vitamine D à cause de l’ingestion d’une plante de la famille des Solanacées, le Cestrum diurnum, riche en glucoside du 1,25dihydroxycholécalciférol. Chez le cheval, on considère habituellement comme toxique 50 fois la dose minimale journalière (DMJ). Lors d’intoxication chronique, les doses étaient comprises entre 12 et 1200 fois la DMJ. A des posologies plus élevées (1400 à 7150 fois la DMJ), on note l’apparition de signes cliniques ou biochimiques en moins de 2 semaines. Les effets de la vitamine D sont : • Une augmentation de l’absorption intestinale du calcium et du phosphore proportionnellement à la dose administrée • Une résorption osseuse accrue Ces effets sont plus ou moins important selon la durée du traitement, la voie d’administration, le type de vitamine D administrée (vitamine D2 moins toxique que la vitamine D3), la richesse en calcium de l’alimentation, la présence d’une affection rénale antérieure ou d’un déficit en thyrocalcitonine (hormone hypocalcémiante et hypophosphorémiante). 121 Les signes d’intoxication sont : - une dépression, - une diminution de l’appétit voire une anorexie, - un arrêt de la croissance, - une perte de poids, - une faiblesse, - un syndrome polyuro-polydipsique pouvant entraîner une déshydratation, - une raideur des difficultés à se déplacer et un décubitus en fin d’évolution. Quelques fois, à cela s’ajoutent des signes d’insuffisance cardiaque (tachycardie, bruits surajoutés) et d’hyperthermie. En cas d’intoxication par Cestrum diurnum, les symptômes locomoteurs sont plus marqués (boiterie, hyperextension du boulet, palpation douloureuse des tendons fléchisseurs et du ligament suspenseur du boulet). Les lésions anatomo-pathologiques lors d’intoxication à la vitamine D se caractérisent par une minéralisation des tissus mous en particulier ceux du système cardio-vasculaire : • Le cœur (endocarde, valvules auriculo-ventriculaires) • L’aorte (crosse aortique, branche ascendante) • L’artère et les veines pulmonaires Mais on retrouve également une minéralisation de la trachée, des poumons, du diaphragme, du péritoine, de la rate, du foie, du tube digestif, du pancréas, des nœuds lymphatiques, du ligament suspenseur du boulet et des tendons fléchisseurs. Au niveau rénal, la minéralisation est présente dans le cortex et plus particulièrement la membrane basale tubulaire, les cellules épithéliales des tubes distaux et des tubes collecteurs, le tissu interstitiel et le glomérule. Les conséquences de ces lésions au niveau de l’analyse d’urine sont une diminution de la densité urinaire à cause de l’hypercalcémie. Les mécanismes mis en jeu sont : - soit un trouble des pompes à sodium responsable du gradient cortico-papillaire - soit des lésions des récepteurs à ADH dans les tubes collecteurs - soit un arrêt de la production d’AMP cyclique secondaire à une inhibition enzymatique - soit une minéralisation et nécrose des cellules épithéliales tubulaires 122 Une diminution du pH urinaire peut-être présente en rapport avec une augmentation du catabolisme protéique par perte d’appétit ainsi qu’une augmentation de la FE du phosphore et du rapport de la GGT urinaire sur la créatinine urinaire. Au niveau de l’analyse de sang, des variations existent en fonction du type d’intoxication : • Cestrum Diurnum = hypercalcémie, sans hyperphosphatémie • Intoxication chronique = hyperphosphatémie précoce et hypercalcémie • Intoxication aiguë = hyperphosphatémie précoce et calcémie dans les normes supérieures L’urée et la créatinine augmentent lorsque la calcification du rein est étendue. Le diagnostic différentiel doit être fait avec une hypomagnésémie pour laquelle les lésions sont plus tardives et les concentrations sanguines en calcium et en phosphore restent normales. Le traitement consiste en l’élimination du calcium et du phosphore en excès grâce à une diurèse forcée (perfusion, diurétiques), l’apport de chélateur afin de diminuer l’absorption intestinale de calcium (phytate de sodium présent dans certaines céréales), et une limitation des efforts violents à cause des troubles cardiaques. L’épuration extra-rénale répond assez bien aux objectifs thérapeutiques puisqu’elle permet un retour à l’équilibre hydro-électrolytique (notamment sur le plan phoshocalcique) et assure une suppléance rénale dans le cas où une IRA serait présente à la suite des dépôts phosphocalciques rénaux. La gravité des cas peut justifier qu’un essai thérapeutique soit effectué. ii. Les pigments de myoglobine et d’hémoglobine : Lors de troubles Les pigments de myoglobine et d’hémoglobine sont présents dans la circulation générale et peuvent causer une action toxique rénale. Les causes d’hémolyse intra-vasculaire sont nombreuses : - l’anémie hémolytique aiguë (piroplasmose, isoérythrolyse néonatale, phénomène auto-immun, intoxication à certaines médications telles que la phénothiazine, des solutés hypotoniques, au DMSO à 20%, à l’oignon ou par des 123 feuilles d’Acer rubrum), les transfusions incompatibles, l’insuffisance hépatique suraiguë. Bien que l’anémie infectieuse équine soit une cause d’hémolyse intravasculaire, l’hémoglobinurie et la néphrose pigmentaire ne sont pas systématiquement associées au processus pathologique en raison d’une hémolyse extra-vasculaire (SCHMITZ, 1988). Lorsque l’étiologie des myoglobinuries sont des lésions musculaires c’est à dire la rhabdomyolyse d’effort, la myosite post- anesthésique, les traumatismes ou brûlures étendues, les phénomènes mis en causes sont plus complexes. Elles seront évoquées par la suite de façon plus approfondie et dans le cas où une IRA n’est pas encore forcément présente. L’action de la myoglobine et de l’hémoglobine est tout d’abord mécanique avec une accumulation de débris cellulaires et protéiques dues à la précipitation des pigments au niveau tubulaire. Elle est aussi biochimique par action toxique des pigments sur les cellules tubulaires et indirectement glomérulaires par vasoconstriction intra-rénale contribuant à la réduction de la filtration. La toxicité directe de la molécule d’hémoglobine sur les cellules tubulaires n’est pas admise. En revanche, il semblerait que des éléments contenus dans le stroma des érythrocytes pourraient provoquer une néphrose tubulaire (SCHMITZ, 1988) (cf. partie II-3-i.). L’IRA apparaît lorsque des facteurs adjuvants sont présents, tels qu’une déshydratation, un état de choc ou encore une acidose (BONNET et CADORE, 1995). Le diagnostic de néhropathie d’origine pigmentaire est suspecté lors de signes d’IRA, d’anémie et d’émission d’urines colorées (rouge ou marron). Une hématurie, une hémoglobinurie, ou une myoglobinurie donnent une réaction péroxydasique positive avec le test des bandelettes urinaires. Il reste à savoir alors si une hématurie est bien présente grâce à la centrifugation de l’échantillon urinaire : si le surnageant est clair et le culot rouge on a bien une hématurie ; dans le cas contraire, on a une hémoglobinurie ou myoglobinurie. A l’examen du sérum il est possible de différencier l’hémoglobine, de la myoglobine : la myoglobine laisse un sérum clair alors que l’hémoglobine colore le sérum en rose dans les cas où l’hémolyse est intra-vasculaire (hémolyse extra-vasculaire le sérum reste clair également). 124 Dans le cas de rhabdomyolyse on observe une élévation de l’activité de la créatinine kinase et des douleurs musculaires. Lors d’intoxication par la phénothiazine, l’oignon, et l’Acer rubrum on peut noter la formation de corps de Heinz dans les érythrocytes. Ceux-ci subissent une hémolyse extra-vasculaire dans le système réticulo-endothélial qui vient accroître la charge toxique en hémoglobine (SCHMITZ, 1988). La plupart des lésions rénales sont réversibles si la membrane basale relative aux cellules tubulaires affectées est conservée. Ainsi, une régénération est possible et un rétablissement de la fonction rénale peut se produire plusieurs semaines voire plusieurs mois après (BROWN, 1986). Le traitement se réduit à celui de l’IRA (perfusion et diurétiques) avec éventuellement une transfusion sanguine lors d’anémie sévère. La suppression du toxique doit être réalisée (surtout dans le cas de l’oignon et de l’Acer rubrum). Le bleu de méthylène semble n’avoir que peu d’effet pour réduire la méthémoglobinisation présente lors d’intoxication par l’Acer rubrum (WARNER, 1984) L’épuration extra-rénale est intéressante dans l’élimination du toxique, qu’il soit exogène ou endogène, et de façon plus précise le cas de la rhabdomyolyse, assez fréquente chez le cheval et il est possible de considérer l’épuration extra-rénale comme suppléance rénale en attendant la régénération des cellules tubulaires et l’élimination des dépôts de substances. iii. Le mercure : L’action toxique des métaux lourds est communément une dégénération tubulaire rénale et une nécrose tubulaire aiguë. Le mercure est le plus fréquemment rencontré dans les cas d’intoxication aux métaux lourds néphrotoxiques. La pathogénie constitue un modèle pour celle des autres métaux néphrotoxiques. Que l’intoxication soit aiguë ou chronique, les lésions sont les mêmes : NTA et insuffisance rénale. Le mercure s’il est organique, est dégradé dans l’organisme en mercure inorganique. Celui-ci se lie à des protéines porteuses appelées métallothionéine et va 125 se concentrer dans les cellules épithéliales des tubes contournés proximaux. Le mercure peut persister plusieurs semaines dans le rein et être relargué par faibles doses pour léser les tubules de façon permanente. La liaison à l’intérieur des cellules se fait grâce aux groupements sulfhydryls des protéines telles que les enzymes responsables du métabolisme et de la respiration cellulaire. Les doses toxiques de mercure inorganique chez le cheval adulte sont de : → 8 g pour le chlorure mercurique (HgCl2) = sublimé corrosif (dérivé mercuriel le plus toxique) → 12 à 16 g pour le chlorure mercureux (Hg2Cl2) ou calomel Les doses lors d’intoxication chronique sont de 0,4 mg/kg pendant plusieurs semaines avec du mercure organique (méthylmercure, acétate de phénylmercure) ou inorganique (chlorure mercurique) (SCHMITZ, 1988). Les formes d’ingestion lors d’intoxication par le mercure chez le cheval, sont les grains contaminés par des dérivés mercuriels organiques utilisés comme fongicides ou les vésicatoires composés d’iodure mercurique (onguent rouge) léchés par le cheval. Pour ce dernier, la pénétration percutanée du mercure est habituellement faible mais elle est augmentée en présence de lésions cutanées ou lors d’utilisation de DMSO simultanément (MARKEL et al, 1984). Lors d’intoxication aiguë on observe les symptômes suivants (PUECH, 1990) : - hyperthermie, - tachycardie, - congestion, cyanose des muqueuses, - diarrhée (gastro-entérite secondaire à l’action corrosive du mercure), - insuffisance rénale aiguë. Lors d’intoxication chronique on observe (PUECH, 1990) : - une anorexie, - une léthargie, - un amaigrissement, - une insuffisance rénale chronique (protéinurie, hyposthénurie, élévation de l’urée), 126 glycosurie, phosphaturie, - des difficultés respiratoires, - une atteinte neurologique (proprioception), - une dermatite exsudative, Le traitement consiste tout d’abord à limiter l’absorption intestinale du métal en supprimant la source et en administrant du charbon activé ou un laxatif doux lors d’intoxication aiguë. De façon plus spécifique l’administration précoce par injection de dimercaprol entraîne une liaison avec le mercure et la formation d’un composé stable facilement éliminé par les urines. Dans ce cas, la place de l’épuration extra-rénale est particulièrement adaptée puisqu’on a remarqué que l’hémodialyse facilitait l’élimination du complexe dimercaproïmercure (MARKEL, 1984). La posologie de ce médicament est de 3 mg/kg par voie intra-musculaire toutes les 4 heures les 2 premiers jours puis 2 fois par jours pendant les 10 jours suivants (SCHMITZ, 1988). On ne peut envisager ce type de traitement que lors d’intoxication aiguë. Le pronostic est en général sombre lors d’intoxication chronique. iv. L’arsenic : Provenant de l’ingestion de raticides ou de pesticides, il est rapidement excrété dans les urines et entraîne une insuffisance rénale aiguë. La pathogénie est identique à celle du mercure. Le diagnostic n’est possible que par des prélèvements de foie, d’estomac, de contenu intestinal ou d’urines dans lesquels on met en évidence des résidus. Un traitement spécifique s’associe à la suppléance rénale lors d’insuffisance rénale : purgatifs salins, thiosulfate de sodium (20 à 30 g dilués dans un peu d’eau par voie orale ou 8 à 10 g d’une solution à 10 à 20 % par voie intra-veineuse pour un cheval adulte), dimercaprol (même posologie que pour l’intoxication au mercure) Le pronostic est sombre même lors de diagnostic précoce (SCHMITZ, 1988). v. Le sélénium : Certaines plantes riches en Sélénium comme l’astragale sont responsables d’une intoxication chronique. L’insuffisance rénale ne constitue pas le symptôme dominant mais on peut rencontrer dans cette intoxication des lésions de néphrites qui seraient dues à 127 l’inhibition enzymatique des systèmes d’oxydoréduction engendrant la mort cellulaire au niveau rénal. Une ration riche en protéines protègerait les animaux contre ces effets toxiques. (SCHMITZ, 1988). vi. Le cadmium : Dans ce type d’intoxication, l’ingestion de fourrages contaminés par la proximité d’une fonderie entraînera des lésions de néphrocalcinose, une fibrose interstitielle, un dépôt de cristaux et de phosphates dans les tubules (SCHMITZ, 1988). Pour les trois dernières intoxications, l’épuration extra-rénale constitue un traitement pouvant être qualifié d’ « adjuvant » dans la mesure où elle permettra encore une fois le soutien de la fonction rénale en attendant une réparation des lésions causées par ces molécules sur le rein. vii. Les oxalates : . Les oxalates se retrouvent dans des plantes riches en sels solubles d’oxalate (sels de sodium et sels de potassium) telles que l’Halogeton glomeratus et Sarcobatus vermiculatus. Cependant, même lors d’ingestion de plantes en croissance pour lesquelles la concentration en oxalate est plus importante, ce type d’intoxication est relativement rare vu la quantité nécessaire pour induire expérimentalement des lésions rénales. L’absorption de grains ou de fourrages contaminés par des champignons produisant des quantités toxiques d’oxalate (Aspergillus, Penicillium) ou celle d’antigel (éthylène glycol) sont aussi responsables de la formation de complexes insolubles d’oxalate de calcium à l’origine de précipités dans les lumières tubulaires (surtout les tubes contournés proximaux) des reins. Des crises d’hypocalcémie peuvent se produire suite à une baisse transitoire du calcium ionisé sérique après ces précipitations. Les dépôts de substances dans les tubules entraînent une obstruction pouvant être sévère et occasionnant une anurie et une IRA. Ces mêmes lésions peuvent être responsables d’une IRC (SCHMITZ, 1988). 128 La néphrotoxicité des oxalates pourrait être également due en partie à des perturbations des mécanismes de phosphorylation oxydative, secondaires à la chélation du calcium et du magnésium intra-cellulaire (PUECH, 1990). L’examen histologique permet de suspecter une action directe des oxalates sur le rein. Cependant, d’autres lésions telles qu’une glomérulonéphrite ou une néphrite interstitielle chronique nous ont amenées à penser qu’une affection rénale pourrait être préexistante et conduire le cheval à l’insuffisance rénale (ROBERTS et SEILERS, 1979). Le soutien rénal par épuration extra-rénale peut éventuellement être intéressant pour limiter l’évolution vers une IRC lorsque l’intoxication est au stade de l’obstruction. viii. Les mycotoxines : Les mycotoxines sont des substances produites par diverses espèces de champignons se développant sur les aliments lorsque des conditions de température et d’humidité sont réunies. Beaucoup de mycotoxines peuvent causer des néphrotoxicoses chez le cheval. Cependant une espèce de champignon semble plus fréquemment mise en cause : Aspergillus flavus et parasiticus sécrétant l’aflatoxine B1. Les troubles semblent être sévères et pluri-organiques, apparaissant trois à quatre jours après la première absorption d’aflatoxines. On observe alors : une dépression, une anorexie, une perte de poids, un ictère, des hémorragies sous cutanées, parfois une hyperthermie. La mort peut survenir quelques jours après l’établissement des signes cliniques. Le foie étant le premier organe affecté, on observe au niveau hématologique une importante augmentation de l’activité de la Sorbitol Déshydrogénase (SDH) proportionnelle à la dose d’aflatoxine reçue et traduisant une atteinte hépatocellulaire. De plus, on observe une élévation des concentrations de Gamma glutamyl transférase (GGT) et du temps de prothrombines signant de l’affection hépatique et des troubles de l’hémostase (PLUMLEE, 1983). Le foie et le rein sont affectés par des lésions de dégénérescence lipidique. Le foie subit une nécrose. Tous les organes présentent des lésions hémorragiques. 129 Au niveau rénal, on retrouve des vacuoles lipidiques dans les cellules épithéliales des tubes contournés proximaux et des dépôts d’hémosidérine (PUECH, 1990). Les symptômes étant graves, le pronostic est assez sombre. L’épuration extrarénale pourrait améliorer l’évolution pour les chevaux faiblement intoxiqués. 5- Autres pathologies pouvant nécessiter une suppléance rénale par épuration extra-rénale: Comme il a été exposé précédemment, il existe un nombre important de pathologies pour lesquelles la suppléance rénale apporte un net avantage dans la rapidité et la possibilité d’une éventuelle réversibilité de l’insuffisance rénale. Parmi les néphrotoxicoses, il est possible de citer également l’intoxication à la cantharidine qui est due à l’ingestion de foin de luzerne contaminé par des insectes morts appartenant à l’ordre des Coléoptères (« Blister beetle »). L’issue de cette intoxication est souvent fatale avec pour signes des atteintes digestives et urinaires avec parfois un choc. La cantharidine, substance présente dans l’abdomen de ces insectes est absorbée par le tube digestif et la peau du cheval, et excrétée par le rein. Substance très irritante, elle est néphrotoxique. L’épuration extra-rénale peut permettre une amélioration du statut hydroélectrolytique chez l’animal atteint et permettre peut-être une guérison. Lors de pathologies pour lesquelles le rein n’est plus fonctionnel durant un certain temps, l’épuration extra-rénale présente l’avantage de restaurer l’équilibre homéostasique pour soit une guérison rapide naturelle, soit une médication adaptée, ou encore une intervention chirurgicale dans des délais plus brefs. Ainsi, ce peut-être le cas lors de rupture de la vessie : l’anesthésie générale étant délicate chez le cheval, la stabilité de l’état général ne doit pas être affecté pour mettre toutes les chances de succès de son côté. Cependant, dans cet exemple-ci il arrive souvent, lorsque le cas n’est pas pris à temps, que des déséquilibres soient présents. L’hyponatrémie, l’hypochlorémie et l’hyperkaliémie sont des signes fréquents. Il en découle des troubles cardiaques (fibrillation ventriculaire, bloc de 3ème degré du nœud atrio-ventriculaire, bradycardie, arythmie) défavorables à la réalisation d’une anesthésie générale. L’épuration extra-rénale semble tout à fait adaptée pour 130 rétablir l’équilibre homéostasique et notamment diminuer les concentrations sanguine en potassium (KRITCHEVSKY et al, 1984). Cela rend possible la réalisation de la chirurgie dans des délais plus brefs et avec une plus grande sécurité. Lors de lithiase rénale, affection demeurant assez rare chez le cheval, on peut envisager l’épuration extra-rénale comme une suppléance de la fonction rénale en attendant la thérapie permettant une désobstruction des voies urinaires. Les reins sont ainsi épargnés par les lésions dues à l’hydronéphrose car la filtration glomérulaire est permise par l’épuration extra-rénale. B/ Rétablissement de l’homéostasie du milieu intérieur : épuration et rééquilibration : On s’intéresse à l’application de l’épuration extra-rénale comme thérapie visant l’élimination d’une substance pathogène. Comme nous l’avons démontré dans la première partie toutes les molécules ne peuvent être éliminées par hémodialyse, hémofiltration ou encore hémodiafiltration. Cependant par analogie avec ce qui est effectué en médecine humaine, on peut envisager parmi les troubles du cheval dont la pathogénie se rapproche de celle des maladies humaines, d’utiliser les techniques d’épuration extra-rénale comme thérapie. 1- Les toxiques : De nombreux toxiques sont répertoriés chez le cheval. Parmi eux, certains ont des propriétés biochimiques (charge, taille, caractère lipophile ou hydrophile) qui ne laissent pas supposer que l’épuration extra-rénale, même avec des taux d’ultrafiltration importants, offrira des résultats thérapeutiques intéressants. Cependant, la difficulté d’effectuer un diagnostic précis du type d’intoxication en médecine vétérinaire nous amène à considérer l’épuration extra-rénale à visée éliminatoire avec beaucoup d’empirisme. Par exemple, par analogie avec l’intoxication aux barbituriques citée précédemment chez l’homme, on peut supposer qu’un surdosage en Nesdonal (Thiopental) puisse être contrôlé grâce à une hémodiafiltration avec des taux d’ultrafiltration de 800 mL/h. On évitera ainsi les effets indésirables décrits, comme la syncope respiratoire. 131 Les intoxications par des composés industriels ayant été répertoriés chez le cheval sont difficilement diagnostiquées à cause des symptômes cliniques rarement pathognomoniques (BAILEY et GARLAND, 1983) : • Les composés biphényl halogénés (détergents) : anorexie, boiterie dystocie, perte de poids, chute de poils, abcès. • Les composés phénolés (désinfectants) : fasciculations musculaire, dépression, coma, détresse respiratoire, hémolyse intravasculaire, ictère, mort. • Les herbicides et fongicides = méthémoglobinisation • Hexachlorobenzène (fongicide des produits agricoles) : tremblements, ataxie, faiblesse, paralysie, porphyrie, photosensibilisation, perte de poids. • Pentachlorophénol (produit de traitement du bois) : découplant de la phosphorylation oxydative entraînant une hyperthermie, tachypnée, faiblesses, sudation intense, tachycardie, mort. • Tétrachlorodibenzodioxine (résidus d’usines chimiques) : polydipsie, anorexie, perte de poids sévère, colique, alopécie, ulcères sur les muqueuses et la peau, oedèmes, conjonctivites, raideur articulaire, boiterie, mort. Les plantes sont également à l’origine d’intoxications difficilement identifiables. Certains symptômes nous laissent cependant la possibilité d’établir certaines hypothèses : • Colique et symptômes nerveux = Solanum ou Nerium oleander après traitement par un herbicide modifiant le goût de la plante et le rendant appétant • Œdème périphérique et boiterie = Berteroa incana, Persa americana et Jugulans nigra • Photosensibilisation = Fagopyrum saggitatum, Hypericum perforatum, Ammi majus, Thamnosma texana, Cymopterus watsonii, Trifolium hybridum, et Lantana camara • Hémoglobinurie, myoglobinurie = Acer rubrum, Eupatorium rugosum, Isocoma wrightii • Hyperexcitabilité et crises = Pteritium aquilinium, Astargalus et Oxytropis • Ataxie et hypermétrie = Lathyrus hirsutus et Hypochoeris radicata 132 Aussi, on peut envisager, lors de suspicion d’intoxication, d’établir dans le protocole thérapeutique la mise en place d’une hémodiafiltration continue à haut volume associée à une hémoperfusion sur colonne de charbon permettant de rassembler toutes les conditions pour éliminer le toxique de la circulation sanguine et des tissus. Les intoxications pour lesquelles ce traitement répondrait convenablement correspondent aux molécules à faible liaison aux protéines (albumine) et à faible volume de distribution. Toutefois, il est rare que de telles considérations entrent en ligne de compte en médecine vétérinaire, étant donné l’impossibilité, la plupart du temps, de connaître le toxique. L’application néphrotoxicoses, déjà de l’épuration évoquée, extra-rénale peut s’avérer pour également le traitement des intéressante pour l’élimination du toxique lui-même : le mercure, l’hémoglobine, les mycotoxines. Par analogie avec le mercure, on peut supposer que pour d’autres composés inorganiques, tels que le fluor, l’épuration extra-rénale permettrait une élimination plus rapide et plus approfondie réduisant ainsi l’incidence des effets, à savoir : colique, diarrhée, choc, déshydratation, coma, lors d’intoxication aiguë. L’apport de l’épuration extra-rénale en médecine vétérinaire dans le traitement des intoxications est intéressant dans la mesure où elle ouvre un nouveau champ d’investigation thérapeutique que constitue la circulation extra-corporelle. Par exemple l’hémoperfusion sur colonne de charbon est couramment utilisée en médecine humaine. 2- La rhabdomyolyse : La rhabdomyolyse définit un processus pathologique de nécrose ischémique, conséquence du travail musculaire en anoxie ou en carence énergétique et aboutissant à la lésion ultime de rupture du sarcolemme libérant de la myoglobine retrouvée au niveau des urines. Dans le traitement des néphrotoxicoses, on a pu s’intéresser aux effets de toxiques endogènes tels que l’hémoglobine et la myoglobine. Si l’effet toxique de ces molécules sur les différentes fonctions métaboliques a déjà été exposé à la fois dans le chapitre sur la rhabdomyolyse humaine (II-3-) et dans celui des néphrotoxiques (IIIA-3-ii-.), l’importance de la rhabdomyolyse chez le cheval reste à développer. En effet, 133 l’incidence de cette pathologie justifie le fait que de nouvelles perspectives thérapeutiques soient recherchées. i. La myopathie d’exercice : Elle se traduit par une impossibilité de prolonger un effort sportif, une boiterie, de l’anxiété, une douleur musculaire et une myoglobinurie. On la retrouve chez des chevaux mis à l’entraînement après un ou plusieurs jours de repos sans diminution de l’apport énergétique dans la ration alimentaire et préférentiellement lors de fortes chaleurs (HODGSON et VALBERG, 1990). Les principaux facteurs mis en cause dans cette maladie sont : l’apport énergétique de la ration alimentaire (hydrates de carbone), les déséquilibres électrolytiques, les désordres hormonaux, une virémie ou une bactériémie et le niveau d’entraînement combiné avec un arrêt de l’exercice (BEECH et HUNTINGTON, 1988). Toutes races peuvent être atteintes par la myopathie d’effort mais certains individus y sont prédisposés. Ceci a été montré par Valberg et al les quarter horse, sur les galopeurs à l’entraînement ou encore sur certains chevaux de races lourdes (DEFLINE et BENAMOU-SMITH, 2002). Dans le cas des chevaux de race Quarter Horse par exemple, des spécimens calmes, placides et très musclés développeraient des rhabdomyolyses récurrentes dues à une myopathie à stockage de polysaccharides. Dans ce type de cas, la rhabdomyolyse se caractériserait par une accumulation de glycogène ou de complexes de polysaccharides dans les fibres musculaires. Cette anomalie du métabolisme des glucides provoque une crise énergétique responsable entre autre de la rhabdomyolyse (VALBERG et al, 1999). L’influence de la balance électrolytique se traduit par le constat d’une faible fraction d’excrétion urinaire en sodium et potassium, ainsi qu’une haute fraction d’excrétion urinaire en phosphore chez les animaux atteints (HARRIS et COLLES, 1988). Le régime alimentaire pauvre en sodium et au contraire riche en potassium tel qu’on le retrouve dans les rations des chevaux d’entraînement (céréales+foin) pourrait favoriser l’apparition de myopathies d’exercice chez certains chevaux sensibles. Cette hypothèse n’a pas été confirmée. 134 L’hypothyroïdie a aussi été évoquée parmi les facteurs d’apparition de la rhabdomyolyse d’exercice. En effet, la thyroxine jouerait un rôle important dans le métabolisme oxydatif musculaire (BEECH et HUNTINGTON, 1988). Cependant l’incidence de ce déséquilibre hormonal n’est pas évaluée. De même, les hormones telles que les oestrogènes et la progestérone seraient mis en cause sans preuve expérimentale car les femelles sont davantage touchées que les mâles (HODGSON et VALBERG, 1990). Dans d’autres cas les causes de rhabdomyolyse d’exercice récidivante peuvent être l’anomalie du couple excitation-contraction de la cellule musculaire. Elle se rapproche de l’hyperthermie maligne de l’homme et correspond à un défaut de régulation du flux calcique intracellulaire avec pour conséquence une augmentation de la période de relaxation (TOUZOT-JOURDE, 2000). Elle touche surtout les jeunes femelles nerveuses avec peut-être une prédisposition raciale (race trotteur et pursang) (MACLEY et al, 1999). Le diagnostic de la rhabdomyolyse d’effort est établi grâce à l’anamnèse, l’examen physique, et les examens complémentaires tels que mesures de l’activité sérique de la créatine kinase (C.K.), de la lactate déshydrogénase (L.D.H.) et de l’aspartate amino-transférase (A.S.T.). La mesure de l’urémie et créatinémie, du pH sanguin, des électrolytes, de la thyroxine, la vitamine E, et du Sélénium vient apporter des informations sur les conséquences métaboliques de la rhabdomyolyse et sur l’existence de facteurs prédisposants. La biopsie musculaire peut être intéressante pour explorer la pathophysiologie de la rhabdomyolyse (accumulation de polysaccharides glycogène, dégénérescence hyaline). La rhabdomyolyse d’effort affecte préférentiellement des fibres musculaires de type II renvoyant plutôt à un exercice très rapide (>600 m/min) (TURNER, 1992). Le traitement vise la réduction de l’extension des lésions musculaires, le soulagement de la douleur, de l’anxiété, et des spasmes musculaires ainsi que le rétablissement du degré d’hydratation et de l’équilibre électrolytique pour éviter l’insuffisance rénale. Le traitement par l’épuration extra-rénale est très adapté pour cette étape, permettant également de limiter les effets de la myoglobine néphrotoxique tels que nous l’avons vu dans la partie précédente. En routine, on ne pratique pas l’épuration extra-rénale mais on induit une diurèse grâce à des perfusions de Ringer Lactate, du sérum physiologique à 0,9% 135 de NaCl, ou encore un mélange à 2,5% de dextrose/0,45 % de NaCl. Tout cela sera maintenu jusqu’à obtention d’une urine de couleur normale. Les substances diurétiques sont contre-indiquées de même que les anti-inflammatoires nonstéroïdiens (usage modéré) à cause de leur néphrotoxicité potentielle. Des sédatifs tels que l’Acépromazine (20-35 mg IV ou IM, relaxant musculaire, lutte contre l’acidose locale, cause une vasodilatation), la Xylazine ou le diazépam peuvent être utilisés comme analgésique. L’utilisation de corticostéroïdes est sujette à discussion. En revanche, on peut utiliser le diméthyl sulfoxyde (D.M.S.O. 1 mg/kg IV en solution à 10 ou 20% dans du sérum physiologique, ou dans du dextrose 5%) pour stabiliser les membranes, limiter l’agrégation plaquettaire, maintenir l’intégrité vasculaire et éliminer les radicaux libres. Le dantrolène sodique (2mg/kg dilué dans du sérum physiologique, P.O., 4 à 6 fois par jour, Dantrium®) doit encore prouver son efficacité comme relaxant musculaire. La vitamine E et le sélénium sont également recommandés, de même que la thiamine. Le pronostic de ces rhabdomyolyses d’exercice étant grave et la mort par insuffisance rénale pouvant en résulter, l’épuration extra-rénale constitue un réel espoir de traitement. ii. La dégénérescence musculaire nutritionnelle : Elle atteint les chevaux à croissance rapide carencés en vitamine E et Sélénium. Appelée aussi « maladie du muscle blanc », les muscles touchés par la dégénérescence peuvent être aussi bien les muscles squelettiques que cardiaques. On la retrouve surtout chez les poulains entre 0 et 6 mois, nés de mères carencées en vitE/Sé. Une myoglobinurie, le dosage des taux sériques en VitE/Sé, de l’activité de la GSH-Px érythrocytaire, les biopsies musculaires permettent le diagnostic de certitude (DELAUCHE, 1996). Le mode aigu à suraigu de cette pathologie rend son traitement délicat. Il repose sur l’apport en Vit E/Se mais surtout sur le maintien de l’homéostasie d’où l’intérêt de l’épuration extra-rénale en plus de l’élimination des déchets de myoglobine toxiques. 136 iii. La rhabdomyolyse post-anesthésique : Elle fait suite à l’anesthésie générale gazeuse et semble affecter préférentiellement les chevaux athlétiques. De nombreux facteurs entrent en jeu dans ce phénomène et sont aujourd’hui étudiés de très près. Les troubles mis en jeux sont : • l’hypotension : elle est induite par l’anesthésique lui-même (LINDSAY et al, 1989) participant à la création d’une ischémie musculaire. • L’ischémie tissulaire : elle trouve son origine dans l’hypotension présente dans les micro-vaisseaux irrigant les muscles, mais aussi dans la pression mécanique due au décubitus latéral ou dorsal et l’immobilité prolongée pendant l’acte chirurgical qu’il soit de courte ou longue durée (SERTEYN et al,1991). • L’hypoxie et le métabolisme anaérobique des cellules musculaires pendant le décubitus : ces 2 phénomènes découlent de l’ischémie tissulaire ayant lieu pendant l’anesthésie générale et entraînent une acidose lactique. • L’hyperhémie post-ischémique au niveau des muscles comprimés augmentant l’apport en substances toxiques pour le muscle. • L’augmentation des concentrations plasmatiques de thromboxanes et de prostaglandines E2 • Les lésions cellulaires de reperfusion : elles comprennent un ensemble de troubles résultant de l’action de radicaux libres, d’une lipoperoxydation et d’un relargage du calcium musculaire séquestré (LINDSAY et al, 1989) Des facteurs tels qu’une ration riche en céréales ou encore une hyperthermie maligne sont avancés comme facteurs favorisants. Les signes cliniques vont d’une myopathie localisée à une neuro-myopathie généralisée avec des degrés différents de gonflement du muscle. Le cheval présente alors une myoglobinurie et une acidose métabolique. Lors d’hyperthermie maligne, les chevaux atteints commencent à « combattre » le ventilateur et se raidissent progressivement. La rhabdomyolyse survient rapidement. Il est alors recommandé d’interrompre rapidement l’anesthésie et de refroidir l’animal. Le traitement de la rhabdomyolyse post-anesthésique est le même que celui de la rhabdomyolyse d’effort, c’est pourquoi l’intérêt de l’épuration extra-rénale est également majeur dans ce cas. 137 C/ Cas particulier de l’endotoxémie : L’endotoxémie est un phénomène pathologique résultant du déclenchement de la cascade inflammatoire au détriment de l’organisme en réaction à la pénétration d’endotoxines dans la circulation générale. L’endotoxémie se différencie de la bactériémie qui correspond à la présence de bactéries dans le sang, et de la septicémie qui associe la bactériémie et les signes cliniques qui en découlent. Le choc endotoxinique est une endotoxémie à laquelle se superpose un collapsus circulatoire. L’endotoxémie est la première cause de mortalité dans l’espèce équine à cause de sa grande sensibilité aux effets des endotoxines (MOORE et MORRIS, 1992). En effet, la dose létale d’endotoxines chez le cheval est 10 fois plus faible que chez le chien (MOORE, 1988). A l’heure actuelle, les pertes économiques engendrées par l’endotoxémie dans l’espèce équine sont très importantes tant dans le cadre de son traitement que dans celui des séquelles qu’elle entraîne. On comprend donc l’importance de l’étude de cette pathologie et des recherches concernant les nouvelles avancées thérapeutiques. L’épuration extra-rénale constitue l’une de ces nouveautés même si elle n’est actuellement qu’à ses balbutiements. 1- Définition : L’endotoxémie est le déploiement de tout type de défense dont le corps dispose pour faire face aux bactéries Gram à cause de la présence de Lipopolysaccharides (LPS) dans la circulation sanguine. Sur une zone contaminée on aura d’abord un blocage de la circulation sanguine pour une interdiction d’accès, une destruction des éléments contaminant par les défenses immunitaires. Cependant, le LPS étant identifié dans le sang, on aura une activation globale de l’inflammation qui tourne alors à un processus proche de "l’autodestruction". Le LPS, déclencheur de l’activité endotoxinique, appartient à la membrane externe des bactéries Gram . Quand ces bactéries meurent ou se multiplient rapidement, de volumineux agrégats de LPS et de protéines membranaires sont déchargés et constituent les endotoxines présentant : 138 → Domaine du lipide A (le plus interne) : plusieurs acides gras assurant l’attachement de l’endotoxine, commune chez toutes les bactéries Gram et responsable de l’effet toxique → Domaine O spécifique (le plus externe) : déterminant antigénique de la molécule → Domaine du corps de l’oligosaccharide : peu variable Les endotoxines sont présentes en quantité importante chez le cheval dans l’intestin (2,25 mg au total dans le gros intestin). C’est pourquoi la présence de barrières à différents niveaux est fondamentale : muqueuse gastro-intestinale, sécrétions des cellules intestinales, des bactéries de la flore intestinale, des sucs digestifs (MOORE, 1988). Cependant, des endotoxines parviennent parfois à franchir ces barrières via la cavité péritonéale ou le système lymphatique. Dès lors, en situation normale elles sont neutralisées par le système réticulo-endothélial avec par exemple les cellules de Kuppfer du foie ou, par le système immunitaire (MOORE et MORRIS, 1992). Pour qu’une endotoxémie se développe, il faut y avoir différentes situations : • Une injection d’endotoxines en quantité suffisante ; • Une induction expérimentale d’une fourbure par surcharge en glucides et donc augmentation des taux circulants d’endotoxines (SPROUSE et al, 1987) ; • Les pathologies de coliques digestives, augmentant également les taux circulants d’endotoxines ; • Les altérations de la muqueuse intestinale augmentant le passage des endotoxines dans la circulation générale (MOORE et MORRIS, 1992) ; • Un effort prolongé et intense, engendrant une diminution des apports sanguins vers le tractus digestif (BAKER et al, 1988); • Une réduction de l’efficacité des mécanismes de défense immunitaire ou du système réticulo-endothélial favorisant l’entrée et la propagation des endotoxines dans le courant sanguin (ex : chez le poulain nouveau-né, l’insuffisant hépatique) (AMORY, 1996); Par conséquent, le grand nombre de situations pathologiques associées à une endotoxémie nous laisse soupçonner la mise en jeu d’un grand nombre de paramètres dans les mécanismes pathogéniques de l’endotoxémie. 139 2- Pathophysiologie de l’endotoxémie : L’installation de l’endotoxémie se réalise progressivement en différentes étapes chronologiques . i. Le contact muqueux : Le contact entre les endotoxines et le milieu intérieur (circulation sanguine et lymphatique) peut se réaliser via les muqueuses ou par effraction tégumentaire lors d’une infection bactérienne. Il faut la libération d’une quantité supérieure à 1 µg pour qu’une endotoxémie soit déclenchée. Ainsi lors d’une entérite à Gram―, une métrite, une pleuro-pneumonie, une blessure infectée, une placentite avec septicémie néonatale, une destruction de la barrière intestinale (volvulus, incarcération, infarcissement), ou lors de perfusions de solution contaminée, une décharge d’endotoxines dans la circulation sanguine peut se produire (MOORE, 1988). ii. Interaction des endotoxines avec les macrophages : Elle se réalise par l’intermédiaire de la liaison Endotoxine-LPS binding protein et la protéine de surface CD14 des macrophages intra-vasculaires (surtout dans le tissu pulmonaire et hépatique). Il s’ensuit alors (MACKAY, 1987) : → La transformation de l’acide arachidonique membranaire en thromboxane A2 (TxA2) et médiateurs lipidiques vaso-actifs ; → Les TxA2 agissent localement en provoquant une agrégation plaquettaire et l’élaboration d’autres TxA2 et médiateurs de l’inflammation tels que la sérotonine, substance vasoconstrictrice ; → Trente minutes après le contact avec l’endotoxine, il y a sécrétion d’un petit groupe de polypeptides au pouvoir inflammatoire puissant, les cytokines comme par exemple le Facteur Nécrosant Tumoral (TNFα), produit sous la dépendance de métabolites de la cascade oxydative, et l’Interleukine 1 β (Il-1 β) n’ayant pas la même structure mais impliquée dans les même actions. 140 Les cytokines agissent sur un mode autocrine et paracrine entraînant l’amplification du signal endotoxique originel qui, lui, peut disparaître. → Une deuxième vague de cytokines est ensuite produite = • Le GM-CSF ou facteur de stimulation des colonies de granulocytes et monocytes, permettant l’augmentation de la production de neutrophiles par la moelle osseuse tout comme l’interleukine 8 (Il-8) (MACKAY, 1987). • L’Il-8 assurant le chimiotactisme pour les neutrophiles (MACKAY, 1987). • L’Il-6 dont les concentrations sont corrélées avec celles du TNFα et la gravité de l’endotoxémie. Ils sont responsable de l’induction d’une synthèse hépatique des protéines de la phase aiguë et sont pyrogènes. Paradoxalement, ils diminuent par rétrocontrôle négatif la sécrétion de TNFα (MORRIS et al, 1992). → Quelques heures après, les macrophages vont produire des molécules à activité pro-coagulante (PCA), de l’oxyde nitrique (NO) aux propriétés vasodilatatrices et des hormones de stress (épinéphrine, cortisol) à action pyrogène. L’augmentation du NO après l’administration d’une dose faible d’endotoxines, bien que mise en évidence chez de nombreuses espèces, reste controversée dans l’espèce équine (BUENO et al, 1999). L’Il-1 va renforcer l’action pyrogène en intervenant sur le centre thermorégulateur de l’hypothalamus. Il existe parfois des réponses aux endotoxines réduites par une sorte de tolérance due à un contact récent et répété avec des endotoxines (ALLEN et al, 1996). iii. Liaison des neutrophiles aux cellules endothéliales et activation : (MACKAY, 1987 ; WEISS et al, 2002). → Le TNFα et l’Il-1 provoquent l’expression de molécules d’adhésion par les neutrophiles et les cellules endothéliales (molécules intercellulaires d’adhésion, sélectines leucocytaires et endothéliales, intégrines des neutrophiles). Cela explique la margination des neutrophiles et la leucopénie présente chez la plupart des chevaux endotoxiniques. Les neutrophiles sont dits alors « activés » et se caractérisent par une frénétique activité cellulaire et biochimique, ainsi qu’une plus grande sensibilité aux facteurs inflammatoires. 141 → L’activation de la Phospholipase A2 des neutrophiles (PLA2), membranaire et soluble, qui agit en libérant l’acide arachidonique et le lyso-PAF à partir de la membrane phospholipidique cellulaire et qui va être métabolisée en médiateurs lipidiques puissants tels que le leucotriène B4 (LTB4) et le Platelet Activating Factor (PAF). → Une décharge à partir des Neutrophiles activés ou morts se produit en libérant des élastases, des collagénases, des cathepsines G et autres protéases neutres. → Une activation de la NADPH oxydase membranaire des neutrophiles conduit à la libération de métabolites de l’oxygène toxique (TOM) tels que le radical OH et l’acide hypochlorique. Les TOM détruisent les endothéliums mais inactivent aussi les macromolécules impliquées dans la régulation de l’inflammation (antiprotéases) → Les endothéliums produisent également des TOM. Par exemple, l’activité de la xanthine oxydase des cellules endothéliales est induite par les endotoxines. Ces mêmes cellules sous l’action de cytokines inflammatoires vont sécréter, l’endothéline puissant vasoconstricteur et ayant une activité pro-coagulante. L’effet pro-coagulant se poursuit avec l’agrégation plaquettaire sur les endothéliums endommagés. De plus, les neutrophiles démarginés vont migrer entre les cellules endothéliales de la paroi des vaisseaux et provoquer des destructions supplémentaires mécaniques et toxiques. L’ensemble de ces processus est inhibé par les prostacyclines (PGI2) et le NO qui vont faire augmenter les concentrations des cGMP et le cAMP intracellulaire à propriété vasodilatatrice. → Les Il-8 et LTB4 vont recruter par chimiotactisme des neutrophiles supplémentaires. L’ensemble de l’activité des neutrophiles étant dépendante du glucose, cela explique l’hypoglycémie présente. iv. Modification de la perfusion des organes : → L’effet résultant de ces perturbations est un environnement riche en TOM, en protéases, et favorable à la coagulation intra-vasculaire (MACKAY, 1987). → Les effets sur la tonicité vasculaire dépendent du stade et de la sévérité des dommages. Ils comprennent (MACKAY, 1987) : - les effets dits « précoces » de la phase pré-TNF de l’endotoxémie expérimentale qui correspondent à l’effet vasoconstricteur du TXA2 particulièrement 142 au niveau des territoires pulmonaires (tachypnée, hypoxémie artérielle) et des pieds (boiteries). - les effets dits « tardifs » de la phase post-TNF avec un haut dosage expérimental endotoxinique correspondant par exemple à une vasodilatation générale induite par des cytokines (PGI2 et NO). → Les dommages sur les endothéliums et les membranes basales de tous les lits vasculaires par les TOM et les protéases, les hypoxies locales, l'extravasation des neutrophiles, rendent possible une fuite de plasma vers les espaces interstitiels et se traduisent par des oedèmes sous-cutanés. → Les conséquences de tous ces phénomènes (vasodilatation, fuite vasculaire, agrégation intravasculaire des cellules, coagulation) sont une hypotension artérielle systémique et une perfusion inadéquate des tissus. Par exemple, les altérations se produisant au niveau de l’artère mésentérique se traduiront par une aggravation des signes de colique à cause d’une diminution du péristaltisme intestinal (OIKAWA et SHIGA, 2002). v. Guérison d’une endotoxémie sans traitement chez certains chevaux : (ALLEN et al, 1996) On suspecte dans ce cas l’action de métabolites induits par les endotoxines, à feed-back négatif sur la sécrétion de TNFα, tels que le TXA2 et le PGE2 ou encore les glucocorticoïdes endogènes, les facteurs de croissance β, et l’Il-10. De façon plus importante, les macrophages libéreraient des récepteurs à TNF solubles et des récepteurs à Il-1 antagonistes interférant avec les cytokines cibles. Quelques jours après sous l’action de corticostéroïdes endogènes, le foie sécrèterait les protéines de la phase aiguë (APR) à action anti-protéase supprimant la réaction inflammatoire. 143 3- Les signes cliniques de l’endotoxémie : i. Dose modérée d’endotoxines : ( CLARK et al, 1991; KING et GERRING, 1991) Après une dose sublétale allant de 0,1 à 1µg de LPS par kg, on peut déjà observer les signes suivants : • Une période précoce de tachypnée légère, entre 30 minutes et 2 heures, au cours de laquelle les muqueuses sont pâles ; • A partir de 90 minutes, une dépression, un abattement, une anorexie, une élévation de la température rectale, une suppression des bruits digestifs à l’auscultation (pendant plusieurs heures) avec ensuite passages de selles diarrhéiques en petites quantités et signes de colique (décubitus, se roule), élévation du rythme cardiaque pendant la crise abdominale suivie d’un déclin progressif aboutissant à des signes de congestion des muqueuses (Temps de remplissage capillaire augmenté, liseré sombre en marge des gencives) • A partir de 4 à 6 heures, une deuxième phase de tachycardie et de tachypnée relative à l’augmentation progressive de la température. ii. Doses plus élevées d’endotoxines : (MACKAY, 1987 ; MOORE, 1988) L’administration de doses plus élevées de LPS engendre des signes d’insuffisance circulatoire et des désordres hémostatiques se manifestant par de la stupeur, une anorexie totale, une déshydratation (pli de peau persistant, muqueuses sèches, enophtalmie). Le débit sanguin systémique chute de même que la température rectale. On observe alors : une oligurie, une congestion des muqueuses, un pouls filant et rapide puis un décubitus. Les dégâts vasculaires apparaissent avec un syndrome d’hypercoagulation (pétéchies, ecchymoses sur les muqueuses) et des thromboses des veines jugulaires ou autres veines superficielles. Ce dernier phénomène entraîne des oedèmes de la face et laryngés, des difficultés respiratoires par obstruction, des infarcissements de segments de l’intestin 144 grêle se traduisant par des coliques aiguës. Des saignements prennent ensuite place : gencives, site de prélèvement, voies respiratoires (dyspnée, tachypnée). Ils sont secondaires à l’épuisement en plaquettes, en facteurs de coagulation, et à l’activation non contrôlée de la fibrinolyse. Si à plus de 24 heures, les animaux modérément à sévèrement affectés survivent, ils présenteront des oedèmes de l’abdomen ventral et des membres antérieurs. Des signes de fourbure apparaissent et progressent même si les autres signes ont disparu. iii. Les signes clinico-pathologiques : La mesure de la concentration en endotoxines dans le sang n’est pas révélatrice de la sévérité des signes cliniques. Cependant, la preuve de leur existence dans la circulation sanguine suffit au diagnostic de l’endotoxémie. L’endotoxémie s’accompagne de façon précoce d’une profonde neutropénie, d’une hypoglycémie, puis d’autres modifications des paramètres clinico-pathologiques non spécifiques reflétant l’altération de la perfusion des tissus, le dysfonctionnement organique ou les désordres hémostatiques (MACKAY, 1987) : • Une acidose lactique qui engendre une augmentation du trou anionique et la réduction de la pression partielle en O2 ; • Une élévation de la lactate déshydrogénase, la créatine kinase et des phosphatases alcalines (dommages hépatiques, musculaires, et intestinaux) ; • Une élévation de l’urée et la créatinine sanguines secondairement à l’hypovolémie puis dans les cas aigus à une insuffisance rénale due à l’ischémie. Dans les dernières phases, la bandelette urinaire révélera un taux normal de protéines et de sang ; • Dans les cas sévères à modérés d’endotoxémie, on a une réduction du compte plaquettaire circulant (< 100 000/mm3) et un allongement du temps de thromboplastine et, quelques fois, du temps de prothrombine. La déplétion en facteur de coagulation peut parfois se traduire par un allongement du temps de recalcification plasmatique. Les titres en produits de dégradation du fibrinogène sont alors élevés, indiquant une fibrinolyse élevée ; 145 4- Prévention de l’endotoxémie clinique : i. La vaccination : Grâce à des endotoxines auxquelles il manque la région O et une partie du noyau, des vaccins sont réalisés et utilisés chez le poulain de 5 jours contre E. Coli et son endotoxine ou bien contre Salmonella typhimurium. Cependant, ayant été responsables de réactions au site d’inoculation, elles furent d’abords rejetées du marché. Aujourd’hui, elles ont été modifiées et réintroduites grâce à des préparations orales d’anticorps polyclonaux contre E.Coli chez les poulains nouveau-nés (MACKAY, 1987). Leur efficacité sur le terrain n’est pas encore démontrée. . ii. La supplémentation diététique : Les acides gras à trois carbones sont des précurseurs de médiateurs moins puissants que les acides gras à six carbones précurseurs des TXA2 ou LTB4. En utilisant de l’huile de lin comme source de matières grasses on espère diminuer la production de ces médiateurs. Cependant cela n’a pas été prouvé expérimentalement lors d’injection intraveineuse d’endotoxines (MACKAY, 1987). 5- Traitement : i. Soutien de la circulation systémique : L’augmentation du volume sanguin reste la pierre angulaire du traitement des chevaux ayant une endotoxémie modérée à aiguë. En effet, les signes d’endotoxémie aiguë proviennent d’une fuite de plasma vers l’espace interstitiel et des mouvements d’eau vers les cellules. On utilisera donc une solution polyionique équilibrée qui restaurera le volume plasmatique. La diurèse devra reprendre rapidement après le remplacement des pertes hydriques estimées. 146 La fluidothérapie devra plutôt être basée sur une série de mesures telles que l’hématocrite ou la concentration plasmatique en protéines (MACKAY, 1987) : → L’utilisation précoce de plasma compatible pourra être envisagée (5 litres pour un cheval de 450 kg, 1 à 2 litres pour un poulain nouveau-né avec l’avantage d’apporter des immunoglobulines) ou bien une autre solution colloïde telle que le dextran 70 (60 g/L) ou d’amidon (60 g/L) → Une supplémentation en bicarbonate de sodium ne sera pas nécessaire si les paramètres sanguins sont : pH>7,2 ; [HCO3]>15 mEq/L ou [CO2]totale> 16 mmol/L. La perfusion périphérique corrigée améliore la fonction rénale, ainsi la balance acidobasique sera rétablie dans les cas les moins sévères. En revanche si le pH<7,2, on ajoute du bicarbonate de sodium tout en rétablissant le volume hydrique. → Une supplémentation en potassium est possible lors d’hypokaliémie avec une administration de potassium de 10 à 20 mEq/L perfusé. → Une supplémentation en glucose 5 à 10 % chez les poulains septicémiques ou les chevaux adultes hypoglycémiques pourra être réalisée avec un suivi étroit de la concentration en glucose dans le sang et dans l’urine. → Une administration de solutions salines hypertoniques lors de la réanimation du cheval peut être envisagée initialement. Elles agissent en provoquant un mouvement d’eau du milieu intracellulaire vers le milieu extracellulaire par une stimulation du réflexe vago-vagal et en agissant directement sur la contraction myocardique : ex = NaCl 7,2% à 4 mL/Kg IV en 20 minutes, suivie de la fluidothérapie avec des solutions isotoniques. Dans les cas où l’anurie et l’hypotension persistent, on pourra également administrer des substances vaso-actives telles que : → la dobutamine (2 à 15 µg/kg/min) afin de permettre une amélioration de la myocontractilité cardiaque. → de faibles doses de Dopamine (1 à 3 µg/kg/min) pour agir sur les récepteurs rénaux dopaminergiques et améliorer le flux sanguin rénal. → des doses modérées de Dopamine (3 à 7 µg/kg/min) pour stimuler les ß récepteurs et supporter la fonction cardiaque. 147 ii. Elimination des causes de l’endotoxémie : Le retrait de la source d’endotoxines se traduit par la correction des anomalies qui permettent l’accès à la circulation sanguine pour les endotoxines. Par exemple, on cherchera à éliminer les bactéries Gram – présentes dans la cavité pleurale, péritonéale, ou dans l’utérus post-partum. Le cheval endotoxémique étant en général immunodéprimé on utilisera préférentiellement des antibiotiques plutôt bactéricides. Pour des cas où aucune infection extra-digestive n’a été mise en évidence, mais pour lesquels on a des neutrophiles dégénérés, des taux de neutrophiles<1000/µL, un âge inférieur à 6 mois ou encore des signes de CIVD (pétéchies, thrombose), l’utilisation d’antibiotiques devra être systématique (MACKAY, 1987). Cependant, la décharge d’endotoxines peut quelques fois augmenter lorsqu’on utilise certains antibiotiques comme l’ampicilline ou le ceftiofur (BENTLEY et al, 2002). Il est alors intéressant d’utiliser certains AINS ou une autre thérapie anti-endotoxique. Lors d’étranglement intestinal, la chirurgie sera correctrice. Il faudra être prudent post-chirurgicalement car la levée de l’ischémie et la reprise du flux sanguin intestinal entraîne la décharge d’un bolus d’endotoxines. En effet, elle sera favorisée par les dommages causés sur la barrière muqueuse lors de l’ischémie. On devra encore une fois être prudent et utiliser des AINS et des neutraliseurs de TOM (MACKAY, 1987). iii. Neutralisation des endotoxines circulantes : • Le plasma hyperimmun ou les anticorps contre les antigènes des endotoxines sont utilisés mais il n’y a que très peu de résultats satisfaisants rapportés et selon certaines études, ils auraient empiré l’état de poulains septicémiques. (SPIER et al, 1989) (DIVERS, 1997). • La polymyxine B est un antibiotique à large spectre avec des propriétés de liaison aux endotoxines. Cependant, elle possède de nombreux effets secondaires tels qu’une paralysie respiratoire et une néphrotoxicité. On l’utilise donc à faible dose (6000 UI/kg). Elle permet alors de supprimer la réponse clinique et la décharge de cytokines présentes après l’injection IV d’endotoxines (MACKAY et al, 1999). 148 iv. Inhibition du processus inflammatoire induit par les endotoxines : • Les dérivés méthyl xanthine tels que la pentoxifylline inhibent la production de TNFα par les macrophages par l’intermédiaire de l’inhibition de la phosphodiestérase qui provoque l’élévation de l’AMPc intracellulaire. Elle stimule également la production de prostacycline ce qui contribue à son effet protecteur. C’est pourquoi cet effet est négativé par la Flunixine méglumine qui inhibe cette même production de prostacyclines. On utilise des posologies de 8,5 mg/kg per os deux fois par jour (MACKAY, 1987). • Les AINS (Flunixine méglumine, kétoprofène, elténac, phénylbutazone) ont une action inhibitrice des cyclo-oxygénases responsables de la transformation de l’acide arachidonique en thromboxanes et prostaglandines. Plus particulièrement la Flunixine méglumine utilisée au quart de la dose normale (soit 0,25 mg/kg toutes le 6 à 8 heures) limite la poussée de médiateurs inflammatoires lors d’endotoxémie expérimentale, sans pour autant cacher les signes de colique et avoir d’effets secondaires (SENRAD, 1987). L’aspirine, qui inhibe l’agrégation plaquettaire, est aussi couramment utilisée lors de fourbures débutantes ou d’hypercoagulation (MACKAY,1987). • Les corticostéroïdes permettent une réduction de la production de cytokines puisqu’ils inhibent également la production de leucotriènes. Ils vont donc diminuer la production par les macrophages de TNFα, stabiliser les membranes cellulaires, prévenir l’activation des neutrophiles, augmenter le métabolisme cellulaire et la glycogénogenèse, et améliorer la micro-circulation (HASKINS, 1992). Toutefois, ils ne sont pas utilisés en pratique à cause de l’augmentation de la susceptibilité à la fourbure par une sensibilité accrue des vaisseaux sanguins digités à l’action constrictrice des catécholamines. L’emploi des corticoïdes est également déconseillé en cas de septicémie à Gram- à cause de son effet immunodépresseur. • L’héparine : son utilisation est assez controversée. Elle empêcherait les thromboses microvasculaires en activant l’action anticoagulante de l’antithrombine III mais ne réverserait pas les thromboses déjà existantes. Paradoxalement, selon certaines doses (IV ou IM de 40 à 100 UI/kg BID ou TID), elle augmenterait l’agglutination intra-vasculaire des globules rouges et 149 donc la formation des bouchons. En dépit de ce dernier effet, elle reste très utilisée pour limiter le développement de CIVD ou de fourbures. • Les neutralisateurs de TOM servent à limiter les effets des radicaux libres et autres substances oxydantes qui sont libérées durant l’endotoxémie. On peut citer l’allopurinol à 5 mg/kg IV, intervenant aussi comme inhibiteur de la xanthine oxydase et particulièrement intéressant lors des lésions de reperfusion après une correction d’un étranglement intestinal. On retrouve ces mêmes propriétés avec le DMSO, en perfusion rapide dans une solution de 10 à 20 %, avec des posologies de 1 mg/kg toutes les 6 à 8 heures (MACKAY, 1983). 6- Perspectives futures de traitement : La médecine vétérinaire, par le biais de toutes les découvertes faites en médecine humaine, cherche à innover dans le traitement de l’endotoxémie. Aussi, de nouvelles tentatives sont faites pour élargir les possibilités thérapeutiques : l’immunomodulation occupe aujourd’hui une grande place : • Les anticorps polyclonaux ou monoclonaux contre le TNFα, l’Il-1, l’Il-6, l’Il-8, les facteurs tissulaires, les molécules d’adhésion des leucocytes. (BARTON et al, 1998) • Les récepteurs solubles au TNFα et les antagonistes aux récepteurs à l’Il-1 (utilisés également en cas d’arthrite chronique) (CHRISTMAN et al, 1995) • Les inhibiteurs du PAF bien qu’ayant peu de résultats dans l’endotoxémie équine. • Les inhibiteurs des lipooxygénases produisant entre autre le TNFα (le citrate diéthyl carbamazine). • Les inhibiteurs de la production de NO tels que la NG-méthyl arginine ayant la propriété de réduire l’hypotension induite par le TNF ou les endotoxines chez le chien. Cela ne serait cependant pas encore prouvé chez le cheval. Il existe pourtant un souci avec ces inhibiteurs car ils font perdre également les effets positifs du NO, à savoir les propriétés anti-agrégantes, anti-adhésion et protecteur hépatique. (MACKAY, 1983). 150 • Une émulsion de phospholipides permettrait, lors d’endotoxémie expérimentale, de réduire la réponse initiale. En effet, le lipide A du LPS, en s’insérant dans la couche des lipoprotéines à haute densité, masquerait la partie qui entre justement en contact avec le CD14 des monocytes. Cela se traduit directement par une diminution de la production de TNF durant la phase précoce (WINCHELL et al, 2002). Dans le registre de l’immunomodulation, l’épuration extra-rénale constitue un espoir considérable. En effet, son action n’étant pas ciblée sur un médiateur en particulier mais sur ceux qui seraient en excès justement au moment de l’endotoxémie, on peut envisager qu’elle permettrait un retour à un équilibre de la cascade inflammatoire. Les effets bénéfiques de certaines substances pourraient ainsi être conservés. C’est dans cette optique que sont effectuées de multiples recherches en médecine humaine pour permettre une justification supplémentaire de la mise en œuvre d’une hémodialyse ou hémofiltration en cas d’endotoxémie, en dehors du traitement ou de la prévention de l’insuffisance rénale aiguë. L’épuration extra-rénale pourrait être mise en œuvre en parallèle à des chirurgies de coliques digestives à risque ou bien en traitement post-opératoire. Ce choix impose des considérations techniques que nous allons expliquer dans la dernière sous partie. D/ Mise en oeuvre des techniques chez le cheval : On a peu recours aux techniques d’épuration extra-rénale chez l’animal. Le mouton est utilisé en tant que modèle expérimental d’évaluation des biomatériaux d’hémodialyse et d’hémofiltration (KRIETER et al, 1995 ; BONNET, 2000 ; LAVAUD et al, 2003). Le porc est également utilisé dans de nombreuses études (MURPHEY et al, 1997 ; GROOTENDORST et VAN BOMMEL et al, 1992). Dialyser des carnivores domestiques dans un but thérapeutique de l’insuffisance rénale reste, en France, exceptionnel (BONNET, 1994a, b). 151 Seulement 2 études relatent l’utilisation de l’épuration extra-rénale dans l’espèce équine, l’une dans un contexte d’insuffisance rénale (VIVRETTE et al, 1993), l’autre sur un modèle de choc endotoxinique (VEENMAN, 2002). Avant d’envisager d’utiliser des membranes de dialyse dans la thérapeutique du choc endotoxinique du cheval et de l’insuffisance rénale aiguë, la technique d’épuration doit être mise au point chez des équidés sains. Il s’agit de définir les modalités exactes de sa réalisation, circulation extracorporelle (CEC), anticoagulation, solutés de suppléance... 1- Données expérimentales chez le cheval : L’idée d’utiliser l’épuration extra-rénale pour traiter certaines des affections du cheval a été envisagée lors d’une rupture de la vessie chez un poulain de quatre jours par KRITCHEVSKY et al (1984). En effet, la mise en évidence d’une hyponatrémie, hypochlorémie et hyperkaliémie, et le recueil après ponction abdominal d’un liquide proche de l’urine (très riche en créatinine), contenant un taux d’urée supérieur à celui du sang, ont permis de diagnostiquer une rupture de la vessie. De multiples complications s’associent à ces troubles en raison de l’hyperkaliémie : fibrillation ventriculaire, bloc atrio-ventriculaire de troisième degré, bradycardie. Il est donc important de corriger au plus vite les désordres électrolytiques pour que la chirurgie correctrice se déroule dans de bonnes conditions. Dans le cas mentionné, fut donc entreprise sur une période de 36 heures. La chirurgie réparatrice 12 heures plus tard alors que les constantes biochimiques rentraient dans les normes et que l’état général du poulain était amélioré. L’utilisation du principe de diffusion à travers la membrane péritonéale et le rétablissement de l’homéostasie métabolique pour optimiser les chances de réussite d’un acte chirurgical ont été lancés pour la première fois dans cette espèce. L’hémofiltration ou bien l’hémodialyse auraient pu être utilisées de la même façon que la dialyse péritonéale. En 1993, pour la première fois une hémodialyse a été réalisée avec succès sur un poulain en insuffisance rénale survenue à la suite de l’administration d’oxytétracycline (VIVRETTE, 1993). Après administration de cet antibiotique à la 152 dose de 70 mg/kg IV (seuil de toxicité = 5 à 10 mg/kg) à un poulain de quatre jours souffrant d’une contracture du tendon fléchisseur, une hématurie et un profond abattement sont apparus en deux jours. Dès lors, pour traiter l’oligurie, l’hyperkaliémie et d’urémie, une perfusion de chlorure de sodium et de glucose associée à des diurétiques et de la dopamine en continu ont été mise en oeuvre. La thérapeutique a permis une augmentation de la natrémie et de la kaliémie sans reprise de la diurèse. Une biopsie a confirmé le diagnostic de néphrose aiguë induite par les oxytétracyclines. Une hémodialyse a été initiée avec la création chirurgicale d’une fistule artério-veineuse en Téflon/Silastine au niveau de la veine médiane. Pour la séance d’hémodialyse, ont été adoptés des débits sanguins de 250 à 330 mL/min et des débits de dialysat de 500 mL/min. Une dose d’héparine de charge de 100 UI/kg, suivie d’une injection de 20 UI/kg toutes les heures ont été utilisées. Les séances se sont déroulées sous anesthésie à l’isoflurane. Des diurétiques ont été injectés pour diminuer les oedèmes pulmonaires et périphériques. Des séances de 4 à 6 heures ont été conduites 3 fois en 4 jours. Dès la première séance les oedèmes se sont résolus et les concentrations sériques d’urée et de créatinine ont diminué de façon marquée sans effet rebond entre deux séances de dialyse. Certaines complications passagères telles qu’une septicémie nocosomiale à Salmonella et des ulcères gastriques ont été enrayées sans difficulté. Au bout du onzième jour la fonction rénale du poulain était considérée comme pratiquement normale et les lésions tubulaires guéries. Après 34 jours d’hospitalisation le poulain est rentré chez lui et, à 2 ans d’âge, il a été considéré comme normal. Ici, l’intérêt de l’hémodialyse est majeur car le traitement est un succès là où la thérapie classique a échoué et même a aggravé la situation. Le contexte était favorable car l’hémodialyse a été mise en œuvre sur un poulain de petite taille présentant des lésions rénales réversibles dans une structure adaptée avec du personnel entièrement formé à ce genre de technique. L’hémodialyse chez l’adulte a été également tentée pour le traitement de la rhabdomyolyse mais sans succès échec attribué par l’auteur à la taille importante du cheval (THORNHILL et al, 1984). 153 Plus récemment, avec pour objectif d’étudier l’efficacité de l’hémofiltration continue veino-veineuse dans le traitement de l’endotoxémie, VEENMANN (2002) a réalisé une expérimentation chez des poneys Shetland mâles. Il a injecté des endotoxines (Lipopolysaccharides) et a suivi la pression artérielle pulmonaire moyenne ainsi que des paramètres hématologiques et chimiques sanguins (TNF, Il-6, Il-1) dans deux groupes de poneys : l’un subissant une hémofiltration à haut débit et l’autre était un groupe témoin. Il est intéressant de noter comment l’hémofiltration a été mise en œuvre : • les poneys sélectionnés étant de petite taille les contraintes concernant les débits et les surfaces membranaires étaient moins importantes. • L’accès veineux a été réalisé grâce à 2 cathéters positionnés dans chacune des veines jugulaires. • Une anesthésie à base d’halothane a été réalisée pendant l’expérience dans les deux groupes. • Un dialyseur d’une surface de 1,6 m2 de type polyméthylméthacrylate (PMMA) avec une largeur des pores de 75 kD a été utilisé. • Un mode de préparation en ligne de liquide de substitution a été choisi, injecté en amont de l’hémodialyseur (prédilution • Une séance d’hémofiltration de 4 heures a été entreprise • Des débits sanguins et d’ultrafiltration de 2 mL/kg/min, soit en moyenne 300 mL/min ont été utilisés. • Des doses d’héparine, de charge de 30 UI/kg et d’entretien de 15 UI/kg/h furent injectées. Les concentrations en cytokines ont été mesurées à partir des échantillons de sang et d’ultrafiltrat prélevés toutes les 30 minutes. L’expérimentation a pris en compte 9 poneys. Cependant, après l’administration d’endotoxines la mise en oeuvre de l’hémofiltration n’a pas conduit à une amélioration significative des constantes biochimiques par rapport au groupe témoin. Cependant une réaction mimant les conditions du choc endotoxinique a bien eu lieu : élévation de la pression artérielle pulmonaire moyenne et légère chute de la pression artérielle moyenne, élévation des concentrations sanguines de TNFα, Il-6. En revanche seulement 500 pg/mL de TNF ont été détectés dans l’ultrafiltrat et peu de différences entre les concentrations en amont et en aval du filtre ont été 154 constatées. Pour l’Il-1, les concentrations plasmatiques n’ont pas changé après l’injection de LPS mais cependant 309 pg/mL d’Il-1 ont été détectés dans l’ultrafiltrat et en outre peu de différences ont été notées entre les concentrations avant et après le filtre. En revanche, les concentrations d’Il-6 ont augmenté 90 minutes après l’injection de LPS mais aucune trace d’Il-6 n’a pu être délectée dans les échantillons d’ultrafiltrat. Toutes ces données ne vont pas dans le sens d’un bénéfice prouvé évident de l’hémofiltration dans le traitement de l’endotoxémie. Cependant, l’auteur justifie l’absence d’effets de l’hémofiltration sur les paramètres hémodynamiques et chimiques, par la faible amplitude du phénomène endotoxinique et l’auto-résolution du choc. Il faudrait utiliser des doses plus élevées de LPS pour permettre de reproduire un véritable choc endotoxinique ou bien réaliser une obstruction par volvulus. L’étude met en évidence une élimination du TNF et de l’Il-1 par filtration tandis que l’Il-6 semble être adsorbée par la surface membranaire du filtre. De plus, cette étude nous permet de constater qu’en dépit des caractéristiques de biocompatibilité des membranes de PMMA, chez le cheval, une réaction inflammatoire par contact avec le filtre semble se produire ; les augmentations des concentrations en cytokines du début de l’hémofiltration (effet de couche) pourraient être attribuées à ce phénomène. Même si aucune élimination de cytokines dans l’ultrafiltrat ne peut être mise en évidence dans cette expérience, l’efficacité de l’hémofiltration dans le traitement du choc endotoxinique n’est cependant pas remis en cause selon beaucoup d’auteurs (HEERING et al, 1997 ; URPHEY et al, 1997 ; BELLOMO et al, 2000). Cette étude ouvre la voie à beaucoup d’autres expérimentations surtout sur le plan technique car jusqu’alors l’épuration extra-rénale chez le cheval semblait irréalisable et donc les recherches concernant son utilisation dans le choc endotoxinique limitées. 155 2- Contingences techniques : Les contingences de la technique dans cette espèce sont nombreuses comme il nous a été possible de le voir à travers les quelques publications parues. Elles doivent être préalablement évoquées pour comprendre et adapter la technique selon les situations. En effet, il s’agit ici d’établir un protocole de mise en œuvre de la technique chez un cheval adulte sain pour qu’une « routine » d’utilisation s’installe et que la technique puisse peut-être se généraliser. Les contingences techniques, concernant la CEC, les dialyseurs, la technique utilisée, les liquides de dialyse, sont toutes dépendantes du très grand volume sanguin à épurer : • La circulation extracorporelle : elle doit permettre rapidement la mise en circulation de grands volumes de sang grâce à : - des accès vasculaires veino-veineux importants, - de forts débits sanguins, - des cathéters de gros diamètre. • Les filtres : - nécessité d’une grande surface membranaire, - possibilité de les remplacer en cours de séance ou de disposer plusieurs filtres en parallèle pour obtenir un débit d’ultrafiltration suffisant. • Choix de la technique : il semble préférable d’effectuer de l’hémofiltration plutôt que de l’hémodialyse. En effet, mettre en circulation du dialysat dans un système à deux dialyseurs disposés en parallèle apparaît extrêmement délicat. De plus, si l’on opte pour un système avec changement de module en cours de séance, il s’avère difficile de reconnecter le circuit du liquide de dialyse au filtre. • Les liquides de substitution : ils seront de composition adaptée aux troubles métaboliques rencontrés (acidose métabolique, perturbations de la kaliémie). • L’anticoagulation : l’usage de l’héparine est très onéreux en raison des grands volumes de sang à anticoaguler. En outre, son utilisation est à adapter au contexte thérapeutique. En effet, dans une situation de coliques, injecter de l’héparine pourrait entraîner de gros risques hémorragiques si 156 une chirurgie intestinale devait être entreprise. Ainsi l’anticoagulation devra être strictement extracorporelle ; une anticoagulation régionale au citrate de sodium est une alternative intéressante à l’utilisation de l’héparine. Injecté en amont du dialyseur le citrate va complexer le calcium ionisé et prévenir ainsi la coagulation dans le filtre. Pour éviter une hypocalcémie systémique, il s’avère indispensable de perfuser du chlorure de calcium en aval du module (BONNET et al, 2004). Dans le contexte d’une IRA, le problème hémorragique ne se pose pas et donc l’utilisation d’héparine est possible avec toutefois une réserve financière. La proposition de protocole suivant qui prend en compte les contingences liées au cheval devrait permettre d’adapter la technique d’hémofiltration à l’espèce équine. 3- Matériel et méthodes : i. Animaux Pour la mise au point de la technique, trois chevaux sains adultes sont utilisés dans des conditions vigiles. Ils vont subir 4 séances d’hémofiltration de 4 heures chacune, séparées de 2 ou 3 jours, 2 séances avec héparinisation systémique et 2 séances avec anticoagulation par citrate trisodique et chlorure de calcium. Durant les séances, ils sont attachés dans un travail afin de protéger le matériel. Pour prévenir l’émergence éventuelle d’ulcères gastriques de stress, de la ranitidine pourra être administrée à raison de 6,6 mg/kg PO toutes les 8 heures durant toute l’expérimentation. ii. Matériel Description du matériel nécessaire pour chacune des séances : • Cathéter double lumière implanté dans une des 2 veines jugulaires : Hemoaccess 20 cm (12 F) (Hospal, Lyon, France) • Solution pour hémofiltration Hémosol BO (Hospal, Lyon, France) : 157 Na+ 140 mmol/L, Ca++ 1,75 mmol/L, Mg++ 0,5 mmol/L, Cl- 109,5 mmol/L, HCO3- 32 mmol/L, Lactate 3 mmol/L. La teneur en potassium est ajustée à 5 mEq/L de K+ (animaux sains) par ajout de 9.33 mL KCl 20% (Aguettant, Lyon, France à 2.68 mmol/mL) dans chacune des poches de 5 L. La vitesse de perfusion étant de 140 mL/min, on prévoit un peu moins de 34 L/séance. • 1 pompe péristaltique BSM (Hospal Dasco, Medolla, Italie) avec pousseseringue • 4 Pompes à perfusion : Masterflex (Chicago, Illinois, USA) • Citrate trisodique (Sigma-Aldrich, Steinheim, Allemagne) dans glucose 2,5% • Chlorure de calcium (CaCl2 10%) dans glucose 2,5 % • Héparine Choay 5000 UI/ml (Sanofi-synthelabo, Gentilly, France) • 2 raccords Luer-lock avec dérivation latérale (Vygon, Ecouen, France) • 1 ligne artérielle : BSM-CA116PG (Hospal Dasco, Medolla, Italie) • 1 ligne veineuse : BSM-V119PG (Hospal Dasco, Medolla, Italie) • 2 Nephral 500 ST (Hospal, Lyon, France) 2,15 m2 • 2 capteurs de pression TSD 104A (Biopac, Santa Barbara, Californie, USA) reliés à un système d’acquisition MP100 (Biopac). iii. Montage du circuit : La CEC est réalisée à partir d’un accès jugulaire unique (cathéter double lumière). La pompe péristaltique BSM assure un débit sanguin de 300 mL/min. Pour les séances avec anticoagulation par héparine, l’héparine est injectée au niveau de la ligne artérielle par le pousse-seringue de la pompe à sang BSM (fig. 19). Un bolus de 100 UI/kg est injecté avant le démarrage de la CEC suivi d’une perfusion de 15 UI/kg/h. Pour les séances avec anticoagulation régionale (fig. 20), la solution de citrate trisodique est injectée par une pompe péristaltique Masterflex (5 mL/min) au niveau du site d’injection d’héparine de la ligne artérielle avec un débit de 80 mmol/h. La solution de chlorure de calcium est perfusée dans la ligne veineuse à l’aide d’une seconde pompe Masterflex (5 mL/min) avec un débit de 25 mmol/h. 158 Le soluté de substitution est injecté dans la ligne artérielle par une pompe Masterflex en aval de la pompe à sang, en amont des dialyseurs à un débit de 140 mL/min. Le débit d’ultrafiltration (150 ml/min) est ajusté au débit de perfusion des différents solutés de façon qu’il y ait un équilibre entre les apports et la soustraction de liquides par une 4ème pompe Masterflex. liquide de substitution Hémosol BO 8L/h pompe à sang 300 ml/min ligne artérielle UF 8L/h cathéter jugulaire double lumière ligne veineuse héparine circulation extracorporelle Fig. 19 : Montage du circuit d’hémofiltration avec une anticoagulation par héparine 159 liquide de substitution Hémosol BO 8L/h pompe à sang 300 ml/min ligne artérielle cathéter jugulaire double lumière UF 8L/h ligne veineuse citrate de sodium CaCl2 circulation extracorporelle Fig. 20 : Montage du circuit d’hémofiltration avec une anticoagulation régionale au citrate trisodique et chlorure de calcium iv. Paramètres sanguins : • Ionogramme (Na+, K+, Cl-, Ca++) mesurés par AVL (OMNI 5, Graz, Autriche) • Gaz du sang (pH, pCO2, HCO3-, défaut de base) sur AVL • Hématocrite (microhématocrite), protéines plasmatiques (réfractomètre) • TCA par Option 2 (Biomérieux, Marcy l’Etoile, France) si anticoagulation par héparine 160 v. Protocole : Aucune condition de jeûne n’est nécessaire puisqu’il n’y a pas d’anesthésie générale. Le cheval sera mis en place dans le travail. Le jour de la première séance, après asepsie stricte de la région jugulaire et anesthésie locale à l’aide de xylocaïne, on effectuera la pose du cathéter jugulaire. A ce moment le premier prélèvement d’un échantillon de sang témoin T sera effectué pour la détermination des paramètres sanguins, suivi de l’héparinisation (33 UI/mL) du cathéter en attendant la connexion à la CEC pour assurer la plus grande longévité possible du cathéter. Celui-ci sera fixé à la peau à l’aide de points cutanés. Après rinçage de la CEC dialyseurs inclus avec deux litres de sérum physiologique hépariné (5000 UI/L), une voie du cathéter est connectée sur la ligne artérielle et la pompe à sang mise en route à 100 mL/min. Le raccordement de la ligne veineuse à la 2ème voie du cathéter est réalisé après que le sang de l’animal ait chassé totalement le sérum physiologique de la CEC. Les perfusions et l’ultrafiltration peuvent alors débuter tandis que la pompe à sang est réglée sur 250 mL/min. Les débits de perfusion d’Hémosol BO et d’ultrafiltration (UF) choisis ne correspondent pas aux débits d’hémofiltration continue à haut volume mais à ceux de l’hémofiltration continue lente définie par SIGLER et MANNS en médecine humaine et rapportés à un cheval de 400 kg (SIGLER et MANNS, 1996). Des prélèvements de 2 ml de sang au site de ponction artériel seront effectués toutes les 30 minutes pour la détermination des paramètres sanguins étudiés. Durant toute la séance, on effectuera un enregistrement en continu des pressions en « entrée » (chambre d’expansion) et « sortie » (piège à bulles) des modules pour objectiver toute coagulation dans le circuit. Quatre heures après le début de la séance, on effectue un arrêt provisoire de la pompe à sang et un arrêt définitif des pompes de perfusion (Hémosol BO, héparine, citrate de sodium, CaCl2) et de la pompe UF. La dernière étape de l’hémofiltration est la restitution. On effectue la déconnexion de la ligne artérielle du cathéter jugulaire et sa connexion à une poche d’un litre de NaCl 0.9 % pour la restitution du sang de la CEC à une vitesse de perfusion de 100 ml/min. A la fin de la restitution, la pompe à sang est arrêtée et la ligne veineuse déconnectée du cathéter. Un dernier prélèvement de sang est réalisé 161 puis le cathéter est rincé avec de l’héparine (33 UI/ml) s’il doit resservir pour une séance ultérieure ou est retiré si le cheval quitte l’expérience. Durant toute la séance un suivi clinique de l’animal est réalisé (temps de recoloration capillaire, coloration des muqueuses, fréquences cardiaque et respiratoire…). 4- Résultats attendus : Ce protocole permet de présenter les résultats des différents paramètres physico-chimiques enregistrés et mesurés au cours des séances d’hémofiltration à volume moyen. Cela permet d’apprécier : • la bonne stratégie d’anticoagulation adoptée (pressions dans la CEC, calcémie, TCA, circulation du sang, aspect des modules en fin de séance), • le respect de l’homéostasie de l’animal pour l’eau et les électrolytes (constance des différents paramètres plasmatiques), • l’innocuité totale de la CEC sur les éléments globulaires du sang. Il sera apprécié également la pertinence du dispositif de CEC choisi : • choix du cathéter et facilité de pose, • perméabilité des cathéters d’une séance sur l’autre, • respect des débits sanguins, • respect et tolérance du débit d’ultrafiltration choisi, Cet ensemble de résultats est un apport précieux pour l’avenir de l’hémofiltration. Si en médecine humaine, l’étape actuelle est de déterminer la pertinence de l’hémofiltration dans le traitement de l’endotoxémie, la médecine vétérinaire équine en est encore la première étape de mise en oeuvre de la technique. Si ce protocole permet de rassembler des données satisfaisantes, on peut envisager de réutiliser le même protocole en changeant les conditions expérimentales : • hauts volumes d’ultrafiltration • mise en place d’un circuit dialysat pour la réalisation d’une hémodialyse ou hémodiafiltration. • allongement de la durée des séances 162 • reproduction d’un choc endotoxémique par injection d’endotoxines et mesure des concentrations de cytokines • modification du liquide de substitution en vue de compenser les déséquilibres liés à une IRA Si par ce travail nous avons donné tous les éléments de la mise en œuvre de l’hémofiltration chez le cheval, il reste à présent à effectuer sa réalisation pratique qui nécessite un investissement financier certain. 163 CONCLUSION Alors que chez l’homme, les techniques d’épuration extra-rénale sont d’utilisation fréquente et d’indications larges, elles sont exceptionnellement employées chez le cheval. En effet, la difficulté d’adapter le matériel dans cette espèce et le coût élevé que cela engendre, constituent un frein considérable au développement de l’épuration extra-rénale en médecine vétérinaire équine. Cependant, au travers de notre étude bibliographique nous avons pu percevoir tout l’intérêt d’utiliser l’hémofiltration dans le traitement de l’insuffisance rénale aiguë et du choc endotoxinique. Même si cette dernière application ne fait pas encore l’unanimité en médecine humaine dans sa capacité à réduire les effets du choc endotoxinique, elle reste largement utilisée dans de nombreux services de soins intensifs. Cette application s’avèrerait particulièrement intéressante chez le cheval dans le traitement des endotoxémie résultant de coliques. Nous avons tenté par ce travail de faire prendre conscience de l’intérêt de l’utilisation de l’épuration extra-rénale chez le cheval, et d’apporter les éléments techniques permettant la mise en œuvre de l’hémofiltration dans cette espèce. 164 BIBLIOGRAPHIE : ADAMS R., (1987), Acute renal failure In : ROBINSON N.E. (ed), Current therapy in equine medicine, 2nd ed., W.B. Saunders Company, Philadelphia, 693-698 AGOSTINI P.G., (2000), Lack of improvement of lung diffusing capacity following fluid withdrawal by ultrafiltration in chronic heart failure, J. Am. Coll. Cardiol, 36, 5, 16001604 AKIL I.O., MIR S., (2001), Hemodiafiltration for vancomycin overdose in a patient with end-stage renal failure, Pediatr. Nephrol., 16, 1019-1021 ALLEN G.K., CAMBELL-BEGGS C., ROBINSON J.A., JOHNSON P.J., GREEN E.M., (1996), Induction of early-phase endotoxin tolerance in horses, Equine Vet. 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Cette technique nécessite, tout comme l'hémodialyse et l'hémodiafiltration, un matériel et une technique bien spécifiques, qui exigent une adaptation en fonction de l'objectif thérapeutique. Aussi, un tour d'horizon des possibilités d'application en médecine humaine est réalisé, afin d’estimer l'ensemble des utilisations potentielles chez le cheval. Par analogie, l'ensemble des pathologies pour lesquelles l'hémofiltration constituerait un atout chez le cheval est ensuite envisagé. Enfin, de la même façon, un protocole de mise en œuvre de l’hémofiltration chez le cheval est décrit pour assurer peut être une utilisation future. MOTS CLES : - hémofiltration - endotoxémie - rhabdomyolyse - intoxications - cheval JURY : Président : Monsieur le Professeur CHASSARD 1er Assesseur : 2ème Assesseur : Membre invité : Madame le Docteur BONNET Madame le Docteur BENAMOU SMITH Monsieur le Professeur OLMER DATE DE SOUTENANCE : Le 12 mars 2004 ADRESSE DE L’AUTEUR : 2, Impasse les Cycas 83140 SIX-FOURS