Journal Identification = VIR Article Identification = 0498 Date: May 17, 2013 Time: 11:10 am
revue
infectant des animaux du centre du Cameroun (figure 2)
[7, 20].
Les chimpanzés et les gorilles sont des espèces sym-
patriques qui cohabitent sur les mêmes territoires.
Aujourd’hui, plus de 4 000 échantillons de fèces de gorilles
ont été collectés et analysés pour détecter la présence de
SIV. Ainsi, il a été démontré que les gorilles de la sous-
espèce G. g. gorilla vivant au Cameroun étaient infectés par
un SIV [8, 22]. Sur l’ensemble de leur génome, les SIVgor
forment un clade monophylétique inséré dans la radiation
des SIVcpz dans l’arbre phylogénétique et sont très proches
du VIH-1 groupes O et P [23]. Ces analyses phylogéné-
tiques montrent aussi que les gorilles ont été infectés suite
à une transmission inter-espèce de SIV des chimpanzés.
Néanmoins, les SIVgor caractérisés à ce jour ne sont pas
les ancêtres directs du VIH-1 O retrouvé chez l’Homme,
étant donnée la distance génétique relativement importante
entre ces deux lignées virales. En revanche, le réservoir
du VIH-1 groupe P a été identifié dans une population de
gorilles vivant au Sud-Ouest du Cameroun (figure 2) [24].
La distribution du SIVgor chez ces populations sauvages au
Cameroun est inégale selon les sites (de0à20%)etlapré-
valence globale est trois fois plus faible que celle observée
chez les chimpanzés dans les mêmes régions [22, 24].
Les quatre groupes du VIH-1 sont donc clairement le résul-
tat de quatre transmissions inter-espèces indépendantes qui
ont eu lieu dans la partie ouest d’Afrique Centrale, corres-
pondant aux aires de répartition des gorilles de plaine de
l’Ouest (G. g. gorilla) et des chimpanzés de Centre-Ouest
(P. t. troglodytes).
Les franchissements de la barrière d’espèce
menant au VIH-1 ont eu lieu dans l’Ouest
de l’Afrique Centrale au début du xxesiècle
Les quatre transmissions inter-espèces n’ont pas toutes eu
la même issue virologique et épidémiologique. En effet,
seul le VIH-1 groupe M, découvert en 1983, a diffusé à
l’échelle mondiale et est responsable de la pandémie qui
touche aujourd’hui plus de 33 millions de personnes dans
le monde (UNAIDS). Le VIH-1 groupe O a été identifié
au début des années 1990 chez des patients camerounais
et est limité à une épidémie restreinte dans la région du
bassin du Congo où il représente moins de 1 % des infec-
tions VIH-1 [25-28]. Des données au Cameroun suggèrent
que la prévalence du VIH-1 O reste stable autour de 1 %
[29, 30]. Le VIH-1 N, décrit en 1998, et le VIH-1 P, décrit
en 2009, ont été observés chez très peu d’individus, moins
de 20 et deux respectivement [31-33]. Toutes les infections
ont été décrites chez des personnes vivant au Cameroun, à
l’exception d’un cas d’infection VIH-1 N chez une patiente
diagnostiquée en France en 2011 mais qui s’était infectée
au Togo [34]. Les franchissements de la barrière d’espèce
pour les groupes M, N et P ont certainement eu lieu dans le
Sud du Cameroun où les réservoirs des ancêtres de ces trois
variants viraux ont été retrouvés (figure 2). Cela coïncide
avec la distribution géographique des infections VIH-1 N et
P. La localisation de la transmission inter-espèce à l’origine
du groupe O n’a pas encore été identifiée, mais pourrait
se situer dans le Sud du Cameroun ou une région proche,
correspondant à la zone épidémique. Néanmoins, pour le
groupe M, l’épicentre de la pandémie est situé en RDC à
plusieurs centaines de kilomètres du Sud-Est du Cameroun
[35, 36]. Diverses hypothèses existent pour expliquer cette
différence de localisation entre l’origine du virus et l’origine
de l’épidémie. Il s’agit probablement d’une combinaison de
plusieurs facteurs liées au virus et aux conditions socioéco-
nomiques et démographiques [37].
Grâce aux analyses phylogénétiques, il est possible de
dater l’ancêtre commun le plus récent (most recent com-
mon ancestor [MRCA]) à partir d’un ensemble de souches
virales. Différentes techniques de datation moléculaire ont
ainsi été utilisées dans le but d’estimer les dates des ancêtres
communs à certains SIV ou VIH. Ainsi, les données les
plus précises estiment que le MRCA du groupe M est le
plus ancien, remontant au début du xxesiècle (1908 [1884-
1924]), suivi du groupe O (1920 [1890-1940]) et du groupe
N (1963 [1948-1977]) [38]. Pour le VIH-1 P, seulement
deux souches ont été décrites et les datations de l’ancêtre
commun sont donc très imprécises, on estime le moment
de la transmission entre 1845 et 1989 [39].
L’origine du VIH-2
Les homologies entre le VIH-2 et le SIVsmm, infectant les
mangabés enfumés (C. atys) en Afrique de l’Ouest, la pré-
sence du gène accessoire vpx, la coïncidence géographique
entre l’épicentre de l’épidémie de VIH-2 et l’aire de répar-
tition des mangabés enfumés confirment que les SIVsmm
des mangabés (C. atys) sont les ancêtres du VIH-2 pré-
sent aujourd’hui chez l’Homme [9, 40]. La caractérisation
de nombreuses souches de SIVsmm, provenant d’animaux
sauvages ou captifs, a montré une très grande diversité
génétique des SIVsmm au Libéria, en Sierra Leone et en
Côte d’Ivoire. Une très grande diversité génétique est aussi
observée parmi les souches VIH-2, constitué d’au moins
huit groupes viraux (notés de A à H), correspondant à
huit transmissions inter-espèces indépendantes [41, 42].
Récemment, un nouveau variant VIH-2 a été décrit chez
un enfant vivant dans la forêt de Tai en Côte d’Ivoire et
pourrait correspondre à une neuvième transmission inter-
espèce [43]. La plupart des groupes (C à H) n’infectent
que peu d’individus et ont été décrits essentiellement dans
les zones rurales, où les habitants vivent au contact de ces
Virologie, Vol 17, n◦3, mai-juin 2013 123
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