Le deuxième patient, âgé de 36 ans, sans antécédents
médicaux et chirurgicaux, est adressé au service de car-
diologie pour des modifications électrocardiographiques
observées au cours d’une trichinellose de découverte
récente.
Dans les jours précédents, il a présenté de violentes dou-
leurs abdominales, une diarrhée aqueuse et des vomisse-
ments dans un contexte fébrile à 40 °C. En quelques jours,
l’évolution se fait vers une altération de l’état général avec
une fièvre en plateau à 39 °C et des myalgies invalidantes.
L’examen clinique mettait en évidence un œdème de la
face avec conjonctivite bilatérale. Devant ces symptômes
et l’existence d’une petite épidémie après consommation
de viande de sanglier non cuite, le diagnostic de trichinel-
lose était évoqué.
À l’entrée, le 26 juillet 2006, le patient est apyrétique, les
douleurs ont disparu, l’examen clinique est normal. Sur le
plan cardiaque, on retrouve une hémodynamique stable
sans signes d’insuffisance cardiaque, les bruits du cœur
sont réguliers sans souffle ni bruits surajoutés. Le bilan
biologique initial montre une hyperleucocytose
(24,5 × 10
9
/L) avec hyperéosinophilie (12,0 × 10
9
/L), un
syndrome inflammatoire très discret (CRP à 11,7 mg/L),
une augmentation modérée des marqueurs musculaires
(CPK à 408 UI/L, LDH à 363 UI/L et myoglobine à
178 lg/L) et de la troponine Ic (0,33 lg/L).
Le diagnostic étiologique de trichinellose évoqué sur les
circonstances épidémiologiques, les signes cliniques et
biologiques est confirmé par la sérologie. Le prélèvement
effectué le 28 juillet 2006 est positif en technique de
dépistage Elisa, puis confirmé par western blot qui conclut
à la présence de bandes à 43-44 et 64 kDa en faveur d’une
infection à Trichinella spp.
L’ECG s’inscrit en rythme sinusal, régulier, sans trouble
de la conduction. Il existe des troubles de la repolarisation
en territoire latéral, troubles non présents sur un tracé de
référence réalisé un an auparavant. L’échocardiographie
trans-thoracique objective une fonction ventriculaire gau-
che normale avec une cinétique globale et segmentaire
homogène, sans épanchement. Il n’existe pas de valvulo-
pathie, ni d’hypertension artérielle pulmonaire. L’enregis-
trement sur 24 heures selon la méthode de Holter retrouve
un rythme sinusal permanent, l’absence de trouble du
rythme, de trouble conductif ou de pause.
Devant les modifications de l’ECG de repos et l’élévation
de la troponine Ic, une imagerie par résonance magnétique
(IRM) cardiaque est pratiquée. Cet examen confirme
l’existence d’une fonction ventriculaire gauche normale
(fraction d’éjection du ventricule gauche à 60 %, cinétique
globale et segmentaire normales) et l’absence de décolle-
ment péricardique. Dix minutes après injection de gadoli-
nium, la réalisation de séquences tardives met en évidence
un rehaussement sous-épicardique en bande au niveau du
segment inféro-latéral.
Un traitement par Zentel
®
400 mg (1 comprimé matin et
soir) est prescrit pour 15 jours. Une corticothérapie par
prednisolone à posologie dégressive est associée sur une
période de 20 jours (20 mg/j les cinq premiers jours,
15 mg/j les cinq jours suivants puis 10 et 5 mg). Une IRM
cardiaque de contrôle, programmée deux mois après le
début des signes cliniques, objective la guérison.
À notre connaissance, les deux autres convives atteints ont
eu des manifestations similaires à notre premier cas, sans
augmentation de troponine Ic, ni anomalies de l’ECG.
Le diagnostic d’espèce a été porté sur un échantillon de
salaison par l’Afssa (Agence française de sécurité sani-
taire des aliments) d’Alfort. L’analyse biologique vétéri-
naire conclut à la présence de5à10larves encapsulées de
Trichinella britovi par gramme de viande.
Le point de vue du biologiste
Les trichines sont des nématodes vivipares des mammifè-
res omnivores et carnivores. La trichinellose animale est
cosmopolite. La distribution des cas humains est liée aux
habitudes alimentaires. En Europe, viande de porc, de
sanglier et de cheval sont les principales sources de conta-
mination [1, 2].
L’infestation par voie digestive succède à la consomma-
tion de viande parasitée, crue ou mal cuite. Les larves
encapsulées sont libérées par la digestion gastrique [3].
Ces larves pénètrent dans l’épithélium intestinal et devien-
nent adultes en 36 heures. Après l’accouplement, les
femelles pénètrent dans la paroi de l’intestin grêle pour y
pondre des embryons qui, par voie lymphatique puis san-
guine, gagnent le cœur gauche et enfin la grande circula-
tion (figure 1). Ces larves longues d’environ 100 lm pénè-
trent dans les muscles striés et atteignent la circulation
capillaire. Les muscles les plus touchés sont les plus irri-
gués, à savoir le diaphragme, les muscles intercostaux, les
muscles du cou, de la gorge et les extrémités des muscles
des membres. Les larves matures s’encapsulent vers le 18
e
jour de l’infection et restent viables des années. C’est
l’absorption du muscle contenant les larves qui est conta-
minante.
L’orientation étiologique s’appuie sur des renseignements
initiaux :
– épidémiologiques tels que la notion de petite épidémie
familiale et la consommation de viande crue ou mal cuite ;
– cliniques devant l’apparition d’un œdème facial fébrile
avec myalgies succédant à des troubles digestifs.
Trichinellose
Ann Biol Clin, vol. 65, n° 3, mai-juin 2007 309
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