6 | La Lettre du Psychiatre Vol. VIII - no 1 - janvier-février 2012
ÉDITORIAL
Lobésité : une maladie mentale ?
Is obesity a mental disease?
P. omas
Pôle de psychiatrie du CHRU de Lille,
université Lille-Nord-de-France.
Considérée comme l’épidémie dusiècle par l’Organisation mondiale de la santé
(OMS), l’obésité est devenue une priorité despolitiques de santé. En France,
leplan obésité 2010-2013 a été lancé face àl’augmentation considérable
delaprévalence de l’obésité qui concerne actuellement près de 15 % dela population
contre 8% il y a moins de15ans. Les épidémiologistes prévoient que, en2025,
1personne sur5 seraobèse.
Le retentissement de l’obésité surlasanté a été confirmé pardenombreux travaux.
Lobésité estunfacteur de risque majeur demaladies cardiovasculaires, dudiabète
detypeII, de certains cancers et même decertaines maladies dégénératives
ducerveau. Par ailleurs, son retentissement sur l’estime de soi et sur la santé mentale
fait désormais l’unanimité. Chaque jour, la qualité dela vie est mise à l’épreuve,
lorsqu’il s’agit d’utiliser les transports publics, d’accéder aux loisirs et d’être autonome.
Les psychiatres et lobésité
Parallèlement à cette “épidémie”, les psychiatres comme les patients souffrant
detroubles psychiatriques et leurs familles ont été sensibilisés à la problématique
del’obésité. En effet, la présence d’untrouble psychiatrique chronique (psychoses,
troubles bipolaires, troubles dépressifs et troubles anxieux) est désormais considérée
comme un facteur de risque d’obésité. La stigmatisation liée au trouble psychiatrique
est majorée par la stigmatisation liée à l’obésité, et cela à tous les âges de la vie.
Laggravation progressive du surpoids et de l’obésité chez les patients suivis
en psychiatrie est évidemment multifactorielle. Les conséquences de la maladie telles
que la sédentarité, les addictions, le désinvestissement de soi et de son image souvent
symptomatique du trouble psychiatrique, ycontribuent fortement. Des facteurs
génétiques associés aux maladies sont également évoqués. Les traitements
psychotropes ont une influence certaine. Ce sont les prises de poids parfois
spectaculaires observées avec les antipsychotiques atypiques qui ont mobilisé
l’attention sur l’effet des traitements. Depuis, plusieurs études de cohortes ont
confirmé que le risque de prise de poids était accru avec la plupart des psychotropes
prescrits aulong cours. De nombreuses recherches ontété menées afin de comprendre
les mécanismes sous-jacents à la prise de poids induite parlespsychotropes.
R.deBeaurepaire, J. Minet-Ringuet, M. Victoriano et D. Hermier onttravaillé
sur cette question complexe et ont souligné combien il est difficile demodéliser
ce que nous observons en pratique quotidienne (cf. page 12).
Place du psychiatre dans les soins du patient souffrant d’obésité
Malgré l’avancée des connaissances, malgré d’importants progrès dans le traitement
des complications de l’obésité, les prises en charge restent limitées dans leur efficacité
– qui consisterait à amener unsujet à perdre du poids et, surtout, à se maintenir en
deçà du surpoids. Dans cette perspective d’efficacité, la chirurgie bariatrique a pris une
place importante dans le dispositif de soins. M. Brittner, P. Courtet et S. Guillaume
nous livrent leur expérience de psychiatres sollicités dans la liaison avecleséquipes qui
pratiquent ce traitement, conformément aux recommandations (cf. page 18).
La Lettre du Psychiatre Vol. VIII - no 1 - janvier-février 2012 | 7
ÉDITORIAL
La psychiatrie et l’obésité
Dès le commencement de la préparation du DSM-V, plusieurs psychiatres ont plaidé
pourque l’obésité y figure, parmi les troubles des conduites alimentaires, comme
untrouble psychiatrique àpart entière. En effet, à l’instar de l’anorexie
et de la boulimie, larigidité des comportements etdesdéfenses psychiques suggère
que l’obésité est non seulement un trouble métabolique mais aussi un trouble mental.
O.Cottencin et D. Guardia nous proposent de discuter les similitudes
etlesdistinctions entre l’obésité et les conduites addictives (cf. page 24).
Le cerveau et l’obésité
Le rapprochement entre l’obésité et les addictions ne se limite pas à la clinique.
Plusieurs facteurs génétiques et environnementaux contribuent à développer
unevulnérabilité pour l’obésité comme pour les addictions. De nombreux travaux
enneurosciences mettent en avant des réseaux deneurones impliquant
des neuromédiateurs que nous connaissons par ailleurs dans le domaine des troubles
psychiatriques et des addictions, tels que la dopamine, les opioïdes, le GABA, etc.
Àcet égard, O. Oullier et O. Petit font état de travaux qui permettent de considérer
que l’obésité estune maladie du cerveau (cf. page 28).
Pourtant, aucune des recommandations du plan Obésité 2010-2013 ne se rapporte
à la recherche enneurosciences. Les mots cerveau, neurosciences, neurobiologie,
etmême psychiatrie, n’y figurent pas. Or, face à l’ampleur du problème de l’obésité
surles plans individuel et social, et devant l’efficacité limitée jusqu’à présent
desmesures de prévention et desrecours thérapeutiques, ce sont les stratégies
intégrées et coordonnées dans les soins et dans larecherche quipermettraient
d’espérer une meilleure compréhension desmécanismes impliqués
dans le développement del’obésité et d’innover dans la prévention
et dans les prises en charge.
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