Nos besoins en énergie ont diminué, et ce à de multiples niveaux. Lorsque nous nous rendons
sur notre lieu de travail, ou lorsque nos enfants vont à l’école, on utilise de plus en plus la
voiture et de moins en moins la marche. Les escalators et les ascenseurs ont remplacé les
escaliers. Les travaux requerrant la force physique laissent la place à des professions plus
sédentaires ; même au bureau, grâce au téléphone portable ou à internet, nous nous levons
moins souvent pour aller décrocher le téléphone ou pour aller chercher un fax à l’autre bout
du couloir. A la maison, nos loisirs, comme ceux de nos enfants, se déroulent de plus en plus
en position assise, devant la télévision ou les jeux vidéo. Enfin, la climatisation en été et le
chauffage l’hiver nous procurent un environnement thermique neutre dans lequel l’organisme
n’a même plus à s’occuper de sa propre régulation thermique : notre corps a moins de
« travail » physiologique à produire, et donc il brûle moins de calories.
Nous devenons trop sédentaire, mais ce sont surtout les modifications dans notre façon de
manger qui nous font prendre du poids. Ainsi, aux Etats-Unis, la quantité de calories
alimentaires disponibles par habitant est passée, entre 1978 et 1990, de 3200 à 3900 calories
par jour, soit une progression de près de 25 %. Dans le même temps, 40 millions
d’Américains sont devenus trop gros. Même si, dans notre société de consommation, un grand
nombre d’aliments disponibles n’est pas consommé mais jeté, une telle augmentation paraît
suffisante pour expliquer l’accroissement de l’obésité ; en effet, imaginons que nous
consommions quotidiennement 150 calories (soit, par exemple, une canette de soda ou trois
biscuits) en plus de nos dépenses énergétiques : cela suffirait pour susciter en quelques mois
un excès de poids puis en quelques années une obésité.
Nous disposons globalement de plus d’aliments, mais surtout nous avons pris de nouvelles
habitudes qui font facilement prendre du poids et expliquent l’épidémie d’obésité.
- D’abord et avant tout, la part croissante du « snacking », à base d’aliments denses en calories
que l’on trouve partout et que l’on consomme sans faim (et sans fin) entre les repas ; ils
peuvent être sucrés (barres chocolatées, biscuits, viennoiseries, glaces, etc.) ou salées (chips,
biscuits salés, cacahuètes, etc.). Ainsi, aux Etats-Unis, l’apport calorique moyen s’est accru
ces dernières années de 268 calories chez les hommes, et 143 chez les femmes,
essentiellement au profit des snacks, alors même que la part des repas traditionnels stagne ou
baisse. En France, parallèlement à un net accroissement de l’obésité ces dernières années, la
vente des pâtisseries et viennoiseries a augmenté de 116 % entre 1993 et 1997 et celle de
pizzas, quiches et sandwiches de 80 %. Quant aux glaces, on en consomme en moyenne
actuellement plus de 14 kilos par an et par habitant, contre 1 kilo en 1960.
- Ensuite, l’augmentation de la consommation de boissons sucrées et de jus de fruits. Plus de
deux tiers des enfants américains ne boivent jamais d’eau plate. Et en France, la
consommation de sodas a été multipliée par cinq en 50 ans, et celle de jus de fruits s’est
accrue de 71 % entre 1993 et 1997.
- Les fast food aussi sont en cause. D’une part, les aliments qu’ils proposent sont
généralement trop gras, trop riches en sucres rapides et trop pauvres en fibres. D’autre part, les
portions proposées augmentent régulièrement, favorisant ainsi une surconsommation
calorique. Le caractère de plus en plus copieux des plats ne concerne pas que les fast food :
une étude scientifique réalisée conjointement par une équipe française du CNRS et par
l’université américaine de Pennsylvanie a trouvé que la taille des portions (restaurants, livres
de cuisine, supermarchés, etc.) est environ 25 % plus élevée aux Etats-Unis qu’en France.
- En ce qui concerne les repas pris à la maison, on ne peut qu’être frappé par la concordance
entre deux événements : à la fin des années 70, aux Etats-Unis, l’industrie agroalimentaire a
multiplié l’offre d’entrées riches (quiches, pizzas, tartes salées, etc.) et de sauces grasses à
base de mayonnaise notamment ; cette variété a coïncidé avec le début de l’épidémie d’obésité
en Amérique. Depuis le milieu des années 90, la France prend le même chemin, puisque nous
achetons de plus en plus de ces produits et, parallèlement, le nombre d’obèses augmente.
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