MÉMOIRE présenté à la Commission de l’économie et du travail sur le projet de loi 136, Loi sur les forêts et d’autres dispositions législatives Le 28 août 2000 TABLE DES MATIÈRES PRÉSENTATION DE L’UMQ .......................................................................................... 1 INTRODUCTION............................................................................................................... 2 1. COMMENTAIRES SUR LE PROJET DE LOI 136........................................... 3 1.1 Commentaires généraux................................................................................... 3 1.2 Le contrat d’aménagement forestier................................................................. 5 1.3 La convention d’aménagement forestier .......................................................... 7 1.4 Les consultations .............................................................................................. 7 1.5 Le contrôle........................................................................................................ 9 2. PROJETS DE FORÊTS HABITÉES.................................................................... 9 2.1 L’avenir des projets-pilotes.............................................................................. 9 2.2 Les contraintes actuelles................................................................................... 10 2.3 La nécessité de relancer les projets de forêts habitées ..................................... 11 3. LES FORÊTS ET LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL ................................. 14 3.1 La forêt et l’aménagement du territoire............................................................ 14 3.2 Un fonds régional de diversification économique............................................ 15 CONCLUSION...............................................................................................................17 i Mémoire de l’UMQ à la Commission de l’économie et du travail 1 PRÉSENTATION DE L’UNION DES MUNICIPALITÉS DU QUÉBEC Avec ses 271 membres1, comptant pour plus de 5 millions de citoyens et gérant 77 % des budgets municipaux, l’Union des municipalités du Québec (UMQ) est le seul regroupement à représenter le monde municipal dans toute sa diversité et l’une des rares organisations dont le poids et la légitimité lui permettent d’intervenir dans le débat public au nom de 71 % de la population du Québec. Depuis sa formation il y a 80 ans, l’Union prend part à tous les débats et joue un rôle de premier plan dans la défense des intérêts des municipalités et de leurs contribuables. Elle joue un rôle de premier plan en faveur d’une reconnaissance réelle de l’autonomie politique et financière des municipalités québécoises. Elle appuie et supporte ses membres en intervenant en leur nom, en les tenant informés sur les développements de la scène municipale et en leur donnant la possibilité d’influencer ensemble le cours des décisions, dans le meilleur intérêt des citoyens. L’Union se veut également un carrefour de la réflexion municipale québécoise et favorise à cette fin la formation des élus municipaux et la diffusion de l’information, notamment par le biais de sa revue URBA et de ses assises annuelles. Enfin, reflétant en cela l’évolution de la pensée et de l’action municipale des dernières années, l’Union mène à bien divers mandats de services auprès de ses membres, favorisant ainsi une saine gestion des deniers publics. 1 L’UMQ compte 271 membres, dont 235 municipalités locales, 30 municipalités régionales de comté, 2 communautés urbaines et 4 régies intermunicipales. Projet de loi 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d’autres dispositions législatives Mémoire de l’UMQ à la Commission de l’économie et du travail 2 INTRODUCTION Au Québec, plusieurs collectivités vivent aux «crochets» de la forêt. Dans certains cas, la forêt crée de la richesse et constitue une source de développement. Pour d'autres, cependant, elle est synonyme de dépendance et de déclin. C'est qu'au cours des dernières décennies, les pratiques sylvicoles ont grandement évolué pour permettre à l'industrie forestière québécoise de s'ajuster aux nouvelles conditions du marché. Dans cette course sans fin à la compétitivité, l'industrie due innover et développer de nouveaux procédés plus performants et moins dispendieux pour la cueillette et la transformation de la matière ligneuse. Bien que ces actions aient permis de maintenir et de consolider ce secteur d'activités, ces changements technologiques ont tout de même entraîné un lot de désagréments: fermetures d'entreprises, licenciements, diminution de économique pour certaines collectivités, exode de la population, etc.. l'activité Pour les municipalités mono-industrielles, ce genre de restructuration constitue souvent une catastrophe. Afin de satisfaire une industrie de plus en plus performante, le ministère des Ressources naturelles (MRN) a entrepris une révision du régime forestier visant à adapter cette industrie aux nouvelles réalités économiques et environnementales. Dans la foulée de cette réforme, il tente d'initier de nouvelles pratiques qui permettront, éventuellement, d'augmenter la productivité des forêts et ainsi, espère-t-il, créer de nouvelles opportunités de développement en région. En raison de l'importance de la ressource forestière pour le développement des collectivités locales, l'UMQ a analysé le projet de loi 136 qui modifie le régime forestier actuel. Le présent mémoire énonce donc une série de commentaires relatifs à ce projet de loi. Ceux-ci ont été formulés en considérant le lien qui existe entre la forêt et le développement des collectivités locales qui en dépendent. Par la suite, un retour sur les projets-pilotes de forêts habitées sera fait pour en évaluer l'opportunité dans le contexte des travaux actuels de mise à jour du régime forestier. Projet de loi 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d’autres dispositions législatives Mémoire de l’UMQ à la Commission de l’économie et du travail 1. 3 COMMENTAIRES SUR LE PROJET DE LOI 136 Le projet de loi 136 modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives (projet de loi 136) comporte un certain nombre d'améliorations qui visent à favoriser une utilisation optimale de la ressource forestière et à revigorer l'économie des régions pourvoyeuses. Toutefois, l'UMQ se questionne sur les retombées réelles de ces modifications et doute de leur capacité à re-dynamiser des milieux qui souffrent de dévitalisation. L'analyse qui suivra commentera quelques-uns des nouveaux mécanismes intégrés dans le projet de loi 136. Il y est question du contrat d'aménagement forestier, des consultations qui y sont prévues et des moyens de contrôle dont le ministère entend se doter pour assurer le succès de la politique gouvernementale de gestion selon les résultats. Avant d'aborder ces aspects particuliers, nous formulerons quelques commentaires généraux sur le projet de loi. 1.1 Commentaires généraux Lors de la lecture du projet de loi, une chose particulière a frappé l'UMQ : la concentration des décisions entre les mains du ministre. On constate que tous les choix d'importance pour le développement économique des régions seront pris, presque exclusivement, par le ministre, loin du milieu auquel ils s'adressent. Qu'il soit question de la gestion d'une érablière, de l'implantation d'une bleuetière, ou de tout autre projet d'aménagement de la forêt, toutes ces demandes devront nécessairement suivre un processus administratif devant mener ledit projet, préalablement commenté, au bureau du ministre pour approbation. Bien entendu, il y aura des consultations si les territoires touchés sont couverts par un contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier (CAAF), un contrat d'aménagement forestier (CAF) ou par une convention d'aménagement forestier (CAF). Par contre, pour les autres territoires, le ministre pourra librement exercer sa discrétion. L'UMQ prêche plutôt pour une planification intégrée des ressources. Projet de loi 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d’autres dispositions législatives Mémoire de l’UMQ à la Commission de l’économie et du travail 4 Par ailleurs, l'UMQ appuie le concept de rendement accru. Néanmoins, les mesures qui seront prises en ce sens devront l'être dans le but de maintenir, voire d'améliorer, la qualité et la quantité de la matière ligneuse, de favoriser la biodiversité et d'assurer le maintien de la qualité des sols. Il faut s’assurer que les aménagements forestiers seront réalisés de façon à respecter les caractéristiques des divers écosystèmes forestiers qui ont fait l’objet de travaux sylvicoles. À cette fin, le ministre se donne le droit d’apporter des modifications aux plans d’intervention pour l’ensemble de l’unité d’aménagement ou une partie seulement. L’UMQ se questionne à savoir si cette mesure sera suffisante pour contrer le syndrome de l’épinette en favorisant le reboisement d’autres essences dont celles de feuillus. Par contre, l'UMQ ne croît pas que l'amélioration de la productivité forestière qui découlera de l’instauration d’une politique de rendement accrue générera de nombreux emplois à moyen ou long terme. Ces dernières années, l'évolution des techniques sylvicoles ont permis d'accroître la productivité des méthodes d'extraction et de transformation de la ressource, ce qui n'a pas réellement favorisé l'accroissement de l'emploi dans le secteur forestier. En fait, l'amélioration planifiée des rendements permettra peut-être d'assurer un approvisionnement suffisant pour combler les besoins futurs d'une industrie dont les performances ne cessent de croître. D'ailleurs, il importe de se rappeler que si l'emploi en milieu forestier a augmenté de 10 % entre 1991 et 1996, 8 millions de mètres cubes de bois supplémentaires ont été nécessaires pour permettre une telle amélioration, ce qui constitue une augmentation d'environ 45% sur les 18 millions de mètres cubes alloués en 1991. Le MRN a mis en place, en 1995, le Programme de mise en valeur des ressources du milieu forestier. Ce programme a permis de financer la réalisation de plusieurs projets locaux. Il s'agit d'un programme très intéressant puisqu'il encourage le «multiusage» de la forêt et le maintien, voire la création d'emplois. De plus, il est important de louer la flexibilité du programme qui permet aux régions d'allouer elles-mêmes les sommes qui y Projet de loi 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d’autres dispositions législatives Mémoire de l’UMQ à la Commission de l’économie et du travail sont versées aux projets qu'elles désignent. 5 L’UMQ désire que ce programme soit maintenu dans son intégralité. Dans le cadre du processus de révision du régime forestier, le ministre s'octroie le pouvoir de classer certains lieux «d'écosystèmes forestiers exceptionnels». Ceux-ci seront soustraits à l'aménagement forestier ou minier. L'UMQ se réjouit d'une telle initiative et espère que des actions concrètes en ce sens seront prises dans les meilleurs délais. 1.2 Le contrat d'aménagement forestier Il existe actuellement deux principaux modes d'attribution de la matière ligneuse au Québec : le contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier (CAAF) et la convention d'aménagement forestier (CAF). Chacun de ces modes comporte des spécificités. Le CAAF est attribué à une personne autorisée à construire ou à exploiter une usine de transformation du bois. Il lui alloue une certaine quantité de bois ronds d'une ou de plusieurs essences sur un territoire déterminé. La CAF, pour sa part, permet au ministre d'autoriser une personne à effectuer des travaux d'aménagement forestier dans les réserves forestières, c'est-à-dire sur les aires forestières qui ne font pas l'objet d'un CAAF. Le projet de loi actuel propose de créer un nouveau mode d'octroi des bois de la forêt du domaine public : le contrat d'aménagement forestier. Grâce à ce nouvel outil, le ministre autorisera une personne, qui ne détient pas un permis pour construire ou exploiter une usine de transformation du bois, de prélever une certaine quantité de matière ligneuse dans les aires communes d'approvisionnement. De cette façon, le ministre souhaite aider à revitaliser l'économie des régions en octroyant aux intervenants du milieu une partie de la ressource pour la réalisation de projets locaux. Pour ce faire, deux critères seront considérés lors de l'attribution de ce genre de contrat : la possibilité forestière et l'intérêt public. L'on ajoute en plus que les bois utilisés dans le cadre d'un tel contrat ne devront pas déjà avoir été alloués pour les besoins d'un CAAF. Serait-ce que l'on établit, par le Projet de loi 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d’autres dispositions législatives Mémoire de l’UMQ à la Commission de l’économie et du travail 6 fait même un ordre de priorité quant à l'appropriation des bois disponibles ? Par ailleurs, si l'on considère que sur une possibilité forestière estimée à environ 30 millions de mètres cubes de bois, 26 millions de mètres cubes ont déjà été octroyés, il est raisonnable de se questionner sur la pertinence d'une telle mesure. Le ministre disposerait donc d'une marge de manœuvre théorique correspondant à environ 13% de la possibilité forestière actuelle. Cette latitude nous semble bien mince pour relancer l'économie des régions et cela pour diverses raisons. Premièrement, la localisation de ces bois libres de droit de coupe n'est possiblement pas «optimale» comme, par exemple, dans la région de la Gaspésie où l'on craint une rupture des stocks de bois. Dans pareilles situations, d'où proviendront les surplus nécessaires pour satisfaire les besoins d'une personne désireuse d'obtenir un contrat d'aménagement forestier ? Deuxièmement, on se questionne sur les essences disponibles pour ce genre de contrat. Serait-il possible que les meilleures soient déjà allouées et que seules les essences dont le potentiel commercial est moindre soient encore libres ? Le document d'information préparé par le ministère dans le cadre de la présente consultation le laisse croire. Il semble donc que le potentiel réel de cette mesure pour contrer la dévitalisation de certaines régions soit bien mince. L'UMQ considère tout de même qu'il s'agit d'un programme intéressant dans sa forme et qu'il peut possiblement améliorer le sort de certaines régions à plus ou moins long terme. Il est à craindre toutefois que les retombées escomptées de cet outil ne se profileront que lorsque les fruits (arbres), issus du principe de rendement accru de la forêt, seront mûrs et disponibles pour la récolte. S'il advenait que cette hypothèse se confirme, cela ne solutionnerait en rien le problème actuel de paupérisation des milieux ruraux. En effet, plusieurs collectivités québécoises souffrent, en ce moment, de dévitalisation et ont besoins que l'on prenne, dès maintenant, des mesures concrètes pour sauver ce qu'il reste de leur économie. De plus, il persiste un risque de voir la ressource être transformée à l'extérieur des régions dans lesquelles elle a été prélevée. L'UMQ suggère donc au Projet de loi 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d’autres dispositions législatives Mémoire de l’UMQ à la Commission de l’économie et du travail 7 ministre de revoir les dispositions légales qui instituent ce contrat à la lumière des craintes exprimées ci-haut. 1.3 La convention d'aménagement forestier Comme nous l'avons mentionné ci-avant, le ministre peut conclure des conventions d'aménagement forestier avec une personne de son choix pour réaliser des travaux sylvicoles sur des réserves forestières. Le document de consultation montre toutefois que peu de ces conventions ont été signées. Ce manque d'intérêt pour cet outil de développement économique s'explique, selon le ministre, par la rareté de la ressource. À ce sujet, le ministre mentionne qu'entre 1991 et 1996, la superficie des réserves forestières a fondu comme neige au soleil en faveur des unités d'aménagement forestier. On y souligne de plus que la localisation, la superficie et la topographie des réserves restantes les rendent fort peu attrayantes. Le ministre précise qu'il est sensible à l'effritement de la superficie des réserves forestières. Il désire d'ailleurs remédier à cet état de fait lors de la révision des limites des unités d'aménagement afin d'augmenter le nombre et l'étendue des aires protégées. Ces mesures pourraient participer à relancer l'intérêt pour les conventions d'aménagement forestier. L'UMQ encourage le ministre à prendre des actions concrètes en ce sens. 1.4 Les consultations Le projet de loi 136 modifie la procédure de consultation prévue dans la loi en invitant dorénavant des intervenants du milieu, nommément identifiés dans le projet de loi, à l'élaboration ou à la modification des plans généraux d'aménagement forestier. Il s'agit d'une amélioration notable puisqu'ils interviendront plus activement à l'aménagement de leur territoire forestier à l'étape même de la conception du plan général. Il faut toutefois nuancer l'importance de cette contribution. En effet, celle-ci sera de nature consultative et ne liera en rien les bénéficiaires de CAAF ou de l'un des CAF, de sorte que ces Projet de loi 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d’autres dispositions législatives Mémoire de l’UMQ à la Commission de l’économie et du travail 8 derniers demeureront libres d'intégrer ou non, les commentaires et propositions soulevés lors de ces exercices. Dans l'éventualité où il subsisterait un différend entre les bénéficiaires de CAAF ou de l'un des CAF et l'un des intervenants, le ministre tranchera la question ou pourra nommer un conciliateur afin d'obtenir des recommandations sur le point litigieux. Il faut préciser que la décision du ministre sera de nature discrétionnaire. Ainsi, rien ne l'obligera à tenir compte des recommandations formulées par le conciliateur, tout comme il pourra les modifier ou les intégrer telles quelles au CAAF ou à l'un des CAF. Il faut signaler que l'on désigne les MRC à titre d'intervenant ; l'importance et la qualité de leur implication est cependant tributaire des ressources humaines et forestières qu'elles peuvent affecter à ces fonctions. De plus, la place qu'elles occuperont dans l'élaboration ou la modification du plan général sera donc assujettie au bon vouloir des bénéficiaires. Au mieux, elles réussiront à influencer substantiellement les pratiques sylvicoles en exigeant des bénéficiaires des CAAF ou de l'un des CAF qu'ils tiennent compte de diverses contraintes telles que les zones de villégiature, de conservation, d'intérêt particulier, etc.. Toutefois, plusieurs MRC ont développé une expertise relativement à l'aménagement du milieu forestier au fil des ans. Il serait donc intéressant de leurs permettre d'intervenir plus activement dans l'aménagement de la forêt en leur reconnaissant un statut similaire à celui des bénéficiaires de CAAF ou de l'un des CAF. En ce qui concerne les municipalités, celles-ci ne font pas parties des intervenants qui seront obligatoirement invités aux discussions entourant l'élaboration des plans. L'UMQ estime que l'on devrait les y inclure car plusieurs d'entre elles gèrent des territoires immenses qui comportent bien souvent des forêts du domaine public. Quant au public en général, un nouveau processus d'information est prévu. On mettra à leur disposition le plan général d'aménagement forestier, les documents d'accompagnement et un résumé vulgarisé pour leur permettre de mieux saisir l'ampleur Projet de loi 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d’autres dispositions législatives Mémoire de l’UMQ à la Commission de l’économie et du travail 9 des travaux qui seront réalisés dans leur milieu. Bien entendu, on parle ici d'information et non de consultation. 1.5 Le contrôle L'UMQ est satisfaite du resserrement apporté aux mesures de contrôle des travaux forestiers et des sanctions s'y rattachant. Elle espère que cela sensibilisera davantage les bénéficiaires à l'égard de la ressource qui leur est confiée. L'UMQ désire, à cet égard, souligner tout particulièrement celle prévoyant l'intégration à la loi du concept de co-solidarité entre les bénéficiaires partageant une même aire commune. Dans la mesure où le ministre se donne les moyens de contrôle nécessaires à la mise en œuvre de cette réforme, ce principe aidera à exercer une surveillance accrue des travaux sylvicoles par ceux qui les pratiquent puisqu'ils pourraient être sanctionnés sans égard à leur faute. Bien que cela semble sévère, il s'agit, croyons-nous, d'une approche nécessaire pour contrôler les activités qui ont lieu en forêt. L'UMQ appuie aussi l'inclusion, parmi les activités admissibles au Fonds forestier, celles qui sont liées au contrôle des travaux sylvicoles. De cette façon, le ministre se dote d'un mode de financement additionnel pour exercer une surveillance accrue de la ressource. Il est cependant à espérer qu'il ne s'agira pas d'un mode de financement alternatif qui justifierait un désengagement financier du MRN de ces activités. Il serait malheureux que cette modification ne vienne à en changer le mode de financement. 2. PROJETS DE FORÊTS HABITÉES 2.1 L'avenir des projets-pilotes En 1995, une nouvelle approche de gestion des territoires forestiers a été mise sur pied, soit celle des forêts habitées. Ces projets permettaient, dans bien des cas, d'exercer une gestion intégrale de toutes les ressources présentes sur un territoire donné. Projet de loi 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d’autres dispositions législatives Cette Mémoire de l’UMQ à la Commission de l’économie et du travail 10 approche a été initiée par le ministère des Ressources naturelles, en collaboration avec divers ministères (MAMM, Faune et parcs, …) et organismes qui se sont concertés pour octroyer les pouvoirs et outils nécessaires au bon fonctionnement des projets. Plus tard, soit en 1998, le MRN entreprenait une réflexion sur la gestion de la forêt publique au Québec. Celle-ci devait mener, deux ans plus tard, au projet de loi 136 qui propose des modifications à la Loi sur les forêts. Mais voilà, quelque part au cours de ces deux années, la décision d'abandonner le concept de forêts habitées fut prise, laissant les projets-pilotes dans l'incertitude quant à leur avenir. Bien que le projet de loi 136 reprenne quelques concepts sous-jacents aux projets-pilotes de forêts habitées, celui-ci n'offre pas les opportunités, ni les possibilités de développement économique que proposait le cadre des projets de forêts habitées. L'UMQ déplore que le ministère ignore désormais ce genre de projets. Cela est d'autant plus dommage qu'il en est l'instigateur et que plusieurs d'entre eux ont eu un impact appréciable et structurant sur leur milieu. L'abandon de ce concept innovateur est, selon l'UMQ, un pas en arrière dans le contexte actuel de gestion des forêts. Ces projets ont apporté un essor économique dans leur communauté. Ils ont eu des retombées parfois notables et ont permis aux populations de se réapproprier une partie de leurs ressources. Plutôt que de l'abandonner, il aurait été plutôt souhaitable de l'officialiser à l'intérieur d'un programme adapté afin de mieux l'encadrer si besoin était. L'absence de référence au concept questionne aussi l'existence et l'avenir des projets actuels. Compte tenu de l'enthousiasme dont ont fait preuve les divers intervenants qui ont travaillé sur ce genre de projets, l'UMQ souhaite qu'il soit réintégré dans le contexte des discussions présentes sur la forêt. 2.2 Les contraintes actuelles À défaut de connaître l'avenir réservé aux forêts habitées par le ministre des Ressources naturelles, l'UMQ tient à soulever certains aspects qui posent problèmes aux projets Projet de loi 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d’autres dispositions législatives Mémoire de l’UMQ à la Commission de l’économie et du travail 11 existants et qui nuisent à leur essor : le statut légal des projets et le mode de tenure de certaines des forêts. Plusieurs difficultés rencontrées par les projets de forêts habitées prennent leur source dans l'absence d'une reconnaissance légale du concept. Cette absence de statut brime désormais leur expansion. Il fut d'ailleurs soulevé que le succès de certains d'entre eux crée des difficultés de gestion du territoire. Entre autres, comment fait-on pour adopter des règlements pour le contrôle des déchets, de la circulation sur le site ou sur tout autre sujet? De plus, l'absence de statut complique l'obtention de droits sur la faune. En ce sens, certains gestionnaires hésitent à implanter de nouvelles activités, faute d'avoir les pouvoirs nécessaires pour en assurer un contrôle efficace. Il serait donc bienvenue que le ministre légifère afin de remédier à la situation. Une autre difficulté rencontrée par ces projets concerne le mode de tenure des forêts. En effet, plusieurs d'entre eux doivent composer avec la présence de CAAF, ce qui a pour effet de les priver de revenus appréciables obtenus lors de la vente du bois. Puisque le MRN désire augmenter la superficie des réserves forestières au Québec, l'UMQ se demande s'il serait possible alors de favoriser les zones périurbaines dans lesquelles se concentrent une bonne partie des activités récréo-touristiques. La désignation de ces territoires comme réserve forestière contribuerait à une meilleure gestion des activités et des usages dans ces secteurs forestiers. En outre, l'UMQ souhaiterait que soit considérée la situation de ces projets de forêts habitées lors du choix des aires qui seront désignées réserve forestière lors de la reconfiguration des unités d'aménagement forestier. 2.3 La nécessité de relancer les projets de forêts habitées Le ministre reconnaît, à l'intérieur de ses différents documents de consultation (1998 et 2000), qu'il y a un fort désir de la part des communautés de s'impliquer activement dans le débat sur l'aménagement du territoire forestier. Il reconnaît également l'importance d'implanter la gestion intégrée là où il y a une cohabitation entre les utilisateurs de la Projet de loi 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d’autres dispositions législatives Mémoire de l’UMQ à la Commission de l’économie et du travail 12 ressource ligneuse, faunique ou récréative. Il affirme aussi qu'il est essentiel d'utiliser la forêt de façon plus polyvalente. En 1999, le ministre des Régions publiait son cadre de référence pour la mise en place d'une politique de la ruralité. On y mentionne l'importance de l'engagement des collectivités rurales dans la gestion des ressources naturelles comme élément de valorisation de ces communautés et pour favoriser leur pérennité. On y table sur la responsabilisation accrue des milieux locaux et régionaux afin d'en assurer un développement durable. Dans cette optique, le ministre énonce qu'il faut accroître la participation des collectivités rurales à la gestion intégrée des ressources de leur milieu dans une perspective de développement durable (orientation #2). Bien qu'il y ait des similarités entre ces discours, il faut admettre que l'on est bien loin de la coupe aux lèvres. Malgré tous les efforts que pourra déployer le ministre des Régions pour mettre en place sa politique de ruralité, ce dernier ne possède pas la capacité de contraindre les autres ministères à lui emboîter le pas. Il reviendra alors à chacun des ministères de contribuer à cet effort. En fait, on est en droit de se questionner sur la participation du MRN à cet effort de revitalisation des collectivités rurales. Le projet de loi 136 conserve à Québec les principaux pouvoirs décisionnels relativement à la gestion des forêts. Le ministre des Ressources naturelles se limite à rendre obligatoire la «consultation» de certains intervenants et l'information du public. Là s'arrête la participation des collectivités à la gestion de leur milieu forestier. Quant à l'usage «polyvalent» de la forêt, on ajoute quelques pouvoirs à ceux dont dispose le ministre, dont celui d'autoriser la coupe de bois pour permettre certains usages agricoles (bleuetières) ou autres travaux sylvicoles (coupe de bois dans les érablières par exemple). Il agira ponctuellement au gré des demandes qui lui seront présentées. Encore ici, on constate que l'on doit préalablement passer par le ministre pour obtenir une autorisation pour réaliser un projet en milieu forestier. Projet de loi 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d’autres dispositions législatives Mémoire de l’UMQ à la Commission de l’économie et du travail 13 Comme on peut le remarquer, une bien petite place est réservée aux intervenants locaux et régionaux relativement aux décisions qui touchent l'aménagement et la gestion de leurs forêts. En 1998, le MRN semblait endosser le concept de forêt habitée et prêt à soutenir ce projet qui visait à permettre aux collectivités rurales de se prendre en main. En 1999, le cadre de référence du ministère des Régions soulignait l'importance de l'implication de ces communautés, ce à quoi répondait déjà le MRN dans son document de référence de 1998. En 2000, plus rien. On abandonne le concept de forêt habitée et l'on revient à une gestion centralisée de la ressource, allant ainsi à l'encontre des orientations du ministère des Régions qui tente de coordonner les activités des divers ministères afin de favoriser le développement durable des régions. L'UMQ se questionne sérieusement sur les motifs qui expliquent un tel revirement. Les projets de forêts habitées permettaient une gestion polyvalente par le milieu et pour le milieu de l'ensemble des ressources de la forêt. D'ailleurs, plusieurs des régions qui ont eu l'occasion de mettre en place un tel programme se targuent, avec raison, du succès remporté à ce jour par celui-ci. Ces projets ont permis d'y consolider et même d'y créer des emplois. Il s'agissait d'un coup de pouce non négligeable dans les efforts réalisés par les intervenants du milieu pour revitaliser l'économie de leur région. De plus, comme il a été mentionné plus tôt, de nombreux autres avantages découleraient de la relance du programme de forêts habitées qu'il s'agisse d'une meilleure intégration des usages ou d'une meilleure sensibilisation de la population à l'égard de la forêt pour ne nommer que ceux-là. Ces projets ont eu des répercussions positives sur les milieux dans lesquels elles ont pris place. L'UMQ ne peut que déplorer l'abandon de ce concept et souhaite que le MRN réévalue sa position à cet égard. Projet de loi 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d’autres dispositions législatives Mémoire de l’UMQ à la Commission de l’économie et du travail 14 3. LES FORÊTS ET LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL 3.1 La forêt et l'aménagement du territoire Les municipalités locales, les MRC et le MRN jouent un rôle important, dans leur champ de compétence respectif, en ce qui touche l'aménagement du territoire. Ainsi, les municipalités et les MRC, par l'entremise de leurs outils d'urbanisme respectifs (schémas d'aménagement, plan et réglementation d'urbanisme, etc.), orientent l'usage qui est fait des terres du domaine public, tandis que le MRN, pour sa part, influence l'exploitation des forêts qui y poussent. Cette situation n'est pas sans créer un certain nombre de problèmes. La plupart des sites récréo-touristiques et de villégiature sont localisés à proximité des zones urbaines. En effet, il n'est pas rare de constater une appropriation du territoire à des fins de récréation par la population environnante. Mais voilà que lorsque ces mêmes territoires deviennent l'objet de CAAF, des conflits surgissent : les résidants n'apprécient guère généralement les modifications substantielles apportées au cadre naturel qu'entraînent inévitablement les travaux sylvicoles pratiqués par les bénéficiaires. Le concept de forêts habitées comportait des avantages certains à l'égard de ces problèmes de cohabitation. Étant donné qu'il visait une utilisation optimale de l'ensemble des possibilités d'un territoire, les intervenants (municipalités et MRC) ont dû élaborer des projets intégrés qui leur permettaient de maximiser les retombées économiques générées par l'ensemble des activités liées au milieu sylvicole dans le respect toutefois des usages en présence. Dans son document d'information, le ministre propose de déléguer la gestion des réserves forestières aux MRC. Il y souligne également la volonté de son ministère d'agrandir les réserves forestières actuelles. Il s'agit d'une approche intéressante même si elle n'offre pas autant d'avantages et d'opportunités que ceux proposés dans le cadre des projets de forêts habitées. Pour bien faire cependant, ces réserves devraient être localisées à Projet de loi 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d’autres dispositions législatives Mémoire de l’UMQ à la Commission de l’économie et du travail 15 proximité des zones urbaines. Ces forêts, enfin libérées des obligations et responsabilités relatives aux aires communes, pourraient jouer un rôle important dans le développement économique local tout en permettant un aménagement et une gestion plus cohérente et harmonieuse de l'ensemble du territoire touché. L'UMQ endosse donc cette modification et invite le ministre à lancer promptement un programme à cette fin. Par ailleurs, certaines mesures de nature fiscale pourraient être adoptées par le gouvernement afin de favoriser l’émergence de nouvelles entreprises pour une deuxième ou une troisième transformation du bois et de promouvoir de nouvelles avenues pour la transformation du bois. Ce genre d’incitatif pourrait participer à la mise en place de nouvelles initiatives locales. 3.2 Un fonds régional de diversification économique Il existe à l'heure actuelle des fonds dédiés aux différends besoins des régions. Le MRN en gère actuellement deux : un fond forestier voué à la production de plants, aux données d'inventaire forestier et à la recherche forestière ; et un programme de mise en valeur des ressources du milieu forestier, dont l'objet est de permettre aux collectivités locales d'intervenir sur l'aménagement et l'utilisation de la forêt par divers types d'interventions. Pour sa part, le ministère des Régions dispose d'enveloppes budgétaires pour alimenter un certain nombre de fonds pour le développement et la diversification des économies régionales. Cependant, des questions demeurent quant aux engagements pris par le gouvernement du Québec pour en assurer le financement à long terme. À propos justement des fonds à vocation de développement et de diversification, le rapport de la Commission nationale sur les finances et la fiscalité locales proposait qu'un fond régional alimenté, entre autres, par le versement d'une partie des redevances prélevées sur les ressources naturelles soit constitué. Cette idée avait aussi été soulevée quelques années plus tôt dans le cadre du rapport du comité sur les communautés rurales. Projet de loi 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d’autres dispositions législatives Mémoire de l’UMQ à la Commission de l’économie et du travail 16 L'UMQ croit qu'il n'est pas en soi nécessaire de mettre en place un nouveau fonds pour le développement régional; le gouvernement a déjà mis sur pied divers fonds qui répondent à certains de ces objectifs de développement et de diversification. La création d'un nouveau fonds ferait donc double emploi avec les fonds existants. Toutefois, l'idée de financer ceux qui existent à partir d'une partie des redevances prélevées sur les ressources naturelles demeure une avenue intéressante puisqu'elle assurerait un financement à long terme des fonds. Cette approche comporterait de nombreux avantages. En plus de sensibiliser les intervenants quant à l'importance de la forêt comme outil de diversification économique, cela les inciterait également à prendre des mesures concrètes pour préserver et mettre en valeur cette ressource afin d'en maximiser les retombées. En effet, un fonds que l'on alimenterait à partir des redevances n'aurait plus de raison d'être s'il advenait un épuisement de la ressource. participerait à briser le De cette façon, tout en créant des emplois, la forêt cercle de dépendance de plusieurs communautés monoindustrielles envers cette ressource grâce à l'implantation de nouvelles activités économiques. Enfin, ce mode de financement assurerait la permanence d'outils de développement et de diversification économique nécessaires aux régions. Projet de loi 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d’autres dispositions législatives Mémoire de l’UMQ à la Commission de l’économie et du travail 17 CONCLUSION Le projet de loi 136 introduit de nouvelles approches de gestion de la forêt. À ce titre, l'UMQ ne peut que partager le désir du gouvernement d'augmenter la productivité de la forêt en optimisant l'utilisation de la matière ligneuse et en intensifiant l'aménagement qui y est fait. Cependant, l'UMQ doute des bénéfices attendus des nouveaux outils que le projet de loi introduit. En fait, leur succès sera tributaire des actions que posera le MRN. Comme il fut mentionné plus tôt, le ministre dispose d'une marge de manœuvre réduite puisque le potentiel de la forêt est presque tout alloué. La possibilité forestière limitée dont dispose actuellement le Québec constitue donc un handicap au potentiel de revitalisation économique des outils proposés par le ministre. À quoi sert un contrat d'aménagement forestier s'il n'y a pas de forêt à aménager ? Par ailleurs, il est déplorable de constater le peu de confiance qu'accorde le ministre aux collectivités locales. L'essentiel de la gestion des activités forestières sera fait à Québec, ce qui ne laisse aux régions que peu de place pour intervenir efficacement sur les décisions qui seront prises à cet égard. En fait, la mesure la plus intéressante provient de la possibilité qu'il y ait une délégation de la gestion des réserves forestières en faveur d'intervenants locaux. Pour l'heure, la superficie des réserves actuelles laisse perplexe sur la contribution réelle d'une telle mesure. Toutefois, le désir du ministre d'accroître leur superficie constitue une lueur d'espoir. Enfin, l'un des principaux problèmes du développement régional origine de gouvernement lui-même : l'absence de coordination entre les divers ministères constitue un frein à l'élaboration d'une politique de développement régional cohérente. À cet égard, le ministre des Régions est à élaborer une politique sur la ruralité dont l'objectif est de créer un contexte propice au développement. Toutefois, l'implication des ministères constituera sans nul doute un élément essentiel à la réussite de cette politique. Projet de loi 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d’autres dispositions législatives