La Lettre du Cardiologue - n° 317 - septembre 1999
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Dans cette étude, plus de 80 % des patients ont développé des
anomalies de conduction et 27 % d’entre eux avaient une durée
des QRS supérieure à 150 ms, avec des valeurs extrêmes de plus
de 200 ms sur le dernier électrocardiogramme enregistré avant le
décès.
Xiao a rapporté les mêmes observations : parmi 77 patients
atteints d’une CMD, 70 % présentaient des anomalies de la
conduction intraventriculaire, essentiellement un bloc de branche
gauche. La durée moyenne des QRS était significativement plus
élevée dans cette population que dans le groupe contrôle (127 ±
25 ms versus 101 ± 10 ms, p < 0,05).
Valeur pronostique d’une séquence d’activation ventricu-
laire anormale
Plusieurs études ont démontré que les différentes anomalies élec-
trocardiographiques de surface observées chez les patients atteints
de CMD avaient une valeur prédictive de mortalité cardiovascu-
laire. Ainsi, l’existence de troubles de la conduction auriculo-
ventriculaire (bloc AV du premier et du second degré) constitue
un facteur de risque indépendant de mortalité cardiaque chez les
patients avec CMD (3). Des observations identiques ont été rap-
portées pour les troubles de conduction intraventriculaire, notam-
ment chez les patients avec CMD non ischémique. Xiao (2) a éga-
lement démontré que l’association de troubles des conductions
AV et intraventriculaire chez les patients avec CMD, définis par
un intervalle PR et une durée des QRS > 375 ms, constituait aussi
un facteur de risque indépendant de mortalité. Pour d’autres
auteurs, cette valeur prédictive des troubles de la conduction intra-
ventriculaire est plus controversée (4-7).
Conséquences électromécaniques
Ces troubles de conduction ont un impact important sur les per-
formances cardiaques.
L’allongement de l’intervalle PR entraîne un asynchronisme AV,
avec pour conséquence une diminution du temps de remplissage
VG et une réduction, voire une suppression, de la contribution
atriale au remplissage ventriculaire gauche, comme le démontre
l’aspect monophasique du flux mitral au doppler par fusion des
ondes E et A (8, 9).
L’allongement de la durée des QRS sur l’ECG de surface, témoi-
gnant de l’existence de troubles de la conduction intraventricu-
laire, semble être un bon marqueur de la dysfonction systolique
ventriculaire gauche. Dans une série de 55 patients avec CMD
ischémique, Hamby a démontré qu’une augmentation de la durée
des QRS et un aspect de bloc de branche gauche étaient associés
à une diminution significative de la fraction d’éjection VG et à
une augmentation significative du volume télédiastolique (10).
Murkorsky a récemment démontré qu’une durée des QRS
>100 ms sans aspect de BBG sur l’ECG de surface était un excel-
lent indicateur de dysfonction VG (11).
Les conséquences hémodynamiques d’une activation anormale
du ventricule gauche chez les patients présentant une cardio-
myopathie dilatée ont été largement étudiées par Xiao (12, 13).
Cette étude, réalisée chez 50 patients, avait montré qu’il existait
une corrélation positive entre la durée du QRS et le délai de l’onde
Q au pic de pression ventriculaire gauche d’une part et le délai
entre l’onde Q et le pic +dp/dt d’autre part. Par contre, il existait
une corrélation négative entre la durée du QRS et la valeur du
+dp/dt. Ainsi, ces données montraient que plus la durée du QRS
était importante, plus les durées de contraction et de relaxation
du ventricule gauche étaient longues et plus la fonction systo-
lique du ventricule gauche était altérée. Par ailleurs, l’augmenta-
tion des temps de contraction isovolumétrique et de relaxation du
ventricule gauche entraîne une diminution du temps de remplis-
sage du ventricule gauche chez les patients dont la durée du QRS
est particulièrement large. Les mêmes auteurs ont démontré que,
chez les patients avec une cardiomyopathie dilatée et un bloc de
branche gauche complet ou un bloc intraventriculaire (défini par
une durée du QRS > 120 ms avec une onde Q septale persistante),
le ventricule restait activé à partir de la partie supérieure du sep-
tum mais que le début de la systole mécanique était retardé de
façon importante et symétrique dans les deux ventricules. Les
intervalles entre l’onde Q et l’épaississement septal, entre l’épais-
sissement septal et l’épaississement de la paroi postérieure du
ventricule gauche, entre l’épaississement du septum et l’épais-
sissement de la paroi libre du ventricule droit étaient significati-
vement augmentés chez les patients présentant des troubles de
conduction.
Enfin, l’insuffisance mitrale (IM) est un phénomène couramment
observé chez les patients avec CMD. Plusieurs mécanismes poten-
tiels ont été proposés : dilatation de l’anneau mitral, dysfonction
de l’appareil sous-valvulaire mitral, anomalie de la cinétique seg-
mentaire VG et modification de la géométrie du ventricule gauche
(14, 15). Une séquence d’activation anormale peut aggraver l’in-
suffisance mitrale : Xiao (13) et Nishimura (8) ont trouvé une
corrélation positive entre la durée de l’IM et la durée des QRS
d’une part et l’intervalle PR d’autre part. De plus, un gradient
diastolique auriculoventriculaire gauche est observé en cas de
troubles de la conduction AV et peut provoquer une IM diasto-
lique (16-18).
ÉTUDES HÉMODYNAMIQUES AIGUËS AVEC STIMULATION
TEMPORAIRE
La première étude hémodynamique sur les effets aigus de la sti-
mulation biventriculaire a été réalisée en postopératoire immédiat
après chirurgie coronarienne chez 18 patients avec une fraction
d’éjection VG < 40 %. La stimulation biventriculaire augmentait
de manière significative le débit cardiaque et diminuait les résis-
tances périphériques par comparaison à l’absence de stimulation
ou à la stimulation monosite ventriculaire droite ou gauche (19).
Cazeau a rapporté une étude hémodynamique aiguë chez
8patients en classe IV avec une FEVG moyenne de 22 ± 8 %
(20). La configuration optimale biventriculaire permettait d’amé-
liorer significativement le débit cardiaque par rapport à l’état basal
de 1,8 ± 0,3 l/mn/m2à 2,3 ± 0,3 l/mn/m2,avec une réduction
simul
tanée de la pression capillaire pulmonaire moyenne de
31 ± 9 mmHg
à 26 ± 9 mmHg (p < 0,01) (21).
Notre équipe a rapporté son expérience chez 18 patients en classe
III ou IV avec une CMD évoluée et des troubles de la conduc-
tion intraventriculaire (durée moyenne des QRS = 170 ± 37 ms).
Tous les patients étaient en rythme sinusal, avec un intervalle PR
DOSSIER
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