La stimulation multisites dans l insuffisance cardiaque

La Lettre du Cardiologue - n° 317 - septembre 1999
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algré les progrès réalisés au cours de ces vingt
dernières années dans le traitement pharmacolo-
gique, notamment avec les inhibiteurs de l’en-
zyme de conversion et les bêtabloquants, le pronostic des patients
en insuffisance cardiaque chronique sévère (classe III ou IV de
la classification NYHA) reste sévère et leur qualité de vie très
médiocre (1). Plusieurs approches thérapeutiques non pharma-
cologiques ont été proposées chez les patients en insuffisance car-
diaque chronique réfractaire au traitement médical : la trans-
plantation cardiaque reste aujourd’hui le traitement de choix, mais
son application reste limitée, ne serait-ce que par l’insuffisance
des donneurs. Les systèmes d’assistance ventriculaire gauche sont
encore au stade de l’évaluation clinique. Quant à la cardiomyo-
plastie, ses résultats à long terme sont très controversés. Au début
des années 90, la stimulation cardiaque double-chambre conven-
tionnelle avec un délai auriculoventriculaire court (DAV) a été
proposée comme traitement adjuvant dans l’insuffisance car-
diaque réfractaire au traitement médical. Les résultats initiaux
étaient encourageants, mais n’ont pas été confirmés ultérieure-
ment. Ces études ont cependant permis de sélectionner une popu-
lation de patients potentiellement répondeurs, par exemple les
patients avec un intervalle PR allongé témoignant d’un asyn-
chronisme AV majeur dans le cœur gauche. Cet échec relatif de
la stimulation cardiaque double-chambre est peut-être lié au fait
que la stimulation ventriculaire était appliquée à la pointe du ven-
tricule droit. En effet, la stimulation apicale peut aggraver les
asynchronismes d’activation, de contraction et de relaxation ven-
triculaire gauche qui existent chez un grand nombre de patients
avec dysfonction ventriculaire gauche chronique et troubles de
conduction intraventriculaire importants. La stimulation car-
diaque biventriculaire, qui permet de stimuler les deux ventri-
cules simultanément, peut contribuer à corriger ces asynchro-
nismes et ainsi à améliorer les performances cardiaques.
PRÉREQUIS DE LA STIMULATION BIVENTRICULAIRE
Le but de la stimulation cardiaque multisites biventriculaire est
de corriger les anomalies électromécaniques importantes qui
résultent des troubles de conduction associés à une dysfonction
ventriculaire gauche systolique.
Troubles de conduction dans les dysfonctions ventriculaires
gauches systoliques
Anomalies de l’intervalle PR
L’étude anatomoclinique réalisée par Wilensky (1) chez 34 patients
décédés de cardiomyopathie dilatée (CMD) a montré des modi-
fications importantes de l’intervalle PR au cours de l’évolution
de la maladie chez les patients qui restaient en rythme sinusal.
Après un suivi moyen de trois ans, l’intervalle PR augmentait
significativement de 180 ± 30 ms à 210 ± 30 ms (p < 0,01). À la
fin du suivi, 60 % des patients en rythme sinusal avaient un inter-
valle PR > 200 ms. Xiao a comparé les données électrocardio-
graphiques de 77 patients atteints d’une CMD à différents stades
de l’évolution à celles de 15 contrôles appariés (2). L’intervalle
PR était significativement plus long chez les patients atteints de
CMD (185 ± 30 ms versus 150 ± 15 ms, p < 0,05).
Troubles de la conduction intraventriculaire
L’étude de Wilensky a analysé, sur une période de 30 mois, l’évo-
lution de la durée des QRS, dont il a observé une augmentation
significative de 30 % (130 ± 30 ms versus 100 ± 20 ms, p < 0,01).
DOSSIER
La stimulation multisites dans l’insuffisance cardiaque
Ch. Leclercq, Ch. Alonso, J.C. Daubert*
*Département de cardiologie et maladies vasculaires, Centre cardio-pneu-
mologique, Rennes.
La stimulation cardiaque biventriculaire est actuelle-
ment en cours d’évaluation comme traitement adjuvant de
l’insuffisance cardiaque réfractaire au traitement médical.
Les résultats observés lors des études hémodynamiques
aiguës semblent tout à fait encourageants, comme les
résultats de l’étude pilote française.
La stimulation biventriculaire permet en effet de corri-
ger les asynchronismes d’activation, de contraction et de
relaxation du ventricule gauche fréquemment observés
chez les patients atteints de cardiomyopathie dilatée et de
troubles de la conduction intraventriculaire.
La stimulation ventriculaire gauche est techniquement
possible grâce à une sonde introduite dans une veine du
sinus coronaire. Les progrès techniques devraient, dans
un avenir proche, rendre cette méthode plus accessible.
Ce nouveau concept est en cours d’évaluation dans
plusieurs études multicentriques prospectives.
Points forts
M
La Lettre du Cardiologue - n° 317 - septembre 1999
26
Dans cette étude, plus de 80 % des patients ont développé des
anomalies de conduction et 27 % d’entre eux avaient une durée
des QRS supérieure à 150 ms, avec des valeurs extrêmes de plus
de 200 ms sur le dernier électrocardiogramme enregistré avant le
décès.
Xiao a rapporté les mêmes observations : parmi 77 patients
atteints d’une CMD, 70 % présentaient des anomalies de la
conduction intraventriculaire, essentiellement un bloc de branche
gauche. La durée moyenne des QRS était significativement plus
élevée dans cette population que dans le groupe contrôle (127 ±
25 ms versus 101 ± 10 ms, p < 0,05).
Valeur pronostique d’une séquence d’activation ventricu-
laire anormale
Plusieurs études ont démontré que les différentes anomalies élec-
trocardiographiques de surface observées chez les patients atteints
de CMD avaient une valeur prédictive de mortalité cardiovascu-
laire. Ainsi, l’existence de troubles de la conduction auriculo-
ventriculaire (bloc AV du premier et du second degré) constitue
un facteur de risque indépendant de mortalité cardiaque chez les
patients avec CMD (3). Des observations identiques ont été rap-
portées pour les troubles de conduction intraventriculaire, notam-
ment chez les patients avec CMD non ischémique. Xiao (2) a éga-
lement démontré que l’association de troubles des conductions
AV et intraventriculaire chez les patients avec CMD, définis par
un intervalle PR et une durée des QRS > 375 ms, constituait aussi
un facteur de risque indépendant de mortalité. Pour d’autres
auteurs, cette valeur prédictive des troubles de la conduction intra-
ventriculaire est plus controversée (4-7).
Conséquences électromécaniques
Ces troubles de conduction ont un impact important sur les per-
formances cardiaques.
L’allongement de l’intervalle PR entraîne un asynchronisme AV,
avec pour conséquence une diminution du temps de remplissage
VG et une réduction, voire une suppression, de la contribution
atriale au remplissage ventriculaire gauche, comme le démontre
l’aspect monophasique du flux mitral au doppler par fusion des
ondes E et A (8, 9).
L’allongement de la durée des QRS sur l’ECG de surface, témoi-
gnant de l’existence de troubles de la conduction intraventricu-
laire, semble être un bon marqueur de la dysfonction systolique
ventriculaire gauche. Dans une série de 55 patients avec CMD
ischémique, Hamby a démontré qu’une augmentation de la durée
des QRS et un aspect de bloc de branche gauche étaient associés
à une diminution significative de la fraction d’éjection VG et à
une augmentation significative du volume télédiastolique (10).
Murkorsky a récemment démontré qu’une durée des QRS
>100 ms sans aspect de BBG sur l’ECG de surface était un excel-
lent indicateur de dysfonction VG (11).
Les conséquences hémodynamiques d’une activation anormale
du ventricule gauche chez les patients présentant une cardio-
myopathie dilatée ont été largement étudiées par Xiao (12, 13).
Cette étude, réalisée chez 50 patients, avait montré qu’il existait
une corrélation positive entre la durée du QRS et le délai de l’onde
Q au pic de pression ventriculaire gauche d’une part et le délai
entre l’onde Q et le pic +dp/dt d’autre part. Par contre, il existait
une corrélation négative entre la durée du QRS et la valeur du
+dp/dt. Ainsi, ces données montraient que plus la durée du QRS
était importante, plus les durées de contraction et de relaxation
du ventricule gauche étaient longues et plus la fonction systo-
lique du ventricule gauche était altérée. Par ailleurs, l’augmenta-
tion des temps de contraction isovolumétrique et de relaxation du
ventricule gauche entraîne une diminution du temps de remplis-
sage du ventricule gauche chez les patients dont la durée du QRS
est particulièrement large. Les mêmes auteurs ont démontré que,
chez les patients avec une cardiomyopathie dilatée et un bloc de
branche gauche complet ou un bloc intraventriculaire (défini par
une durée du QRS > 120 ms avec une onde Q septale persistante),
le ventricule restait activé à partir de la partie supérieure du sep-
tum mais que le début de la systole mécanique était retardé de
façon importante et symétrique dans les deux ventricules. Les
intervalles entre l’onde Q et l’épaississement septal, entre l’épais-
sissement septal et l’épaississement de la paroi postérieure du
ventricule gauche, entre l’épaississement du septum et l’épais-
sissement de la paroi libre du ventricule droit étaient significati-
vement augmentés chez les patients présentant des troubles de
conduction.
Enfin, l’insuffisance mitrale (IM) est un phénomène couramment
observé chez les patients avec CMD. Plusieurs mécanismes poten-
tiels ont été proposés : dilatation de l’anneau mitral, dysfonction
de l’appareil sous-valvulaire mitral, anomalie de la cinétique seg-
mentaire VG et modification de la géométrie du ventricule gauche
(14, 15). Une séquence d’activation anormale peut aggraver l’in-
suffisance mitrale : Xiao (13) et Nishimura (8) ont trouvé une
corrélation positive entre la durée de l’IM et la durée des QRS
d’une part et l’intervalle PR d’autre part. De plus, un gradient
diastolique auriculoventriculaire gauche est observé en cas de
troubles de la conduction AV et peut provoquer une IM diasto-
lique (16-18).
ÉTUDES HÉMODYNAMIQUES AIGUËS AVEC STIMULATION
TEMPORAIRE
La première étude hémodynamique sur les effets aigus de la sti-
mulation biventriculaire a été réalisée en postopératoire immédiat
après chirurgie coronarienne chez 18 patients avec une fraction
d’éjection VG < 40 %. La stimulation biventriculaire augmentait
de manière significative le débit cardiaque et diminuait les résis-
tances périphériques par comparaison à l’absence de stimulation
ou à la stimulation monosite ventriculaire droite ou gauche (19).
Cazeau a rapporté une étude hémodynamique aiguë chez
8patients en classe IV avec une FEVG moyenne de 22 ± 8 %
(20). La configuration optimale biventriculaire permettait d’amé-
liorer significativement le débit cardiaque par rapport à l’état basal
de 1,8 ± 0,3 l/mn/m2à 2,3 ± 0,3 l/mn/m2,avec une réduction
simul
tanée de la pression capillaire pulmonaire moyenne de
31 ± 9 mmHg
à 26 ± 9 mmHg (p < 0,01) (21).
Notre équipe a rapporté son expérience chez 18 patients en classe
III ou IV avec une CMD évoluée et des troubles de la conduc-
tion intraventriculaire (durée moyenne des QRS = 170 ± 37 ms).
Tous les patients étaient en rythme sinusal, avec un intervalle PR
DOSSIER
.../...
de 224 ± 36 ms. La stimulation biventriculaire diminuait de
manière significative la durée des QRS par rapport à l’état basal
(154 ± 18 ms versus 170 ± 37 ms ; p < 0,01). L’index cardiaque
était significativement amélioré par la stimulation biventriculaire
par rapport à l’état basal et à la stimulation monosite ventricu-
laire droite (2,7 ± 0,7 l/mn/m2,2 ±0,5 l/mn/m2et 2,4 ± 0,6 l/mn/m2
respectivement, p < 0,01). De même, une réduction de la pres-
sion capillaire pulmonaire moyenne était observée en stimula-
tion biventriculaire.
D’autres auteurs ont étudié les effets de la stimulation ventricu-
laire gauche. Blanc (22) a comparé la stimulation biventriculaire,
la stimulation monosite ventriculaire gauche, la stimulation api-
cale et infundibulaire droite chez 23 patients. Par rapport à l’état
basal, la stimulation biventriculaire et la stimulation ventriculaire
gauche entraînaient les mêmes effets hémodynamiques sur les
critères suivants : pression artérielle systolique, pression capil-
laire pulmonaire moyenne et onde V capillaire. Le débit cardiaque
n’a pas été évalué dans cette étude.
Récemment, Kass a publié une étude hémodynamique dont le but
était d’évaluer les effets aigus de la stimulation VDD appliquée
à différents sites (apex du VD, stimulation septale droite, stimu-
lation ventriculaire gauche et stimulation biventriculaire) et avec
différents délais AV (23). Il a ainsi démontré que la stimulation
ventriculaire droite, quel qu’en soit le site, n’avait que des effets
négligeables sur les fonctions systolique et diastolique. Cepen-
dant, la stimulation ventriculaire gauche augmentait le dp/dtmax
de 24 ± 19 % et le pic de pression systolique de 18 ± 18,4 %
(p < 0,01). La stimulation biventriculaire produisait des effets
moins importants que la stimulation ventriculaire gauche seule.
De la même manière, l’analyse des courbes pression-volume ne
montrait que des modifications minimes en stimulation ventri-
culaire droite, alors que la stimulation biventriculaire et la sti-
mulation ventriculaire gauche augmentaient le volume d’éjection
et diminuaient le volume télésystolique. Enfin, Kass a montré que
le délai AV avait moins d’influence que le site de stimulation.
MÉCANISMES POTENTIELS DE LA STIMULATION BIVENTRI-
CULAIRE
Plusieurs mécanismes peuvent être évoqués.
La stimulation biventriculaire permet une resynchronisation élec-
trique des ventricules, comme en témoigne la réduction signifi-
cative de la durée des QRS sur l’électrocardiogramme de surface.
En effet, la durée des QRS était diminuée en moyenne de 20 %
par la stimulation biventriculaire dans notre étude (24). L’axe des
QRS était aussi amélioré par cette stimulation.
La stimulation biventriculaire améliore aussi la synchronisation
mécanique des deux ventricules, comme l’a démontré Cazeau
lors d’une étude angio-scintigraphique avec analyse de phase, en
corrigeant l’asynchronisme de contraction induit par les troubles
de la conduction intraventriculaire (20). Ce bénéfice mécanique
de la stimulation biventriculaire a également été décrit par Saxon,
qui a montré une amélioration significative de la fonction VG par
une meilleure coordination des contractions ventriculaires droite
et gauche (25).
Enfin, la stimulation biventriculaire a un effet bénéfique sur la
régurgitation mitrale, comme nous avons pu le démontrer chez
certains patients, avec un effet on/off marqué par une disparition
instantanée de l’onde V capillaire (figure 1). Cependant, les méca-
nismes exacts par lesquels l’insuffisance mitrale est réduite res-
tent à élucider.
IMPÉRATIFS TECHNIQUES POUR LA STIMULATION MULTI-
SITES PERMANENTE
Comment stimuler le ventricule gauche de façon permanente ?
Parmi les difficultés techniques de la stimulation multisites, l’une
est de stimuler efficacement et sans effets secondaires le ventri-
cule gauche au site optimal.
Les premières expériences (20, 26) ont été réalisées par voie épi-
cardique, après thoracotomie ou thoracoscopie. Cependant, cette
méthode a deux inconvénients majeurs. Tout d’abord, cette tech-
nique implique une chirurgie avec un risque opératoire élevé dans
cette population de patients très fragiles. Chez les sept premiers
patients de l’étude pilote française (24), un patient est décédé au
cours de l’intervention d’une fibrillation ventriculaire réfractaire
au moment de l’incision péricardique. Ensuite, la technique épi-
cardique est associée à des seuils de stimulation élevés et à un
risque élevé de bloc de sortie entraînant une perte de la capture
ventriculaire gauche. Cependant, cette technique a l’avantage
théorique de permettre le positionnement de l’électrode au site
optimal chez chaque patient. Dans une étude préliminaire d’éva-
luation peropératoire avec mesure du pic de pression systolique
aortique et du +dp/dt ventriculaire gauche, Aurrichio (27) a
démontré que le bénéfice observé dépendait du site de la stimu-
lation ventriculaire gauche. Parmi les différents sites testés, la
partie moyenne de la paroi libre du ventricule gauche était celui
La Lettre du Cardiologue - n° 317 - septembre 1999
28
DOSSIER
Figure 1. Effets hémodynamiques aigus de la stimulation biventriculaire
chez un patient en classe IV avec une CMD idiopathique : la commuta-
tion du mode AAI au mode DDD biventriculaire entraîne une diminution
importante de la pression capillaire pulmonaire moyenne (PCWP), de
15 mmHg, et de l’onde V de 20 mmHg. Le débit cardiaque (CO) aug-
mente simultanément de 32 %.
.../...
qui permettait d’obtenir le meilleur bénéfice hémodynamique par
rapport à l’état basal, suivi de la partie moyenne de la paroi pos-
térieure, de la pointe du ventricule gauche et finalement de la par-
tie moyenne de la paroi antérieure du VG. La base du VG n’avait
pas été évaluée dans cette étude. De ces résultats préliminaires,
on peut postuler que la localisation préférentielle est la paroi laté-
rale ou postérolatérale chez la majorité des patients, et probable-
ment dans sa partie moyenne.
Pour éviter le recours à une anesthésie générale et pour minimi-
ser le risque opératoire, notre équipe a introduit, depuis 1994, une
approche transveineuse utilisant une sonde introduite dans une
veine cardiaque sur la paroi libre du ventricule gauche, à travers
le sinus coronaire (28). La position “cible” était une
veine latérale ou postérolatérale du sinus coronaire.
En cas d’échec du cathétérisme d’une veine latérale
ou en cas de seuils de stimulation trop élevés, la
sonde ventriculaire gauche était introduite dans la
grande veine cardiaque pour stimuler la paroi anté-
robasale, ou dans la veine cardiaque moyenne pour
stimuler la région inféro-apicale. Au début de notre
expérience et jusqu’en 1996, nous avons utilisé des
sondes non spécifiques, unipolaires, de petit dia-
mètre et sans barbillons. Le taux de succès d’im-
plantation était de seulement 54 %. Depuis 1996,
des sondes spécifiques pour le cathétérisme du sinus
coronaire (modèles Medtronic 2879, 2188 et 2187)
ont été utilisées. Le taux de succès a atteint 85 %
dans la population totale, et 92 % chez les 50 der-
niers patients. Une veine latérale ou postérolatérale
a pu être atteinte avec des seuils de stimulation acceptables dans
72 % des cas. Aucune complication sérieuse n’a été observée au
cours de l’implantation, et aucune complication imputable à la
sonde ventriculaire gauche n’a été rapportée au cours du suivi.
Le seuil de stimulation lors de l’implantation était en moyenne
de 1,15 ± 0,7 V. À la fin du suivi (10,2 ± 8 mois), 97 % des sondes
étaient fonctionnelles, avec un seuil de stimulation chronique
moyen de 1,8 ± 0,7 V.
Afin d’améliorer la technique d’implantation, certains auteurs ont
suggéré d’utiliser un long desilet préformé pour faciliter le cathé-
térisme de l’ostium du sinus coronaire et le positionnement de la
sonde de stimulation, de réaliser un veinogramme du sinus coro-
naire afin de mieux préciser la veine “cible”, ou d’utiliser de nou-
velles technologies de sonde, comme les sondes avec guide (29).
Nous pouvons raisonnablement espérer que, dans un futur proche,
les nouvelles technologies associées à une plus grande expérience
des équipes (courbe d’apprentissage) permettront d’obtenir un
taux de succès d’implantation proche de 100 %, avec des temps
de procédure et de fluoroscopie acceptables.
Récemment, une stimulation ventriculaire gauche endocardique
par voie transseptale a été proposée comme alternative à la sti-
mulation veineuse coronaire. Cette nouvelle technique est en
cours d’évaluation, avec cependant un risque thromboembolique
potentiel (30).
Positionnement de la sonde ventriculaire droite
La configuration optimale de stimulation est celle qui permet de
corriger au mieux les désordres électromécaniques. Dans l’état
actuel de nos connaissances, nos observations nous incitent à
essayer de trouver les meilleurs sites de stimulation droit et gauche
qui permettent d’obtenir la durée de QRS la plus courte possible,
avec une normalisation de l’axe des QRS lors de la stimulation
simultanée des deux ventricules. En pratique, cela implique tout
d’abord d’implanter la sonde ventriculaire gauche dans une veine
latérale ou postérolatérale et ensuite de déterminer le meilleur
site de stimulation ventriculaire droit sur l’ECG de surface per-
opératoire. Dans la majorité des cas, la resynchronisation élec-
trique optimale est obtenue en positionnant la sonde ventriculaire
droite (sonde vissée) dans la partie moyenne du septum ou de la
paroi antérieure du ventricule droit, et non à la pointe du VD
(figure 2).
Les meilleurs sites de stimulation ventriculaire droit et gauche
correspondent aux sites de l’activation la plus précoce et de l’ac-
tivation la plus tardive pendant la conduction spontanée chez
chaque patient (figure 3) (31).
La Lettre du Cardiologue - n° 317 - septembre 1999
29
DOSSIER
Figure 2. Radiographie pulmonaire de face et de profil montrant la posi-
tion des sondes ventriculaires chez un patient répondeur. La sonde ven-
triculaire gauche est placée dans une veine postérolatérale du sinus coro-
naire et la sonde ventriculaire droite à la partie moyenne du septum
interventriculaire.
Figure 3. Enregistrement ECG peropératoire montrant que les deux
sondes ventriculaires sont placées aux sites d’activation ventriculaire le
plus précoce et le plus tardif. Le délai interventriculaire est mesuré à
190 ms.
SYSTÈMES DE STIMULATION BIVENTRICULAIRE
Trois configurations différentes de stimulation biventriculaire ont
été décrites et utilisées en fonction des caractéristiques électro-
physiologiques préimplantation de chaque patient.
Chez les patients en fibrillation auriculaire permanente, un sti-
mulateur biventriculaire VVIR était implanté. Les sondes de sti-
mulation VG et VD étaient respectivement connectées aux canaux
atrial et ventriculaire d’un stimulateur DDDR. Le stimulateur était
programmé en mode DDDR avec la valeur de délai auriculoven-
triculaire la plus courte possible (30 ms). Afin d’obtenir une cap-
ture biventriculaire permanente, une ablation de la jonction AV
par courant de radiofréquence était systématiquement réalisée au
moment de l’implantation.
Chez les patients en rythme sinusal, un stimulateur programmé
en mode VDD biventriculaire était implanté. Au début de notre
expérience (24), un stimulateur cardiaque conventionnel double
chambre à fréquence asservie était implanté avec la sonde atriale
placée dans la partie haute de l’oreillette droite et les deux sondes
ventriculaires reliées au canal ventriculaire du stimulateur par un
adaptateur en Y ou un adaptateur parallèle uni- ou bipolaire.
Quand un adaptateur en Y était utilisé, les sondes ventriculaires
gauche et droite étaient connectées respectivement aux pôles
négatif (cathode) et positif (anode). Dans cette série, le taux de
réintervention était élevé (34 %), presque toujours secondaire à
un problème de connecteur. Avec l’introduction de nouveaux sti-
mulateurs plus sophistiqués, dédiés à la stimulation biventricu-
laire, avec un connecteur intégré dans le boîtier, ces problèmes
techniques devraient être considérablement réduits.
Enfin, chez les patients en rythme sinusal mais avec un temps
de conduction interatrial allongé, entraînant un asynchronisme
électrique et mécanique entre les deux oreillettes, il a été proposé
d’implanter un stimulateur “quatre chambres” (32), qui permet à
la fois d’obtenir une stimulation biatriale (33), une stimulation
DDD et une stimulation biventriculaire.
Chez les patients implantés avec un stimulateur biventriculaire
VDD (ou DDDR) ou avec un stimulateur “quatre chambres”, le
délai auriculoventriculaire était individuellement optimisé par
écho-doppler.
RÉSULTATS À LONG TERME DE LA STIMULATION BIVENTRI-
CULAIRE PERMANENTE
À ce jour, les résultats de deux études prospectives mais non ran-
domisées ont été rapportés.
L’étude pilote française a débuté en 1994 dans deux centres,
Rennes et Saint-Cloud (24). Jusqu’en décembre 1997, 50 patients,
45 hommes et 5 femmes, âgés en moyenne de 68 ± 8 ans, ont été
inclus dans cette étude. Les critères d’inclusion étaient une insuf-
fisance cardiaque sévère (classe III ou IV) réfractaire à un traite-
ment médical incluant au moins des diurétiques et des IEC à la
dose maximale tolérée, une myocardiopathie dilatée (FEVG < 35 %
et diamètre télédiastolique > 60 mmHg) et des troubles
de la
conduction intraventriculaire, avec une durée des QRS > 150 ms.
Au moment de l’inclusion, 34 patients étaient en classe IV, dont
17 en phase terminale nécessitant l’emploi d’inotropes intravei-
neux, et 16 en classe III. L’insuffisance cardiaque était d’origine
ischémique chez 24 patients et non ischémique chez 26, dont 20
avec une CMD idiopathique. La durée moyenne des QRS était
de 197 ± 32 ms.
Quatorze patients en fibrillation auriculaire permanente ont été
implantés avec un stimulateur biventriculaire VVIR et ont béné-
ficié d’une ablation de la jonction auriculoventriculaire dans le
même temps. Les 36 autres patients en rythme sinusal stable ont
été implantés avec un stimulateur biventriculaire DDD(R) ou un
stimulateur “quatre chambres”.
La durée moyenne du suivi était de 15,4 ±10,2 mois, avec des
extrêmes allant de 1 à 48 mois. Vingt patients sont décédés au
cours du suivi, en moyenne 8 ± 7,2 mois après l’implantation du
stimulateur. Tous les patients décédés, sauf deux, étaient en classe
IV au moment de l’implantation. Les causes des décès étaient une
progression de l’insuffisance cardiaque chez 11 patients, une mort
subite chez 6 patients et une cause non cardiaque dans 3 cas. À
la fin du suivi, 55 % des patients étaient vivants sans transplan-
tation cardiaque ou assistance circulatoire gauche. Comme
attendu, les courbes de survie étaient statistiquement différentes
entre les patients qui étaient en classe III et ceux qui étaient en
classe IV au moment de l’implantation (figure 4).
Au cours du suivi, l’état fonctionnel des patients était significa-
tivement amélioré par la stimulation biventriculaire. Un mois
après l’implantation, la valeur moyenne de la classe NYHA était
de 2,37 ± 0,66 versus 3,7 ± 0,5 au moment de l’inclusion (p < 0,01).
Cette amélioration fonctionnelle se maintenait tout au long du
suivi, avec une valeur moyenne de la classe NYHA de 2,2 ± 0,6.
Dans un sous-groupe de 16 patients capables de réaliser une
épreuve d’effort avant l’implantation, une amélioration signifi-
cative de la tolérance à l’effort était observée après trois mois de
stimulation biventriculaire, avec une augmentation significative
de la durée de l’effort (9 ± 3,4 mn versus 6,3 ± 1,6 mn, p < 0,01),
de la charge soutenue (73 ± 13 W versus 56 ± 19 W, p < 0,01) et
de la consommation en O2au pic de l’effort (15,5 ± 3,4 ml/kg/mn
versus 11,1 ± 3 ml/kg/mn, p < 0,01).
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DOSSIER
Figure 4. Courbe actuarielle des patients vivants sans transplantation
cardiaque ou assistance ventriculaire gauche dans l’étude pilote fran-
çaise.
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La stimulation multisites dans l insuffisance cardiaque

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