Jean Cabanel 22/02/2009 1 14 - La loi et la pureté 14 - La loi

Jean Cabanel 22/02/2009 1 14 - La loi et la pureté
14 - La loi et la pureté
Elle –Bonjour Jean, la dernière fois, vous nous avez expliqué l’origine probable du sabbat. Et vous nous
avez dit que cette fête est régulièrement pratiquée aujourd’hui encore par les juifs. Mais j’ai entendu tant
de choses sur les Juifs: porter des petits étuis liés à leur bras, dans lesquels se trouvent des fragments
de la loi, leur refus de manger certaines viandes comme le porc, d’être très scrupuleux vis-à-vis de tout ce
qui peut être considéré comme pur ou impur....
Lui – Bonjour Claire, la religion juive se caractérise par son caractère moral très accentué et très
pointilleux. C’est probablement ce caractère scrupuleux qui lui a valu un tel succès aux temps des grecs
et des romains. Il faut dire que ces dernières religions brillaient par leur amoralité...
Elle- Ah oui, les orgies grecques et romaines...
Lui- et de plus les aspects ridicules des pratiques d’augure de la religion romaine, notamment lors de la
lecture de la volonté des dieux par l’examen des entrailles d’animaux, ont contribué à discréditer les
religions grecques et romaines aux yeux même des sacrificateurs de ces religieux.
Elle- Oui, j’ai remarqué le mépris que les philosophes grecs et romains ont affic vis-à-vis de ces
religions.
Lui- Et de plus, il y a eu pour les grecs et pour les romains, un attrait pour ces religions orientales
comme le mithraïsme, le judaïsme et bien d’autres. Or, à cette époque, le judaïsme se voulait
conquérant, comme étant la vraie religion véritable du vrai Dieu unique. Et le thème même du Dieu
Unique qu’on ne représente pas, a fini par vaincre ces déesses et ces dieux romains et grecs qui avaient
tous les défauts des êtres humains. Cela a même permis aux juifs, de bénéficier pour l’exercice de leur
religion, d’un statut à part dans le monde romain, et sinon une bienveillance, tout au moins une tolérance
que les autres religions orientales n’ont pas eu.
Elle - Mais comment se manifeste cette recherche de la pureté absolue chez les juifs ?
Lui- Le judaïsme se différencie de la vieille religion israélite, par une volonté absolue de bien pratiquer la
Loi. Pour cela, il faut une disposition de l’esprit et du corps, et éviter tout ce que la Bible juge impur
Elle- Mais qu’est-ce qui indique aux Juifs ce qui est pur et impur ?
Lui - C’est la Torah, telle qu’elle est en partie, décrite dans les cinq premiers livres de la Bible. A cette loi
écrite, les savants juifs, ceux qui lisent et écrivent, les scribes; ceux qui se posent en maître qui
enseignent, les rabbins, vont ajouter une autre loi non écrite, tout aussi importante .
Ils disent d’ailleurs qu’on ne peut lire la loi écrite – la Bible – qu’avec l’explication apportée par la loi orale.
Elle - et d’où vient-elle, cette loi orale, non écrite ?
Lui - Elle aussi, a été donnée par Moïse et retransmise par tradition orale à toutes les générations
d’israélites, et remise en valeur par les Juifs.
Elle - Pourtant lorsque nous avons parler des dix paroles, nous nous sommes aperçus que la loi
n’apparaissait pas d’une façon évidente dans les textes ?
Lui - vous avez bien raison. Et les juifs pieux, avec leurs savants ont entrepris progressivement de mettre
à jour ces deux lois qui forment la Torah. Cela les conduira progressivement à énoncer 613 obligations et
interdictions pour la vie quotidienne, que chaque juif doit suivre. On appelle ces obligations et
interdictions: les misvoth en Hébreu.
Elle - Et ces misvoth parlent d’obligation de pureté ?
Jean Cabanel 22/02/2009 2 14 - La loi et la pureté
Lui Entre autres. Par exemple, il existe une liste d’animaux dont un juif sourcilleux de bien pratiquer la
loi, ne mange pas la chair. On trouve...
Elle- Le porc ...
Lui - mais aussi le chameau, le lièvre, les poissons réputés d’être sans écailles, les oiseaux tels que
l’aigle, le milan, les vautours. les corbeaux, le hibou, la cigogne, et même les chauve souris.
Elle - remarquez, rien ne vaut un bon poulet fermier élevé au grain..
Lui - Par contre, on peut manger des criquets, des sauterelles... et la liste continue aussi étrange que
possible.
Elle- et en dehors des aliments interdits, que trouve-t-on dans ces lois de pureté ?
Lui - On y trouve principalement la manifestation de l’étonnement des Juifs devant les phénomènes de la
vie, qui entraîne des rejets absolus...
Elle- Et comment cela se manifeste-t-il ?
Lui- par une sacralisation du sang animal et humain. Pour le Juif, le sang c’est la manifestation de la vie
que Dieu nous a donnée. Et le sperme masculin est assimilé au sang.
Elle- Donc le sang ne nous appartient pas...
Lui - Et il faut le rendre lorsqu’un animal ou un être humain meurt.
Elle - Comment ça, le rendre ?
Lui - Lorsqu’on sacrifie un animal pour le manger, il faut rendre le sang, et pas n’importe comment. Soit
en le laissant s’écouler dans le sol et en le recouvrant si c’est le sang d’un animal impur, soit en pratiquant
le sacrifice au temple, où le sang sera utilisé en aspersion sur l’autel de Dieu.
Elle- Est-ce tout ?
Lui - Non . Voyez-vous, Claire. La situation de pureté est la seule qui permette au juif de rendre un culte
agréable à Dieu. Il n’a donc pas d’intention prophylactique ou hygiénique comme aujourd’hui. Etre pur,
c’est être disponible pour Dieu. Et celui ou celle qui est maculé de sang, de sperme, celui-là ou celle-là est
impur et doit se rendre pur pour rendre un culte à Dieu. Cette façon de vivre en respectant ce qui doit
être fait, est caractérisée par le mot kacher.
Elle - Comme les boucheries kachères ?
Lui - ce sont des boucheries l’on respecte la bonne façon d’abattre les animaux. Mais la notion de
kachère s’étend à tous les actes de la vie qui visent à maintenir la situation de pureté.
Elle - Donc le juif doit être attentif et scrupuleux vis-à-vis de tous les actes de sa vie et se sortir au plus
vite de la situation d’impureté qui peut être temporaire. C’est très pointilleux comme culte !
Lui- Oui et notez qu’accomplir des actes religieux en situation d’impureté conduit à se mettre en situation
de péché, d’où on ne sort que par des sacrifices dûment codifiés
Jean Cabanel 22/02/2009 3 14 - La loi et la pureté
Elle - Je suppose que la reconstruction du temple a permis la reprise des sacrifices....
Lui- ...qui ont été codifiés, tarifiés. Ce qui a permis à la classe des sacrificateurs de connaître un succès
et de s’ériger en véritable pouvoir religieux et politique. Cette classe s’élargira en secte religieuse, autour
du temple, rejetant toutes les innovations religieuses venant des perses et des mésopotamiens,
étrangères à l’antique religion israélite. Si bien que face à eux, et surtout en opposition avec leur
compromis avec les pouvoirs en place, s’est levée une classe de juifs pieux, désireux de pratiquer la loi
dans les moindres détails.
Elle- donc la naissance d’une autre secte qui va se séparer des sacrificateurs.
Lui - Exact, et c’est notamment au moment de la guerre maccabéenne contre les grecs d’Antiochos IV
que ce mouvement de juifs pieux va prendre son essor. Ces juifs pieux vont se réunir autour de maîtres
qui ont étudié et qui étudient la Bible et surtout la Torah dans les moindres détails. Ces maîtres, les juifs
pieux les appelleront: rabbi, ce qui veut dire mon maître..
Elle- D’où est venu le mot rabbin. Mais où ont eu lieu ces réunions ?
Lui- Dans des maisons que les juifs ont appelé “ maison de recherche“ où l’on étudie la torah, le
rassemblement cultuel s’effectue dans les synagogues. Ce mot est un mot grec qui veut dire: aller
ensemble. Dans les synagogues, les Juifs pieux vont ensemble pour prier. La différence introduite entre
israélites avec les sacrificateurs et le reste du peuple s’estompe au profit de la volonté d’appliquer la
torah.
Elle- Et je suppose que la situation de diaspora a favorisé l’établissement de synagogues. Et donc d’une
certaine manière, les synagogues se sont opposées au Temple centralisateur à Jérusalem.
Lui- L’opposition s’exprimait moins à partir de ce que le Temple représentait et plus par rapport à
l’attitude des sacrificateurs. Pour ces derniers, il ne faudrait pas croire qu’ils s’estimaient moins juifs que
les autres. D’ailleurs les juifs pieux, lorsqu’ils se réunissaient dans les synagogues pour prier, se
tournaient en se prosternant dans la direction du Temple de Jérusalem qui représentait le lieu où se tenait
Dieu, dans une pièce appelé le Saint des saints.
Elle- Je comprend bien. Mais ces juifs pieux , n’avaient-ils pas un nom ?
Lui- Oui, ils formaient la secte des séparés, de ceux qui sont à part, en dehors du peuple et en dehors
des sacrificateurs. Cela se dit en hébreu: péroushim, en français: pharisien. Et les partisans des
sacrificateurs s’appelleront les sadducéens.
Elle- Il en est question dans les évangiles chrétiens
Lui - Le judaïsme biblique qui va, rappelons-nous, de la construction du deuxième temple....
Elle- Cinq cents ans avant notre ère...
Lui - ...jusqu’à la destruction en avril 70 du temple, et à l’expulsion des juifs de Palestine, en 135 de notre
ère, constitue un grand moment du judaïsme. D’une part il concentre toute l’activité religieuse des juifs sur
l’observance de la Torah...
Elle - ... qui est donc constituée de la loi écrite dans la Bible, et de la loi orale, qui- est-dans-la-bouche,
Lui - ...et d’autre part prépare un vaste mouvement de recentrement des juifs à partir de la mise à jour
de la Torah pour l’adapter à la nouvelle situation du Judaïsme après la destruction du temple .
Elle - Au fond, en 135, les juifs se retrouvent comme les judéens 500 ans avant notre ère: plus de temple,
et l’exil.
Jean Cabanel 22/02/2009 4 14 - La loi et la pureté
Lui- Sauf que l’exil va durer, selon eux, près de 2000 ans avant le retour en terre de Palestine et la
reconnaissance de l’état d’Israël le 14 Mai 1948.
Elle- Il y a tout de même une période un peu mystérieuse: c’est celle qui va de 70 de notre ère, avec la
destruction du temple, et la révolte de Bar Kokheba en 135. Que font les juifs pendant ce laps de temps
où ils ne subissent pas encore les rigueurs de l’exil?
Lui- Ils vont tiré les conséquences de la destruction du Temple, lors d’une réunion, ou d’un concile, ou
encore d’un sanhédrin de première importance.
Elle - Pourquoi ce déluge de mots: réunion, concile, sanhédrin ?
Lui - sanhédrin est le mot juif que traduit concile, et que traduit réunion. Ce sanhédrin se tient à Jabné ou
Jamnia après la destruction du temple, autour des rabbins pharisiens qui faisaient autorité à l’époque et
dont la figure de proue est Iohanan Ben Zakaïe, en français Jean fils de Zachée.
Elle- Ils ne peuvent que constater les dégâts !
Lui - Non, ils vont plus loin. Dans le naufrage qui suit la destruction du deuxième Temple, ces rabbins vont
s’employer à sauver l’essentiel du judaïsme et permettre à celui-ci d’affronter les vingt siècles d’exil qui
s’annoncent.
Elle- C’est vous qui le dites, car à l’époque, ils ne le savent pas.
Lui - Non bien sûr. Mais ils vont mettre de l’ordre dans la maison du judaïsme, en constatant d’abord la
disparition de la secte du temple: les sadducéens.
Elle- Vous en avez parlé précédemment...
Lui - mais aussi en constatant la disparition d’autres sectes dont je ne vous ai pas encore parlé comme
les esséniens, les baptistes, en expulsant les zélotes qui sont à l’origine du drame...
Elle- Qui sont-ils ces zélotes ? ils font du zèle ?
Lui- Le mot a pris ce sens par la suite. Ce sont des juifs activistes, on dirait aujourd’hui des terroristes
religieux. Ils assassinent les juifs collaborateurs avec les Romains, et parfois même des Romains. Il y a
appelle aussi des sicaires car ils utilisent un poignard du même nom.
Elle- Ils doivent être très appréciés par le peuple juif qui souffre de l’occupation romaine...
Lui- Bien sûr. Mais ils provoquent tant de désordre qu’ils vont donner des motifs aux Romains pour
expulser les juifs de Palestine. Par exemple, leur révolte ira jusqu’à s’enfermer dans une forteresse à
Massada, de résister jusqu’à un suicide collectif.
Elle- En effet, ils préludent à d’autres actes extrêmes que nous connaissons aujourd’hui.
Lui- Mais les rabbins de Jabné ou de Jamnia vont aussi expulser d’autres dissidents qui deviendront
célèbres.
Elle- et qui sont ?
Lui- Les judéochrétiens. Les juifs les appellent les Nazôréens, parce qu’ils sont partisans d’un certain
Jésus de Nazareth. Plus tard on les désignera du sobriquet de chrétien.
Elle- En quoi ces derniers les gênaient-ils ?
Lui- ces Nazôréens étaient très entreprenants et diffusaient leurs idées dans les synagogues. D’une
certaine manière, ils gênaient les pharisiens dans leur entreprise de remise en ordre du judaïsme.
Jean Cabanel 22/02/2009 5 14 - La loi et la pureté
Elle- en dehors de ces expulsions, qu’ont fait les rabbins de ce sanhédrin ?
Lui - Ils ont décidé des documents qui devaient figurer dans leur Bible, en rejetant tous les documents
écrits en grec, pour ne conserver que les documents écrits en hébreu ou à la rigueur écrits en araméen.
On dit qu’ils ont codifié la liste de ces documents, c’est-à-dire qu’ils ont établi le canon des écritures
juives.
Elle- Pourquoi ce terme militaire ?
Lui- avant d’être passé dans le vocabulaire militaire, ce mot grec veut dire, règle. Le canon des écritures
juives, c’est la règle qui préside au choix - et au rejet - de textes bibliques. Mais ce n’est pas tout...
Elle- Ils ont été très productifs
Lui- ...ils ont relancé une étude qui avait déjà commencé pendant la période du judaïsme biblique, et qui
consistait à rassembler tous les commentaires déjà existant sur la Bible
Elle- Comme les targums araméens par exemple.
Lui - Oui et aussi ils visaient à fixer par écrit la loi orale dont nous venons de parler. Ce sera fait quelques
années plus tard après 135, par un rabbin qui a eu un renom considérable dans le milieu juif et qui est
connu sous le nom de Judah le Saint.
Elle - et cette fixation par écrit a-t-elle reçu un nom ?
Lui- ...C’est la Mishna. Or ne l’oubliez pas, pour les Juifs, la loi orale, la Mishna a autant d’importance que
Tanaka
Elle - Mais qu’est-ce que c’est que ça ?
Lui- Tanaka, c’est le nom juif de la Bible. Car je ne sais pas si vous avez porté attention au mot Bible...
Elle- Il est tellement connu...
Lui- mais c’est un mot grec...
Elle - ...qui veut dire livre.
Lui - enfin presque.
Elle- dites donc, à force de tourner autour de cette Bible depuis le début de nos coversations, vous ne
pensez pas qu’il serait utile d’y consacrer notre prochain entretien.
Lui- Non seulement, je suis d’accord avec vous. mais je vous demanderai d’apporter un exemplaire
d’aujourd’hui de cette Bible, par exemple, soit l’édition de la Bible de Jérusalem, en version de poche, soit
la Traduction Oecuménique de la Bible, soit celle de Segond, soit celle de Chouraqui.
Elle- soit celle en français courant. Promis, et à la fois prochaine.
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