Communication au 16e Colloque de l’Association Charles Gide
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positivism dont la seconde partie consiste en une vive critique du Système de
politique positive.
Si l’évolution de la position de Mill vis-à-vis du positivisme a fait l’objet de
plusieurs études, il nous semble toutefois que deux points essentiels de sa
lecture de Comte ont été trop peu soulignés. D’une part, les jugements de Mill
sur l'œuvre de Comte éclairent son attitude à l’égard de l’historicité des
phénomènes sociaux. D’autre part, les critiques formulées par Mill dès sa
première lecture des textes de Comte permettent de mieux comprendre la façon
dont il articule les notions d'utilité et de liberté, en particulier dans On Liberty,
ouvrage publié en 1859 contre les « projets liberticides des réformateurs », ceux
de « Comte en particulier ». Nous montrerons que dans ces deux domaines,
l’opinion de Mill demeure remarquablement stable. Si la tonalité de ses propos
sur Comte varie au fil du temps, leur contenu demeure fondamentalement
inchangé.
Pour le montrer, nous décrirons d’abord de façon chronologique
comment Mill en vint à lire Comte, à entretenir une correspondance avec lui et
à exprimer son opinion au sujet de son œuvre. Nous commencerons ainsi à
démêler l’écheveau de la relation intellectuelle entre les deux auteurs (section
1). Nous reviendrons ensuite sur le rôle dévolu par Mill et Comte à l’histoire dans
la méthodologie des sciences sociales (section 2), afin de mieux cerner les effets
de l’influence comtienne sur l’œuvre de Mill (section 3). Nous verrons enfin
comment Mill développa son analyse de la philosophie morale et politique de
Comte, et comment le libéralisme de Mill est en partie construit sur son
opposition aux idées de Comte (section 4).
1/ Mill et Comte : chronologie et contexte
En mai 1820, Mill, alors tout juste âgé de quatorze ans, part effectuer un
séjour d’un an en France. Il est accueilli et logé près de Montpellier chez le frère
de Jeremy Bentham, Samuel. Sur son trajet, Mill passe quelques temps à Paris
chez Jean-Baptiste Say.
« C’était un homme de la dernière période de la Révolution française, un
républicain français de la meilleure espèce, un de ceux qui n’avaient jamais
plié face à Bonaparte en dépit des tentatives de ce dernier pour