Patricia Loncle, « Des préoccupations sociales à la santé publique : la prise en charge locale des jeunes.
L’exemple rennais », Histoire@Politique. Politique, culture, société, N°4, janvier-avril 2008,
www.histoire-politique.fr
de la santé des ouvriers, de la réglementation du travail des mineurs, de la protection
des mineurs sortant de prison, de l’enfance en danger… Bien que les liens entre social
et santé ne soient pas bâtis sur une démarche sectorielle, bien que les parts de
l’initiative locale et de l’application des normes nationales s’entremêlent largement,
cette période apparaît ponctuée d’initiatives locales qui laissent peu à peu entrevoir
« l’ancrage premier du bien-être3 ».
À partir de l’après-Seconde Guerre mondiale et surtout des années 1960, les
politiques sociales reviennent largement à l’État, les communes n’étant responsables
que de la mise en œuvre de l’action sociale et pouvant déployer une aide sociale
facultative, de nature résiduelle4. La santé apparaît, quant à elle, moins structurée,
tant au niveau national qu’au niveau local5. Dans les communes, ce sont les règles
d’intervention en matière d’aide sociale qui conduisent à organiser la plupart des
services sociaux en direction de l’enfance et de la jeunesse comme les crèches, les
garderies et centres aérés, les foyers de jeunes travailleurs... Une large autonomie des
collectivités locales se dégage néanmoins autour des nécessités d’urbanisation et
d’équipement. En effet, les villes s’insèrent dans les interstices de l’intervention
étatique et s’approprient les instruments nationaux, les façonnent en fonction des
acteurs mobilisés, de leurs problèmes spécifiques, enfin de la plus ou moins grande
volonté politique de leurs élus de s’approprier tel ou tel problème et de l’intégrer
dans le champ de son aide sociale facultative6.
Au début des années 1980, avec l’avènement des politiques de la ville, les
préoccupations relatives au social et à la jeunesse réapparaissent avec une acuité
croissante : les phénomènes de chômage massif des jeunes, de violences dans les
quartiers conduisent à une focalisation importante des communes sur la jeunesse qui
est à nouveau envisagée comme devant être protégée7. Là encore, les questions de
santé n’occupent qu’une place minimale. Néanmoins, depuis une décennie, sous
l’influence d’un certain nombre de facteurs (épidémie de sida8, prise de conscience de
l’importance des déterminants sociaux de la santé, des inégalités sociales et
territoriales de santé9) mais aussi du fait d’une pénétration plus grande des politiques
publiques françaises par les idéologies néolibérales anglo-saxonnes10, on peut
3 Jean-Pierre Gaudin, Technopolis, crises urbaines et innovations municipales, Paris, PUF, 1989.
4 Pierre Rosanvallon, L’État en France de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, 1990.
5 Bruno Jobert, Le Social en plan, Paris, Les Éditions ouvrières, 1981.
6 Pierre Grémion, Le pouvoir périphérique, bureaucrates et notables dans le système politique
français, Paris, Seuil, 1976.
7 François Dubet, « Marginalité des jeunes et prévention », dans Les Annales de Vaucresson, n°24,
1986 ; François Dubet, Adil Jazouli et Didier Lapeyronnie, L'État et les jeunes, Paris, Les Éditions
ouvrières, 1985.
8 Olivier Borraz et Patricia Loncle, « Permanences et recompositions du secteur sanitaire, les politiques
locales de lutte contre le sida », Revue française de sociologie, 41-1, 2000, p. 37-60 ; Gwenola Le Naour,
« Lutte contre le sida : la reconfiguration d’une politique de réduction des risques liés à l’usage de
drogues à Marseille », Sciences sociales et santé, vol 23, n°1, 2004, p. 43-68.
9 Annette Leclerc et alii (dir.), Les inégalités sociales de santé, Paris, La Découverte, 2000 ; Jean Pascal,
Hélène Habbey-Hugenin et Pierre Lombrail, « Inégalités sociales de santé et accès aux soins de
prévention », Lien social et politiques, 2006, n°55, p. 115-124.
10 Patrick Hassenteufel, « L’européanisation par la libéralisation ? Les réformes des systèmes de
protection maladie dans l’Union européenne », dans Patrick Hassenteufel et Sylvie Hennion-Moreau
(dir.), Concurrence et protection sociale en Europe, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004,
p. 209-232 ; Bruno Jobert et Bruno Théret, « France : la consécration républicaine du néo-libéralisme »,
dans Bruno Jobert (dir.), Le tournant néo-libéral en Europe, Paris, L’Harmattan, 1994, p. 21-85.
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