IMPACTS POTENTIELS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE 05/10/2007 14:04 Impacts sur la forêt et la sylviculture Gilbert Aussenac et JeanMarc Guehl Bioclimatologie et Ecophysiologie, Unité de Recherches en Ecophysiologie Forestière, INRA Nancy 54280 Champenoux Introduction L'augmentation régulière des gaz à effet de serre notamment le CO2 pose la question d'un accroissement significatif de la température de l'air à la surface de la terre et de possibles changements climatiques avec des conséquences probables sur la végétation forestière et les pratiques sylvicoles. Les données disponibles font apparaître, depuis le milieu du siècle dernier, un réchauffement jusqu'en 1940, suivi d'un léger refroidissement puis d'un réchauffement. La prévision des changements climatiques à venir repose sur des modèles de circulation générale de l'atmosphère. Selon ces études, en 2060 pour un doublement de la teneur actuelle en CO2, on prévoit pour la France, un accroissement en moyenne de 2 °C plus marqué en été et sur le sud du pays, un accroissement des précipitations de 20 % en hiver mais une baisse de 15 % en été avec des sécheresses plus longues et intenses qui se traduiraient par une diminution de la disponibilité en eau des sols de 5 à 10 %. Globalement on peut dire qu'en France la distribution des arbres est limitée par la température pour les espèces méditerranéennes et par l'alimentation en eau pour les espèces septentrionales. Ainsi à long terme, en relation avec les modifications climatiques annoncées, on pourra assister, selon les cas, à l'extension de l'aire d'une espèce si globalement (intégration des différents effets climatiques et des influences biotiques), il s'agit d'une amélioration ou au contraire à une contraction de l'aire si les conditions deviennent défavorables. Au plan des conséquences de ces phénomènes d'effet de serre, il faut aussi remarquer qu'aux influences des modifications des caractéristiques thermiques et hydriques du climat s'ajoutent les effets directs de l'augmentation du CO2 sur le fonctionnement physiologique des arbres. Influences possibles des changements climatiques sur les arbres et les peuplements forestiers Influence de la modification du régime thermique Les modèles de prédictions des changements climatiques ne peuvent pas, pour le moment, nous donner http://www.agora21.org/mies/chan-clim12.html Page 1 of 7 IMPACTS POTENTIELS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE 05/10/2007 14:04 des informations précises sur la structure réelle des futurs climats, notamment au niveau saisonnier. Aussi, au-delà de considérations générales, nous n'envisagerons qu'un certain nombre de situations simples, par exemple l'influence d'un réchauffement hivernal sur les phénomènes de photosynthèse chez les résineux, les risques d'accroissement de dégâts liés aux gelées tardives en liaison avec des débourrements plus précoces et la diminution des risques de gelées précoces à l'automne. Influence sur la période de débourrement La période de débourrement constitue une composante essentielle de l'adaptation des arbres au climat dans les climats tempérés et boréaux. En effet, un débourrement trop précoce a fréquemment pour conséquences des dégâts de gelées qui peuvent dans certaines situations compromettre le développement et la croissance de certaines espèces. Il s'agit d'un point important qui doit être pris en considération par les reboiseurs utilisant des espèces ou provenances en dehors de leur aire naturelle. En effet, dans les populations naturelles, le débourrement des arbres est synchronisé avec le cycle annuel de la température qui constitue le facteur principal (avec pour certaines espèces comme le hêtre, la photopériode) conditionnant le développement des bourgeons. Pendant la période de repos automno-hivernale une exposition plus ou moins longue, selon les espèces, à des températures comprises entre -5 °C et +5 °C est nécessaire pour lever la dormance des bourgeons. Le développement de ces derniers va alors dépendre de l'augmentation des températures. Pour plusieurs espèces d'arbres de régions tempérées, le débourrement a pu être mis en relation avec la somme des degrés-jours précédant ce stade phénologique. Il a été possible ainsi de déterminer les sommes de degrés-jours nécessaires au débourrement du sapin pectiné, du sapin de Nordmann, de l'épicéa et du douglas vert. En combinant les probabilités de gelées à différentes dates et dans différentes stations avec les degrés-jours nécessaires au débourrement, on a évalué les risques de dégâts de gelées tardives pour ces espèces. Cette étude montre que, d'une part les risques importants de dégâts de gelées tardives ne se rencontrent pas uniquement dans les zones les plus froides, mais concernent aussi des zones à climats plus doux, océaniques par exemple et que, d'autre part, certaines espèces comme le sapin pectiné sont actuellement tout à fait inadaptées (débourrement trop précoce) à certaines zones climatiques. Ainsi par exemple, malgré une température moyenne annuelle plus élevée de 2 °C, le risque de dégâts de gelées tardives est aussi élevé à Rennes qu'à Nancy pour le sapin pectiné, l'épicéa et le douglas vert. Dégâts de gelées tardives Face aux prévisions de changement climatique on peut alors se demander quelles seraient les conséquences d'une augmentation de température au plan des dégâts de gelées tardives et du maintien de plusieurs espèces dans certaines régions. La réponse à cette question n'est pas facile dans la mesure où il s'agit à la fois d'estimer l'effet de la modification climatique sur la précocité du débourrement et sur les risques de gelées au printemps. En effet, si l'on peut « facilement » simuler l'effet d'un réchauffement hivernal modéré sur le développement des bourgeons, il est beaucoup plus difficile de prévoir l'évolution des phénomènes pour ce qui concerne la fréquence et l'importance des gelées tardives dont le déterminisme est lié à différents facteurs météorologiques (caractéristiques des masses d'air, bilan radiatif nocturne, importance du vent). Plusieurs auteurs ont abordé cette question et montrent que très probablement l'augmentation de température devrait se traduire par un accroissement des risques de dégâts au printemps en Grande-Bretagne et en Finlande. Aux Pays-Bas et en Allemagne une étude conclut que notamment pour le hêtre, les chênes rouge, sessile et pédonculé, le frêne, l'épicéa et le pin sylvestre, les risques pourraient diminuer. En France dans les zones forestières, sur la base de certains travaux et dans l'hypothèse où les besoins thermiques des essences forestières pour atteindre le stade de débourrement ne changeraient pas, on peut penser que, pour les espèces dont le débourrement est essentiellement conditionné par le relèvement http://www.agora21.org/mies/chan-clim12.html Page 2 of 7 IMPACTS POTENTIELS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE 05/10/2007 14:04 thermique printanier comme les résineux (sapin pectiné, épicéa et douglas vert), qu'une augmentation de 2 °C ne diminuerait pas les risques de dégâts et sans doute les accroîtrait. Par contre en ce qui concerne les feuillus comme le hêtre l'intervention de phénomènes physiologiques liés au photopériodisme pourrait avoir pour conséquence de diminuer le risque de gelées tardives. Influence du réchauffement en automne et en hiver En automne, le réchauffement pourrait avoir un aspect positif en retardant l'apparition des premières gelées qui constituent un facteur limitant dans certaines régions pour certaines espèces résineuses et feuillues (cèdre, douglas, épicéa de Sitka, peupliers) à période de croissance longue et tardive. En France, ce phénomène d'accroissement de la durée de la période de croissance pourrait concerner le Nord-Est et les zones de montagne. Par ailleurs on sait que la croissance, notamment la croissance en hauteur, est étroitement liée à la température et l'accomplissement total de cette phénophase nécessite comme pour le débourrement une somme standard de degrés-jours. Dans certaines situations septentrionales ou montagnardes cette somme n'est pas atteinte avec pour conséquence des potentialités de croissance limitées, le réchauffement pourrait alors être un facteur d'amélioration de la production. Pour certaines espèces à feuilles caduques (mélèze d'Europe, chêne pédonculé) il semble qu'au contraire le réchauffement pourrait avoir pour effet de rendre plus précoce la sénescence des feuilles. Paradoxalement, l'augmentation des températures en automne et en hiver pourrait rendre certaines espèces ou provenances plus sensibles aux froids hivernaux. En effet la tolérance des tissus végétaux au froid (endurcissement) est conditionnée par la baisse progressive des températures en automne. Ainsi un endurcissement insuffisant combiné à un type de climat caractérisé par des possibilités de baisses importantes et rapides de température pourrait aboutir à des situations voisines de celles de l'hiver 1985 où des dégâts de froid importants ont été observés sur le pin maritime dans les Landes. Pour les résineux la photosynthèse est possible en hiver tant que la température est supérieure à 0 °C ; des cartes de potentialité hivernale de photosynthèse ont pu être établies pour le Douglas vert qui montrent des potentialités importantes dans l'ouest, le sud-ouest et le sud-est de la France. Un réchauffement devrait donc augmenter la photosynthèse pendant la période hivernale notamment dans l'Est et en montagne et jouer un rôle positif pour l'amélioration de la croissance . Influence de la modification des précipitations et de la réserve en eau dans le sol Importance de l'interaction du régime hydrique avec les autres paramètres La modification du régime hydrique en interaction, avec les modifications des autres paramètres (accroissement de la concentration en CO2 et de la température), devrait être l'élément le plus déterminant à moyen terme pour les arbres et les peuplements forestiers. En effet dans une hypothèse d'augmentation modérée de température, si le régime hydrique est satisfaisant, on ne devrait pas assister à de fortes perturbations pour les espèces constituant la forêt française actuelle. En effet, il est d'observation courante que des espèces septentrionales peuvent pousser convenablement dans les régions méridionales si les conditions d'alimentation en eau sont favorables. C'est le cas par exemple du hêtre en forêt de Valbone dans le Gard. En ce qui concerne les précipitations, il faut aussi préciser que au-delà des hauteurs annuelles, c'est leur répartition saisonnière qui est importante pour la forêt. Par exemple en climat continental, certaines régions de l'Europe centrale ont des productions forestières (épicéa) importantes, avec une pluviosité annuelle faible mais qui est concentrée pour l'essentiel sur la période estivale. L'augmentation des températures et les modifications de l'importance et de la répartition des précipitations vont entraîner une augmentation de l'évapotranspiration, paramètre qui est aussi sous la dépendance d'autres facteurs (énergie radiative, humidité de l'air et vent). L'évapotranspiration climatique, appelée évapotranspiration potentielle (ETP) correspond à l'évapotranspiration d'un couvert végétal fermé et parfaitement alimenté en eau. L'évapotranspiration réelle (ETR) dépend des http://www.agora21.org/mies/chan-clim12.html Page 3 of 7 IMPACTS POTENTIELS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE 05/10/2007 14:04 disponibilités en eau dans le sol et est inférieure ou égale à l'évapotranspiration potentielle. Le fonctionnement hydrique et photosynthétique et la croissance des arbres est d'autant plus favorable que ETR/ETP est proche de 1. Dans le contexte climatique actuel ce rapport est très souvent inférieur à 1, même dans les zones favorables à la forêt. Aussi si les températures augmentent et si la pluviométrie est plutôt déficitaire en été ce rapport sera encore plus faible et on comprend alors que la croissance en sera affectée et que la survie de certaines espèces pourra être aussi compromise. Influence des caractéristiques du sol En fait, les variations à attendre au niveau de l'état hydrique des arbres et en conséquence de la photosynthèse et de la croissance vont aussi dépendre des caractéristiques des sols et notamment de leur capacité de stockage de l'eau. Dans bien des cas dans les régions septentrionales ou en montagne les forêts occupent avec succès des surfaces importantes sur des sols superficiels grâce à des pluies fréquentes et suffisantes pendant l'été. Une baisse importante des précipitations estivales liée à une augmentation des températures entraînerait un accroissement des contraintes hydriques qui se traduirait par des dépérissements et une disparition de la forêt dans les zones à réserve hydrique faible. Le schéma pourrait alors être celui qui est actuellement observé en région méditerranéenne : forêts dans les zones à sols profonds ou les fonds de vallées, les versants nord et végétation basse et arbustive ailleurs. Les sécheresses des années 1976, 1984, 1991 se répétant régulièrement peuvent nous aider à entrevoir l'évolution à attendre si les prévisions des modèles climatiques se vérifiaient. Il faut par ailleurs préciser que dans l'hypothèse de déficits pluviométriques importants par effet cumulé sur deux années consécutives par exemple, dans un premier stade on pourra paradoxalement observer des contraintes et des dégâts plus importants chez les arbres des zones normalement bien alimentées en eau que chez les arbres installés sur sol superficiel et subissant de façon chronique des périodes plus ou moins longues de sécheresse. En effet ces derniers présentent une biomasse foliaire réduite et un système racinaire adapté à des régimes hydriques peu favorables ; au contraire les arbres des zones actuellement favorables sont caractérisés par une biomasse aérienne très importante à forte capacité évapotranspiratoire et donc totalement inadaptée à une situation de sécheresse chronique. Ces arbres devront réduire leur biomasse et rééquilibrer leur fonctionnement hydrique global sous peine d'une disparition rapide. Dans un tel contexte les arbres préexistants finiraient par disparaître mais l'espèce considérée pourrait se maintenir mais avec des arbres ayant une croissance limitée ; par contre dans les zones trop superficielles l'espèce concernée pourrait disparaître comme indiqué précédemment. Dans l'hypothèse en 2060 pour la France d'un accroissement en moyenne de 2 °C plus marqué en été et d'un accroissement des précipitations de 20 % en hiver mais avec une baisse de 15 % en été une simulation basée sur un modèle de bilan hydrique mis au point par l'Unité d'Ecophysiologie de Nancy met en évidence, pour un peuplement adulte de hêtre dans la région de Nancy, un doublement de l'intensité moyenne du déficit hydrique estival. Ce premier résultat est à commenter en considérant le fait que selon les cartes de variation climatique disponibles, il apparaît que par rapport à la situation actuelle l'est de la France serait moins fortement concerné par les augmentations de température et la baisse estivale des précipitations que les régions de l'Ouest. Des travaux complémentaires sont donc encore nécessaires pour effectuer ces simulations pour l'ensemble des régions forestières françaises et affiner davantage la prévision. Influence directe de l'augmentation du CO2 En dehors de l'influence des changements climatiques, le fonctionnement écophysiologique des arbres et des peuplements forestiers sera influencé directement par l'augmentation du gaz carbonique dans l'atmosphère. En effet, bien qu'il existe encore relativement peu d'information concernant l'influence directe de l'augmentation du CO2 car la plupart des expérimentations ont été effectuées sur de jeunes plants http://www.agora21.org/mies/chan-clim12.html Page 4 of 7 IMPACTS POTENTIELS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE 05/10/2007 14:04 cultivés en conditions contrôlées et souvent sur de très brèves périodes (quelques mois à peine), on observe généralement une augmentation de l'assimilation de CO2 (photosynthèse nette). Les résultats obtenus sur différentes espèces forestières font aussi ressortir une augmentation de 46 % de la croissance en biomasse avec un doublement de la concentration en CO2, mais on ne sait pas cependant si ce phénomène continue à exister à long terme. Par contre les études dendroécologiques nous montrent que la croissance radiale des arbres forestiers a augmenté depuis une centaine d'années sans qu'il soit pour l'instant possible d'en déterminer précisément les causes (augmentation de température, augmentation du gaz carbonique, augmentation des retombées azotées). Le fait que chez beaucoup d'espèces, on observe une diminution de l'ouverture des stomates en conséquence de l'augmentation de concentration en CO2 de l'air, a souvent été considéré comme un facteur de réduction de l'évapotranspiration des peuplements forestiers ; en fait rien n'est moins sûr dans la mesure où il convient aussi de prendre en considération l'importance des surfaces foliaires (index foliaire) qui pourraient être augmentées, il pourrait alors en résulter un accroissement de l'évapotranspiration au niveau global des peuplements. Par ailleurs toutes les espèces ne présentent pas un réduction de l'ouverture des stomates, c'est le cas du hêtre, du bouleau et de l'épicéa de Sitka. A cet égard, il semble que le mode de contrôle : évitement ou tolérance des pertes transpiratoires par les espèces soit de nature à expliquer le type de réponse à l'augmentation de concentration en CO2. En conclusion, dans l'état actuel des connaissances, il n'est pas possible de considérer le CO2 comme un antitranspirant, lorsqu'on considère d'une part la variabilité des réponses des différentes espèces et d'autre part quand on se place à l'échelle globale des peuplements . En dehors des effets au niveau des échanges gazeux, l'augmentation de concentration en CO2 pourrait avoir des effets variés : modification de l'importance et de la quantité de la biomasse forestière produite, modification des relations arbres/insectes et arbres/champignons ravageurs, modification des processus de floraison, de fructification et de régénération des peuplements. Lorsque l'on sait que la capacité de croissance végétative et reproductrice d'un arbre dépend de la disponibilité en assimilats mais aussi de la structuration spatio-temporelle (phénomènes de morphogenèse) des organes (vitesse d'apparition, nombre, masse, disposition dans l'espace, sénescence) remplissant ces fonctions, on comprend que la prévision des effets de l'augmentation du gaz carbonique est difficile et nécessite encore des recherches. Essai de synthèse sur les possibles changements pouvant intervenir au cours du siècle prochain et conséquences pour la sylviculture Sur la base des indications des simulations climatiques et de la connaissance de l'écophysiologie des principales essences forestières on pourrait s'attendre pour 2060 à : une certaine possibilité d'extension vers la moitié nord de la France de certaines espèces : pin maritime, pin d'Alep, chêne pubescent, chêne vert actuellement limitées au sud par les minima thermiques hivernaux, mais capables de supporter des déficits hydriques importants. Inversement ces espèces pourraient rencontrer des difficultés dans leurs zones actuelles en liaison avec l'augmentation des déficits hydriques : le pin maritime en Aquitaine pourrait être affecté par une augmentation de la sécheresse dans les sites à nappes perchées ou phréatiques déjà actuellement profondes, dans les régions du midi méditerranéen le chêne pubescent et le chêne vert malgré leur grande résistance à la sécheresse pourraient être aussi touchés à basse altitude et disparaître de certaines zones sur les sols particulièrement squelettiques ; une augmentation des contraintes hydriques pour les grandes essences sociales tant feuillues (chênes, hêtre) que résineuses (épicéa, sapin pectiné, douglas) qui constituent la base des forêts de la moitié nord de la France, contraintes hydriques de nature à mettre en cause leur niveau de production et même leur existence. En particulier le hêtre pourrait être concerné, sur les sols superficiels à faible réserve hydrique, par des dépérissements importants. Par contre en ce qui concerne le chêne sessile, les premiers résultats obtenus font apparaître une réduction sensible de la transpiration avec l'augmentation de la teneur en CO2. Dans ce nouveau contexte écologique des espèces comme les cèdres et les sapins méditerranéens http://www.agora21.org/mies/chan-clim12.html Page 5 of 7 IMPACTS POTENTIELS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE 05/10/2007 14:04 pourraient alors constituer avec le pin sylvestre et les pins noirs des solutions de remplacement, au moins pour ce qui concerne les reboisements. On peut aussi penser que l'accroissement du risque de gelées tardives pourrait être un facteur limitant pour certaines espèces résineuses et feuillues ; en effet pour les peuplements naturels, importants en surface en France, la vitesse de l'augmentation de température sera trop rapide pour permettre une adaptation de la structure génétique de ces populations. Cette évolution impliquera pour les reboiseurs l'utilisation de génotypes à débourrement plus tardif, mais on sait déjà que certaines espèces comme le sapin pectiné par exemple, sont caractérisées par une faible variabilité génétique de ce caractère. De fait, en dehors des effets au niveau thermique et hydrique, d'autres paramètres sont à prendre en considération. Ainsi par exemple les modèles prévoient aussi l'augmentation de la vitesse du vent avec notamment une fréquence plus élevée des tempêtes ; si cette prévision se confirmait, il est certain que ce phénomène serait de nature à compromettre la production forestière dans certaines zones à sols superficiels ou mécaniquement peu résistants et dans les massifs montagneux où on sait que la vitesse du vent constitue déjà un facteur limitant au-dessus d'une certaine altitude qui dépend de la hauteur moyenne du massif. De fait, le vent constituera un facteur limitant de la remontée en altitude des essences forestières. D'autres phénomènes tels que l'extension des incendies de forêts couplés dans certains cas à une érosion importante pourraient aussi devenir déterminants pour l'avenir des forêts. Ces phénomènes qui sont pour l'instant cantonnés au zones sèches du midi méditerranéen pourraient s'étendre à des zones plus septentrionales. Au-delà des seuls aspects touchant à l'écologie et à l'occupation du territoire se posent aussi des questions quant aux conséquences de ce changement climatique par rapport à l'économie de la filière forêt-bois. A l'évidence, il est difficile de faire des projections sérieuses dans ce domaine. Dans un premier temps, dans les années qui viennent on peut penser que si les augmentations de croissance et de production mises en évidence par différents travaux de recherche sont confirmées, on pourra augmenter l'importance de la récolte annuelle de bois en France. Dans un deuxième temps, on peut cependant penser que si les évolutions annoncées se produisent, il pourrait en résulter dans certaines régions des perturbations du marché des bois liées à des récoltes anticipées en relation avec des phénomènes de dépérissement. Dans ce contexte on peut aussi imaginer, dans le cadre de nouveaux reboisements, le développement d'une forte activité de type pépinière pour la production et la plantation massive de plants d'espèces plus adaptées aux nouvelles conditions climatiques. Possibilités d'adaptation des peuplements forestiers aux conséquences des changements climatiques Un des premiers moyens pour se préparer aux éventuels changements climatiques est de veiller à bien installer les espèces dans leur optimum climatique actuel car on sait que les arbres acceptent des variations relativement importantes autour de cet optimum tant au plan thermique que hydrique. A cet égard les premières difficultés à venir devraient d'abord se manifester aux limites écologiques des aires actuelles. En ce qui concerne la gestion sylvicole, c'est l'amélioration de la disponibilité en eau qui constituera le meilleur moyen d'aider les peuplements à résister aux nouvelles conditions climatiques. On l'a déjà dit, l'évapotranspiration des peuplements forestiers dépend de l'importance des surfaces évapotranspirantes que constituent les feuilles du peuplement principal mais aussi les feuilles du sous-étage et de la strate herbacée, le contrôle de ces surfaces feuillées constitue un moyen de gestion des ressources en eau disponibles pour les arbres. Déjà au niveau des reboisements le contrôle de la strate herbacée en totalité ou en bande le long des lignes de plantations est un moyen efficace pour améliorer, pendant la période estivale, l'alimentation en eau des jeunes plants handicapés par un développement racinaire encore insuffisant. On peut aussi rappeler que les labours et sous-solages, suivis d'un temps de repos suffisant permettant une remise en place du sol après les pluies, constituent une technique efficace pour l'approfondissement du profil utile http://www.agora21.org/mies/chan-clim12.html Page 6 of 7 IMPACTS POTENTIELS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE 05/10/2007 14:04 des sols et donc pour l'augmentation des réserves hydriques. Dans des expériences menées à Nancy, il a été montré que l'utilisation de certaines structures de peuplements (bandes, clairières) en modifiant les paramètres microclimatiques, notamment en diminuant l'évapotranspiration potentielle, améliorait le microclimat hydrique avec un effet très bénéfique pour la survie et la croissance des semis et jeunes plants. Les observations faites par les praticiens à la suite de la sécheresse de 1976 ont aussi montré que les jeunes arbres avaient bien résisté dans ces types de plantations. Dans les peuplements constitués, la strate herbacée et arbustive peut exercer une très forte concurrence pour l'alimentation en eau des arbres. L'enlèvement du sous-bois améliore alors considérablement l'état hydrique des arbres et augmente leur capacité de survie et de croissance. Le contrôle de ces strates dominées représentent donc une possibilité importante de maîtrise des conditions d'alimentation hydrique des arbres forestiers, de même qu'il améliore aussi la résistance des peuplements aux feux. Dans l'hypothèse d'une augmentation des surfaces foliaires et des déficits hydriques, il conviendra, en dehors de l'utilisation d'espèces adaptées, de mettre en ¦uvre des techniques sylvicoles susceptibles d'améliorer l'alimentation hydrique des arbres, par exemple en pratiquant des dépressages et éclaircies forts dans les peuplements, en installant des reboisements à faibles densités et en contrôlant le développement des sous-bois gros consommateurs d'eau. Ces modifications de structure des peuplements sont véritablement susceptibles de diminuer à la fois l'intensité et la durée des stress hydriques comme l'ont montré les travaux menés à Nancy. Conclusion En conclusion on peut dire qu'il est de fait difficile pour le moment de faire des prévisions précises sur les effets des changements climatiques annoncés pour 2060 sur l'évolution des arbres et des écosystèmes forestiers en raison : des différentes combinaisons climatiques qui pourront exister tant au niveau intrannuel qu'interannuel et sur lesquels les modèles actuels nous donnent peu d'information, et de la complexité des phénomènes concernés directement ou indirectement au plan écophysiologique. Cependant les premiers résultats des recherches déjà entreprises nous permettent de dégager quelques grandes tendances quant aux évolutions possibles. A l'évidence il faut poursuivre les recherches tant au plan des approches expérimentales pour améliorer nos connaissances, encore insuffisantes, sur la réaction des différentes essences des forêts françaises, notamment en étudiant les phénomènes d'interactions (augmentation du gaz carbonique, température, sécheresse, fertilité du sol), qu'au plan du fonctionnement hydrique et carboné des couverts forestiers dans un contexte de changement climatique. En effet grâce à la modélisation, il devient maintenant possible d'aborder l'intégration et la régionalisation des effets directs du CO2 sur la transpiration à l'échelle des peuplements forestiers et de prévoir l'intensité des contraintes hydriques de façon plus réaliste et plus dynamique. Réalisation Web Agora21 ARMINES/ ENSM-SE©1999 Dernière mise à jour le : Mon May 29 2006 10:30:53 http://www.agora21.org/mies/chan-clim12.html Page 7 of 7