Les traumatismes vertébro-médullaires - ceil@univ

Les traumatismes vertébro-médullaires
M. Kihal
I. Définition - Généralités :
A. Qu’est ce qu’un traumatisme vertébro-médullaire ?
Un traumatisme vertébro-médullaire est une fracture du rachis cervical et/ou du rachis
thoraco-lombaire qui s’accompagne d’une atteinte concomitante ou secondaire de la
moelle épinière avec apparition de troubles neurologiques de gravité variable.
Le traumatisme peut seulement être à impact rachidien ou être à impact multiple et
c’est le cas du polytraumatisé ou du polyfracturé ; qui est encore plus grave avec un
taux de mortalité élevé [6].
La notion de l’atteinte médullaire concomitante ou secondaire est en rapport avec
l’instabilité de la fracture rachidienne, les troubles neurologiques peuvent
apparaitre ou s’aggraver à tout moment.
Le ramassage et le transport du traumatisé du rachis joue un rôle capital pour éviter
l’apparition ou l’aggravation de ses troubles neurologiques.
La prise en charge du traumatisé vertébro-médullaire commence sur les lieux de
l’accident ; elle doit être médicalisée avec procédés d’immobilisation et premiers soins
de réanimation.
Un traumatisé vertébro-médullaire développe souvent des troubles respiratoires et
cardio-vasculaires.
Ces troubles sont expliqués au chapitre suivant de physiopathologie.
Les lésions du rachis à différents étages seront étudiées.
La compression médullaire à l’origine de troubles neurologiques doit être levée le plus
tôt possible.
B. Physiopathologie :
1. Lésions médullaires :
Après un traumatisme médullaire quelque soit son degré, on retrouve des
manifestations cliniques fonctionnelles à type de paralysie plus ou moins complète.
Il n’y a pas de parallélisme entre ces manifestations cliniques et les lésions
anatomiques médullaires.
Les lésions médullaires peuvent être de 3 ordres :
a- La commotion médullaire ou le « choc spinal » :
- Il s’agit d’un bloc de conduction où tous les reflexes sont abolis, mais sans lésion
véritable de la moelle.
- Il dure de quelques minutes à quelques heures voire quelques jours (48h).
- Il est important de faire la part des choses entre ce choc spinal et la vraie atteinte
neurologique à caractère complet ou incomplet [6, 11] ; il faut attendre en
principe sa résolution à 48 heure après le traumatisme.
- L’indication chirurgicale urgente de décompression et stabilisation dépendra
alors de l’instabilité des lésions osseuses en place.
b- La contusion médullaire :
- C’est la lésion la plus fréquente, on retrouve notamment : l’hémorragie qui est
constante avec l’œdème et la nécrose ainsi que le ramollissement.
- L’hémorragie est sous forme de pétéchies multiples disséminées au niveau de la
substance grise et de la substance blanche (fig.1).
- Les lésions peuvent s’étendre vers le haut et vers le bas ; ce sont des lésions
secondaires des zones saines, liées notamment à l’hypoxie locale et à la
souffrance médullaire [6].
- La nécrose médullaire qui est constante peut aboutir à une myélomalacie centrale
(ramollissement blanc ischémique) [11].
- Enfin, la contusion médullaire peut être secondaire à une compression
extrinsèque par un fragment osseux vertébral (fracture instable) et détermine un
sillon transversal plus ou moins profond et situé en avant de la moelle.
c- La rupture médullaire :
- Les ruptures ou sections de moelle sont plus rares, on peut les observer
notamment au niveau du rachis thoracique à cause de sa grande rigidité.
- On retrouve parfois à distance du traumatisme la syringomyélie post traumatique
qui est une cicatrisation cavitaire formée par l’entremise des lymphocytes avec
les macrophages [11].
Fig.1 : La contusion médullaire et son évolution dans le temps de une heure à huit semaines
selon Senegas.
2. Les lésions radiculaires :
Les lésions radiculaires peuvent être isolées ou associées aux lésions
médullaires.
Elles sont comme les lésions nerveuses périphériques avec les 3 grands types ;
la neurapraxie, l’axonotmesis et le neurotmesis. Ce dernier est le plus fréquent
chez le traumatisé médullaire (lésion d’avulsion radiculaire).
Les mêmes principes de conduite à tenir s’appliquent pour leur éventuelle
récupération fonctionnelle.
3. Conséquences des lésions médullaires :
Les lésions médullaires sont à l’origine de troubles hémodynamiques
importants :
a- Troubles respiratoires :
- Par atteinte du diaphragme qui va empêcher le mécanisme de la toux.
- Par atteinte des muscles intercostaux qui va entraver la respiration par
hypoventilation.
- On aura alors une hypercapnie avec modification de l’équilibre acido-basique.
b- Troubles cardio-vasculaires :
- Les troubles cardio-vasculaires sont en rapport avec la perte du mécanisme de
compensation sympathique.
- On retrouve notamment une bradycardie, voire une asystolie qui peuvent
survenir suite à des stimulations vagales comme lors de l’aspiration bronchique
ou lors de l’introduction du laryngoscope.
- Les hypotensions sont également fréquentes.
- La thrombose veineuse profonde est possible avec éventuelle embolie
pulmonaire.
c- Troubles médullaires locales :
- Perte de l’autorégulation du débit sanguin médullaire qui va entrainer une
diminution de la perfusion locale ainsi qu’une hypoxie.
- Il s’en suit alors une souffrance médullaire étendue avec propagation aux zones
saines sus-jacentes, ce qu’on appelle les lésions médullaires secondaires.
- Il s’agit de destruction neuronale de la substance grise et de la substance blanche
de la moelle.
d- Autres troubles :
- Le mécanisme de régulation thermique est habituellement perturbé.
- L’infection urinaire est fréquente.
- La dénutrition est également fréquente.
4. Implications thérapeutiques :
De ces explications physiopathologiques liées à l’atteinte médullaire, on peut
aisément déterminer la conduite à tenir pour prévenir la persistance et
l’aggravation des troubles hémodynamiques et les troubles neurologiques :
- Lever l’obstacle osseux ou la compression de la moelle le plutôt possible
(matelas gonflable, billot lordosant ensuite chirurgie précoce de
décompression-stabilisation des lésions rachidiennes).
- Médication anti-œdème par l’administration précoce et massive de
corticoïdes en intraveineux.
- Lutter contre l’hypoxémie par une bonne oxygénation.
- Garder une bonne hématose avec un état circulatoire correct par les
perfusions et éventuelle médication telle la dopamine (amines pressives).
II. Examen clinique du traumatisé médullaire :
Il faudra tout d’abord essayer de cerner les éléments de gravité du traumatisme
médullaire :
- Les circonstances de l’accident : heure de l’accident, accident de circulation, chute de
lieu élevé…
- Les conditions de ramassage et de transport.
- Le terrain du patient.
Pour la prise en charge initiale, il faut :
- Etablir un bilan lésionnel complet, locomoteur, crânio-céphalique et thoraco-
abdominal.
- Prendre de bonnes voies d’abord veineuse pour le remplissage et l’administration de
methylprédnisolone.
- Traiter la détresse respiratoire et neurologique.
- Pour l’atteinte médullaire, il faut établir une évaluation clinique par le score
ASIA et par la classification de Fränkel :
1. Score ASIA :
- Le score ASIA est un score d’évaluation de la motricité et de la sensibilité pour les
membres supérieurs et les membres inférieurs ; il teste les racines de C5 à T1 et de L2
à S1.
- La cotation internationale de 0 à 5 du testing musculaire est appliquée pour 5 muscles-
clés du membre supérieur et du membre inférieur (fig.2).
- Le score total maximal à l’état normal est de 25 pour chaque membre (score total de
100 pour les 4 membres à l’état normal).
2. Classification de Fränkel :
- Elle classe les atteintes médullaires et/ou radiculaires par ordre de gravité croissante
en 5 stades pour les membres inférieurs en paraplégie (4 stades en fait, car le dernier
stade E est l’état normal) :
Fränkel A : Paralysie complète motrice et sensitive.
Fränkel B : Paralysie complète motrice et incomplète sensitive.
Fränkel C : Paralysie incomplète motrice et incomplète sensitive, sans possibilité
de marche si le patient pouvait se mettre debout
Fränkel D : Paralysie incomplète motrice et incomplète sensitive, avec possibilité
de marche si le patient pouvait se mettre debout
Fränkel E : C’est l’état Normal sans paralysie.
- Le toucher rectal est indispensable pour apprécier le caractère complet ou
incomplet de l’atteinte : sensibilité de la marge anale, sensation anale profonde,
contraction volontaire ou béance du sphincter anal. Si tout est normal, cela signifié de
façon certaine que l’atteinte est incomplète [6].
Fig.2 : Le testing musculaire du membre supérieur et du membre inférieur pour établir le
score ASIA.
3. Les syndromes incomplets de l’atteinte médullaire :
- On cite les 5 syndromes médullaires à caractère incomplet :
Le syndrome central : apanage des lésions médullaires de l’étage cervical
avec prédominance de l’atteinte motrice au membre supérieur.
Le syndrome de Brown-Séquard : c’est l’atteinte classique motrice
homolatérale et sensitive thermoalgique controlatérale.
Le syndrome antérieur de la moelle : c’est une atteinte variable motrice
et thermoalgique.
Le syndrome du cône médullaire : c’est l’atteinte du cône et des racines
lombaires ; elle touche les membres inférieurs avec une aréflexie vésicale.
Le syndrome de queue de cheval : c’est l’atteinte des racines
lombosacrées ; elle touche également les membres inférieurs avec une
aréflexie vésicale.
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