LEÇON N˚ 39 : Réflexions du plan échangeant deux droites sécantes données, bissectrices. Applications au triangle et au cercle (cercle inscrit, tangente à un cercle, . . .). Pré-requis : – Géométrie affine et vectorielle ; – Médiatrice, barycentre ; – Projection orthogonale, réflexion : définitions et propriétés. On se place dans un plan affine euclidien P (les angles orientés sont inutiles). Au collège, la bissectrice d’un angle géométrique est définie comme étant un axe de symétrie. 39.1 Réflexions et bissectrices 39.1.1 Bissectrices de deux droites Théorème 1 : Soient D et D ′ deux droites de P sécantes en un point O. Il existe exactement deux réflexions échangeant D et D ′. Leurs axes sont perpendiculaires et passent par O. démonstration : Analyse : Soit ∆ une droite telle que s∆ (D) = D ′ . Puisque D ∩ D ′ = {O}, s∆ ({O}) = s∆ (D ∩ D ′ ) = s∆ (D) ∩ s∆ (D ′ ) = D ′ ∩ D = {O}. Soient alors A ∈ D différent de O et A′ son image par s∆ . Alors OA = OA′ , de sorte que A′ ∈ D ′ ∩ C (O, OA). D’où deux points possibles, notés A1 et A2 . On pose alors ∆1 (resp. ∆2 ) la médiatrice de [AA1 ] (resp. [AA2 ]). Synthèse : s∆1 (O) = O et s∆1 (A) = A1 impliquent s∆1 (D) = s∆1 (OA) = (OA′ ) = D ′ , et l’on montre de même que s∆2 (D) = D ′ . De plus, [AA2 ] est un diamètre du cercle C défini plus haut, contenant A1 , donc le triangle A1 AA2 est rectangle en A. Or (AA1 ) ⊥ ∆1 et (AA2 ) ⊥ ∆2 , donc ∆1 ⊥ ∆2 . → → Exercice : Montrer que si − u et − v sont respectivement des vecteurs unitaires de D et D ′ , alors les axes de → → symétrie sont dirigés par − u ±− v. −→ −→ −−→ −−→ −−→ −−→ − − − Convenons tout d’abord → u = OA/kOAk et → v = OA1 /kOA1 k (ce qui implique d’ailleurs que −→ v = OA2 /kOA2 k par construction de A1 et A2 ). 2 Réflexions du plan échangeant deux droites sécantes → − − u +→ v : On a les égalités suivantes : −−→ → − AA1 · (− u +→ v) = = 1 −→ −−→ −−→ −→ −→ −−→ −−→ −−→ −→ AA1 · OA/kOAk + OA1 /kOA1 k = −→ (0A1 − OA) · (OA + OA1 ) kOAk 1 −−→ 2 −→ 2 −→ kOA1 k − kOAk = 0. kOAk → − − u −→ v : On montre de même que : 1 −−→ −−→ −−→ −→ −−→ −→ −→ −−→ → − AA2 · (− u −→ v ) = AA2 · OA/kOAk + OA2 /kOA2 k = −→ kOA2 k2 − kOAk2 = 0. kOAk −→ −−→ −−→ Dans ces égalités, nous avons évidemment utilsé le fait que kOAk = kOA1 k = kOA2 k. ♦ Proposition 1 : ∆1 ∪ ∆2 = {M ∈ P | d(M, D) = d(M, D ′)}. démonstration : "⊂" : Soit M ∈ ∆1 ∪ ∆2 . Si M = O, alors il est évident que d(M, D) = d(M, D ′ ) = 0. Supposons alors M 6= O. On peut considérer M ∈ ∆1 . Soient P le projeté orthogonal de M sur D, de sorte que d(M, D) = M P , et P ′ = s∆1 (P ). Alors P ′ ∈ D ′ et D P ′ ′ M P = M P (en effet, s∆1 (M ) = M ). Par suite, s∆1 (M P ) = (M P ), et puisque s∆1 conserve l’orthogonalité, on a l’implication D ⊥ (M P ) ⇒ ∆ M O D ′ ⊥ (M P ′ ), donc P ′ est le projeté orthogonale de M sur D ′ et réalise rs b b rs D ′, MP′ P′ donc le minimum de la distance de M à la droite c’est-à-dire = D′ d(M, D ′ ). "⊃" : Soit M ∈ P tel que d(M, D) = d(M, D ′ ). Soient P (resp. P ′ ) le projeté orthogonal de M sur D (resp. D’) et d la médiatrice de [P P ′ ]. Alors M ∈ d car d(M, D) = d(M, D ′ ) ⇔ M P = M P ′ . On en déduit que sd (D) = D ′ , donc d est l’une des deux bissectrices ∆1 ou ∆2 . 39.1.2 Réflexion de demi-droites Définition 2 : Soient D et D ′ deux droites sécantes en un point O, A ∈ D et B ∈ D ′ deux \ la droite notée ∆1 telle que points disctints de O. On appelle bissectrice intérieure de l’angle AOB s∆1 [OA) = [OB). La droite ∆2 , perpendiculaire à ∆1 passant par O est alors appelée bissectrice \ extérieure de l’angle AOB. → → Remarque 1 : Si − u et − v sont respectivement des vecteurs directeurs des droites D et D ′ , alors ∆1 (resp. ∆2 ) est → → → → dirigée par − u +− v (resp. − u −− v ). 39.2 Application au triangle et au crecle 39.2.1 Cercle inscrit et exinscrit Définition 3 : Soit ABC un triangle non plat de P. Les bissectrices intérieures (resp. extérieures) du \ ACB \ et CBA. \ triangle ABC sont les bissectrices intérieures (resp. extérieures) des angles BAC, Réflexions du plan échangeant deux droites sécantes Théorème 2 : Dans un triangle ABC non plat, les trois bissectrices intérieures sont concourantes en un point I, barycentre du système {(A, a), (B, b), (C, c)} (où a = BC, b = AC et c = AB). C’est le centre du cercle inscrit au triangle. 3 A b b C I b b B démonstration : Soit I le barycentre du système {(A, a), (B, b), (C, c)} (on remarque que ABC non plat ⇒ a + b + c 6= 0). On a donc : M =A ⇒ −−→ MI = −−→ −−→ −−→ 1 (aM A + bM B + cM C) a+b+c −−→ −→ ! −−→ −→ − → bc AB 1 AC . (bAB + cAC) = AI + −→ − − → a+b+c a + b + c kABk kACk {z } | ∀ M ∈ P, − =: → u − → → → Donc AI et − u sont colinéaires. Mais − u est un vecteur directeur de la bissectrice intérieure issue de b l’angle A, donc (AI) n’est autre que cette bissectrice. On procède de la même manière avec M = B et M = C pour en déduire que I est bien le point d’intersection des trois bissectrices intérieures. Par ailleurs, en notant H (resp. K, L) le projeté orthogonal de I sur (BC) (resp. (AC) et (AB)), on montre que les triangles AIK et AIL sont isométriques (en effet, il ont un côté en commun [sur la b un angle droit chacun et un autre angle identique [grâce à la bissectrice]), donc bissectrice issue de A], que IK = IL. De la même manière, on trouve IL = IH. Le cercle de centre I passant par ces trois points est défini de manière unique, et il est tangent aux trois côtés du triangle (par construction de H, K et L), donc c’est bien le cercle inscrit. b (resp. B, b C) b et lesThéorème 3 : Soit ABC un triangle non plat. La bissectrice intérieure issue de A bissectrices extérieures issues des deux autres angles sont concourantes en un point IA (resp. IB , IC ) qui est le centre du cercle exinscrit relatif au premier sommet. De plus, IA est le barycentre du système {(A, −a), (B, b), (C, c)} (resp. IB est le barycentre du système {(A, a), (B, −b), (C, c)}, IC est le barycentre du système {(A, a), (B, b), (C, −c)}). démonstration : Soit I le barycentre du système {(A, −a), (B, b), (C, c)} (on remarque que ABC non plat ⇒ b + c − a 6= 0). On a donc : −−→ −−→ −−→ 1 (−aM A + bM B + cM C) b+c−a −−→ −→ ! −−→ −→ − → 1 bc AB AC AI (bAB + cAC) = + −→ . − − → b+c−a b + c − a kABk kACk | {z } ∀ M ∈ P, M =A ⇒ −−→ MI = − =: → u − → → → Donc AI et − u sont colinéaires. Mais − u est un vecteur directeur de la bissectrice intérieure issue de b l’angle A, donc (AI) n’est autre que cette bissectrice. Avec M = B et M = C, on trouvera par ce calcul un signe − dans la parenthèse, qui prouve que (BI) et (CI) sont les bissectrices extérieures. La conclusion quant au cercle se traite de la même manière que dans le théorème précédent. 4 Réflexions du plan échangeant deux droites sécantes Illustrons ceci par une figure : b A IB b b IC I b C b b b B IA Remarque 2 : I est l’orthocentre du triangle IA IB IC . En effet, (IB IC ) est la bissectrice extérieure issue de Ab et (AI) ∋ IA sa bissectrice intérieure. Le théorème 1 nous assure qu’elle sont perpendiculaires, de sorte que I soit bien sur hauteur issue de IA du triangle IA IB IC . De même pour les autres côtés IA IC et IA IB . 39.2.2 Tangente à un cercle Proposition 2 : Soit M ∈ P, extérieur à un cercle C (Ω, r) donné. Il y a exactement deux tangentes à C passant par M . De plus, si l’on note T et T ′ les intersections avec C , alors la doite (ΩM ) est la bissectrice intérieure de l’angle T\ M T ′. démonstration : La réflexion d’axe (ΩM ) conserve le cercle, puisque cette droite porte un diamètre du cercle. Notons T1 = s(ΩM ) (T ) ∈ C . (ΩT ) ⊥ (T M ), donc par conservation de l’orthogonalité, on a s(ΩM ) (ΩT ) ⊥ s(ΩM ) (T M ) ⇔ (ΩT1 ) ⊥ (T1 M ). Or T1 ∈ C , donc T1 = T ′ , et (ΩM est la bissectrice intérieure de l’angle T\ M T ′. Remarque 3 : Pour mieux se représenter la chose, considérer que C est le plus grand cercle de la figure page b précédente, Ω = IA et M = A. Alors (ΩM ) = (AIA ) qui est bien la bissectrice intérieure de l’angle A. Réflexions du plan échangeant deux droites sécantes 5 39.2.3 Rapport de longueur Proposition 3 : Soient ABC un triangle non plat, IA (resp. JA) le pied de la bissectrice intérieure b Alors on a l’égalité (resp. extérieure) issue de A. AB AC = BIA CIA = BJA CJA . démonstration : Soit HA le pied de la hauteur issue de A. Soient K et L (resp. K ′ et L′ ) les projetés orthogonaux de IA (resp. JA ) sur (AB) et (AC) (voir figure ci-dessous). On a alors que KIA = LIA et K ′ JA = L′ JA (les triangles ALIA et AKIA sont isométriques, de même que mes triangles AK ′ JA et AL′ JA ). Alors d’une part 1 2 AB · KIA 1 2 AC · LIA = AB AC et A (ABIA ) = A (ACIA ) 1 2 1 2 BIA · AHA BIA . = CIA CIA · AHA 1 ′ 2 AB · K JA 1 ′ 2 AC · L JA = AB AC et A (ABJA ) = A (ACJA ) 1 2 1 2 BJA · AHA BJA . = CJA CJA · AHA A (ABIA ) = A (ACIA ) D’autre part, A (ABJA ) = A (ACJA ) Voici la figure correspondante : L′ rs A b b L K rs rs JA B rs K′ b b b H A IA b C