DOSSIER
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La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 236 - octobre 1998
hez l’enfant, les circonstances les plus fréquentes
d’atteinte cochléo-vestibulaire post-traumatique
sont les traumatismes crâniens. Ces atteintes
cochléo-vestibulaires post-traumatiques posent un problème
diagnostique et de prise en charge thérapeutique. Existe-t-il
une lésion de l’oreille interne ou moyenne sur laquelle il faut
intervenir chirurgicalement en urgence (réparation d’une luxa-
tion de la chaîne des osselets ou d’une fracture platinaire, col-
matage d’une fistule) ou doit-on se contenter de surveiller la
stabilisation ou la récupération fonctionnelle ?
L’atteinte traumatique de l’oreille interne peut aussi survenir lors
d’un traumatisme direct de l’oreille par un corps étranger intro-
duit dans le conduit auditif externe. Toutefois, l’appareil cochléo-
vestibulaire peut également être lésé en dehors de tout trauma-
tisme crânien direct. C’est le cas des traumatismes sonores pour
l’appareil auditif et des traumatismes des récepteurs vestibulaires
otolithiques secondaires à des accélérations rotatoires excessives
et brutales et qui peuvent réaliser un VPPB expérimental. Cela a
déjà été décrit chez l’adulte, notamment chez les pilotes de vol-
tige aérienne. Enfin, nous ne ferons que citer, parce qu’ils sont
rares chez l’enfant, les barotraumatismes, responsables de lésions
cochléo-vestibulaires et réclamant un traitement adapté.
MANIFESTATIONS CLINIQUES DES TRAUMATISMES
COCHLÉO-VESTIBULAIRES CHEZ L’ENFANT
Les manifestations cliniques de ces traumatismes peuvent être
aussi évidentes que chez l’adulte, avec un tableau typique de
fracture du rocher associant otorragie, hémotympan, surdité,
vertiges ou instabilité dans un contexte de traumatisme crânien
avec perte de connaissance. Une atteinte cochléaire et vestibu-
laire sera évoquée et le bilan fonctionnel cochléo-vestibulaire
sera associé à une imagerie du rocher et de la base du crâne qui
mettra en évidence la fracture responsable.
Cependant, le tableau clinique peut être beaucoup plus trom-
peur, d’autant que, chez le petit enfant, la compensation d’un
déficit vestibulaire même complet est d’installation très rapide,
masquant la plupart des signes spontanés si ceux-ci ne sont pas
recherchés. Une fracture du rocher avec cophose et aréflexie
vestibulaire chez un enfant d’un an peut être compensée par-
faitement en moins de 48 heures et ne donner lieu à aucun
trouble de l’équilibre évident.
La violence du traumatisme crânien n’est pas corrélée, chez
l’enfant, à la gravité de l’atteinte cochléo-vestibulaire. Un trau-
matisme léger sans aucune perte de connaissance (choc dans la
cour de récréation) peut être à l’origine de lésions cochléo-ves-
tibulaires sévères (notamment lorsqu’il existe une malforma-
tion de l’oreille interne préexistante et méconnue). La notion
de vertiges, d’acouphènes, d’une surdité (même sans vertiges)
ou d’un torticolis survenant quelques jours après un traumatisme
crânien, même léger, doit faire évoquer chez l’enfant une
lésion traumatique de l’oreille interne et conduire à un bilan
cochléo-vestibulaire.
LE BILAN AUDIOMÉTRIQUE DOIT ÊTRE COMPLET
ET SON INTERPRÉTATION TRÈS PRUDENTE
Le bilan audiométrique (audiométrie tonale et vocale) à la
recherche d’une surdité, associé à une impédancemétrie, est
indispensable devant tous vertiges, acouphènes, isolés ou asso-
ciés, torticolis ou hypoaccousie survenant au décours d’un
traumatisme crânien.
Une surdité de transmission pure peut être secondaire à l’hémo-
tympan, ou bien correspondre à une rupture de chaîne ossiculaire.
Dans le cas de l’hémotympan, cette surdité de transmission devra
se normaliser avec la résorption de l’épanchement de la caisse.
Dans le cas de la rupture de chaîne, la surdité restera stable, voire
même s’aggravera, avec apparition d’une surdité mixte en cas de
fracture platinaire avec fistule périlymphatique. Une surdité de
perception peut être la traduction d’une lésion irréversible et
stable de l’appareil auditif ou, au contraire, d’une lésion de l’appa-
reil cochléaire associée à une fistule de l’oreille interne.
Dans notre expérience, et notamment chez l’enfant, il paraît
indispensable, lors de la découverte d’une surdité de percep-
tion, de transmission ou mixte, post-traumatique, même modé-
rée, de renouveler l’évaluation cochléaire dans les 10 jours,
afin de juger de la fluctuation des seuils auditifs, de leur nor-
malisation ou de leur aggravation.
Dans le cas d’une fistule périlymphatique, la surdité initiale
peut être modérée, transmissionnelle au début, et se transformer
secondairement en une surdité mixte plus sévère. L’impédance-
métrie peut être d’emblée décisive, en montrant une absence de
réflexe stapédien associée à une surdité de transmission pure ou
mixte signant une rupture de chaîne. Mais elle peut également
être normale, et donc faussement rassurante, alors qu’il existe
une fracture très partielle de la platine qui va être responsable
Pathologie cochléo-vestibulaire post-traumatique
chez l’enfant
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S.R. Wiener-Vacher*, F. Toupet*, M. Elmaleh*, Ph. Narcy*
* Hôpital Robert-Debré, Paris.
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