Recherche-actions Architecture de la Seconde Reconstruction, un

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Recherche-actions
Architecture de la Seconde
Reconstruction,
un patrimoine pour le Parc ?
Ébauche de synthèse
Janvier 2015
Synthèse
version du 26 mars 2015
Avant-propos
Le Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges a engagé un programme de
recherche-actions sur « l’architecture de la Reconstruction après la seconde guerre mondiale,
un patrimoine pour le PNRBV ? » en partenariat avec trois communes volontaires,
(Ammerschwihr, Gérardmer et La Bresse)1, les CAUE du Haut-Rhin et des Vosges, les
Services Régionaux d'Inventaire du Patrimoine d’Alsace et de Lorraine, les Services
Territoriaux de l'Architecture et du Patrimoine du Haut-Rhin et des Vosges, un membre du
conseil scientifique du Parc et d’autres missions du Parc.
Ce programme de recherche-actions vise à identifier les valeurs de la seconde reconstruction
dans le Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges et à repérer si ce bâti et cet urbanisme
présentent une certaine modernité et une capacité de mutation au regard des enjeux
d’aujourd’hui et de demain. Le Parc doit alors s’en faire l’écho et éveiller un éventuel intérêt.
A l’échelle du territoire
du Parc, une vingtaine de
communes vosgiennes et
haut-rhinoises ont été
particulièrement touchées
par les destructions dues
aux combats de la
seconde guerre mondiale.
Pour le secteur franccomtois, des éléments
plus
localisés
sont
identifiés : secteurs de
Belfort, d’Auxelles-Haut,
Giromagny et Lepuix Gy
et sur le secteur de
Ronchamp.
Carte du Parc localisant les
communes les plus sinistrées
lors de la seconde guerre
mondiale, et potentiellement
objet du programme de
recherche-actions.
1
Ammerschwihr : 1773 habitants, Gérardmer : 8423 habitants, et La Bresse 4355 habitants,
(source INSEE recensement en 2012)
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
Ici et Là - Vanessa Varvenne
2
Ce programme de recherche-actions est conçu pour interagir avec les projets de chaque
commune en plaçant les habitants au coeur de l'opération. Une approche pluridisciplinaire
prenant en compte les aspects sociologiques, ethnologiques, historiques, artistiques,
architecturaux, paysagers et urbanistiques, s'articule autour de deux missions qui
s'enrichissent mutuellement.
D'une part, l'intervention de Noël Barbe, ethnologue, membre du conseil scientifique du Parc
et conseiller pour l’ethnologie au ministère de la Culture et de la Communication, et d'Aurélie
Dumain, ethnologue-sociologue, centre Max Weber UMR 5283, Université Lyon 2, permet la
réalisation d'une enquête en sciences sociales donnant voix aux habitants, visiteurs, élus,
usagers, écoliers et experts pour recueillir la manière dont ils perçoivent, vivent, ressentent,
comprennent ce bâti et ces espaces publics issus de la seconde reconstruction. Dans ce cadre,
ils ont réalisé une centaine d'entretiens sur les trois communes pilotes, comprenant notamment
des réunions avec les élus, des rencontres avec les scolaires et un stammtisch2.
D'autre part, une mission de synthèse et de mise en perspective des données existantes est
mise en œuvre conjointement par Ici et Là - Aline Toussaint, architecte-urbaniste, et Vanessa
Varvenne - Etude et valorisation du Patrimoine, historienne du patrimoine. La synthèse, dont
est l'objet ce présent document, est destinée à proposer une présentation générale de la
seconde reconstruction dans le Parc, avec un regard analytique plus approfondi sur les trois
communes pilotes afin d'en dégager les récurrences et les spécificités. Les données récoltées
dans la bibliographie y sont intégrées.
A l'issue de cette étude, une mise en perspective au regard des enjeux d’aujourd’hui et de
demain permettra la constitution de préconisations d’actions. Il s’agit, pour les trois
communes pilotes, de disposer d’éléments d’interventions concrètes sur ce bâti, au regard de
leurs spécificités et de leurs besoins.
Ce programme de recherche-actions doit donc contribuer aux stratégies de valorisation du bâti
de la seconde reconstruction des trois communes volontaires, et la méthode doit pouvoir être
reproductible pour d'autres communes du Parc souhaitant par la suite participer au projet.
2
Rassemblement traditionnel autour d'un verre ou d'une table
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3
Sommaire
Avant-propos.............................................................................................................................. 2
Sommaire ................................................................................................................................... 4
Introduction ............................................................................................................................... 7
Première partie : Synthèse bibliographique ............................................................................. 8
1.
La reconstruction : une conséquence de la guerre .......................................................... 8
1.1.
Des destructions méthodiques .................................................................................... 9
1.2.
La gestion de l'urgence grâce à l'entraide ............................................................... 13
2.
Une reconstruction pensée et organisée ......................................................................... 15
2.1.
Les directives du Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme (MRU)........... 15
2.2.
L'obligation d'aménager chaque ville sinistrée........................................................ 17
2.3.
Des procédures de reconstruction individuelles ou collectives ............................... 18
Opérations individuelles................................................................................................... 18
Opérations groupées ......................................................................................................... 18
Opérations Préfinancées (OP) .......................................................................................... 20
3.
L'urbanisme..................................................................................................................... 21
3.1.
Des architectes avec des conceptions diverses au service de la reconstruction...... 21
Les apports audacieux du mouvement moderne .............................................................. 22
Une confrontation aux longues répercussions.................................................................. 23
Vers un modernisme modéré : un aménagement volontaire du territoire tout en respectant
les traditions ..................................................................................................................... 23
Les principaux architectes de la Reconstruction d'Ammerschwihr, Gérardmer et La
Bresse. .............................................................................................................................. 24
3.2.
La constitution des Plans de Reconstruction et d'Aménagement (PRA) .................. 28
Zone en ordre continu : le centre-ville urbain .................................................................. 30
Zone en ordre discontinu.................................................................................................. 31
Quartier de compensation................................................................................................. 31
Ensembles cohérents (ordonnances et disciplines d'architecture).................................... 32
Zone industrielle............................................................................................................... 33
Zone non aedificandi ........................................................................................................ 33
Zone rurale ou extérieure au périmètre de reconstruction................................................ 34
4.
Une architecture innovante, sobre et adaptée ................................................................ 35
4.1.
Les caractéristiques stylistiques de l'architecture de la seconde reconstruction .... 35
4.2.
L'apport de spécificités locales ................................................................................ 38
Les adaptations à l'environnement, au contexte et aux traditions locales ........................ 38
Les adaptions liées aux différents architectes .................................................................. 41
Les apports des ornements et de la création artistique ..................................................... 45
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4
Seconde partie : Etude analytique des trois communes pilotes ............................................. 52
(Ammerschwihr, La Bresse, Gérardmer)
5.
L'accent mis sur la modernisation et les innovations .................................................... 52
5.1.
Le rétablissement des infrastructures ...................................................................... 53
5.2.
La variété des matériaux de construction ................................................................ 54
5.3.
La généralisation de l'hygiène et du confort modernes ........................................... 58
6.
Les typologies marquantes de la seconde reconstruction .............................................. 60
6.1.
Des bâtiments publics et communautaires centraux ................................................ 60
Les Hôtels de ville............................................................................................................ 60
Les édifices religieux ....................................................................................................... 63
Les édifices scolaires........................................................................................................ 64
Les équipements sportifs, culturels et de santé ................................................................ 65
6.2.
Le passage de la ferme à l'exploitation agricole...................................................... 66
La ferme vigneronne ........................................................................................................ 66
La ferme d'élevage ........................................................................................................... 68
6.3.
Des ensembles cohérents marquant le paysage ....................................................... 69
Les cités ouvrières et leur site industriel .......................................................................... 69
Les immeubles en grands ensembles ............................................................................... 71
Les immeubles en ordre continu ...................................................................................... 73
6.4.
Des immeubles et maisons individuels homogènes .................................................. 74
7.
Des espaces publics structurant les lieux de vie............................................................. 77
7.1.
L'enjeu de la circulation et des déplacements.......................................................... 77
7.2.
Le rôle central des places et des abords des édifices publics .................................. 79
7.3.
L'importance des supports de mémoire et des monuments commémoratifs............. 80
7.4.
L'importance des espaces verts dans la ville et de la préservation des paysages.... 81
8.
La reconstruction adaptée au monde contemporain...................................................... 84
8.1.
Une esthétique sobre ................................................................................................ 84
8.2.
Des aménagements urbains évolutifs ....................................................................... 85
8.3.
La notion d'ensembles structurant la cité................................................................. 85
8.4.
Une capacité d'évolution à exploiter........................................................................ 86
9.
La reconstruction à l'épreuve du temps.......................................................................... 87
9.1.
Des normes qui ont changé ...................................................................................... 87
9.2.
Des aménagements urbains à faire évoluer ............................................................. 89
9.3.
Une habitabilité et un confort intérieur à améliorer................................................ 90
9.4.
Une esthétique manquant de typicité ....................................................................... 91
9.5.
Des matériaux qui ont vieilli .................................................................................... 91
9.6.
Des colorations de façades qui évoluent.................................................................. 92
Conclusion ............................................................................................................................... 94
Bibliographie ........................................................................................................................... 97
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Abréviations et acronymes
ASR : Association Syndicale de Remembrement puis Association Syndicale de
Reconstruction
AVAP : Aire de mise en Valeur de l'Architecture et du Patrimoine
CLMH : Classé au titre des Monuments Historiques
ENSBA : Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts (de Paris)
DPLG : Diplômé Par Le Gouvernement
HBM : Habitation bon marché
HLM : Habitation à loyer modéré
IDG : Indemnités de dommages de guerre
ISAI : Immeuble sans affectation immédiate
IMH : Inscrit au titre Monuments Historiques
LEN : Logement économique normalisé
LEPN : Logement économique de première nécessité
LOGECOS : Logements économiques et familiaux
LOPOFA : Logement populaire familial
MH : Monuments Historiques
MEDDE : Ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie
MLETR : Ministère du Logement, de l'Égalité des Territoires et de la Ruralité
MRL : Ministère de la Reconstruction et du Logement
MRU : Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme
OP : Opération Pré-financée
OPRE : Opérations Préfinancées concernant des bâtiments Ruraux dits Expérimentaux
PLU : Plan Local d'Urbanisme
PLUI : Plan Local d'Urbanisme Intercommunal
PRA : Plan de Reconstruction et d’Aménagement
STAP : Service Territorial de l'Architecture et du Patrimoine
ZPPAUP : Zone de Protection du Patrimoine Architecture, Urbain et Paysager
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Introduction
La reconstruction des communes après guerre s'inscrit toujours dans une
problématique plus large de reconstruction globale et collective qui inclut le deuil de
l'épreuve, la gestion de l'urgence, la résilience et la volonté d'entreprendre pour se relever des
ruines et bâtir l'avenir.
La reconstruction après la seconde guerre mondiale est une période de rétablissement à la fois
économique, politique, architecturale et sociale pour les Hautes-Vosges, la France et toute
l'Europe.
En France, l’État s’implique rapidement et fortement dans la reconstruction avec la création
d'un important ministère avec des délégations locales, en charge de la gestion de l'ensemble
des travaux. Les opérations concernent en effet la réparation des bâtiments endommagés, la
construction de logements neufs pour remplacer les immeubles détruits mais aussi, le
rétablissement de l'ensemble des infrastructures et réseaux de communications (routes,
chemins de fer, téléphone, poste…), et du système productif (industrie, agriculture,
électricité…). C'est aussi une opportunité unique de moderniser les villes et villages avec de
nouveaux matériaux, de nouvelles normes en matière d'hygiène et de confort.
Pour répondre à tous ces besoins, les architectes, les urbanistes et les ingénieurs nommés par
le ministère, sont en charge de concevoir et de mettre en œuvre les meilleurs moyens, tout en
alliant les directives nationales, les aspirations des sinistrés et celles des collectivités locales.
Plusieurs courants de pensées vont directement influencer la conception des bâtiments et des
espaces urbains pour plusieurs décennies. Depuis les régionalistes les plus convaincus qui
reconstruisent à l'identique jusqu'aux modernes qui prônent la "table rase" pour laisser place à
des unités entièrement nouvelles, toute une palette d'architectes parisiens et locaux impriment
leur propre vision de la reconstruction idéale dans le plan de reconstruction et d’aménagement
de chaque commune sinistrée.
En prenant appui sur trois communes quasiment entièrement détruites en 1944,
Ammerschwihr (Alsace), La Bresse et Gérardmer (Vosges) apparaissent les mises en œuvre
communes et spécifiques de l'architecture et de l'urbanisme de la seconde reconstruction dans
le sud du massif des Vosges, et donc sur le territoire du Parc Naturel Régional des Ballons des
Vosges. Ces caractéristiques peuvent s'établir de manière générale, mais peuvent aussi être
spécifiées sur chaque type d'aménagement (place, ensemble, espace vert…) ou de bâtiment
(immeuble, ferme, édifice public…).
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7
Première partie :
Synthèse bibliographique
1. La reconstruction : une conséquence de la guerre
Dans la première moitié du 20e siècle, Ammerschwihr, Gérardmer et La Bresse sont
de petites villes en plein essor dont l'économie repose sur l'agriculture (élevage, vigne), les
industries (tissage, scierie…) et le tourisme. Ces trois communes, comme la plupart des villes
de la région ont été relativement épargnées par les destructions de la première guerre
mondiale, car les principaux combats se situaient en zones rurales et sur les hauteurs. Ce n'est
pas le cas lors de la seconde guerre mondiale. Les villes et villages sont considérés comme de
objectifs stratégiques qui peuvent être détruits, tout comme les structures de production, les
équipements industriels et les nœuds de transports (ponts, gares…). Si le nombre de
communes déclarées sinistrées en Lorraine est à peu près le même en conséquence de la
première et de la seconde guerre mondiale en Lorraine, les immeubles partiellement ou
totalement détruits sont environ deux fois plus nombreux3.
Les habitants ont progressivement repris possession de leur maison, de leur commune
incendiée, bombardée. Ils ont dû parer au plus urgent, s'abriter, s'approvisionner, se chauffer,
puis déblayer les ruines, faire la place pour y établir des constructions provisoires, qui
dureront parfois plus d'une dizaine d'années.
3
Les reconstructions des années 1920 et 1950 en Lorraine, un renouveau architectural et urbain. La gazette
lorraine, n°388, 2011.
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8
1.1. Des destructions méthodiques
Face à la menace de l'Allemagne nazie, en septembre 1939, les Alsaciens sont évacués
en prévision des combats, tandis que les Vosgiens pensent être en sécurité derrière la ligne
Maginot et les crêtes. La drôle de guerre s'achève par la percée des allemands qui vont
progressivement prendre le contrôle de la région en juin 1940. Ces batailles sont brèves et
entraînent surtout des destruction dans la vallée de la Moselle4 et sur les lignes de
communication (routes, voies ferrées, canal de l'Est…), mais peu d'édifices dans les rois
communes pilotes hormis l'église de Gérardmer qui fut détruite accidentellement.
Les quatre années d'Occupation suivantes s'écoulent sans trop de dommages matériels
jusqu'au moment de la retraite des troupes allemandes en 1944.
A la fin de l'été 1944, l'arrivée des armées américaines des Généraux Patton et Patch ainsi que
la 2e DB du Général Leclerc et la 1ere armée française du Général De Lattre de Tassigny
laisse croire à une délivrance rapide des Vosges. En réalité, elle est longue et difficile en
raison du raidissement allemand sur les positions défensives de la montagne et d'une pause
dans l'offensive pour manque de ravitaillement. De plus, l'Etat Major allemand fait régner la
terreur sur les FFI. Un grand nombre de maquis est démantelé, et des otages sont déportés ou
fusillés (Charmes, Grandrupt, Piquante Pierre…)5.
A la fin de l'automne, les troupes de la Wehrmacht cèdent peu à peu en laissant des vallées
ruinées par la tactique de la terre brûlée et la déportation massive des populations.
Pour priver les alliés de toits en cet hiver qui arrive, les maisons et les fermes, même les plus
isolées, sont torpillées, dynamitées.
A la Bresse, la population est réquisitionnée ou évacuée dès le 9 novembre et, du 11 au 18
novembre 1944, ce sont tous les quartiers de La Bresse qui sont détruits ou incendiés. Seul, un
secteur de la vallée du Chajoux est épargné (à la Lunelle). Les populations non évacuées y
trouvent refuge et s’y entassent dans des conditions déplorables. Le résultat des destructions
est catastrophique : 672 bâtiments sinistrés dont 499 totalement détruits, représentant 281
habitations, 191 fermes, 14 locaux industriels, 13 bâtiments publics. Ces destructions privent
3450 habitants de leur logis.
A la Libération, c’est un village vidé de ses habitants qui est délivré. Les Libérateurs n’ont
conquis que des ruines. Il est difficile de dire combien de Bressauds sont restés sur place dans
les ruines pendant l’hiver 1944-45, mais les ravitaillements, la solidarité et l’immense volonté
de la population redonne vie à la commune.
4
Doyen, Jean-Pierre. Du chaos à la croissance, reconstruction et modernisation des Hautes-Vosges : 19441960. dans "Le Pays de Remiremont des origines à nos jours" JEV 2000.
5
Bouvet, Doyen, Feger. Les Vosges après les ruines, Reconstruction et Modernisation 1918... 1945..., Archives
départementales des Vosges, Conservation des Antiquités et Objets d'Art, Epinal, 1991.
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9
Plan d'état actuel de La Bresse dressé par M. Montemont, en 1945 (AD88)
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10
Parallèlement, Gérardmer est détruite à 85% en deux jours (16 et 17 novembre 1944). Seuls
22 hectares sont épargnés sur les 192 hectares urbanisés à cette époque. Cet îlot sauvegardé au
centre ville est situé entre l'église et la place Albert Ferry, et s'étend jusqu'au boulevard
Kelsch. (Immeubles en noir sur le plan ci-dessous).
Extrait du Plan d'état actuel de Gérardmer, dressé par M. Fulpin et André Gutton, vers 1945
La population de la ville y est regroupée, et tout le reste est incendié, y compris les fermes sur
les hauteurs et les hameaux. Les constructions de pierres qui ne brûlent pas, sont dynamitées.
Décompte des bâtiments détruits des 5 communes les plus sinistrées des Vosges (août 1949) :
Communes
Habitations
Bâtiments
principaux
Agriculture
dépendances Fermes Hangars
Total
Bâtiments
d'exploitation
Bâtiments
principaux
seuls
1. Saint-Dié
703
12
26
2. Gérardmer
539
241
11
5
650
3. La Bresse
234
15
213
6
447
4. Epinal
325
10
2
5. Anould
127
189
729
327
1
5
316
Source : ADV 1152W répertoire (archives du Ministère de la reconstruction et de l'Urbanisme)
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11
Les Alliés poursuivent leur avance, franchissent les cols et entrent en Alsace par les cols du
Bonhomme et de Sainte-Marie-aux-Mines. La 36e division d'infanterie américaine se porte de
Ribeauvillé vers Riquewhir, ouvrant la route de Colmar. Les Allemands, conscients de
l'intérêt stratégique des collines de Sigolsheim, contre-attaquent en lançant toutes les forces
disponibles. Ammerschwihr est directement touchée par les combats, tout comme les villages
voisins de Ostheim, Mittelwhir ou Bennwihr. Elle est l'une des cibles à détruire pour les
Alliés dans le but de reprendre la ville de Colmar, sans avoir à la bombarder. La ligne de front
s'établit sur la Fecht. Les habitants non évacués s'abritent des bombardements dans les caves à
partir du 7 décembre 1944. Les jours suivants, les obus au phosphore provoquent d'importants
incendies. Les destructions ne cessent que le 18 décembre, lorsque Ammerschwihr est libéré.
Lors de ces attaques, seule une petite partie de la ville et les remparts ont été épargnés et 16
civils meurent. Tous les bâtiments notés en rouge sur le plan ci-contre sont en ruines, soit 329
maisons, dont 182 entièrement détruites, 42 détruite à 50%, 105 à 30% 6.
Périmètre de reconstruction
Bâtiments intégralement détruits
Extrait du Plan des destructions d'Ammerschwihr, dressé en 1947
6
Lichtlé, Francis. Et elle renaît de ses cendres… La reconstruction d’Ammerschwihr, 1945 – 1961, Editions JD.
Reber, 2005.
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12
C'est après la libération, au cours de l'hiver 1944-1945, que les populations ont le plus
souffert. Les déportations et les évacuations ont laissé des traces indélébiles dans la mémoire
collectives. Les populations trouvent refuge dans les localités voisines épargnées, chez des
amis ou de la famille, dans les mansardes et les greniers surpeuplés. La plupart ne reviendront
pas avant plusieurs mois. Certains ne retrouveront rien de leur maison incendiée. D’autres
s'installèrent même dans ces ruines, dans les caves, sans eau, lumière ou chauffage.
1.2. La gestion de l'urgence grâce à l'entraide
Suite aux destructions massives, il fallut faire vite pour reloger en urgence les
populations sinistrées. Sans matériel, sans personnel spécialisé, bâtir du neuf et du durable
serait pour plus tard. La solution provisoire se trouve dans la construction rapide de baraques
en bois. Les forêts étaient saccagées, les scieries en grande partie détruites, et il fallu faire
appel à l'extérieur.
Les secours vinrent de Suisse, des Etats-Unis, de Scandinavie et du Bourbonnais avec la mise
en place du Comité de parrainage Bourdonnais-Lorraine, d'Entraide Française, du Comité
international du secours pour La Bresse… Parallèlement, de nombreuses associations d’aide à
la reconstruction se sont mises en place, pour aider au mieux les particuliers. Par exemple,
l’Association des sinistrés de Gérardmer œuvre matériellement par le prêt de meubles, de
vêtements et autres objets de la vie quotidienne, et financièrement en répartissant de façon
équitable les dons reçus au sein de l’association.
Ammerschwihr bénéficie de l'aide de Thérèse Bonney, reporter photographe américaine qui
fait un reportage photographique des villages sinistrés de la Poche de Colmar en fin février
1945. Elle s'émeut du sort du village et convainc les autorités militaires américaines de venir
en aide aux habitants (vivres, savon, bougies, matériel viticole…). Elle poursuit son action
après la guerre (linge, jouet, produits de première nécessité…).
Les chantiers démarrent au printemps 1945 pour établir un village provisoire à l'est
d'Ammerschwihr en bordure de la chapelle Saint-Eloi.
A Gérardmer et à La Bresse, des zones sont également déterminées pour la construction de
maisons provisoires : "les baraques". On compte une quinzaine de types différents de
baraques à usages agricole, commercial, d'habitation... Ce sont généralement des maisonnettes
peu isolées à double paroi de planches de bois. Leur couverture initialement en papier
goudronné sera progressivement remplacée par de la tôle ondulée ou des plaques de
fibrociment. Elles sont construites sur des murets maçonnés pour limiter la remontée
d'humidité par le sol. La majorité n'est pas raccordée aux réseaux. La cuisinière à bois est le
seul foyer et les meubles de dépannage en bois blanc proviennent de distributions (table,
chaise, lit, buffet, armoire…) 7
Des fermes provisoires, communément dénommées « baraquements agricoles » sont
rapidement érigées à proximité des bâtiments détruits, dans l’attente de la reconstruction
définitive. Cet état provisoire pourra durer 10 ans dans certains cas. Un modèle unique est
7
Bouvet, Doyen, Feger. Les Vosges après les ruines, Reconstruction et Modernisation 1918... 1945..., Archives
départementales des Vosges, Conservation des Antiquités et Objets d'Art, Epinal, 1991.
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adopté pour tout le département des Vosges. La scierie Houot à Gérardmer, partiellement
épargnée de la destruction, a fabriqué 90 de ces bâtiments de type fermes.
Les plus grandes baraques ont servi de salles de classe, les autres de commerces, d'ateliers et
de logements. Des baraques du Don Suisse à La Bresse abritent un centre médico-social, une
salle de réunion, des ateliers où les habitants pouvaient fabriquer eux-mêmes leurs vêtements,
leurs mobiliers…8
Certaines de ces constructions provisoires n'ont pas été détruites au terme de leur mission
initiale mais ont été préservées jusqu'à aujourd'hui. Les habitants qui y ont passé plusieurs
années se sont parfois opposés à leur destruction. Le plus souvent, elles ont été transformées
en annexes.
En parallèle de la construction des baraques, les îlots sont progressivement déblayés, voire
déminés. Les matériaux de construction remployables (moellon, éléments de décors…) sont
mis de coté pour être réinsérés dans les futurs immeubles à reconstruire. Les pierres ont été
entassées par lots et seront attribuées à de nouvelles constructions.
Les baraques sont implantées dans les espaces libres et débarrassés qui, à terme, deviendront
des places publics et de larges rues, ou entre les immeubles afin de permettre la construction
prochaine de bâtiments en dur.
Vue de la rue du 152e R.I. en 1945 à Gérardmer © Henri Salesse - MEDDE/MLET
8
Doyen, Jean-Pierre. Du chaos à la croissance, reconstruction et modernisation des Hautes-Vosges : 1944-1960.
In : Journées d'études vosgiennes (Remiremont). 2001.
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14
2. Une reconstruction pensée et organisée
Lors des travaux de reconstruction après la Première Guerre mondiale en France, les
lois Cornudet9 imposent des règles esthétiques, d'hygiène et de circulation qui préfigurent
l'urbanisme pour les villes de plus de 10 000 habitants ou volontaires. Toutefois, pour les
autres communes, quasiment aucune réglementation n'a été instaurée, et les indemnisations
pour reconstituer les pertes des sinistrés étaient à l’exact équivalent. Ce principe a eu pour
effet direct, que chaque propriétaire reconstruisit sans se soucier de la collectivité, ce qui
entraîna notamment une insuffisance de création de logements locatifs et surtout un manque
de cohérence en matière d'urbanisme. Il y eu peu de vision d'ensemble à l'échelle de la rue ou
du quartier, peu d'espaces communautaires, d'espaces verts…
Lors de la seconde reconstruction, l'Etat s'implique plus fortement pour ne pas faire les
mêmes erreurs, qui avaient conduit à la pénurie de logements et à l'insalubrité de l'entre deux
guerres.
Dès 1940, le régime de Vichy met donc en place des institutions centralisées et des lois pour
réglementer et surveiller tous les projets et chantiers de la reconstruction. Ce principe général
permet à l'Etat d'imposer des priorités et des normes, et d'outrepasser les prérogatives et
l'autonomie des communes en matière d'aménagement et d'urbanisme10. Les nouvelles règles
de la reconstruction sont arrêtées par la loi du 11 octobre 1940 et complétées par celles du 15
juin 1943. Ces textes destinés à régir l'urbanisme sont les bases de la seconde reconstruction.
Ils ont pour objectif d'assurer le relogement par des aides à la reconstruction (IDG), et non par
des dédommagements, sachant que les opérations sont dirigées par l'Etat et les architectes, et
non par les élus locaux.
2.1. Les directives du Ministère de la Reconstruction
et de l'Urbanisme (MRU)
A la Libération, le Gouvernement provisoire reprend les principales dispositions
instaurées par le Régime de Vichy, tout en les adaptant aux règles de la démocratie. Etant
donné l'ampleur des travaux à mettre en œuvre pour reconstruire une grande partie du pays,
seul l'Etat était en capacité et avait les moyens politiques et financiers d'accomplir la
planification et la reconstruction dans l'intérêt de la nation11.
En 1944, le Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme (MRU) est donc créé pour
organiser cette reconstruction. Chaque département est doté en 1946 d’une délégation
départementale du MRU, qui approuve les plans de reconstruction et d’aménagement (PRA),
et qui gère administrativement les opérations de reconstruction. Le MRU oblige toute
reconstruction à se placer dans une problématique globale d'urbanisme et d'industrialisation
9
Plusieurs lois à partir de celle du 14 mars 1919,
Dieudonné, Patrick. Villes reconstruites, du dessin au destin. Actes du colloque international des villes
reconstruites (2 ; 20-22 janvier 1993, Lorient). Paris : L'Harmattan, 1994.
11
Le principe fut entériné le 2 mars 1945 par l'assemble constituante provisoire.
10
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15
dans le cadre des PRA. Les villes et quartiers complètement détruits comme à
Ammerschwihr, La Bresse ou Gérardmer, bénéficient de réflexions à l'échelle urbaine et d'une
rénovation qui va bien au-delà de la simple reconstruction des bâtiments.
Le premier titulaire du Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme, Raoul Dautry,
imprime jusqu’en 1946, sa marque sur cette administration. Parmi ses successeurs, Eugène
Claudius-Petit, proche des théories de Le Corbusier, va réussir à imposer une cadence élevée
au secteur de la construction et à donner corps à une véritable politique d’aménagement
d’ampleur nationale au début des années 1950. La modernité et l'industrialisation vont de
paire pour améliorer les conditions de vie selon les préceptes modernistes12.
Dans un premier temps, entre 1945 et 1950 environ, la priorité du gouvernement est
mise sur la reconstruction d'urgence, c'est-à-dire d'assurer un toit aux sinistrés par leur abri
dans des baraques, de déblayer les gravats… mais surtout de relancer l'économie du pays. Une
politique globale est impulsée par l’Etat pour effacer les blessures et les ruines de la guerre en
se tournant vers l’avenir. Afin de créer les conditions d'une croissance à long terme, les
grandes infrastructures et les équipements industriels sont privilégiés (Plan Monnet). Les
moyens sont mis en œuvre pour rétablir les ponts, les routes, les chemins de fer. L'objectif est
aussi d'améliorer les réseaux, de les agrandir et de les moderniser. Pour le MRU, le problème
n'est pas seulement quantitatif, mais aussi qualitatif. Les matériaux, la main d'œuvre et les
savoir-faire sont de même dirigés en priorité vers la remise en activité du système productif :
les usines de charbon, d'acier, de ciment, de matériels de transports, les centrales
électriques…
En effet, la reprise de l'activité industrielle et plus particulièrement textile dans les Vosges, est
conditionnée par la reconstruction ou la réparation des bâtiments (vitres, tuiles…) et du
matériel de production (installations de forces motrices, machines…), par la livraison de
charbon et de matières premières, par le rétablissement du courant électrique et par
l'amélioration des transports et des communications13.
Parallèlement, l'agriculture est encouragée à reprendre le plus rapidement possible et à
améliorer sa productivité par l'apport de nouvelles machines agricoles plus efficaces.
Dans un second temps, entre 1950 et 1957 environ, la priorité est mise sur les
constructions et la modernisation des villes, et principalement sur l'habitation. La grave crise
du logement qui est déjà sensible dans les années 1930 en raison de l’exode rural notamment,
se trouve aggravée par les destructions de la guerre et l'accroissement démographique de
l'après-guerre. Traduisant cette priorité, le MRU devient le Ministère de la Reconstruction et
du Logement (MRL) en 1955.
Il s'agit alors de construire des logements en grande quantité, rapidement, à bon marché tout
en participant à l'effort national de relance économique. Cette démarche privilégie les
structures collectives et les ensembles urbains. Toutefois, le souci de qualité est encore
présent, par la volonté de produire des logements modernes, fonctionnels, sains et
confortables.
12
Onimus-Carrias, Sophie. Le patrimoine de la Reconstruction : les villages de la Poche de Colmar, Revue de
l'Institut national du Patrimoine, n° 4, 2008
13
Bouvet, Doyen, Feger. Les Vosges après les ruines, Reconstruction et Modernisation 1918... 1945..., Archives
départementales des Vosges, Conservation des Antiquités et Objets d'Art, Epinal, 1991.
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16
L'objectif est ainsi de reloger tous les sinistrés qui vivent encore dans des constructions
provisoires, dont l'entretien entraîne de lourdes dépenses et qui empêchent de donner aux
localités reconstruites leur visage définitif.
2.2. L'obligation d'aménager chaque ville sinistrée
Selon les indications du MRU, chaque commune sinistrée est obligée de prévoir une
reconstruction d'ensemble, à travers l'établissement d'un plan de reconstruction et
d’aménagement (PRA). Les PRA suivent des principes généraux permettant le zonage par
regroupement des grandes fonctions urbaines, le déplacement des équipements,
l'aménagement de la circulation par l'ouverture, l'élargissement et la rectification des voiries
au moyen d'expropriation, et le remodelage des parcelles par remembrement14. La
reconstruction de quartiers entiers, voire de localités entières, nécessite de dessiner des plans
d'ensemble, porteurs d'une réflexion urbaine globale qui confère une grande unité aux
nouveaux sites.
Si le MRU fixe des règles précises et contraignantes quant à l'organisation de la
reconstruction (procédures et structure des PRA), il laisse le champ libre aux architectes.
Agréés par le MRU, ces architectes vont adapter le style architectural des reconstructions afin
de permettre leur intégration au niveau local, dans les paysages, en fonction des circonstances.
Dans les Vosges et en Alsace, les architectes à l'œuvre sont le plus souvent de la même
génération issue de l'Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris (ENSBA), mais avec
de fortes attaches locales. Ils s'attellent ainsi à repenser et organiser plus rationnellement les
villes et villages détruits, tout en conservant une identité locale assez forte. La reconstruction
s'y effectue à un rythme relativement soutenu par rapport au reste de la France.
Le PRA d'Ammerschwihr est établi par Gustave Stoskopf en 1945. Il est approuvé par
le conseil municipal en 20 mars 1947, et validé définitivement par arrêté préfectoral le 06 mai
1949. Dans le rapport justificatif du projet, l'architecte explicite son projet : les idées fortes
concernent en premier lieu la circulation et le zonage. Les qualités urbaines et esthétiques de
la commune sont intrinsèquement liées à l’irrégularité des rues dont les inflexions et les
chicanes, formées au gré de l’histoire, créent des perspectives limitées. L'idée est ainsi de
conserver l'ambiance du village viticole tout en y apportant la modernité nécessaire15. La
reconstruction d'Ammerschwihr s'achève vers 1956, avec l'édification de 140 ensembles
immobiliers, 6 immeubles d'habitations et la réparation de 30 maisons, par 15 architectes et
300 entreprises16.
Le PRA de Gérardmer est confié à l'architecte André Gutton en 1945. Il est approuvé
par le conseil municipal en 1946, et par arrêté préfectoral le 19 juin 1947, puis modifié
partiellement en janvier 1952. La circulation est au centre des préoccupations également, tout
en s'attachant à appuyer la vision urbaine et touristique de la ville.
14
Voldmann, Danièle. La reconstruction des villes françaises de 1940 à 1954 : histoire d’une politique. Paris :
L’Harmattan, 1997
15
Bolle, Gauthier. Gustave Stoskopf (1907-2004), architecte et poète alsacien. De la reconstruction aux grands
ensembles. Thèse sous la direction d’Anne-Marie Châtelet. Université de Strasbourg, 2014.
16
Lichtlé, Francis. Et elle renaît de ses cendres… La reconstruction d’Ammerschwihr, 1945 – 1961, Editions
JD. Reber, 2005.
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17
Pour La Bresse, le MRU nomme tout d'abord André Gutton qui est en charge du PRA
de Gérardmer mais aussi de ceux de Dakar, Boulogne-Billancourt et Issy-les-Moulineaux. Il
n'intervient pas à La Bresse et est remplacé par le spinalien, Emile Louis Deschler. Le PRA de
La Bresse est approuvé par le conseil municipal le 30 novembre 1945, et définitivement
validé par le ministre le 17 juillet 1946. L'urbanisme mis en œuvre vise à transformer le gros
village montagnard en une petite ville moderne. La reconstruction s'y achève avec
l'inauguration de l'Hôtel de ville en septembre 195917.
Suite à la validation des PRA et au déblocage des crédits de reconstruction, la reconstruction
proprement dite est amorcée, et ce pour une durée programmée de 10 ans.
2.3. Des procédures de reconstruction individuelles
ou collectives
La loi du 28 octobre 1946 reconnaît aux sinistrés le droit à réparation intégrale. Les
indemnités de dommages de guerre (IDG) sont alors calculées sur la base du plan de
l'immeuble avant destruction du bien. Le coût de la reconstruction à l'identique est ensuite
calculé. De ce montant des IDG seront déduits : la vétusté, un coefficient géographique, des
taxes, la récupération des matériaux et le recours aux constructions provisoires. Cette
indemnité doit permettre au sinistré d’acheter un nouveau logement ou de financer la
reconstruction de l’immeuble détruit. Il convient de distinguer les opérations individuelles des
opérations groupées.
Opérations individuelles
Dans le cadre d'opérations individuelles, les propriétaires sinistrées peuvent acheter un
immeuble sans affectation immédiate (ISAI) ou construire un immeuble à l'aide des IDG sans
être soumis à tous les impératifs d'un projet collectif. Ce fut plus souvent le cas pour les villas,
les fermes isolées, les immeubles réparables. Le bâtiment, situé ou non dans le périmètre de
reconstruction, devra se conformer aux règles générales énoncées dans le PRA. Dans tous les
cas, les projets sont élaborés par des architectes d'opération qui sont agréés par le ministère.
Opérations groupées
Les sinistrés localisés dans des îlots entièrement détruits sont tenus de réaliser des
opérations groupées. Ainsi tous les propriétaires d'immeubles doivent se constituer en
Association Syndicale de Remembrement ou de Reconstruction (ASR) dont le
fonctionnement est réglé par un arrêté du 11 octobre 1946. Afin de construire des ensembles
cohérents, il est alors nécessaire de repenser le parcellaire de façon à supprimer les petites
propriétés émiettées. Cela suppose un remembrement concerté. Après la liste des terrains
(identification, propriétaire, valeur) situés à l'intérieur du périmètre à remanier effectuée, les
dossiers d'expropriation sont réalisés, et enfin, le nouveau plan de remembrement est
confectionné. Chaque propriétaire a donc transféré sa propriété, ses droits et ses IDG à l'ASR.
Une redistribution parcellaire en fonction des prescriptions des projets d'aménagement et des
intérêts légitimes de chacun est accomplie.
17
Doyen, Jean-Pierre. La Bresse après les ruines, Reconstruction et modernisation d'une petite ville des HautesVosges : 1944-1962. Journées d'études vosgiennes 2013.
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Le relogement s'effectue dans la zone remembrée, mais souvent une zone de compensation est
édifiée en parallèle, afin de dédensifier les zones d'habitation, élargir les voies et créer des
espaces verts18. Ainsi, des plans de remembrement et de zones d'égale valeur ont été établis
pour justifier l'égalité de traitement entre les sinistrés lors de déplacement dans les zones de
compensation.
La Bresse, plan de remembrement et zones d’égale valeur (1948) source : AD88 1152W239.
18
Dieudonné, Patrick. Villes reconstruites, du dessin au destin. Actes du colloque international des villes
reconstruites (2 ; 20-22 janvier 1993, Lorient). Paris : L'Harmattan, 1994.
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19
Les procédures de remembrement furent souvent longues, parfois conflictuelles, mais la mise
en place d'Associations Syndicales de Remembrement a réellement permis d'accélérer les
travaux.
Appelées à se transformer dans un second temps en Associations Syndicales de
Reconstruction, ces associations participent à la définition des programmes de reconstruction,
et gèrent les avances de l’État. Elles ont pour mission d’assurer le lien entre l’administration
et les sinistrés. Elles ont donc pour responsabilité la maîtrise d'ouvrage des projets, la mise en
concurrence des entreprises du bâtiment, le suivi de chantiers jusqu'à la réception des travaux.
Cette mise en commun permet bien entendu de mutualiser les fonds, de grouper les chantiers
et d'accélérer les délais.
A Ammerschwihr, c'est la Société Coopérative de Reconstruction19 (crée le 25 février 1948)
qui prend en charge ce rôle afin d'établir les plans, devis et marchés liés à la reconstruction, et
de surveiller les travaux. Une sous-commission est même chargée de constater les immeubles
à reconstruire avec les architectes, pour vérifier que les sinistrés ne désirent pas dépasser les
montants attribués par les dommages de guerre, et pour contrôler les garanties que les sinistrés
pourraient produire vis-à-vis de la coopérative.
Les ASR peuvent même se substituer aux sinistrés dans le cadre des Opérations préfinancées
(OP).
Opérations Préfinancées (OP)
Dans le cadre des opérations préfinancées, l'Etat prend en charge l'opération de
construction et loge les sinistrés en offrant des conditions avantageuses d'utilisation des titres
d'indemnisations. Les opérations préfinancées peuvent concerner un ensemble d'immeubles
sur un territoire circonscrit (OP36 et OP 45 à Gérardmer, OP 13 et OP 43 à La Bresse) ou un
type de bâtiment (les fermes des OP35 sur Gérardmer et des OP 22 et 22 bis à La Bresse). Ces
opérations programmées annuellement sont entièrement gérées par les ASR en fonction des
avances de l’État.
Des plans types et des variantes, avec leur correspondance en coûts types, sont établis par les
architectes d'opération du MRU. Le sinistré s'inscrit alors, choisit le modèle et ses détails, puis
cède son terrain à l’ASR qui le lui revendra bâti, moyennant son IDG. L’adhésion à une telle
opération limite les choix mais garantit une construction rapide à un coût prédéterminé.
A titre d'exemple, les OP 22 et 22 bis à La Bresse concerne la reconstruction de 30 fermes sur
deux années (1953 à 1955). Les plans sont dressés par les architectes Henri Gaillemin et
Louis Mathieu. Ces derniers reprennent le plan traditionnel de la ferme vosgienne de
montagne en l’adaptant aux règles d’hygiène en vigueur20.
19
Lichtlé, Francis. Il y a 50 ans...; un aspect de la reconstruction d'Ammerschwihr : La société coopérative de
reconstruction 1948-1961. 1998
20
Henry, Jean-Yves. La Seconde Reconstruction dans l’est des Vosges, In Situ, mis en ligne le 12 juillet 2013
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20
3. L'urbanisme
La plupart des villes et villages s’est développée de manière progressive. Leur histoire
est faite d'ajouts de quartiers juxtaposés, rarement de composition d’ensemble. La destruction
de cités quasi-entières est une occasion tout à fait unique de repenser l'organisation et
l'aménagement des espaces urbains, en vue d'assurer le bien-être des habitants et d'améliorer
les rapports sociaux en préservant l'environnement. Cette réflexion est au cœur des démarches
de ces architectes-urbanistes de la reconstruction. L'immense tâche de la reconstruction est
vécue comme une expérience confrontant les idéaux modernes et régionalistes de
l'architecture et de l'urbanisme avec les réalités complexes du terrain, où l'aspect humain est à
prendre en compte en plus des contraintes techniques21. Les idées issues du défaitisme du
début des années 1940 présentent la France comme appauvrie, n’ayant pas les moyens de bien
se reconstruire. En réalité, la France abrite à cette époque de nombreux architectes très bien
formés, dont quelques uns sont reconnus au niveau mondial22.
3.1. Des architectes avec des conceptions diverses au
service de la reconstruction
Au cours de la première moitié du 20e siècle, plusieurs courants relatifs aux arts, à
l'architecture, au patrimoine se côtoient, s'élaborent. Les architectes développent une
perception personnelle qui se traduit dans leurs dessins et leurs constructions. Ces différentes
tendances, le classicisme, le régionalisme et le modernisme se confrontent et apportent
l'ensemble des clés de lecture de l'architecture et de l'urbanisme de la seconde reconstruction.
Les références au classicisme dans les constructions du milieu du 20e siècle se font
surtout à travers la volonté de mettre en œuvre des séquences continues d'immeubles de
grande taille, à l’image des conceptions haussmanniennes. Les façades de ces bâtiments
suivent bien entendu les règles de composition classique : régulières, ordonnancées,
symétriques, avec des baies plus hautes que larges. L’unité donnée à ces ensembles s'intègre
indifféremment dans des projets portés par des architectes-urbanistes pouvant être qualifiés de
modernes ou de régionalistes.
Un mouvement régionaliste insistant sur l'intégration locale
Les architectes dits régionalistes proclament que leur créativité ne s’exerce pas dans la
recherche d’un style ou d’un décor original destiné au plaisir du passant amateur d’art, mais
plutôt dans la composition de volumes et les successions d’espaces, devant être appréciées par
l’usager19. Ils s’enracinent dans le terroir, et cherchent à retrouver les traditions populaires
supposées immémoriales et naturellement adaptées au contexte local. Pour eux, introduire une
architecture qui nie cette tradition, est une agression d’un point de vue esthétique. Cela se
traduit par l'utilisation de matériaux locaux et de compositions de façades simples avec la
21
Les reconstructions des années 1920 et 1950 en Lorraine, un renouveau architectural et urbain. La gazette
lorraine, n°388, 2011.
22
Plum, Gilles. L’architecture de la reconstruction. Paris : N. Chaudun, 2011.
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21
reprise des caractères de la porte et de la fenêtre, le maintien des formes de toit, et un mode de
décoration limité mais pas absent.
Les régionalistes s’appuient sur la Charte de l’architecte reconstructeur qui promeut
notamment le régionalisme sans pastiches, la modernité, la salubrité et l’hygiène,
l'amélioration des conditions de vie, de confort et d'hygiène, tout en respectant également
l’harmonie des paysages : « […] vous bâtirez avec un esprit moderne, imprégné de ce qui,
dans le traditionnel, a résisté au temps et en vous adaptant aux conditions locales »23. Ils sont
contre une architecture internationale, affichant la suprématie de la construction sur la nature,
et se traduisant par une architecture à la géométrie abstraite, implantée en affrontement avec
le paysage. A titre d'exemple de reconstruction dite "à l'identique" ou "régionaliste", sont
souvent citées celles des villes de Senlis (Oise) par l'architecte Roger Faraut ou Gien (Loiret)
par André Laborie.
Le régionalisme, à mettre en parallèle du mouvement de l'Heimatschutz en Allemagne24, est
très vivant toute la première moitié du 20e siècle, mais son influence diminue
progressivement par la suite. Il est ainsi perçu comme une alternative à la pure géométrie des
modernes25.
Les apports audacieux du mouvement moderne
Les modernes sont hostiles à la reprise des styles anciens, et veulent une architecture
d'avant-garde qui tranche avec les monuments anciens. Ils trouvent dans la destruction quasicomplète de quartiers ou de villes, l'occasion de s'affranchir du patrimoine ancien et de
reconcevoir ces villes selon des modalités inédites. Ils s’appuient pour cela sur la Charte
d’Athènes26, qui promeut la création de nouvelles zones indépendantes en parallèle des
quartiers historiques. Ces nouveaux espaces sont déterminés par leur fonction : habitation,
travail, récréation et circulation. Dissociant le bâti et la voirie, les voies de transport sont
hiérarchisées dans le but de limiter les temps de transport entre les zones industrielles et les
habitations, tout en les séparant par des zones de verdure. Les équipements scolaires, sportifs
et de loisirs sont implantés à proximité des habitations. Dans une volonté de bien-être
accessible à tous, les constructions sont toutes en lignes, courbes et formes géométriques. Les
immeubles sont en hauteur, en vue d’économiser la maçonnerie et le terrain, aérant l'espace
urbain par de grands espaces verts et sauvegardant les conditions d’ensoleillement et
d’éclairage. En évitant le morcellement en petites parcelles, en mettant en commun le sol, on
maximise les espaces de jardin. La forme découle alors de la fonction et de la technique de
construction, ceci devant aboutir à une simplicité qui redonne de l’importance à l’usager.
L'urbanisme doit être un soutien dans l’organisation politique et sociale de la cité22.
Prônant aussi l'industrialisation de la construction, les modernes sont souvent accusés d’être
des partisans de la table rase. Les bâtiments construits sont alors perçus comme inhumains,
des machines à habiter réduisant l’homme à l’état de machine, avec un urbanisme sans
mémoire après les traumatismes de la guerre et des destructions.
Ils ont donc fréquemment été repoussés, comme ce fut le cas pour le projet proposé par Le
Corbusier à Saint-Dié. Les habitants ne voulaient pas de "buildings collectivistes", mais
23
« Charte de l’architecte reconstructeur 1941 », L’Architecture française, février 1941, n° 4, pp 42-48
Bolle, Gauthier. Gustave Stoskopf (1907-2004), architecte et poète alsacien. De la reconstruction aux grands
ensembles. Thèse sous la direction d’Anne-Marie Châtelet. Université de Strasbourg, 2014.
25
Plum, Gilles. L’architecture de la reconstruction. Paris : N. Chaudun, 2011.
26
La Charte d'Athènes est rédigée en 1933 à l’occasion des congres internationaux d’architecture moderne. Le
Corbusier en était l’investigateur des recherches.
24
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
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22
tenaient à des maisons individuelles faites en pierres des Vosges27. Toutefois à l'exemple du
Havre, reconstruit selon les plans de l'architecte Auguste Perret, ou de la Cité Radieuse de Le
Corbusier à Marseille, les qualités de certaines reconstructions modernes sont reconnues.
Une confrontation aux longues répercussions
Cette divergence de points de vue sur la manière de concevoir la reconstruction va
laisser des traces très fortes dans la mémoire collective et dévaloriser durablement l'image de
la seconde reconstruction, en dépit de ses qualités intrinsèques. A l'image de ce qui s'est passé
à Saint-Dié-des-Vosges, les modernes ont souvent été décriés par les sinistrés pour leur
manque de prise en compte des réalités locales. Toutefois, relativement peu de projets
modernes ambitieux ont vu le jour après-guerre, et les architectes modernes ont ouvertement
déploré cette "occasion manquée" par la frilosité des maîtres d'ouvrage. La crise idéologique
des théories modernes se traduit par une perte de confiance généralisée dans les modèles
pragmatiques, expérimentés dans les années 1950 et exploités déraisonnablement à la fin des
années 1960. Les grands ensembles, tours, barres sont déclarés inhumains et destructeurs des
relations sociales, dans un monde en cours de globalisation. Ceci explique les attitudes
négatives qui vont s'étendre à l'ensemble des productions de la reconstruction, malgré leur
qualité d'exécution et d'intégration. Ces bâtiments cristallisent depuis la fin des Trente
Glorieuses, les problèmes sociaux et économiques, et font l'objet de destructions, de
maquillages des façades…24
A la source, le MRU n'a pas imposé de règles esthétiques, seulement des règles
d'organisation, d'administration et de construction. Chaque architecte agréé par le MRU, était
libre de mettre en œuvre le style le plus adapté localement, et des solutions parfois très
proches pour des mêmes problématiques ont été élaborée sur l'ensemble du territoire français.
Ce système a produit des constructions d'une grande homogénéité, que certains qualifient
plutôt d'une grande monotonie. On ne peut s'affranchir également du fait que la plupart des
architectes de la reconstruction n'ont pas cherché à faire œuvre d'architecte, mais plutôt à
concevoir les espaces riches de réflexions sociales et économiques28.
Lorsque l'on envisage aujourd'hui l'histoire de la reconstruction, le bilan apparaît moins
négatif que celui dressé par les architectes modernes, ou leur opposants. Une grande partie des
réalisations de cette époque sont de qualité, en comparaison des productions précédentes et
postérieures.
Vers un modernisme modéré : un aménagement volontaire du territoire tout en respectant les
traditions
Cette divergence entre régionalistes et modernes a aussi créé de nouvelles formes
architecturales synthétisant les avantages des deux conceptions, tout en tentant d'en limiter les
désagréments. Cette tendance que l'on peut qualifiée de "modernisme modéré", insiste sur la
nécessité de reconstruire selon les normes contemporaines (hygiène, confort, salubrité,
industrialisation, circulation…) tout en préservant les repères des populations, leur mémoire,
leur territoire, leur culture par une intégration forte des constructions dans le paysage local.
27
Abram, Joseph. L'architecture moderne en France : t. 2 - du chaos à la croissance (1940-1966). dir. Gérard
Monnier. Paris : Picard, 1999.
28
Onimus-Carrias, Sophie. Le patrimoine de la Reconstruction : les villages de la Poche de Colmar, Revue de
l'Institut national du Patrimoine, n° 4, 2008
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
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23
Le principe de la table-rase y est exclu, et les propositions des plus modernes sont réservées
pour les grandes villes afin de répondre à la crise du logement. L'approche des régionalistes
correspond mieux aux enjeux de reconstruction des petites villes et des villages. Ainsi, il est
souvent préféré des plans s'employant à retrouver l'apparence ancienne des bourgs en
conservant une grande partie des axes de circulation, la volumétrie des constructions, des
matériaux locaux…
Dans le contexte de l'après-guerre, la plupart des responsables administratifs agréés par le
MRU viennent de la région parisienne, mais ils s'appuient sur un réseau d'architectes locaux,
enfants du pays, qui font le lien entre les normes étatiques et les spécificités territoriales.
Dans les Vosges, comme en Alsace, ces architectes souhaitent tout d'abord apporter les
normes modernes de confort et d'hygiène, plutôt que de proposer des solutions audacieuses et
d'avant-garde. Ils focalisent leur action sur la reconstruction de villes et villages sains et
confortables. Certains quartiers anciennement insalubres sont dédensifiés.
A l'image de Gustave Stoskopf, ces architectes perçoivent les enjeux locaux et adaptent les
règles étatiques en fonction de chaque localité, tout en tenant compte des volontés des
habitants, et en insistant sur la notion de qualité. Celle-ci doit transparaître, selon lui, à travers
les dispositions du plan, les possibilités d’aménagement, et aussi à travers la présentation en
bonne et due forme du dossier. Ainsi, il met en œuvre des conceptions régionalistes pour les
reconstructions des villages de la Poche de Colmar, tandis qu'en parallèle, il fait réaliser des
HLM quai des Belges, puis le quartier de l'Esplanade à Strasbourg dans une optique
moderniste. Dans tous les cas, il fustige le recours aux décors artificiels et au pastiche
alsacien29.
Les architectes alsaciens et vosgiens ont ainsi à cœur de mettre en œuvre des reconstructions
tempérées qui cherchent à préserver la silhouette d'origine des villes et villages, en s'inspirant
de l'ancien tracé des rues tout en l'actualisant, en rationalisant le terrain à bâtir afin d'améliorer
les conditions de vie et de travail. Pour réduire des frais de construction, l'utilisation des
nouveaux matériaux et de pièces préfabriquées est aussi importante que la récupération des
matériaux des bâtiments détruits. Le caractère local de l'architecture et de l'urbanisme peut
être atteint par une recherche de proportions qui respectent les paysages et les éléments de
patrimoine épargnés des destructions.
Les principaux architectes de la Reconstruction d'Ammerschwihr, Gérardmer et La Bresse.
La plupart des architectes de premier plan oeuvrant à la reconstruction des Vosges et
de l'Alsace sont issus de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-arts de Paris (ENSBA). Les
architectes en chef de la reconstruction s'appuient ainsi sur des équipes d'architectes locaux de
qualité.26
29
Bolle, Gauthier. Gustave Stoskopf (1907-2004), architecte et poète alsacien. De la reconstruction aux grands
ensembles. Thèse sous la direction d’Anne-Marie Châtelet. Université de Strasbourg, 2014.
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24
- Architecte en chef de la reconstruction d'Ammerschwihr : Gustave Stoskopf Né en 1907 à Brumath, Gustave Stoskopf obtient le second prix de Rome en 1933. Diplômé
de l'ENSBA, architecte architecte Diplômé Par Le Gouvernement (DPLG) en 1935, il est
aussi peintre et concepteur de décor. Il est affecté à la reconstruction dès 1941 pour relever
Montier-en-Der (Haute-Marne). Il est à la Libération, nommé architecte en chef de la
reconstruction des villages viticoles de la poche de Colmar. Puis, sa mission est étendue à
l'ensemble du Territoire de Belfort, du Haut-Rhin et, puis à l'Alsace, où le ministère de la
construction lui donne un droit de regard sur tous les projets jusqu'en 1973 en qualité
d'architecte-conseil. Il est également enseignant et directeur de l'Ecole régionale d'architecture
de Strasbourg de 1949 à 1967, ainsi que membre fondateur de l'Institut des arts et traditions
populaires d'Alsace. Il meurt en 2004 à Paris. Lors de la reconstruction d'Ammerschwihr,
Gustave Stoskopf est en charge lui-même d’un certain nombre de chantiers : des équipements
publics (hôtel de ville, maison forestière, groupe scolaire et hospices civils), et de 19
propriétés individuelles (propriétés Adam, Fromm, Fuchs, Griss, Guthmann, Heinrich,
Kauffmann, Klein, Kohler, Kuehn, Meyer Jérôme, Meyer Théodore, Rieder, Salzmann,
Schiele, Schoech, Sick, Spettel et Weibel) 30.
- Collaborateurs de Gustave Stoskopf lors de la reconstruction d'Ammerschwihr Pour le seconder, Gustave Stoskopf s’adjoint les services de Pierre-Jules Haas (né en 1905 à
Illkirch-Graffenstaden - mort en 1991 à Colmar), qui dirige son agence de Colmar de 1947 à
1961. Gustave Stoskopf s'associe aussi à l’architecte Michel Porte, qui prend en charge
certains programmes notamment à Eguisheim et Riquewihr. Il réalise aussi de nombreuses
maisons individuelles et des commerces. De manière ponctuelle, Stoskopf s’associe à d’autres
architectes d’opération à Ammerschwihr et coordonne leurs actions : Jean Du Cailar (groupe
scolaire), Robert Lutz (hospices civils), Albert Schwein (hôtel de ville), Charles-Henri
Arnhold (né en 1906 à Strasbourg - mort en 1960 à Bergheim), architecte DPLG en 1932,
archéologue, et architecte des bâtiments de France et architecte des monuments historiques du
Haut-Rhin à partir de 1945, Beugnet, Chaumier, Chevin, Chomel, Jules Ehny, architecte
colmarien, Fuchs, Huentz, Kehr, Pierre Keller, Maechler, Muller, Ruch, et William
Vetter.27.
- Architecte en chef de la reconstruction de Gérardmer : André Gutton Né en 1904 à Fontenay-sous-Bois (Seine), André Gutton est architecte DPLG en 1927.
Egalement urbaniste, il est nommé Architecte en chef des bâtiments civils et des Palais
nationaux en 1936, puis architecte en chef de l'Institut de France de 1943-1969. Il obtient
l'agrément du MRU pour les départements de la Seine, de la Seine-et-Oise et des Vosges, et
est en charge de la reconstruction de Gérardmer, Boulogne-Billancourt, Issy-les-Moulineaux,
Rueil, Enghein… Il réalise aussi les plans d’aménagement de Dakar (Sénégal) en 1944,
d'Alep (Syrie) en 1951, de Sihanoukville (Cambodge) en 1959, où il remodèle le cadre des
villes. Il a été architecte des PTT, architecte en chef de l'Opéra de Paris (1950-1954) et
professeur à l' ENSBA (1949-1958) et l'Institut d'urbanisme de l'Université de Paris (1944). Il
occupe les fonctions de président de la commission d’urbanisme à l’Union internationale des
architectes (1950-1960), et de rapporteur du Comité d’aménagement de la région parisienne
(1965-75). Il meurt en 2002.
30
Bolle, Gauthier. Gustave Stoskopf (1907-2004), architecte et poète alsacien. De la reconstruction aux grands
ensembles. Thèse sous la direction d’Anne-Marie Châtelet. Université de Strasbourg, 2014.
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- Collaborateurs de André Gutton lors de la reconstruction de Gérardmer André Gutton s'entourent d'architectes locaux pour le seconder : André Trottin, architecte
DPLG, agréé MRU n°1713, qui réalise des plans d’aménagement, notamment celui du
quartier Kléber.
Igor Ivanoff, (né en 1916 à Nicolaiev en Russie - mort en 1977). Architecte DPLG, diplômé
de l'ENSBA en 1945 et agréé MRU n°6091. Il participe à la réalisation de la ZAC de la
Justice à Epinal (1960-1962). Il prend en charge plusieurs éléments importants de la
reconstruction de Gérardmer (immeuble Z, gymnase rue du levant…) et des maisons privées.
Installé au 66 grande rue à Gérardmer, il est associé en cabinet aux architectes A. Brement, J.
Pannier, A. Poupas et Pierre Poisson (architecte DPLG, agréé MRU n°3058).
D'autres architectes collaborent de manière plus ponctuelle à la reconstruction de Gérardmer :
Maurice Balland (né en 1918 à Morains en Haute-Marne - mort en 1986) architecte DPLG,
diplômé de l'ENSBA, agréé MRU n°6893, il est installé à Gérardmer.
Henri Ballereau, (né en 1919 à Paris) architecte DPLG, diplômé de l'ENSBA en 1948 et
agréé MRU n°8082. Il est associé à Jacques Chabraison (né en 1905 à Grez-dur-Loing en
Seine-et-Marne) architecte DPLG, diplômé de l'ENSBA en 1935 et agréé MRU n°219. Il
exerce entre Nancy et Paris jusqu'en 1976. Ensemble, ils réalisent notamment les écoles Jean
Macé, du Costet-Beillard et des Bas-Rupts à Gérardmer.
Jean Gaudin agréé MRU n°3655
Charles Gillet (né en 1888 à Charmois l'Orgueilleux), agréé MRU n°4415, est installé à
Gérardmer et participe aux travaux de reconstruction de l'Eglise de Gérardmer. Il effectue
aussi des relevés de l'état ancien, notamment celui de l'école du centre.
Georges Jacquet, architecte DPLG, agréé MRU n°560, basé 53 avenue de Breteuil à
Paris 7e, avec une agence régionale au 2 rue Sainte-Cécile à Mirecourt. Il est chargé de la
réalisation du Quartier Kléber.
Robert Danis (né en 1879 à Belfort - mort en 1949 à Paris) architecte DPLG, diplômé de
l'ENSBA en 1905, est Inspecteur général des bâtiments civils et des palais nationaux ainsi que
Architecte en chef des Monuments Historiques en 1913. De 1919 à 1937, il dirige les services
d’architecture en Alsace-Lorraine, et fonde l'Ecole régionale de l'architecture de Strasbourg,
dont il est directeur de 1921 à 1949. Architecte en chef des Archives nationales (1924) et
Inspecteur général des bâtiments civils (1939), il est aussi à l’origine de la création du corps
des architectes des Bâtiments de France. Architecte restaurateur passionné par l’architecture
monumentale, il est en charge de la reconstruction de l'église de Gérardmer.
- Architecte en chef de la reconstruction de La Bresse : Emile Louis Deschler Pour réaliser la reconstruction de La Bresse, le MRU nomme tout d'abord André Gutton.
Toutefois, étant donnée la charge des missions dans lesquels il est déjà engagé dans les
Vosges, en région parisienne, à Alep, à Dakar…, il est remplacé par Emile Louis Deschler.31
Né en 1910 à Epinal et mort en 1992, architecte DPLG, diplômé de l'ENSBA en 1937, agréé
MRU n°335, il est à la fois architecte-urbaniste et artiste peintre, décorateur. De 1951 à 1971,
il réalisa à Epinal de nombreux bâtiments, dont l’Hôtel Central, la synagogue, la chapelle de
31
Doyen, Jean-Pierre. La Bresse après les ruines, Reconstruction et modernisation d'une petite ville des HautesVosges : 1944-1962. In : 15e Journées d'études vosgiennes (octobre 2013 ; La Bresse), Fédération des sociétés
savantes des Vosges, Racines bressaudes, la Maison des Loisirs et de la Culture. 2014.
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l'école Notre Dame, les écoles privées Saint Goëry, Jeanne d'Arc et Saint Joseph, le Crédit
Agricole et le gymnase de la Z.U.P.… Il travailla aussi à la reconstruction de Charmes,
Brouvelieures, Anglemont, Ramonchamp, Girmont, Raon l'Etape...
- Collaborateurs de Emile Louis Deschler lors de la reconstruction de La Bresse En plus de la réalisation du PRA, Emile Louis Deschler est l'architecte des monuments aux
morts à la Bresse. Il s'adjoint les compétences de Jean Robert Bressolles (né en 1905 à PortSaïd en Egypte) architecte DPLG, diplômé de l'ENSBA en 1946, agréé MRU n°1141.
D'autres architectes participent ponctuellement à des opérations de reconstruction à La Bresse,
comme les architectes Jean Daniel Lucius agréé MRU n°5843, Gilbert Theveniault agréé
MRU n°4845, et Charles Gillet agréé MRU n°4412 et installé à Gérardmer.
Jean Boistel, (né en 1916 à Paris) architecte DPLG, diplômé de l'ENSBA en 1945, agréé
MRU n°6204, a notamment travaillé à Nuits-Saint-Georges, Chaumont, Chalindrey, Epinal,
Saint-Dié et La Bresse en lien avec le cabinet Brement, Pannier, Ivanof et Poisson basé à
Gérardmer.
René Demay, (né en 1901) architecte DPLG, diplômé de l'ENSBA en 1924 agréé MRU
n°321. Il exerce avec son frère Emile, à Paris jusqu'en 1956 et ils fondent une agence à
Neufchâteau en 1950. Il achève notamment l'édification de la basilique Jeanne d’Arc à
Domrémy (après la mort de Paul Sédille).
Pierre de La Personne (né en 1917 à Paris) architecte DPLG, diplômé de l'ENSBA en 1945,
agréé MRU n°6828, est installé à Remiremont. Il est architecte du département de la HauteMarne en 1957. Il collabore de 1946 à 1956, avec l'architecte Robert Reuillon (né en 1902 à
Nimes), qui intervient aussi à La Bresse (maisons d'habitation, société coopérative les
consommateurs réunis…).
Pour les plans de l'hôtel de la ville de la Bresse, Emile Louis Deschler s'associe à Henri
Gaillemin, (né en 1911 à Cornimont) architecte DPLG, diplômé de l' ENSBA en 1937 agréé
MRU n°458. Pierre Jean Piaget (né en 1904 à Les Brenets en Suisse), qui possède le
certificat d'aptitude à l'exercice de la profession d'architecte, est un de ses dessinateurs. Il
devient son chef d'agence de 1923 à 1944. A partir de 1940, Pierre Jean Piaget fait des
expertises de bâtiments après incendie, il prête serment en 1954, et est agréé MRU n°7424. Il
travaille également avec Georges Dumont agréé MRU n°1862, Louis Meinard agréé MRU
n°7513, et Louis Mathieu (né en 1900 à Menton) architecte DPLG, diplômé de l'ENSBA,
agréé MRU n°6423. Il est chef d'agence chez ORLHAC à Paris de 1927 à 1939, puis se met à
son compte en 1959. Il est aussi Architecte du Ministère de la Jeunesse. Ensemble, ils
prennent notamment en charge la reconstruction d'édifices publics (école, mairie) aussi bien
que des fronts de façade (quai des Iranées), des immeubles d'habitation ou des hôtels.
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3.2. La constitution des Plans de Reconstruction et
d'Aménagement (PRA)
A la Libération, l'urbanisme est une discipline encore peu développée. La
reconstruction est encore parfois définie au niveau architectural par des plans d'ensemble qui
confèrent une certaine unité aux nouveaux quartiers, mais ne modifient pas fondamentalement
le tissu urbain. L’indemnisation des sinistrés et les crédits étant parfois longs à débloquer, un
temps assez important peut être consacré aux études et aux projets d’architecte.
La constitution d'un PRA débute par une enquête documentaire précise, qui décrit l’état de la
commune : données historiques et démographiques ; situation économique, de la circulation et
des transports ; destructions par faits de guerre ; valeur architecturale et des sites ; état des
équipements publics, de l'hygiène et de la viabilité.
Pour appuyer cette enquête, des plans sont établis pour faire état des destructions et des
périmètres à reconstruire. A l'extérieur de ceux-ci les services publics (eau potable, électricité,
évacuation des eaux usées…) ne sont pas assurés. L’architecte en chef rédige parallèlement
un rapport justificatif et propose un programme d’aménagement complété par un plan de
masse.
La grande majorité des architectes-urbanistes de la reconstruction s'appuie sur le territoire et
le réseau urbain préexistant, reprenant généralement le tracé des voies préexistantes,
conservant le principe d'îlot urbain fermé. Ils prennent en compte les plans d'aménagement ou
d'alignement préexistants pour les améliorer, les prolonger. Ainsi, à Gérardmer, André Gutton
se base sur le "Plan d'alignement et d'embellissement" réalisé par M. Boucher (architecte à
Saint-Dié-des-Vosges) en 1832. Ce plan avait pour objectif de donner un aspect plus urbain et
plus moderne à ce gros village montagnard, afin d'être plus en accord avec son essor
économique et touristique. A. Gutton modifie peu les voies existantes, il les redresse parfois.
Il s'attache plutôt à prolonger la structure de la ville par la création d'axes de circulation
irrigant la nouvelle zone industrielle (le long de la Jamagne) et les nouveaux quartiers
d'habitations (coteaux des Xettes et de la Haie Griselle, La Croisette…). Un travail particulier
est accordé à la liaison entre le lac et la ville en créant une vaste esplanade et plusieurs rues.
Plan d'alignement et d'embellissement de Gérardmer, M. Boucher, établi en 1832.
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Plan d'aménagement de Gérardmer, André Gutton, établi le 5 juillet 1945, rectifié le 28 janvier 1946 (AD88)
La Bresse et Ammerschwihr ne bénéficiaient pas de plan d’organisation antérieure à la
seconde reconstruction. Il s'agissait de gros villages s'étant développés progressivement au gré
du terrain et de l'histoire.
Ammerschwihr conserve avant tout sa vocation de village viticole, cependant Gustave
Stoskopf veille à y intégrer un fonctionnalisme nécessaire à son évolution vers la modernité. Il
conserve la trame des rues existantes, tout en les élargissant et les redressant afin d'en
améliorer le fonctionnement et la salubrité, sans effacer complètement l'essence ancienne des
ruelles de la Renaissance. Le réseau des voies de communication est travaillé avec soin,
notamment l'implantation de la route départementale 415. Le PRA proposé par G. Stoskopf
met aussi la priorité sur la création d'édifices publics et de nouveaux quartiers d'habitations
pour dédensifier le centre ceinturé par les remparts.
Pour La Bresse, la reconstruction est une occasion de moderniser la commune pour créer une
réelle petite ville en accord avec son développement économique, industriel, démographique
et touristique. Emile Deschler tend à favoriser la mitoyenneté au centre, tout en créant de
nouveaux quartiers aérés aux abords (quartier des Champions, rue François Claudel…). La
création de larges voies de circulation praticables et d'établissements publics à la hauteur de la
ville constitue un défit dans une zone montagneuse où les surfaces planes sont rares. Ces
terrains sont déjà occupés par les usines, sinistrées mais réparables, qui sont donc maintenues
dans le centre de l'agglomération.
A elles trois, Gérardmer, Ammerschwihr et La Bresse évoquent la variété des enjeux
locaux à laquelle sont soumis les architectes de la reconstruction pour appliquer les directives
du MRU. Dans tous les cas, un périmètre de la reconstruction est tout d'abord établi,
délimitant la zone considérée comme sinistrée. Puis, les différentes zones d'activités sont
identifiées. L'objectif est de redessiner les villes pour les faire entrer dans la modernité en
séparant les fonctions : Le centre pour les habitations et les commerces d'une part, la
périphérie aux usines, ateliers, cimetières ou quartiers d’habitations d'autre part.
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Zone en ordre continu : le centre-ville urbain
La zone en ordre continu forme le cœur de la cité. Il est constitué d'immeubles
mitoyens, formant des fronts de rue alignés. Cette zone, assez dense, regroupe des commerces
et des habitations afin d'affirmer son urbanité. La continuité des corniches crée une séparation
visuelle entre l'espace commercial au rez-de-chaussée et un ou deux étages de logements audessus. Cette forme rappelant la morphologie de la ville traditionnelle, permet de retrouver un
environnement familier, actualisé par l'utilisation de matériaux modernes, sans toutefois que
les dimensions des immeubles ne paraissent trop imposantes au piéton. La continuité se
poursuit également dans les angles de rues qui bénéficient d'un soin particulier. L'intégration
des commerces dans des angles arrondis ou à pans coupés leur permet une ouverture sur deux
rues. Ces angles facilitent aussi la visibilité et la circulation automobile et piétonne aux
carrefours.
Front de rue continue - Rue du Général de Gaulle à Gérardmer
Les immeubles collectifs sont privilégiés mais leur hauteur est réglementée. Par exemple, à La
Bresse, la hauteur des bâtiments (du sol à la corniche) ne doit pas dépasser la dimension de la
largeur de la rue, dans une limite de 11,20 mètres sur la place du Champtel et de 8,90 mètres
ailleurs32.
Les rues continues s'ouvrent sur de grandes places publiques, créées pour accueillir l'hôtel de
ville, l'église, la gare, les écoles… Les immeubles mitoyens forment alors un cadre ayant pour
but de magnifier des édifices publics majeurs. Lorsque des places préexistent, elles sont
redressées, agrandies, embellies (place du tilleul à Gérardmer, place de la fontaine de
Stockbronne à Ammerschwihr). Toutefois, il est nécessaire d'en créer de nouvelles pour aérer
la trame urbaine et mettre en scène les infrastructures communautaires, quitte à faire
disparaître un îlot d'habitation (place des déportés à Gérardmer, Place de l'Hôtel de Ville à
Ammerschwihr, Place du Champtel à La Bresse).
Si dans les PRA de Gérardmer et de La Bresse, les immeubles continus sont mis en œuvre de
manière assez rigide, la vocation plus rurale d'Ammerschwihr oblige à plus de souplesse dans
le dessin des rues. La zone continue est limitée à la cité à l'intérieur des remparts, et donne à
lire l'empreinte des anciens îlots et à produire des perspectives pittoresques. De même, les
fronts de rue sont certes en alignement, mais la variété des volumes proposés, permet des
32
Deschler, Emile Louis. Programme d'aménagement de La Bresse. Archives communales
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30
ruptures qui rappellent l'architecture préexistante. En témoignent les esquisses réalisées par
Gustave Stoskopf pour illustrer le caractère qu’il voulait donner à la zone intra-muros.
Esquisse de maisons dans la zone intra-muros en ordre continu à Ammerschwihr, réalisée par Gustave Stoskopf
en 1947 (source : AD68 série34J272)
Zone en ordre discontinu
Les zones en ordre discontinu encadrant la zone en ordre continu, prolongent les
perspectives en dédensifiant progressivement le tissu bâti, et en faisant la liaison entre le
centre urbain et les zones rurales, les paysages. Les immeubles sont séparés les uns des autres,
souvent jumeaux. Principalement destinés à l'habitation, ils peuvent éventuellement accueillir
une activité professionnelle en rez-de-chaussée. Cette zone anticipe souvent les aires
d'extension futures de la ville, pouvant être facilement densifiées par la suite. Les immeubles
de la zone discontinue peuvent ainsi être mis au service de l'effet visuel donné par l'ensemble
urbain : des immeubles symétriques de part et d'autre d'un axe, des immeubles d'angle, des
mises en perspective par des alignements…
Immeubles en zone discontinue, donnant les alignements et les gabarits du boulevard Kelsch à Gérardmer
La dimension des bâtiments varie en fonction de leur emplacement. Proches du centre ces
constructions s'apparentent à des immeubles urbains. En s'éloignant, elles prennent la forme
de maisons individuelles en retrait par rapport à la rue. La densité de construction à l'intérieur
des parcelles est limitée. Certains quartiers regroupent plutôt des villas (à proximité du lac à
Gérardmer, au sud du bourg à Ammerschwihr), tandis que d'autres se composent de maisons
pavillonnaires, de maisons jumelles et de cités ouvrières, entourées de jardins.
Quartier de compensation
Les quartiers de compensation sont implantés dans ces zones discontinues. Ce sont de
nouvelles aires aménagées et construites en vue de dédensifier les centres-bourgs. Implantés
en périphérie, ces quartiers de compensation permettent de reloger des habitants du centre qui
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31
voient leur propriété compensée dans le cadre du remembrement. Il s'agit généralement de
maisons jumelles ou pavillonnaires, implantées dans une réflexion globale concernant la
physionomie du bourg et l'aménagement des voies et espaces publics. Il est important que les
quartiers ne soient pas coupés du centre bourg (par une grande route ou un espace agricole).
La liaison a été réfléchie pour se faire de manière douce. Les quartiers de compensation sont
aussi des réserves foncières destinées à de futures extensions ou à la construction de
logements sociaux (les Hagis, le quartier Kléber à Gérardmer…).
A Gérardmer, la zone de compensation se développe à l'Est de la ville, dans la continuité des
axes de circulation, ouvrant de nouvelles zones de construction qui agrandissent la ville par
l'extension de ses faubourgs, entre le boulevard de la Jamagne et la rue de la haie Griselle
principalement. Il était également prévu de relier la rue des Rochires au boulevard de Colmar
afin de créer des logements supplémentaires de compensation, mais le projet ne se concrétisât
pas. Une zone de compensation était aussi prévue à Kichompré, afin d'y déplacer l'usine
textile et d'aérer les logements.
A la Bresse, deux nouveaux quartiers de compensation se bâtissent non loin du centre, au sud,
rue François Claudel (parallèlement à la Grande Rue) d'une part, et vers le nord, avec le
quartier des Champions entre la rue de la Résistance et la rue du Docteur Lapierre, d'autre
part.
A Ammerschwihr, le choix de l'implantation des quartiers de compensation est difficile car il
se fait au détriment des vignes. Toutefois, la nécessité d'espace pour les exploitations
modernes enserrées à l'intérieur de la vieille ville, pousse à l'implantation de trois zones
d'extensions : le secteur de Karrweg (de petites habitations), celui des Huben (des
exploitations moyennes) et celui du Hinterkirch au nord (le groupe scolaire et des
exploitations moyennes).
Ensembles cohérents (ordonnances et disciplines d'architecture)
Dans les zones en ordre continu ou discontinu, l'architecte en chef signale parfois sur
le PRA des secteurs qui feront l'objet d'ordonnance ou d'une discipline d'architecture. Ce sont
des points urbains particulièrement sensibles qui nécessitent une attention particulière :
places, carrefours, alignements, équipements publics, abords du lac de Gérardmer… L'un des
architectes agréés par le MRU prend ensuite en charge la réalisation de plans d'aménagement
qui serviront ensuite de base aux architectes et maîtres d'œuvre effectuant les travaux de
construction. Cette méthode permet de donner une grande cohérence au secteur malgré la
multiplicité des acteurs.
Extrait du PRA de Gérardmer
(A. Gutton),
surlignant en jaune les ordonnances
ou disciplines d'architecture
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32
Zone industrielle
L'idée émise par les architectes modernes de regrouper les activités industrielles dans
une même zone est communément mise en oeuvre dans les PRA. Ce regroupement des
industries en périphérie de la cité permet de libérer de l'espace au centre-ville pour la
construction d'édifices et d'espaces verts, tout en éloignant les activités polluantes. Cette
solution offre de plus aux entreprises des possibilités de synergies et extensions futures en
respectant l'environnement paysager.
A Ammerschwihr, les bâtiments industriels sont interdits dans l'agglomération et dans un
périmètre de 100 mètres pour limiter les perturbations du paysage33. Il est toutefois vrai que la
pression industrielle est faible dans ce village viticole, ce qui n'est pas le cas pour les deux
principales villes des Hautes-Vosges, dont l'économie repose sur les tissages, scieries,
graniteries…
A Gérardmer, le principe de regroupement des industries établit une zone industrielle à la
bordure nord-est de la ville, dans le fond de vallée peu bâti, à proximité de grandes usines déjà
implantées (Tissages Claude et Jacquard Français notamment). La canalisation de la Jamagne,
a permis la prolongation du boulevard, qui fut relié au boulevard d'Alsace par la construction
d'un pont passant au-dessus de la rivière et de la voie de chemin de fer. A l'image de la scierie
Cuny, initialement implantée à coté de la place du Tilleul, les usines du centre-ville y sont
déplacées, laissant la place à des infrastructures publiques au cœur de la ville. Sur le site de la
scierie Cuny est ainsi édifié le groupe scolaire Jean Macé. Les usines situées hors de
l'agglomération, dans les hameaux, sont généralement reconstruites au même endroit.
A La Bresse, la vaste zone industrielle est séparée en deux parties, dans la vallée de la
Moselotte, juste en aval et en amont de la ville. Toutefois, toutes les industries n'y sont pas
rassemblées car certaines, comme le Tissage de la Clairie (Roussel) ont été peu détruites et
peuvent être réparées. Le tissage Roussel est maintenu sur le site d'origine, en plein centre.
Zone non aedificandi
Sur les PRA, les architectes en chef peuvent prévoir des zones non aedificandi pour
des raisons de sécurité, préservant la bonne visibilité dans un virage dangereux (intérieur du
virage en épingle de la D486 au-dessus de l'hôtel de ville de La Bresse). Les constructions
peuvent être empêchées pour des raisons sanitaires : une réserve de 100 mètres devait être
créée autour du cimetière déplacé de la Bresse. Plus généralement, des zones non aedificandi
sont imposées en vue de préserver les paysages, le cadre unique qui constitue l'identité même
des trois communes.
A La Bresse, ce type de zone non aedificandi est assez restreint et se développe sur des
bandes de 5 mètres de part et d'autre des voies de circulation principales entre les zones
industrielles, libérant les bas-côtés afin de créer des perspectives aérées. Une marge non
aedificandi de 5 mètres est aussi prévue sur les rives de la Moselotte pour éviter les
constructions à son aplomb et maintenir ainsi le caractère naturel du cours d'eau.
A Ammerschwihr, Gustave Stoskopf utilise des servitudes non aedificandi afin d'établir un
périmètre de protection autour du vieil Ammerschwihr. L'impossibilité de construire au pied
des remparts et de la tour des Fripons, permet de maintenir leur visibilité et certains aspects
typiques du bourg Renaissance. Les zones non aedificandi d'Ammerschwihr ont aussi pour
33
Onimus-Carrias, Sophie. Le patrimoine de la Reconstruction : les villages de la Poche de Colmar, Revue de
l'Institut national du Patrimoine, n° 4, 2008.
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33
objectif de préserver une visibilité sur le paysage de coteaux, de vignobles, dans une optique
touristique et de qualité de vie des habitants.
A Gérardmer, le PRA prévoit plusieurs secteurs non aedificandi afin de préserver des espaces
naturels à proximité de la ville, sur des coteaux bien visibles depuis les habitations (au-dessus
de la rue Jean-Baptiste Saulcy, à l'est du chemin de la Basse des Rupt). Mais surtout, il
impose l'inconstructibilité des berges du lac, créant un sentier du tour du lac, et protégeant une
grande partie des coteaux le surplombant (Ramberchamp, les Roches Noires, la Moraine et la
partie ouest de la Droite du Lac). Cette très vaste servitude est à la mesure des nécessités de
préserver le joyau de la ville.
Zone rurale ou extérieure au périmètre de reconstruction
Si le PRA définit un périmètre de reconstruction soumis à un aménagement précis
(types de constructions autorisés, densité, hauteur, accessibilité, retrait par rapport à la rue,
aménagements des espaces libres, annexes, clôtures…), les secteurs situés à l'extérieur de ce
périmètre, essentiellement des espaces ruraux, ne sont pas laissés sans réglementation. Sur la
plupart des communes, aucun permis de construire n'est accordé dans ces zones, hormis pour
les bâtiments servant à l'exploitation agricole. A Ammerschwihr par exemple, à 100 m audelà du périmètre de l'agglomération, seules les grandes propriétés avec une surface minimale
de 2400 m² sont autorisées34. Parfois, comme à La Bresse, des bâtiments d'habitation isolés
peuvent être autorisés si le terrain mesure au moins 3000 m² de superficie et si les intérêts de
l'hygiène et de l'esthétique sont sauvegardés, sachant que la collectivité n'assure pas les
services publics relatifs à l'eau et à l'électricité. Ces constructions sont aussi soumises à des
contraintes de densité, de hauteur, de pente de toit… 35
Les PRA mis en œuvre à Ammerschwihr, La Bresse et Gérardmer sont le fruit de
réflexions poussées quant à la nature de la ville, de son fonctionnement et de son
environnement. Tout en appliquant les règles imposées par le MRU, les architectes en chef
ont su les adapter. Ils se sont attachés à préserver la mixité des activités et à conserver une
échelle humaine, favorisant les habitats collectifs de taille modérée. Ils ont aussi mis en œuvre
des outils spécifiques pour répondre aux besoins touristiques, de protection des paysages et
d'urbanisation, inscrivant les nouveaux ensembles urbains, reconstruits avec soin dans le site
particulier de chaque ville ou village, en continuité avec le tissu urbain ancien.
34
Lichtlé, Francis. Et elle renaît de ses cendres… La reconstruction d’Ammerschwihr, 1945 – 1961, Editions
JD. Reber, 2005.
35
Deschler, Emile Louis. Programme d'aménagement de La Bresse. Archives communales
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34
4. Une architecture innovante, sobre et adaptée
Si l'architecture de la seconde reconstruction n'est pas un élément qui est facilement
compréhensible et appréhendable par les habitants et les usagers des bâtiments, elle n'en
possède pas moins des caractéristiques propres. Celles-ci permettent de l'identifier en tant que
style à part entière. La liberté donnée aux architectes en chef a de plus, permis des adaptations
locales qui enrichissent le corpus de caractéristiques communes à l'échelle nationale, voire
européenne.
4.1. Les caractéristiques stylistiques de l'architecture
de la seconde reconstruction
Tout comme pour l'urbanisme, l'architecture mise en œuvre lors de la seconde
reconstruction, bénéfice du travail des architectes qui s'appuient sur les théories élaborées au
cours de la première moitié du 20e siècle. Localement, les hommes de l'art interviennent pour
la première fois dans le domaine de la construction vernaculaire, édificées sans architecte
jusqu'alors.
C'est une architecture sobre, généralement dessinée dans l'optique d'un effet visuel
d'ensemble dans un contexte urbain (immeubles symétriques de part et d'autre d'une rue,
immeubles d'angle, continuité des bandeaux, des linteaux, des auvents, des toitures…). Elle
s'adapte au contexte villageois en privilégiant l'harmonie de volumétries des maisons
individuelles et en limitant la variété des décors et des matériaux.
Les effets visuels de cette architecture proviennent en partie de la rationalisation de la
construction et du début de l'industrialisation du secteur du bâtiment. On cherche à reprendre
les mêmes types d'éléments constructifs pour plusieurs immeubles afin de bâtir plus vite et
moins cher. Ainsi les architectes pensent dès l'étape du dessin, à concevoir des volumes
simples et des lignes qui peuvent facilement se concrétiser avec des matériaux et procédés
industriels. Il en résulte une certaine homogénéité à grande échelle.
Basées sur un plan carré ou rectangulaire, les constructions proposent des volumes simples,
sauf dans le cas d'immeuble d'angle où la volumétrie est retravaillée en creux (angle arrondi
ou à pan coupé). Elles sont généralement surmontées d'un toit à deux pans, avec ou sans
croupe.
La régularité des travées, traduisant l'aménagement intérieur en façade, affirme la
prééminence des lignes horizontales ou verticales selon les cas. L'alternance de modénatures
en saillie et de renfoncements dans les ouvertures anime de manière régulière les façades
planes (sans avant-corps ou décrochement), le plus souvent symétriquement, mais pas
obligatoirement. Le rez-de-chaussée ou le soubassement est marqué et participe au socle
urbain. Il est affirmé par un bandeau en sailli ou par un jeu de matériaux (pierre de
taille/enduit) et couleurs différentes avec les étages.
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
Ici et Là - Vanessa Varvenne
35
Immeubles de la rue du 152e R.I. et de la rue Charles de Gaulle à Gérardmer
Ces façades bien ordonnées, aux lignes géométriques sont généralement surmontées d'une
corniche ou d'un avant-toit largement en surplomb, qui abrite les autres éléments saillants.
Toutes les fenêtres sont garnies d'un appui en ciment moulé en relief, assez fin. Pour les plus
soignées, c'est l'encadrement complet qui fait l'objet d'une moulure. Certains appuis filent le
long de la façade pour relier plusieurs ouvertures, formant ainsi un bandeau séparant les
niveaux. Les rez-de-chaussée consacrés au commerce en particulier, sont surlignés par des
bandeaux ou des auvents.
Immeubles de la rue Charles de Gaulle à Gérardmer
Les ouvertures ont un rôle primordial dans la composition des façades. Elles sont de grandes
dimensions afin de laisse pénétrer la lumière au maximum dans les intérieurs. Si la majorité
des fenêtres restent en hauteur, de nouvelles formes de baies sont mises en œuvre : carrées,
en largeur, voire s'étirant en bandeau. Les baies peuvent être jumelées ou triplées, réunies par
un linteau ou une tablette unique pour accentuer la dynamique horizontale et donner un aspect
plus moderne à la façade. Les ouvertures d'angle bénéficient souvent de ce traitement
particulier. Les toitures peuvent aussi être ajourées par des lucarnes rampantes qui facilitent
l'utilisation des combles. Les cages d'escaliers et les locaux techniques sont parfois éclairés
par des jours en briques de verre.
Les fenêtres peuvent être garnies d'un garde-corps métallique (plus rarement en bois) aux
lignes droites, sobres mais toujours dans un souci d'esthétisme, parfois travaillés de motifs
géométriques. Ce dessin est repris pour les garde-corps des balcons, et les grilles…, mais il
est différent d'un immeuble à l'autre, afin d'individualiser chaque construction. Les balcons
sont composés d'une fine dalle de béton en porte-à-faux, surmontée du garde-corps. Ils se
placent au centre de la façade antérieure ou dans les angles, selon la typologie de l'immeuble.
Les entrées sont également un élément majeur de la composition. Elles sont mises en valeur
par un encadrement spécifique et un traitement en creux, créant un espace de transition entre
l'espace privé et l'espace public. Elles sont surélevées par quelques marches et de temps à
autre, au-dessus, des auvents-casquettes en ciment, en porte-à-faux, abritent les seuils. Les
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
Ici et Là - Vanessa Varvenne
36
portes d'entrée sont en bois avec des carreaux de verre armé qui forment des motifs
géométriques variés.
Détails d'ouvertures à Ammerschwihr
Bannissant les ornements, les architectures privilégient l'animation de la façade par les jeux de
volumes et de matériaux. Lorsque la pierre de taille (granite, grès, calcaire) est abondante
localement, ils la mettent souvent en œuvre pour profiter d'un matériau disponible et peu
onéreux mais aussi, comme ancrage dans la tradition de construction locale. La pierre de
taille ou son imitation en béton est aussi utilisée en tant qu'élément enrichissant la façade
(texture, couleur, opus…), lui procurant un caractère soigné. Sur les édifices communautaires,
elle est souvent mise en œuvre sur des pans entiers de mur.
Si la normalisation et le goût pour la sobriété du milieu du 20e siècle tendent à
produire une uniformisation des modèles architecturaux, ils ne sont toutefois pas dénués de
qualité, ni de caractère. Bien identifiable par rapport aux constructions précédentes, la
simplicité de volumétrie et des modénatures des édifices de la seconde reconstruction, confère
une sobriété propre à s'adapter aux tendances stylistiques postérieures.
De ces constantes architecturales et urbaines naissent des bâtiments de style similaires dont
les caractéristiques communes très fortes se retrouvent non seulement à Gérardmer, à La
Bresse, à Epinal mais aussi ailleurs en Lorraine et dans d'autres villes plus lointaines comme
Brest ou Le Havre, reconstruites à la même époque. La nécessaire modernisation des villes
détruites quasi totalement provoque une certaine uniformisation, ce qui ne va pas sans une
certaine perte de mémoire et d'identité36.
36
Les reconstructions des années 1920 et 1950 en Lorraine, un renouveau architectural et urbain. La gazette
lorraine, n°388, 2011.
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
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37
4.2. L'apport de spécificités locales
Afin d'éviter des traumatismes supplémentaires aux habitants, le choix de la table-rase
est très rarement effectué. La mise en application d'un modernisme modéré, permet une
grande variété de formes et de styles, de la villa corbuséenne au chalet montagnard. Malgré
les contraintes administratives et financières imposées, cette très grande diversité de
réalisations qui peut être observée dans les Vosges et en Alsace est due sans doute à la
personnalité des architectes et à l’individualisation des projets37.
Les adaptations à l'environnement, au contexte et aux traditions locales
Les formes architecturales et d'urbanismes établies par le MRU sont nécessairement
adaptées en fonction du contexte : les grands ensembles sont plutôt réservés aux grandes
villes, les centres en ordre continu sont plus relâchés dans les villages... Les architectes en
chef, et davantage encore leurs collaborateurs locaux, sont bien conscients que l'application
d'un modèle dogmatique, idéalisé, sans attache locale, sera rejetée par les populations.
L'identité et les besoins de chaque commune doivent être pris en compte, et les modèles sont
adaptés en fonction du climat, du dénivelé, de la densité, des éléments non détruits, des types
d'activités économiques…
La parole est largement donnée aux sinistrés, à travers les associations syndicales et la presse
notamment, dans le but qu'ils puissent exposer leur vision de l'évolution de leur ville. Il est
fréquemment relevé des demandes de modifications du PRA pour déplacer un axe routier,
créer un parc, ne pas détruire des édifices réparables…38 De plus, les sinistrés sont
profondément attachés à retrouver des silhouettes familières. Ainsi, les constructions suivant
la volonté d'innovation radicale du mouvement moderne, sont-elles finalement relativement
rares dans le massif des Vosges. Si certaines rues et certains bâtiments recherchent une
modernité par un effet visuel de répétition et d'alignement (rue du 19 novembre à
Gérardmer…), l'attention est plutôt portée sur l'individualité des immeubles (volume, façade,
modénatures) s'intégrant dans un ensemble cohérent. Cette personnalisation dans les groupes
d'immeubles homogènes est parfois faite sous la pression des sinistrés.
A l'inverse, la volonté de se purifier de tout pastiche ou pittoresque fait disparaître les
références régionales nostalgiques. Les emprunts à l'architecture traditionnelle sont fréquents
mais ils sont destinés à intégrer le bâtiment dans son environnement et à répondre aux attentes
des habitants. L'ajout des éléments de rationalisation, d'hygiène, et de confort (salle de bain,
eau courante, parfois chauffage central) qui constitue la particularité des édifices de la
seconde reconstruction, n'empêche pas de composer des variations architecturales originales à
partir du style architectural vernaculaire, tout en respectant les modes de vie en place.
Par exemple, la construction de grandes villas et des immeubles collectifs n'aurait pas de sens
dans le paysage et pour la population locale d'Ammerschwihr. La création majoritairement de
maisons de vigneron répond aux besoins locaux et s'inscrit dans la continuité. De même, à La
Bresse, les édifices à fonction purement résidentielle se substituant aux fermes, sont rares. Le
37
Denis, Marie-Noële. La reconstruction des villages alsaciens après la seconde guerre mondiale. Revues des
Sciences Sociales n°47. Université de Strasbourg. 2012.
38
Durand, Gilles. Kondolff, Claude. Circuler Transporter à Gérardmer, Le tournant de l'automobile, Club
Cartophile Géromois, 2012
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
Ici et Là - Vanessa Varvenne
38
PRA permet la possibilité de construire au centre-ville des immeubles avec une partie agricole
(basse-cour en rez-de-chaussée, fenil et bûcher à l’étage).39
Dans les Hautes-Vosges, la forme du chalet qui est importé du "chalet suisse" depuis le milieu
du 19e siècle, va avoir un grand succès lors de la reconstruction. De volume plus restreint, il
évoque aussi bien les anciennes fermes vosgiennes que l'architecture de montagne. Le chalet
prend alors la forme d'un bâtiment de plan quasiment carré, avec la façade principale sur le
mur pignon, partiellement couverte de bardage de bois. Un large avant-toit débordant repose
sur des pannes et chevrons apparents, et abrite un ou plusieurs balcons. Ce modèle est
largement utilisé pour les maisons individuelles mais aussi pour les cités ouvrières et inspire
amplement les immeubles des zones en ordre discontinu.
Tout l'enjeu est ainsi de respecter l'esprit traditionnel des bâtiments, en l'orientant vers une
nouvelle esthétique40, et en apportant la modernité des équipements, de la disposition et des
matériaux :
- l'implantation des bâtiments se fait en fonction de la pente et de l'orientation : Les
proportions et la répartition des ouvertures sont inspirées des mise en œuvre traditionnelles.
Les baies sont orientées vers le sud en priorité, les façades nord-ouest sont protégées de
bardages (fibrociment ou bois). Les pignons doivent être parallèles aux courbes de niveau,
orientés vers la vallée41 ou vers la rue.
- la volumétrie s'inspire des constructions préexistantes : les formes et volumes sont simples,
trapus, généralement de plan rectangulaire, voire presque carré. A Ammerschwihr, les
bâtiments sont souvent disposés en L ou en U autour d'une cour qui permet l'accès aux deux
niveaux et à la cave viticole.
- les pentes de toitures anciennes sont conservées : dans les Hautes-Vosges les toits à deux
pans (environ 35° à 40°) couverts de tuiles mécaniques sont privilégiés. A Ammerschwihr, les
toits à forte pente avec coyau (45° à 50°) sont recouverts de tuiles plates en "queue de
castor"42. Les toitures-terrasses ou à un seul pan, novatrices pour l'époque, mais pas toujours
adaptées aux conditions climatiques montagnardes (fortes précipitations, neiges…) sont
rarement mises en œuvre, éventuellement sur des édifices publics (gare de Gérardmer, …) ou
des villas.
- les matériaux locaux sont privilégiés : les soubassements, voire les encadrements et les
parements, peuvent être réalisés en granite à Gérardmer et La Bresse. A Ammerschwihr, le
grès rose a été employé lorsque cela a été possible. Afin d'imiter cette pierre naturelle, des
encadrements sont réalisés en béton coloré, veiné et texturé. Plus rarement, quelques briques
ont été utilisées pour leur caractère décoratif.
- les encadrements des ouvertures bénéficient plus fréquemment de la préfabrication.
L'utilisation systématique du béton et de l'acier, dont les possibilités structurelles permettent
la conquête de la hauteur et l'exploitation du système poteau poutre, est largement exploitée
pour faire baisser les coûts et accélérer les travaux lors de la seconde reconstruction.
Toutefois, ces matériaux nécessitent des savoir-faire, des ateliers et des modes constructifs qui
ne sont pas toujours maîtrisés localement. L’acheminement de matériaux et d’éléments
préfabriqués vers les villages est difficile après-guerre. Les camions sont encore rares, la
39
Henry, Jean-Yves. La Seconde Reconstruction dans l’est des Vosges, In Situ, mis en ligne le 12 juillet 2013
Sophie Onimus-Carrias, Le patrimoine de la Reconstruction : les villages de la Poche de Colmar, Revue de
l'Institut national du Patrimoine, n° 4, 2008
41
Deschler, Emile Louis. Programme d'aménagement de La Bresse. Archives communales
42
Denis, Marie-Noële. La reconstruction des villages alsaciens après la seconde guerre mondiale. Revues des
Sciences Sociales n°47. Université de Strasbourg. 2012.
40
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
Ici et Là - Vanessa Varvenne
39
priorité est donnée aux convois alimentaires. Les linteaux, appuis et piédroits voire les
panneaux coulés en atelier de manière standardisée, sont finalement assez rares à
Ammerschwihr, La Bresse et Gérardmer. La construction traditionnelle à partir de moellons
de récupération et de coffrage de béton sur le chantier est plus fréquente.
Immeuble du siège social de Linvosges de Gérardmer en cours de construction et achevé © Henri Salesse MEDDE/MLET
- les enduits sont conçus à base de chaux ou de ciment, avec une finition traditionnelle
talochée, tirée à la truelle parfois striée. On observe aussi des enduits tyroliens. Sur les
immeubles urbains, l'enduit posé sur les murs de moellons imite fréquemment la finition des
panneaux de béton précontraint pour y apporter plus de modernité.
- le pan de bois, fréquemment employé en Alsace avant guerre, est quasiment écarté. Les
savoir-faire sont plus spécifiques que ceux de la maçonnerie et la main d’œuvre est trop
diversifiée. De plus, les forêts après-guerre ne sont pas exploitables dans l’immédiat, elles ne
sont pas sécurisées et les fûts y sont abîmés par les bombardements. Le sommet des murs
pignons et l'étage des parties agricoles peuvent parfois être animés selon cette technique.
- des volets garnissent la plupart des ouvertures, protégeant les vitres des intempéries et des
rigueurs du climat. Les traditionnels volets battants de bois, avec ou sans persiennes, sont
colorés (uni ou bicolore) et participent activement à l'animation de la façade. Plus modernes,
des volets roulants de bois inclinables voire les persiennes métalliques, sont souvent installés
sur les immeubles collectifs des centres urbains, comme dans le reste de la France.
- les encorbellements d'origines médiévales n’étaient pas employés dans l'architecture
traditionnelle des Vosges, mais étaient fréquents en Alsace. L’architecture de la
reconstruction les met ponctuellement en œuvre. A La Bresse, les villas en ordre discontinu
utilisent ce dispositif dans un style réinterprété du classicisme, pour affirmer un statut social.
A Ammerschwihr, quelques oriels de style régionaliste se retrouvent dans les reconstructions,
mais pas d'étages complets en encorbellement afin de conserver au maximum des façades
sobres.
Les encorbellements des
villas de la reconstruction à
La Bresse
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Ici et Là - Vanessa Varvenne
40
Immeubles montrant notamment des exemples d'oriel et de pans de bois à Ammerschwihr
Volets battants bicolores, volet roulant de bois inclinable et persiennes métallique à Gérardmer
Les adaptions liées aux différents architectes
La personnalité des architectes en chef de la reconstruction et de leurs collaborateurs
transparaît dans la mise en œuvre des directives du MRU par la manière d'aménager les
espaces et par l'architecture de chaque édifice. Il est possible de sentir leur sensibilité
idéologique à travers les réalisations conçues et autorisées dans chaque commune43.
Ammerschwihr est pris en exemple à travers de nombreuses publications, comme le reflet de
la pensée régionaliste adapté au terrain alsacien. Refusant le pastiche tout en cherchant à
préserver le caractère familier de la forme urbaine, Gustave Stoskopf conserve des
perspectives en chicanes. Le parcellaire évoque le passé et l’intimité, tout en servant un
processus de modernisation. Il stipule aussi la nécessité de conserver et de valoriser les rares
témoins du passé : remparts, ancien hôtel de ville… 44
D'autres architectes n'hésitent pas à prendre des décisions un peu plus radicales, tenant moins
compte de l'avis des sinistrés, mais appuyant la vision de modernisation de la cité. André
Gutton par exemple, fait détruire à Gérardmer, certains bâtiments épargnés en 1944 ou
réparables afin de faire place à de nouvelles rues droites (demeures sur le tracé des rue
43
Denis, Marie-Noële. La reconstruction des villages alsaciens après la seconde guerre mondiale. Revues des
Sciences Sociales n°47. Université de Strasbourg. 2012.
44
Bolle, Gauthier. Gustave Stoskopf (1907-2004), architecte et poète alsacien. De la reconstruction aux grands
ensembles. Thèse sous la direction d’Anne-Marie Châtelet. Université de Strasbourg, 2014.
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
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41
Lucienne et rue du 19 novembre), à de nouveaux carrefours, à de nouvelles places régulières
(ancienne gare et syndicat d'initiative). 45
De la même manière, l'ancrage territorial et le régionalisme de Gustave Stoskopf par exemple,
lui permettent d'accepter quelques projets et détails néo-médiévaux à Ammerschwihr, qui
n'auraient pas été pensables à Gérardmer ou La Bresse. Sans pour autant rechercher un
régionalisme nostalgique ou un pittoresque facile, Gustave Stoskopf permet l'introduction de
nombreux détails de l'architecture traditionnelle qui ne vont pas dans le sens de la
rationalisation moderne de la construction : pans de bois, encorbellements, devantures de
boutique néo-médiévale, portes en plein-cintre, linteaux segmentaires, niches... Toutefois,
l'ajout de ces éléments lui semble indispensable pour permettre l'appropriation des nouvelles
constructions par les habitants.
A l'inverse, pour le groupe scolaire, qui doit être un modèle de modernité, l'architecte met en
œuvre des lignes nouvelles, régulières, sans référence à l'architecture locale.
Devanture de boutique néo-médiévale (datée 1950), et porte charretière avec ornements à Ammerschwihr
Groupe scolaire d’Ammerschwihr (arch. Stoskopf)
45
Durand, Gilles. Kondolff, Claude. Circuler Transporter à Gérardmer, Le tournant de l'automobile, Club
Cartophile Gérômois, 2012
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42
Parallèlement, des architectes comme Igor Ivanof, par exemple, dessinent volontiers des
bâtiments aux lignes modernes rompant radicalement avec les constructions traditionnelles.
Villa et immeuble collectif (façade sud de l'Immeuble Z) aux lignes modernes à Gérardmer (arch. Ivanof)
Cette liberté des architectes aboutit parfois, à des constructions très contrastées : des maisons
individuelles plutôt régionalistes, des ensembles modernes à La Bresse (rue des Champions),
et des édifices très contemporains pour des immeubles et villas isolés (immeuble Z, immeuble
Le Normandie, villas à La Bresse et à Gérardmer…) ou les bâtiments publics (hôtel de ville,
groupes scolaires…)46. Elle témoigne aussi d'une réelle volonté des architectes de répondre à
l'attente des sinistrés en matière d'individualisation des constructions ou à l’urgence de la
reconstruction, en dupliquant les modèles. Les immeubles de la reconstruction de Gérardmer,
la Bresse ou Ammerschwihr s'agrémentent de percements dont les largeurs sont variées, et
non sur une base répétitive comme à Saint-Dié, le Havre ou Brest par exemple. Lorsque les
volumes se répondent, les baies et modénatures sont toujours établies de façons différentes
pour individualiser chaque immeuble et éviter la monotonie. C'est le cas pour tous les
immeubles d'angle aux carrefours ou sur les places.
Immeubles aux angles arrondis différenciés, boulevard de la Jamagne à Gérardmer
De même, sur un immeuble de grande dimension, comme l'Immeuble Z à Gérardmer, chaque
niveau d'ouverture est différencié par la forme des ouvertures (grandes fenêtres en bandeau,
fenêtres carrées, portes-fenêtres…), par les types de fermetures (volets roulants de bois,
persiennes métalliques, volets battants de bois), par les garde-corps (grilles métalliques,
balcons de bois, parapets de béton) et même par des couleurs (matériaux bruts, peinture
colorée…).
46
Denis, Marie-Noële. La reconstruction des villages alsaciens après la seconde guerre mondiale. Revues des
Sciences Sociales n°47. Université de Strasbourg. 2012.
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
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43
Façade de l'Immeuble Z aux lignes régulières et modernes (façade nord) et détail de la variété des ouvertures,
modénatures, couleurs, textures (façade sud) à Gérardmer
A La Bresse, la reconstruction en ordre continu du centre du village a créé une grande unité
de style, grâce aux décors épurés. La sobriété de ces immeubles aux volumes simples donne
de La Bresse une image assez austère, mais reconnaissons que l’ensemble de la composition
ne manque ni d’harmonie dans les proportions, ni d’une certaine élégance, bien adaptée au
cadre naturel47. Pourtant, cet ensemble cohérent est constitué d'une variété de typologies :
immeubles aux angles marqués, bâtiments repères ouverts sur les espaces publics et
présentant des entrées monumentales (Hôtel de ville, Hôtel des Vieux-Moulins), jeux de
toitures pour personnaliser les façades. L’incroyable variété de compositions a réussi à
façonner une image cohérente.
Variété des typologies en ordre discontinu, à La Bresse
Les constructions des secteurs de compensations, en ordre discontinu sont également très
diversifiées. Villas, immeubles collectifs, maisons individuelles, petits collectifs, logements
intermédiaires répondent, par leur typologie à autant de besoins que de situations différentes.
Néanmoins, sur ces constructions variées, un vocabulaire similaire a été employé dans la
réalisation des devantures commerciales ou des rez-de-chaussée occupés par des artisans :
socles en ressaut (souvent en pierre de granite), jardinières encadrant quelques marches,
tablettes et bandeaux rassemblant entrée et vitrine. L’esprit de ces modénatures incarne le
renouveau et la volonté de dynamisme à donner à la petite ville.
Devantures commerciales très marquées aux entrées de La Bresse
47
DOYEN, Jean-Pierre. Reconstruction de La Bresse: La Bresse et ses Vallées, Mémoires et histoire de la
Montagne. Journées d’études vosgiennes.octobre 2013.
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44
Les apports des ornements et de la création artistique
La différenciation de chaque construction passe aussi par quelques ornements. En
effet, les immeubles de la seconde reconstruction ne sont pas totalement démunis de décors.
Lorsque cela était possible, les éléments de décors des édifices détruits ont été récupérés dans
les décombres, puis réemployés dans les nouvelles constructions. Il peut s'agir de simples
linteaux ou encadrements en pierre de taille mais aussi de pierres sculptées, ou d'éléments de
modénatures (balcons, moulures, niches, statues, éléments de clôture…).
Pierre sculptée portant la date 1538, remployée sur la façade du groupe scolaire d'Ammerschwihr /
Niche avec statue de la Vierge au-dessus d'une porte d'entrée à Gérardmer
Les architectes ont également intégré certains éléments purement décoratifs dans le dessin des
immeubles. Discrets et basés sur des formes géométriques, ces détails sont assez fréquents :
encadrements d'ouvertures en béton composés de plusieurs moulures, volets et balcons de
bois ajourés, extrémités des pannes et chevrons taillés avec plusieurs degrés… Ces détails
sont souvent rehaussés par un jeu de couleurs ou de textures différentes.
Détail des ornements des balcons de bois, des volets battants et des extrémités des pannes à Gérardmer,
et d'un encadrement en ciment moulé à Ammerschwihr
Les fonds de façades sont de teintes soit très claires, soit plus sombres et chaudes car issues
des sables locaux. En Alsace, elles peuvent être plus colorées (ocre ou rosé), selon la tradition
locale. Parfois les teintes semblent très sombres, lorsque les enduits tyroliens (à forte
granulométrie) se sont salis au cours des années. Ce fond de façade joue avec les colorations
des modénatures :
- avec la pierre de taille (ou fausse pierre) : rose pour le grès ou gris pour le granit,
- avec les bardages ou les pans de bois vernis, généralement sombres,
- avec les tablettes, les bandeaux et les encadrements de ciment moulé en saillie. Ceux-ci sont
soit laissés au naturel, soit couverts de peinture blanche.
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45
Les menuiseries de bois sont généralement vernies, voire peintes en blanc également
(huisseries, garde-corps, pans de bois…).
Fond de façade quasiment blanc (à gauche), et façade à modénatures de ciment moulé renforcées de blanc sur
un enduit tyrolien au sable assombri par la pollution (à droite).
Une touche très colorée peut être apportée sur certaines modénatures. Les volets battants
participent fortement à l'animation de la façade par une coloration généralement vive et
complexe. Certains sont unis mais la plupart sont bicolores. Le fond est peint en blanc tandis
que les montants et les traverses sont colorés, majoritairement en vert, brun, rouge, bleu-vert.
Exemples de coloration des volets battants de la seconde reconstruction
Façade avec coordination de la couleur sur les volets, les garde-corps et l'avant-toit (à gauche), et avant-toit
avec pannes apparentes peintes (à droite)
Cette coloration spécifique est reprise au niveau de l'avant-toit. Celui-ci restant blanc, tandis
que les pannes et chevrons apparents sont rehaussés de couleur. Parfois les garde-corps sont
coordonnés avec cette couleur dominante.
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46
Avec parcimonie, les architectes ont usé des nouveaux matériaux disponibles à l’époque de la
reconstruction pour fabriquer des décors spécifiques. Le pavé de verre par exemple, est à la
fois utilisé dans un rôle fonctionnel et décoratif. Très typé, il apporte une texture nouvelle aux
façades qui le mettent en œuvre. Le plus souvent employé pour apporter de la lumière dans les
parties des constructions qui jusque-là, étaient borgnes (mur mitoyens), le pavé de verre
permet aussi de composer de nouvelles façades, plus explicites du fonctionnement interne de
l’immeuble (cages d’escalier - Groupe scolaire Saint-Laurent, Maison des Sœurs -, porche
d’entrée de villas, jours et impostes sur des plans de travail d’ateliers à la Bresse).
On rencontre aussi des grilles préfabriquées, utilisées à la fois en tant que clôtures et en tant
que garde-corps. Lorsqu’elles sont utilisées en façade, sur les balcons, ces grilles sont
soigneusement ordonnées, participent à la symétrie d’ensemble et apportent une texture
contrastée, recherchée pour son effet décoratif.
Utilisation des pavés de verre et des grilles préfabriquées comme éléments fonctionnels et de décor (Groupe
scolaire Saint-Laurent, et immeubles à La Bresse.
- Artistes de la reconstruction Pour les édifices religieux ou de mémoire, les éléments décoratifs tels que les vitraux,
les statues figuratives, les chemins de croix,… font parties des nécessités de la liturgie et de la
commémoration. Les architectes de la seconde reconstruction se sont ainsi associés à des
artistes, des plasticiens afin de recréer des œuvres d'art nouvelles, adaptées à l'architecture du
milieu du 20e siècle.
Parallèlement, à partir de 1951, la création artistique en tant que telle est mise en avant et
soutenue par l'Etat à travers la loi dite du "1% artistique"48. Cette procédure consiste à
consacrer 1% du coût prévisionnel des travaux d'un bâtiment public à la commande d'oeuvres
d'artistes vivants. Tout d’abord, mis en œuvre dans le cadre de l’Éducation nationale, elle est
progressivement étendue aux autres ministères au cours des années 1970 et 1980.
Ainsi, aux noms des architectes urbanistes, faut-il ajouter celui des artistes, sculpteurs,
peintres, céramistes, verriers, qui ont produit des ornements discrets mais souvent colorés
dans les édifices scolaires et religieux principalement. Parmi ceux-ci :
Jean Aujame (né en 1905 à Aubusson - mort en 1965) fréquente les Beaux-Arts de Rouen de
1922 à 1923. Il crée en 1923 la Société des Artistes Normands. Il dirige un atelier à
l'Académie de la Grande Chaumière de 1954 à 1965. Il participe au programme décoratif du
Lycée Climatique de la Haie Griselle à Gérardmer à travers la réalisation d'une fresque
"couple et musiciens" dans le parloir. On lui attribue probablement celle dans le hall d'entrée,
appelée "la famille nous accueille" et des ornements dans les salles de jeux des garçons et des
filles.
48
Loi instituée par un arrêté de juillet 1951, clarifiée et modernisée dans son application par le décret n° 2002677 du 29 avril 2002, ainsi que par la circulaire du 16 août 2006
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47
Jean Aujame, "couple et musiciens" projet de tapisserie et de fresque pour le parloir du Lycée Climatique de Gérardmer
Pierre Brun (né en 1915 à Saint-Etienne - mort en 2011) est élève aux Beaux-Arts de Paris,
et obtient le Prix National des Arts en 1949. Il est ensuite professeur de sculpture à l’école des
Beaux Arts de Saint-Étienne (1951) et à celle des Arts Appliqués de Paris (1953). Il reçoit
aussi notamment la Médaille d’or au Salon des Artistes Français en 1988. Il pratique le dessin,
la peinture et la sculpture, épurés, parfois proche de l'abstraction. Pour l'église de Gérardmer,
il réalise le Calvaire et la Vierge (1953-1954).
Pour l'église de Gérardmer, Marie-Thérèse Lemuhot, céramiste, a réalisé le chemin de croix
en émail sur toile d'acier. Francois Chapuis (né en 1928) peintre, décorateur parisien, a
conçu les vitraux réalisés par l'atelier de André Ripeau, maitre-verrier.
Pierre Brun, le Calvaire et la Vierge ;Marie-Thérèse Lemuhot : chemin de croix ; Francois Chapuis, André Ripeau : vitrail,
dans l'église de Gérardmer.
Jean Gaudin (né en 1879 à Clermont-Ferrand - mort en 1954 à Paris) est archivistepaléographe lors de son service militaire, il intègre en 1901 l'atelier de peintre-verrier et de
mosaïque de son père Félix Gaudin (1851-1930) à Clermont-Ferrand. Il acquière l'atelier en
1909 puis développe l'entreprise par l'aménagement d'un atelier plus "industriel" à Paris en
1912. Il débute la fabrique d'émaux à partir de 1925. Il participe à la reconstruction de
nombreuses églises après la seconde guerre mondiale et dessine notamment les vitraux de
l'église d'Ammerschwihr (1952 -1953).
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Jean Gaudin, vitraux de l'église d'Ammerschwihr
Gabriel Loire (né en 1904 à Pouancé - mort en 1996 à Chartres) suit une formation de verrier
aux Beaux-Arts, puis intègre l’atelier de Charles Lorin à Chartres de 1926 à 1936. En raison
d'une clause de non-concurrence, il exerce une activité artistique variée (illustrateur de livres
pour enfants, ensemblier d’église) avant de fonder son atelier de verrier en 1946. Dans le
cadre de la reconstruction, il réalise alors de nombreuses commandes dans des centaines
d’églises en Normandie et dans les Vosges (Notre-dame au Cierge à Epinal, Sainte-Walburge
à Xertigny…) surtout, mais également à l'étranger (USA, Allemagne, Maroc…). A La Bresse,
il met en œuvre le nouveau mobilier liturgique et un ensemble de baies présentant des scènes
aussi bien religieuses, sacrées que profanes (histoire de la ville), en dalles de verre, technique
innovante enrobant les morceaux de verre dans du ciment armé, permettant la création d'un
mur translucide.
Gabriel Loire, vitraux de l'église de La Bresse
Louis Gilbert Keller (né en 1913 - mort en 1991), est élève aux Beaux-Arts de Paris. Il
décore les préaux du groupe scolaire d'Ammerschwihr, par des scènes issues des contes et
légendes d'Alsace et de personnages de l'Histoire de France.
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Joseph Rivière (né en 1912 à Tours - mort en 1961), intègre de 1930 à 1933 l'école des
Beaux-Arts de Bordeaux puis s’inscrit à l’ENSBA. Il participe activement à de nombreux
salons et expositions, et obtient de nombreux prix dont le Grand Prix de la Biennale de
Sculpture de Plein Air à Bruxelles avec "Le Gisant" en 1950. Professeur de sculpture à
l’Académie Jullian en 1949, il est fait Chevalier des Arts et des Lettres en 1957, et Chevalier
de la Légion d’honneur en 1959. Il participe au programme décoratif du Lycée Climatique de
la Haie Griselle à Gérardmer avec la réalisation d'un bas-relief dominant l'escalier d'accès au
parloir, et d'une ronde bosse placée à l'extérieur, au-dessus du terrain de sport, représentant
quatre bras juvéniles portant une sphère symbolisant "le monde porté par l'adolescence". Il
réalise également le "Gisant aux fusillés", un monument commémoratif au lieu-dit du Pré de
l'Orme, route de la Croix des Moinats à La Bresse.
Joseph Rivière, Gisant aux fusillés, Pré de l'Orme à La Bresse
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
Ici et Là - Vanessa Varvenne
50
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
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51
Seconde partie :
Etude analytique
des trois communes pilotes
(Ammerschwihr, La Bresse, Gérardmer)
5. L'accent mis sur la modernisation et les innovations
La seconde reconstruction est une formidable opportunité pour repenser l'organisation,
l'urbanisme et l'architecture des villes détruites. Le constat des dysfonctionnements existants
avant et pendant la guerre, met en évidence la nécessité de recourir aux théories et aux
méthodes les plus innovantes pour proposer des adaptations aux évolutions des modes de vie.
La voiture et les transports en général sont au centre des activités économiques. Immobilisés
par les destructions de la guerre, ils exigent des rétablissements des voies, des accès plus aisés
et plus nombreux. Toutes les infrastructures routières, ferroviaires, fluviales, les réseaux
électriques, de communication… sont ainsi réétudiées.
Parallèlement, les matériaux comme le béton, l'acier ou le verre qui ont bénéficié de
recherches et d'applications nouvelles au cours de la première moitié du 20e siècle, sont prêts
à être mis en œuvre à grande échelle lors de la seconde reconstruction. Leurs propriétés
originales entraînent un bouleversement important de l'architecture et des modes de
constructions.
C'est aussi une période de changement très rapide des modes de vie. En effet, les manières de
vivre à la campagne ont peu évolué au cours du 19e siècle et du début du 20e siècle. Les villes
se sont industrialisées, et ont absorbé l'exode rural tant bien que mal. Le constat du nombre de
taudis, de logements insalubres est alors alarmant. L'architecture de la reconstruction est mise
au service de l'hygiène et du confort pour faire entrer dans l'aire moderne l'habitation tout
comme les activités agricoles ou industrielles.
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
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52
5.1. Le rétablissement des infrastructures
En 1944, on dénombre 5944 passages routiers coupés en France49 qui perturbent de
manière importante la vie courante, privant de communication, de transports en commun mais
aussi d'eau, d'électricité, de gaz… L'armée est mobilisée pour rétablir les itinéraires à intérêt
militaire, et le Ministère des Travaux Publics et des Transports prend en charge toutes les
autres voies au niveau local, par l'intermédiaire des services de Ponts et Chaussées. Dans un
premier temps des passerelles provisoires sont établies en attendant la conception d'ouvrages
d'arts. Les architectes et ingénieurs travaillent à renouveler les techniques de construction en
utilisant des ponts suspendus ou des éléments de béton précontraint par exemple. Ils cherchent
aussi à en améliorer le fonctionnement par des élargissements, des repositionnements… Ils
oeuvrent pour mieux les intégrer dans le paysage, les rendre agréables à la vue, en leur
procurant notamment une esthétique innovante, à l'image de la modernité.
A travers une politique de nationalisation, l'Etat français soutient le rétablissement des
infrastructures de communications (téléphone, poste…) et de production. Dans le secteur de
l’électricité, en particulier, Électricité de France (créée le 8 avril 1946) doit assurer la
production, le transport et la distribution sur tout le territoire national. Il s'agit de rétablir
rapidement les réseaux détruits, mais aussi de les développer largement. En effet, de
nombreux foyers, notamment en zone rurale, n'ont pas encore été équipés50. L'apport
d'électricité, d'eau potable, d'assainissement ou de gaz constitue une avancée notoire dans la
qualité de vie de nombreux français.
La modernisation des réseaux et l’organisation rationnelle des villes et villages s’imposent
comme une évidence. L'amélioration de ces réseaux souterrains ou aériens est prise en compte
dans chaque PRA. L'élargissement et la rectification des voiries permettent de mieux générer
les acheminements, les évacuations, les circulations automobile et piétonne, l'éclairage
public…
La reconstruction des infrastructures routières, ferroviaires et fluviales est l'une des missions
prioritaires en France mais elle doit faire face à la pénurie de main d’œuvre, et d'outillage,
tout comme au manque de matériaux et de moyens de transport. Les camions et les engins de
levage surtout sont manquants. Afin d'économiser le ciment et l'acier dont la production se
relève progressivement, la récupération des matériaux sur les ouvrages détruits est
indispensable.
La reconstruction est aussi une occasion de moderniser le matériel de production de
l'industrie, les anciennes machines sont remplacées par des neuves à la pointe du
développement, ce qui permet notamment aux tissages et scieries des Hautes-Vosges de
produire mieux, plus vite, en plus grande quantité et avec une meilleure qualité qu'auparavant.
49
Ministère des travaux publics et des Transports. Sur les routes de France, les ponts renaissent. Images de A.
Pol et G. Delaunay, Son de R. Gauguier. Enregistrement SIS Laboratoire LCM. 1945. Film mis en ligne le
08/11/2012 sur Dailymotion par le Ministère du Logement, de l'Égalité des Territoires et de la Ruralité.
50
Barjot, Dominique. Reconstruire la France après la Seconde Guerre mondiale : les débuts d’Électricité de
France (1946-1953). Entreprises et Histoire, n°70. Édition. Eska. avril 2013.
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
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53
5.2. La variété des matériaux de construction
En cette période d'après-guerre où l'on manque de tout, le déblaiement des décombres
se fait dans une optique de récupération d'un maximum d'éléments qui pourront être
remployés par la suite. Les éléments métalliques sont mis de coté pour être redressés ou
refondus. Les moellons et les pierres de tailles sont triés et soigneusement entassés afin d'être
redistribués par lots aux sinistrés qui pourront les réutiliser lors de la reconstruction de leur
immeuble.
Vue d’Ammerschwihr après les travaux de déblaiement et de consolidation des ruines, photographie de Maurice Thaon
(Ministère de la culture, Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, diffusion RMN. MH0164417)
Les fragments architecturaux, les éléments de décors tels que les pierres sculptées, arcs de
portes cochères, encadrements profilés ou sculptés de portes et de fenêtres, les corbeaux,
colonnes et chapiteaux, les armoiries sculptées ou datées, les grilles en fer forgé et
ferrements... sont également précieusement recensés et déposés. Par exemple, en août 1945,
l’Architecte en Chef des Monuments Historiques du Haut-Rhin, Charles Henri Arnhold, se
met d’accord avec l’entreprise Triacca sur la façon de procéder aux déblaiements à
Ammerschwihr pour préserver ces éléments uniques. Les pièces à conserver sont classifiées et
regroupées dans un dépôt lapidaire installé dans le bâtiment de l’ancienne douane de la
commune. Elles ne sont pas marquées pour éviter toute altération supplémentaire. Cependant,
l’entreprise Triacca est soudainement démise du chantier au profit de l’entreprise Duval de
Nancy qui se met au travail sans attendre et déblaie tout le quartier d’Ammerschwihr situé au
nord de la route allant de Colmar à Kaysersberg, en détruisant au passage les vieux remparts
et tous les morceaux d’architecture que le service des Monuments Historiques entendait
conserver51.
Les travaux de déblaiement, de reconstruction et les attributions des matériaux ne se font pas
toujours sans heurt. La plupart des constructions provisoires sont établies par des entreprises
extérieures à la région, le temps que les entrepreneurs locaux puissent se réorganiser. Les
matériaux sont donc en partie récupérés dans les ruines. Les murs ainsi construits possèdent
des appareils hétéroclites (moellons de grès ou de granit, béton armé pour les linteaux,
51
Lefort, Nicolas. Patrimoine régional, administration nationale : la conservation des monuments historiques
en Alsace de 1914 à 1964. Thèse d'histoire, sous la direction François Igersheim. Université de Strasbourg. 2013.
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
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parpaings de béton, briques silico-calcaire…) qui sont cachés sous les enduits, les bardages de
bois ou de fibrociment.
Immeuble Avenir Agricole à Gérardmer en cours de construction © Henri Salesse - MEDDE/MLET
Les bardages de fibrociment protègent de manière quasi systématique la façade la plus
exposée aux intempéries dans les Vosges, hors façade antérieure. Les autres façades sont
enduites (chaux ou ciment) avec une finition traditionnelle talochée, tirée à la truelle ou
tyrolienne, laissant toujours les encadrements de ciment brut ou peints en blanc. Certains
enduits sont garnis de lignes lissées pour imiter la finition des panneaux de béton précontraint.
Bardage de fibrociment / enduit tyrolien avec encadrements de ciment peints / enduit formant de faux panneaux
de béton précontraint à Gérardmer
A partir des années 1950, les travaux sont exécutés avant tout par des entreprises locales qui
comptent de nombreux ouvriers. Celles-ci continuent la plupart de temps à construire selon
les méthodes anciennes, introduisant avec parcimonie le ciment (pour les encadrements et les
modénatures) et parfois les briques de verre.
En effet, les matériaux modernes (ciment, verre, acier…) sont coûteux. Ils ne sont pas conçus
sur place. La remise en marche des usines de leur production et leur acheminement jusqu'à
Gérardmer, La Bresse ou Ammerschwihr est complexe et long. Les maîtres d'œuvre et les
artisans tentent de standardiser certains éléments comme les encadrements des ouvertures,
permettant de moduler harmonieusement et d’ordonner l’architecture. Mais on ne constate pas
une réelle industrialisation du bâtiment. Les gains de productivité impressionnants du
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
Ici et Là - Vanessa Varvenne
55
bâtiment qui permettent la construction en 1958 d'un logement en deux fois moins de temps
qu'au début des années 1950, bénéficient surtout aux grands ensembles et aux grandes villes.
Malgré la volonté de préfabrication, le gros œuvre est réalisé de manière traditionnelle avec
simplement des planchers et des encadrements de béton armé. Les bâtiments avec des
panneaux de béton précontraints sont finalement assez rares et plutôt tardifs. La diffusion de
nouvelles techniques se fait progressivement. Les dalles sur les hourdis (blocs alvéolés de
béton ou de terre cuite) portés par des poutrelles de béton armé précontraint, ou les parpaings
de béton préfabriqués sont assez peu employés, souvent limités au mur de refend.52
Recherchant l'économie, certaine technique traditionnelle comme celle du pan de bois en
Alsace, est quasiment abandonnée au profit de la maçonnerie53. Les colombages subsistent à
peine, pour la partie supérieure de mur pignon ou pour des espaces agricoles. Peut-être moins
à la mode, le pan de bois est surtout assez coûteux, demande une main d'oeuvre compétente et
du bois adapté dont les forêts locales abîmées ne disposent plus. De plus, le débitage
industriel du bois induit une régularité qui perd le charme du pan de bois médiéval.
Maisons à pans de bois à Ammerschwihr de la Renaissance (à gauche) et de la seconde reconstruction (à droite)
Dans les Vosges, le pan de bois est inexistant mais le bardage de bois est fréquemment remis
au goût du jour, lors de la reconstruction. Ils couvrent principalement la partie supérieure des
murs pignons, voire une grande partie de l'étage. Si les essis54 sont abandonnés, les bardages
de planches traditionnellement posées à la verticale sur les fermes, sont maintenus. Elles
peuvent aussi être posées horizontalement avec recouvrement (à clin).
Bardages de planches posées à l'horizontale (gauche), à la verticale (centre), et villa à Gérardmer (droite)
52
Henry, Jean-Yves. La Seconde Reconstruction dans l’est des Vosges, In Situ 2013, mis en ligne le 12/07/2013
Onimus-Carrias, Sophie. Le patrimoine de la Reconstruction : les villages de la Poche de Colmar, Revue de
l'Institut national du Patrimoine, n° 4, 2008
54
Tuiles de bois fendues permettant le recouvrement en toiture ou en façade, également appelées bardeaux
53
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
Ici et Là - Vanessa Varvenne
56
L'utilisation de la pierre de taille persiste également. Récupérées dans les ruines ou extraites
des carrières voisines, les pierres de tailles sont utilisées pour les soubassements voire les
encadrements des ouvertures. Le granite gris des Hautes-Vosges laisse la place au grès rose en
descendant sur le versant alsacien. Parfois trop coûteux, la pierre de taille est remplacée par de
la pierre reconstituée (béton teinté, veiné, texturé) dont la régularité ne parvient pas à imiter la
pierre naturelle, mais donne tout de même plus de prestance à la construction que de simples
bandeaux de ciment gris brut. Sur des édifices publics ou communautaires, ce parement de
pierre peut se développer sur toute une façade (Union nautique à Gérardmer…), leur
conférant ainsi un statut plus prestigieux dans la ville.
Granite en opus incertum / Granite à assise régulière / Modénatures de ciment moulé brut (à Gérardmer)
Vues de détail d'encadrements où se côtoient grès rose et pierres artificielles (à Ammerschwihr)
Les charpentes, elles aussi, sont encore conçues selon des méthodes traditionnelles. En bois,
généralement en sapin à deux pans, elles sont couvertes de tuiles plates en Alsace et de tuiles
mécaniques dans les Vosges. Les quelques rares exemples de couvertures plus modernes sont
tout de même à relever. Certains immeubles sont établis avec un toit à un seul pan (villas et
gare de Gérardmer, LOPOFA, maisons individuelles de la rue des Champions à La Bresse…),
ou en toiture-terrasse (Immeuble le Normandie ou ancienne usine des tissages Claude à
Gérardmer…). On peut également mentionner la construction des ateliers de l'Usine GarnierArchitecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
Ici et Là - Vanessa Varvenne
57
Thiébaut à Kichompré qui a utilisé une technique inédite pour l'époque : un coffrage monté
sur rails qui se déplace au fur et à mesure de l'édification de voûtes de béton armé.
Voûtes de béton des ateliers Garnier-Thiebaut à Kichompré (Gérardmer)
5.3. La généralisation de l'hygiène et du confort
modernes
Si le MRU laisse le champ libre aux architectes agréés quant au style des
constructions, la seule exigence générale de sa commande est de produire des logements
salubres, durables et équipés en eau, en gaz et en électricité. La vétusté des logements et des
espaces urbains en général avant-guerre, ne fait que renforcer les mauvaises conditions de vie
dues à la surpopulation. Vers 1950 en France, la moitié des logements n'a pas l'eau courante,
trois-quarts n'ont pas de WC, et 90% n'ont pas de salle de bain. C’est à cette époque que les
théories modernes vont pouvoir répondre aux besoins hygiénistes, en résorbant les taudis par
la mise en « ordre » des villes. Elles apportent aussi un souffle utopique qui stimule la
reconstruction55. Dans les grandes villes, il s’agit de vaincre les mauvaises habitudes. Dans les
campagnes, il faut limiter l'exode rural par l'amélioration du confort dans les villages,
permettant ainsi d'y maintenir les enfants, les écoles, les commerces…
En 1946, une enquête montre que seulement 1.5% des logements vosgiens est pourvu du
confort moderne (eau, gaz, électricité, tout à l'égout, cabinet d'aisance, salle de bains)56. Pour
remédier à cela, l'urbanisme se met au service du confort et de l'hygiène. Toute source
d'insalubrité doit être résorbée.
Par exemple, Emile Deschler étudie dans le PRA, les possibilités de déplacer le cimetière de
La Bresse qui ne se trouve pas aux distances réglementaires répondant aux exigences de
salubrité, édictée dans la législation depuis la première moitié du 19ème57. Situé à coté de
55
PLUM, Gilles, L’architecture de la reconstruction. Paris : N. Chaudun, 2011.
Bouvet, Doyen, Feger. Les Vosges après les ruines, Reconstruction et Modernisation 1918... 1945..., Archives
départementales des Vosges, Conservation des Antiquités et Objets d'Art, Epinal, 1991.
57
L'article 2 du décret du 23 Prairial an XII précise qu'"il y aura, hors de chacune des villes ou des bourgs, à la
distance de trente cinq à quarante mètres au moins de leur enceinte, des terrains spécialement consacrés à
l'inhumation des morts". Ces prescriptions renouvellent celles contenues dans l'ordonnance royale du 10 Mars
1776, officialisée par l'ordonnance royale du 6 Décembre 1843.
56
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
Ici et Là - Vanessa Varvenne
58
l'église, il est trop proche des habitations. Il occupe de plus un terrain de l'adret qui serait
apprécié pour des habitations. L'absence de terrain adapté, contraint toutefois l'architecte à
opter seulement pour un réaménagement ordonnancé.
Assainir les cités passe aussi et surtout par l'élargissement et le redressement des ruelles,
permettant de mettre en place les réseaux d'égouts dont beaucoup de petites villes et villages
sont dépourvus dans les années 1940. Les dépôts de fumier sont interdits, notamment dans les
cours intérieures. Les urbanistes prennent d'ailleurs bien soin de ne pas constituer de ruelles,
d'impasses ou de petites cours dans les îlots dont la salubrité est difficile à maîtriser.
Les travaux de voiries permettent aussi d'enterrer les réseaux qui alimentent chaque
immeuble. Ainsi l'accès à l'eau courante, à l'évacuation des eaux usées et à l'électricité, voire
au gaz selon les villes, est assuré dans tout le périmètre des PRA. L'eau est captée aux sources
à proximité, et les systèmes de traitement des eaux usées se développent progressivement.
Les équipements électriques qui ont été conçus au début du 20e siècle en profitant de la force
motrice des cours d'eau du massif des Vosges, sont remis en fonctionnement. Alimentant
principalement l'industrie et l'éclairage public avant-guerre, l'électricité se systématise dans
les habitations. En 1945, le développement de la production électrique est donc un enjeu
important aussi bien pour les industries que pour les populations. De nombreux projets
supplémentaires de grandes ampleurs sont envisagés dans les vallées : barrages, stations
hydroélectriques, déviations de cours d'eau...
L'apport de l'eau courante et de l'électricité dans les intérieurs, modifie radicalement
l'aménagement du logis. La salle de toilette et les sanitaires se généralisent. La cuisine
s'équipe d'électroménager (cuisinière, réfrigérateur, machine à laver…) et de surfaces
stratifiées faciles à maintenir propres, favorables à la rationalisation des ouvrages ménagers,
allégeant les contraintes de la maîtresse de maison. La chambre d'enfant individuelle apparaît.
Un garage est intégré en dessous ou à proximité de l'habitation Le confort apporté par le
chauffage central et le chauffe-eau est complété par des espaces de vie clairs et aérés.
L'architecture standardise en effet les hauteurs sous plafond (entre 2.20m et 2.40m) et
agrandit les ouvertures. Ces éléments combinés à une bonne prise en compte de l'orientation,
permettent de faire entrer la lumière et l'air dans les logements58. Les appartements regroupés
dans les immeubles collectifs sont souvent traversants (prennent le jour sur 2 façades au
moins) pour bénéficier de la lumière plus longtemps dans la journée. Ces logements urbains,
tout comme les ruraux sont ainsi plus ouverts sur l'extérieur, en contact avec les paysages
environnants (grandes baies vitrées, balcons, vues…).
Le logis est également repensé par rapport aux autres fonctions de l'immeuble. L'habitation est
systématiquement séparée de l'atelier, du commerce ou de l'exploitation agricole, pour
rationaliser les activités améliorant ainsi la rentabilité, et pour des raisons d'hygiène. Un point
d'eau est par exemple souvent présent à l'entrée du logis pour permettre son utilisation dès le
retour des champs.
Pour un grand nombre d'habitants des Vosges et d'Alsace, ces innovations sont un
changement radical, en comparaison de leur habitation traditionnelle, avec encore parfois
deux pièces de vie (cuisine et chambre) au sol de terre battue, sombres, enfumées, avec l'eau
accessible à la source ou la fontaine communale. De nombreuses personnes ont également
vécu dans la précarité des baraques, parfois pendant plus de dix ans, et s'installent enfin dans
ces logements conçus pour durer au moins un demi-siècle.
58
Sophie Onimus-Carrias, Le patrimoine de la Reconstruction : les villages de la Poche de Colmar, Revue de
l'Institut national du Patrimoine, n° 4, 2008
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
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59
6. Les typologies
reconstruction
marquantes
de
la
seconde
La volonté de modernisation et de rationalisation des constructions passe par la
réflexion sur les modèles architecturaux. Certains vont être peu modifiés à l'image des
immeubles de centre-ville qui maintiennent le principe haussmannien. D'autres vont être
profondément repensés, comme les fermes, pour répondre à la fois aux habitudes locales de
travail mais surtout pour les transformer en exploitations agricoles modernes. Les bâtiments
publics et communautaires doivent aussi être les représentants emblématiques de cette
modernité, tout en étant les points d'articulation du fonctionnement de la ville ou du village.
La projection de l'architecture à l'échelle de la ville tend à créer des ensembles cohérents,
formant de petits quartiers ou des groupes d'édifices bâtis sur le même modèle tout en étant
individualisés (immeubles urbains, cités ouvrières, HLM…).
6.1. Des bâtiments
centraux
publics
et
communautaires
Lors de la réflexion des urbanistes concernant la meilleure organisation théorique
possible des cités, le regroupement des édifices communautaires autour d'une ou plusieurs
places publiques semble incontournable. Ces agoras modernes sont à la fois un point de repère
spatial dans la ville, mais aussi un lieu de vie collectif où tout habitant et visiteur doit pouvoir
trouver l'essence de la ville ou du village. Autour des jalons indispensables que sont l'hôtel de
ville et l'église, doivent se trouver des commerces, des écoles, des services publics, des
monuments commémoratifs, des espaces verts...
La priorité ayant été donnée à la reconstruction du système productif, puis à celle du
logement, les bâtiments publics ont souvent été bâtis plus tardivement, dans la seconde partie
des années 1950. Ce laps de temps a été l'occasion de les repenser, ce qui donne lieu à des
propositions originales dans des styles variés, généralement aux lignes plus modernes et
audacieuses que les immeubles d'habitation.
Les Hôtels de ville
L'hôtel de ville de Gérardmer est épargné en 1944. Mais ceux de La Bresse et
d’Ammerschwihr doivent être reconstruits. Le parti pris est de les reconstruire dans un même
volume avec une large façade principale, aux ouvertures régulières, ordonnées, s'harmonisant
avec la place qu'ils dominent. Si l'architecture de chaque hôtel de ville assume des lignes
modernes, elle est toutefois basée sur un style différent, correspondant au langage
architectural adopté sur l'ensemble de chaque commune. A La Bresse, l'horizontalité du
bâtiment est appuyée par une forte séparation entre le rez-de-chaussée paré de granite, et les
étages aux façades enduites. Les ouvertures y sont régulières et quasiment carrées de part et
d'autre du bandeau central.
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60
A Ammerschwihr, c'est plutôt la verticalité qui est recherchée par la mise en œuvre de baies
en bandeaux verticaux et le caractère solennel du lanterneau pittoresque. Le pignon sud
donnant sur la place de l'Homme Sauvage, est une évocation de l’ancienne halle aux blés
disparue, avec son perron à double volée d’escaliers. De l'autre coté de cette petite place, se
trouvent les vestiges de l'ancienne mairie qui ont été conservés selon la volonté du préfet,
comme symbole des souffrances endurées59.
Pour définir la limite ouest de cette place, les architectes Gustave Stoskopf et Albert Schwein
adjoignent un volume secondaire abritant le local des pompes. Le rez-de-chaussée ouvert de
grandes portes de garage, est surmonté d'un étage en pan de bois et d'une toiture traditionnelle
à coyau (avec de petites lucarnes à l'origine).
Cet ensemble est une forme d’hybridité savante entre régionalisme et modernité.
Dessins des façades est et sud de l'Hôtel de ville d'Ammerschwihr (Stoskopf) (source : AD68 série34J1372)
Vues actuelles des façades est et sud de l'Hôtel de ville d'Ammerschwihr
La façade principale donnant sur la nouvelle place centrale créée par le PRA de G. Stoskopf,
manifeste une attitude nettement plus moderne. Une série de grandes baies verticales et un
bandeau de lucarnes rampantes structurent la façade, qui n'est toutefois pas totalement
symétrique. L'accès se fait par des arcades au rez-de-chaussée (modifiées par la suite) qui
créent un espace intermédiaire entre la place et l'édifice public. L'ensemble est assis par des
paliers et de larges escaliers qui viennent ancrer le bâtiment dans le volume de l'esplanade.
Ce même principe de liaison entre la mairie et la place est utilisé à La Bresse. Tout comme à
La Bresse, la construction de la mairie (bâtie entre 1953 et 1956) clôture officiellement la
reconstruction du bourg. Celle de La Bresse est inaugurée en septembre 1959, 15 ans après le
début des travaux. Ce délai a été l'occasion pour les architectes Emile Deschler et Henri
59
Bolle, Gauthier. Gustave Stoskopf (1907-2004), architecte et poète alsacien. De la reconstruction aux grands
ensembles. Thèse sous la direction d’Anne-Marie Châtelet. Université de Strasbourg, 2014
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Gaillemin de proposer plusieurs projets de plans et de façades, certains reprenant les lignes de
l'ancienne mairie (dessin de 1947), d'autres plus innovants (avant-projet de 1946). Finalement,
c'est une façade aux lignes d'un modernisme tempéré qui sera retenue à l'image de la place du
Champtel et de la ville.
Projet d'hôtel de ville en déc.1946 (Deschler - Gaillemin) / Dessin de la place du Champtel vers 1947(Deschler)
Vues en 2011(à gauche) avant rénovation, et en 2014 (à droite) de l'Hôtel de ville de La Bresse
Comme à Ammerschwihr, l'entrée de l'Hôtel de ville de La Bresse bénéficie d'un traitement
soigné et sobre, avec un rez-de-chaussée largement ouvert sur la place.
Ces deux grands bâtiments abritent non seulement les services municipaux (salle du conseil,
salon des mariages, bureaux…) mais aussi des salles de réception, la salle des fêtes et des
services communautaires : pompiers, gendarmerie, poste… Ils sont conçus comme des lieux
de vie, et pas seulement le lieu de représentation des instances communales.
L'hôtel de ville, tout comme l'église, reste encore aujourd'hui, un archétype de l'édifice public
communautaire, du monument partagé et qui marque l'identification de la commune. Que
l'esthétique plaise ou non, leur rôle est de matérialiser un point central incontournable, un
point de repère dans la ville ou le village.
Récemment, ces deux bâtiments ont fait l'objet de rénovation. Les façades de la Mairie de La
Bresse ont été isolées par l'extérieur, modifiant l'apparence et les rythmes des ouvertures. Fin
2014, un chantier de restructuration et de mise aux normes d’accessibilité de celle
d'Ammerschwihr doit modifier l’intérieur du bâtiment : la cage d’escalier sera remplacée par
un ascenseur.
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62
Les édifices religieux
Les églises de La Bresse et d'Ammerschwihr ont été relativement épargnées par les
destructions de 1944. Les toitures et voûtes de celle d'Ammerschwihr sont rétablies à
l'identique suite à son inscription au titre des Monuments Historiques en 1946. Les nouveaux
vitraux sont dessinés par Jean Gaudin en 1952 et 1953. Les réparations de celle de La Bresse
sont entreprises au début des années 1950. Après la réfection de la toiture, le rétablissement
du mobilier liturgique et la mise en place des vitraux sont conçus par Gabriel Loire. Dans les
deux cas, les artistes et architectes n'optent pas pour un style pastichant l'édifice survivant,
mais préfèrent des créations aux lignes, matériaux et couleurs modernes, novatrices, tout en
étant bien intégrées.
A Gérardmer, le Temple protestant a été épargné en 1944. L'Eglise Saint-Barthélemy, quant-à
elle, a été partiellement détruite en 1940 et achevée de reconstruire en 1954 par les architectes
Robert Danis et Charles Gillet. Ceux-ci choisissent de préserver la base du clocher rescapé et
de rétablir la nef dans une unité avec le "Vieux Gerardmé". L'apparence extérieure de l'église
est donc proche de l'édifice du 18e siècle, avec les mêmes volumes et l'utilisation d'un
parement de grès rose. Toutefois Robert Danis s'inscrit dans le mouvement général qui ne vise
pas à caricaturer les styles anciens, mais qui a plutôt la volonté de renouveler l'art religieux. Il
conçoit à l'intérieur une structure innovante, composée d'une succession de grandes arches de
béton brut de décoffrage, dégageant un large espace central, et guidant le regard vers le chevet
illuminé indirectement par des grands bandeaux vitrés verticaux. De plus, tout le programme
artistique est en cohérence avec ce parti pris (vitraux, statuaire, autels, chemin de croix…).
L'Eglise reflète ainsi la dichotomie de la ville, à la fois ancienne et reconstruite, conciliant
régionalisme et modernisme.
Vues extérieure (à gauche) et intérieure (à droite) de l'Eglise Saint-Barthélemy à Gérardmer
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63
Les édifices scolaires
Quasiment tous les édifices scolaires d'Ammerschwihr, de La Bresse et de Gérardmer
ont été détruits, hormis l'école Notre-Dame, école du Bas-Beillard, école du Phény, école de
Kichompré à Gérardmer et l'école du Neuf-Pré à La Bresse.
Ces édifices, qu'ils soient publics ou privés, sont particulièrement emblématiques dans la vie
et l'urbanisme de chaque commune. Ils bénéficient donc d'une approche particulière qui vise à
leur fonctionnalité, à leur modernité et au confort des élèves et de l'ensemble du personnel.
C'est souvent l'occasion de créer de véritables groupes scolaires en rassemblant plusieurs
petites écoles, en regroupant plusieurs degrés (maternelle/primaire ou primaire/collège ou
collège/lycée). Plus grands et à l'architecture plus complexe que les petites écoles
préexistantes, ces regroupements permettent de mettre à disposition de l'établissement des
services supplémentaires : cantine, bibliothèque, infirmerie, internat, équipements sportifs…
A défaut, les architectes tentent de placer les équipements sportifs et culturels
communautaires à proximité (stade, halle des sports, Maison de la Culture…), lors de
l'établissement des PRA. Les hameaux conservent de petites écoles de proximité qui sont
reconstruites avec les équipements modernes (Ecole du Chajoux à La Bresse, écoles des
Xettes, du Beillard et des Bas-Rupt à Gérardmer).
L'implantation de ces nouveaux groupes scolaires nécessite souvent beaucoup plus de surface
au sol que les anciennes écoles. Ils sont alors implantés dans les zones de compensation :
groupe scolaire d'Ammerschwihr au nord, hors des remparts, Lycée Climatique de la Haie
Griselle sur le coteau dominant Gérardmer, groupe scolaire Saint-Laurent et Ecole du Centre
entre le centre-ville et le quartier de compensation des Champions à La Bresse… Le groupe
scolaire Jean Macé a pu être implanté à proximité du centre-ville de Gérardmer, grâce au
déplacement de la scierie Cuny vers la zone industrielle.
Les groupes scolaires affichent un style volontairement moderne, qui appuie l'horizontalité
des bâtiments par des bandeaux de grandes fenêtres. Les structures de béton s'affichent
sobrement (auvents, portiques, bandeaux…), mais à Gérardmer, l'utilisation de parement de
granite renforce la prestance et marque l'intérêt communautaire de ces édifices. Ils présentent
souvent des ruptures de volumes en façade correspondant aux salles de cours, aux espaces de
circulations, aux préaux… Les bâtiments s'accompagnent d'équipements sportifs, ainsi que
des logements de fonction, pour le directeur et les enseignants. Des salles d'enseignements
spéciaux peuvent également être mises en place pour l'instruction de la physique, des arts
ménagers, des techniques en ateliers… Les cours traditionnelles sont souvent remplacées par
des terrains ouverts, verts et arborés, qui créent une liaison paysagère avec leur
environnement.
Les nouveaux groupes scolaires bénéficient aussi du dispositif "1% artistique"60, qui impose
l'intégration d'œuvre d'art à la construction de bâtiments publics, afin de favoriser la création
contemporaine et de sensibiliser les élèves aux arts plastiques. Toutes les écoles possèdent
donc des peintures murales, des mosaïques, des bas-reliefs, des sculptures… placés dans les
zones les plus fréquentées (préau, salle de jeux, halls…). Les entrées font d'ailleurs l'objet
d'un traitement particulier : escaliers couverts d'un portique orné d'œuvre d'arts.
Les architectes recherchent ainsi un équilibre entre la fonctionnalité, le bâti, la végétation et
les œuvres d'art dans l'esprit des valeurs modernes.
La construction de ces immenses édifices modernes est très coûteuse pour les communes ou
les organismes privés. Parfois les communes ont été incapables de faire face aux dépenses
60
Voir page 59 : Artistes de la reconstruction
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64
indispensables. Ammerschwihr a par exemple, été soutenue par la Fédération Nationale des
Combattants prisonniers de guerre qui a parrainé des campagnes de souscriptions. François
Mitterrand, alors ministre des Anciens Combattants, assiste en 1948 à la pose de la première
pierre du groupe scolaire, qui est inauguré le 26 octobre 1952 en présence de 1500 anciens
combattants.
Groupe scolaire à Ammerschwihr
Le même type de situation est visible à Gérardmer, pour l'école des Xettes, reconstruite par
les Anciens Prisonniers de Guerre (APG) du département. Ils assistent à la pose de la
première pierre le 18 avril 1948, lors d'une importante manifestation en présence également
de François Mitterrand. L'école est inaugurée le 19 novembre 1950, lors du 6e anniversaire de
la libération de la ville.
Ces écoles, symboles d'une reconstruction moderne, sont aussi des emblèmes de
l'entraide et de la volonté de supériorité de l'éducation sur la guerre. Etant donnés les
regroupements et la baisse de population, un nombre important de ces écoles est aujourd'hui
fermé, surtout dans les hameaux. Si elles ne sont pas perçues comme des monuments par les
usagers, ces écoles n'en restent pas moins des points de repère, des lieux de vies et d'échanges
communautaires incontournables.
Les équipements sportifs, culturels et de santé
Lors de l'établissement des PRA, les architectes en chef prennent soin d'intégrer des
espaces communautaires dédiés à la pratique du sport. Dans un contexte hygiéniste, la
pratique sportive est une activité saine qui se démocratise et qui est encouragée. Ces lieux
sont situés soit au sein des groupes scolaires (stade au cœur du lycée climatique de
Gérardmer), soit à proximité de ceux-ci (Gymnase Pierre et Paul Didier à coté du groupe
scolaire Victor Hugo à Gérardmer), soit indépendamment ouverts à tous les habitants.
Souvent, plusieurs activités sont regroupées en complexes sportifs (piscine, patinoire, salle de
sport…). L'ensemble sportif du gymnase situé rue des Champions à La Bresse, par exemple,
possède aujourd'hui des terrains de basket, de tennis, de handball, de football (entraînement),
de pétanque, une piste d'athlétisme, une rampe de skate…
Ces grands édifices sont aussi l'occasion d'expérimenter des techniques innovantes : la mise
en œuvre d'une structure de bois lamellé-collé, dans le gymnase La Bresse, confère à l’édifice
une toiture courbe remarquable dans le paysage local.
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Stade et gymnase municipaux de La Bresse (source : http://www.labresse.net)
Parallèlement, sont établis dans les années 1950, d'autres établissements pour améliorer le
fonctionnement de la collectivité, la vie et le confort des habitants, comme les hospices (La
Bresse et Ammerschwihr), la maison forestière d'Ammerschwihr…
Tous ces édifices publics ou privés sont des points d'articulation qui ont été pris en
compte lors du rétablissement des villes et villages. Qu'ils soient aujourd'hui perçus comme
des monuments communaux ou non, ils sont connus des habitants et indispensables à la vie
civique, administrative, sociale, économique et au développement personnel de chacun. Si les
normes de sécurité et d'accueil du public entraînent de nécessaires modifications, ces édifices
conservent généralement leur physionomie d'origine.
6.2. Le passage de la ferme à l'exploitation agricole
La modernisation de la production agricole est une des priorités principales du MRU
dès 1945. L'Etat soutient ainsi la mécanisation de la production, tout comme l'amélioration
des techniques et des procédés en vue de produire en plus grande quantité et assurer la
sécurité alimentaire du pays affamé par les privations de la guerre. L'accent est aussi mis sur
l'hygiène afin de garantir des produits sains. La manière de cultiver change alors
fondamentalement. On passe des fermes familiales quasiment vivrières à des exploitations
agricoles spécialisées. Les machines se diversifient et deviennent indispensables, les
propriétés agricoles s'agrandissent par remembrement, les procédures et méthodes de
transformation sont plus efficaces, les coopératives deviennent incontournables… Que ce soit
pour la production viticole ou laitière, la seconde reconstruction est une période
d'expérimentation qui aboutit à de nouvelles organisations et donc de nouvelles formes
architecturales.
La ferme vigneronne
A Ammerschwihr, village viticole, G. Stoskopf dessine un projet de ferme-modèle
pour le vigneron/viticulteur Jérôme Meyer, située place de la Sinne. Ce projet, dont le chantier
est entamé en août 1947 et dont le gros-œuvre est terminé en juillet 1948, est une exploitation
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de taille moyenne à caractère viticole et agricole, destinée à montrer la voie aux architectes
d’opération.
La propriété est agrandie suite au remembrement, ce qui permet de dégager des espaces libres
et de distinguer clairement les fonctions agricoles de l'habitation. La ferme est plus vaste et
plus haute, du fait de la surélévation des plafonds, les fenêtres aussi sont plus grandes. Le
logis reprend la forme traditionnelle : un étage de chambres à coucher, un étage de vie avec
salle à manger et cuisine et une cave à vins en sous-sol. Un logement ponctuel pour les
vendangeurs est aussi prévu. Le logis et le cellier sont accessibles depuis la rue, tandis que la
grange et les annexes sont placées au fond de la cour. Le PRA impose que ce type de cour
intérieure mesure au minimum 100m² afin d'éviter les courettes insalubres61.
L’ergonomie moderne du travail est intégrée au projet, les parcours sont optimisés, et on
circule en sens unique à travers l’exploitation. Quelques autres modèles d'exploitations de
tailles différentes sont établis pour gommer les différences sociales. L'instauration de
coopératives permet aussi de concentrer les moyens de production et de modernisation,
offrant une puissance de commercialisation. Toutefois, chaque ferme se différencie par les
colombages, les oriels ou les portes en plein-cintre… qui signalent le caractère alsacien de la
construction. Les matériaux employés pour la reconstruction de cette ferme-modèle sont
mixtes, comme toutes celles de la localité (béton, moellon, brique, bois)62.
A travers cet exemple, G. Stoskopf s'attache à restituer aux sinistrés une silhouette familière
au village. Il s’interroge sur le degré d’adaptabilité des modèles élaborés pour les ensembles
urbains (préfabrication, standardisation…) aux besoins d'une économie rurale basée sur la
propriété familiale59. Il incite par exemple à varier les types de façade sur la rue d'une maison
à l'autre, tout en préservant l'alignement à la rue : alternance de murs gouttereaux et de
pignons sur rue, succession de toits à longs pans avec lucarnes et de toitures à croupe…
Vue de la ferme modèle (appartenant anciennement à Jérôme Meyer) - G. Stoskopf,
61
Onimus-Carrias, Sophie. Le patrimoine de la Reconstruction : les villages de la Poche de Colmar, Revue de
l'Institut national du Patrimoine, n° 4, 2008.
62
Bolle, Gauthier. Gustave Stoskopf (1907-2004), architecte et poète alsacien. De la reconstruction aux grands
ensembles. Thèse sous la direction d’Anne-Marie Châtelet. Université de Strasbourg, 2014
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67
La ferme d'élevage
Dans les Hautes Vosges, l'élevage de bovins pour la production laitière est la pratique
agricole dominante. Essentielle à la santé économique du territoire, elle complète une
agriculture vivrière encore très forte au milieu du 20e siècle, y compris dans les villes.
A La Bresse, l’architecte Jean D. Lucius dresse les plans d'une ferme pilote qui sont
approuvés par les différents services du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme en
octobre 1946. La ferme est établie au Raindé, route de Planois, et les travaux réalisés par
l'entrepreneur M. Burro s’achèvent au milieu de l’année 194763. C'est l’un des premiers
bâtiments reconstruits de la commune.
L'organisation de cette ferme reprend quelques éléments du modèle traditionnel, comme le
maintien de l'ensemble des activités sous le même toit. La méthode de construction s'appuie
sur les savoir-faire locaux et n'utilise le ciment que pour les encadrements des ouvertures et
pour l'ossature de la partie agricole. Mais cette ferme-pilote s'éloigne de la volumétrie de la
ferme locale. La partie logis n’est plus intégrée au volume global de l'exploitation agricole
pour des raisons d'hygiène, de rentabilité et de modernité. L'habitation est disposée dans la
continuité de l’exploitation agricole, allongeant la volumétrie du bâtiment. L’unité agricole est
alors un instrument de production qui tend à se rapprocher du fonctionnement urbain et
industriel. Chaque ferme s'appuie sur une coopérative qui concentre les moyens et offre une
puissance de commercialisation.
Cette rationalisation des espaces en fonction de leur activité est le fondement des types de
bâtiments proposés dans le cadre des Opérations Préfinancées concernant des bâtiments
Ruraux dits Expérimentaux (OPRE). Une trentaine de fermes sont construites à La Bresse,
entre 1952 et 1955, dans le cadre de l’OPRE n°22, et d'autres plus tardives à Gérardmer (OP
n°35). Leur organisation s'articule autour d'un principe de modules ayant chacun une fonction
spécifique (habitation, buanderie, grange, étable, remise, hangar). Les modules se combinent
selon les types d'activités exercées et la taille de l'exploitation. Ce principe entraîne des
formes variées : le pignon n'est plus forcement face à la vallée, le bâtiment est parfois en
plusieurs corps de bâtiments accolés ou non…60
Le confort intérieur est aussi soigné dans ces constructions, par l’équipement en appareils
ménagers (cuisinière avec production d’eau chaude, sanitaires, machine à laver…), ainsi
qu’en installations (abreuvoirs automatiques, prise d’eau pour le lavage…)60.
Les normes actuelles ont beaucoup évolué depuis le milieu du 20e siècle, tant en matière de
confort de vie dans le logis, que dans l'exploitation d'élevage (réglementations sanitaires,
environnementales…).
Quasiment toutes les exploitations agricoles de la reconstruction ont aujourd'hui perdu leur
vocation productive. Certaines ont été réhabilitées, en transformant l'espace agricole en
chambres supplémentaires ou en second logis.
63
Henry, Jean-Yves. La Seconde Reconstruction dans l’est des Vosges, In Situ, mis en ligne le 12 juillet 2013
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6.3. Des ensembles cohérents marquant le paysage
Les trois communes pilotes ayant été détruites à plus de 85% en 1944, leur
reconstruction a été réfléchie pour que chaque immeuble s'insère dans un ensemble cohérent,
afin de constituer une rue, un quartier, une ville fonctionnelle, attractive et agréable à vivre.
Selon leur emplacement dans la ville et leur vocation, ces ensembles n'ont pas les mêmes
formes mais ils participent activement à la physionomie de la ville, en créant des espaces
homogènes adaptés aux activités qui s'y pratiquent. Ces groupes de construction, parfois de
taille imposante, ont un impact très important en matière de qualité paysagère. Ils sont
identifiables et visibles de loin, surtout lorsqu'ils sont placés à flan de coteau. En plus des
groupes scolaires et des ensembles sportifs évoqués précédemment, on recense des cités
ouvrières accompagnant leur usine et des grands ensembles d'habitation qui forment des
unités quasi-autonomes dans l'espace urbain. A l'inverse, certains ensembles cohérents sont
constitutifs en eux même du tissu urbain, comme les immeubles en alignement dans les zones
en ordre continu, et en séquences dans les zones en ordre discontinu.
Les cités ouvrières et leur site industriel
Dans les Hautes-Vosges, l'industrie se développement au cours du 19e siècle autour
des productions issues du bois et du tissu principalement. Dans une optique paternaliste, les
dirigeants des usines mettent à disposition des ouvriers et de leur famille des logements de
qualité à proximité des usines et des équipements communautaires (école, salle des fêtes, lieu
de culte, coopérative…). Ce principe se perpétue au moment de la seconde reconstruction.
D'une part, les dirigeants assurent le rétablissement des cités ouvrières et d'autre part ils
réparent et reconstruisent les outils de production. Dans les deux cas, c'est l'occasion d'une
modernisation inédite, aussi bien des bâtiments, que de la sécurité, du confort, des procédures
et des outils/machines.
Généralement, les usines reprennent à peu près les mêmes volumétries et formes qu'avant
guerre, avec des toitures à shed. Toutefois l'utilisation du ciment et des structures métalliques
est plus fréquente, avec quelques exemples novateurs telles que les voûtes de béton de l'usine
Garnier-Thiebaut à Kichompré. Les innovations se font surtout au niveau des machines, qui
sont plus performantes, et au niveau des processus de production qui sont rationalisés et
améliorés. Ces sont des lieux attractifs, lumineux, propres (pas de moteur visible, pas de
canalisation, de tuyauterie…) qui renouvellent l'image du lieu de travail.
Afin de démontrer ces évolutions à leurs fournisseurs et à leurs clients, certains dirigeants
d'usine mettent l'accent sur l'architecture de leurs centres administratifs et commerciaux. Ils
n'hésitent pas à faire appel à des architectes de la mouvance moderne pour mettre en œuvre
des façades aux lignes épurées, ostentatoires, résolument innovantes, à l'image de ceux des
Tissages Claude et de Linvosges à Gérardmer.
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Vue des sièges sociaux des tissages Claude (à gauche, actuellement Blanc des Vosges) et de Linvosges (à droite,
actuellement Espace Tilleul ; © Henri Salesse - MEDDE/MLET) à Gérardmer
Le temps d'édifier ces édifices, les entreprises ont parfois repris leurs activités en occupant
des locaux prêtés par un autre industriel non sinistré. Garnier-Thiebaut a aussi expérimenté le
fonctionnement de maisons-ateliers de Kichompré, composé de deux logements mitoyens,
encadrés d'un atelier de part et d'autre. Les familles d'ouvriers ainsi relogées peuvent
recommencer à produire rapidement en attendant les installations industrielles définitives.
Vue d'une ancienne maison-atelier Garnier-Thiebaut à Kichmpré (Gérardmer)
Concernant les cités ouvrières à usage d'habitation uniquement, la variété des types s'adapte
aux contextes sociaux, géographiques et économiques, dans une volonté d'homogénéité,
d'égalité sociale et de qualité architecturale. Trois formes principales sont observables :
- les maisons jumelles, héritées des cités ouvrières du 19e siècle, elles regroupent deux logis
symétriques sous le même toit. Généralement, fortement inspirée par le régionalisme, elles
prennent l'apparence de chalet, avec une façade en mur pignon partiellement couverte de
bardage, un large débord de toit, balcons… Elles s'accompagnent d'un jardinet indépendant.
Toujours regroupées à plusieurs pour former de petits quartiers, ces maisons jumelles à la
structure identique sont différenciées uniquement par la coloration des volets et des avanttoits.
- les maisons en bande regroupent de 4, 6, voire 10 logements sous un même toit. Ce modèle
de logements mitoyens s’organise sur deux niveaux et peut être agrandi en largeur pour
s'adapter à la taille de la famille relogée. La façade sur le mur gouttereau permet un effet de
répétition des ouvertures qui évoque des lignes modernistes. La différenciation de chaque
logis ne se fait à l'origine que par des volets de couleurs différentes. Si le terrain le permet, un
jardin peut être aménagé à l'arrière.
- les immeubles collectifs assemblent de nombreux appartements (plus d'une dizaine) pour
constituer des bâtiments de 3 voire 4 niveaux. Rationnel et moderne, ils mettent en œuvre des
lignes innovantes (refends verticaux, toiture à un pan…).
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Vue de maisons jumelles (à gauche) et de maisons en bandes (à droite) à Gérardmer
Vue de la cité ouvrière en immeuble des tissages Giselle à La Bresse (1956)
Dans tous les cas, ces cités ouvrières reprennent les caractéristiques du style architectural mis
en œuvre dans la commune à cette période. La reconstruction des équipements culturels,
sportifs ou cultuels des cités ouvrières a généralement été prise en charge par la collectivité.
La société et les entreprises ayant évolué, ces logements ne dépendent aujourd'hui plus de
l'usine à laquelle ils étaient rattachés à l'origine. Les immeubles des cités ouvrières ont le plus
souvent été cédés en lots individuels ou en copropriétés, voire à des bailleurs de fond. La
qualité de vie dans ces habitations tient actuellement beaucoup à l'entretien qui a été effectué
ou non au fil du temps.
Les immeubles en grands ensembles
A partir des années 1950, le MRU a mis l'accent sur le logement. La priorité est
donnée à l'établissement d'habitations en grande quantité afin de remédier à la pénurie et à
l'insalubrité, tout comme permettre la suppression des constructions provisoires.
Les PRA favorise la construction d'immeubles collectifs surtout dans les zones remembrées,
tels que celles de l'Immeubles Z ou des immeubles de la rue du 19e novembre à Gérardmer.
Ce sont de grands bâtiments (R+2 ou R+3) qui s'allongent et s'intègrent dans le réseau urbain,
avec un rez-de-chaussée marqué accueillant souvent des commerces. Leurs auvents, formés
par les balcons filants du premier étage, protégent les piétons des intempéries.
Ce n'est toutefois pas suffisant et l'Etat multiplie les opérations destinées à produire plus de
logements accessibles à tous : LEN (Logement économique normalisé), LEPN (Logement
économique de première nécessité), LOGECOS (Logements économiques et familiaux),
LOPOFA (Logement populaire familial), HLM (Habitation à loyer modéré)… Chacun de ces
types d'immeubles correspond à une procédure et un mode de financement particulier. Par
exemples les ISAI (Immeubles sans affectation individuelle) qui sont mis en place en 1944,
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sont entièrement pré-financés par l'État (à valoir sur les dommages de guerre futurs). Des
contraintes techniques y sont liées (surfaces minimums…)64.
Ces opérations incitent à une architecture rationalisée et industrialisée, de plus grande
ampleur. Elles vont favoriser l'établissement de groupe d'immeubles uniquement destinés à
l'habitation, formant des ensembles cohérents, quasiment indépendants du réseau urbain. Il
s'agit de la mise en place des premiers "grands ensembles", barres ou tours, certes à l'échelle
des enjeux des Vosges et du Haut-Rhin, sans rapport avec ceux de Strasbourg, du Haut-duLièvre à Nancy ou des banlieues parisiennes. A l'image du quartier Kléber à Gérardmer,
achevé en 1959, cinq immeubles en barres s'étirent pour accueillir 145 appartements. Quatre
bâtiments supplémentaires sont intercalés au début des années 1960, pour densifier davantage
le quartier. Dotés du confort moderne du milieu du 20e siècle, les appartements sont
traversants, ce qui permet d'orienter les pièces de vie au sud, tandis que les pièces d'eau et les
autres éléments techniques comme les cages d'escaliers sont placés au nord. Un soin
particulier est apporté aux entrées (porche, éléments de décors, jeux de matériaux…).
Ces constructions représentent une évolution marquante d'un point de vue social et
économique. L'industrialisation des procédés y est favorisée pour réduire les coûts au
maximum. Le quartier Kléber fait partie des Opérations LEN, aussi appelée "Opération
Million" pilotée par le MRU. Elles visent à des logements simples et modernes pour un
million d’anciens francs. Toutefois, cette limite est souvent dépassée pour ne pas trop baisser
les prestations (réduction des surfaces, suppression du chauffage central…), et pour conserver
des matériaux de qualité. En effet, la préfabrication est encore rare et les techniques
traditionnelles persistent : les immeubles du quartier Kléber sont construits en blocs
agglomérés de béton, les planchers sont en hourdis de béton sur poutrelles métalliques, les
encadrements de baies sont en ciment et la charpente en sapin couverte de tuile65. Les
hauteurs sont aussi limitées à 3 ou 4 étages pour éviter l'implantation d'ascenseurs onéreux.
Parallèlement à Gérardmer, s'est élevé l'ensemble des Hagis, puis plus tard celui du quartier
du Bergon. Des résidences de tourisme ont également été bâties ensuite sur la même forme
(Résidence les Dryades…). La pression démographique étant relativement modérée à
Ammerschwihr, le village viticole ne possède pas de grands ensembles. Néanmoins, La
Bresse a vu aussi la construction de logements groupés en nombre : les LOPOFA (Logement
Populaire et Familial), rue de la Résistance, dans le secteur de compensation du PRA
rassemblent 28 appartements. Destinés à reloger les habitants des baraques ne pouvant payer
un loyer trop élevé, ces deux immeubles se sont adaptés à la demande des habitants en
ajoutant des bûchers particuliers pour chaque appartement. Les LOPOFA ont aussi la
particularité de posséder un toit à un seul pan66, aux Champions, aux Zelles, comme au
Chajoux. Ces deux derniers immeubles ont été rénovés pour être remis aux normes
contemporaines, en revanche, les deux barres de la rue de la Résistance sont vouées à la
démolition.
64
Croizé, Jean-Claude. Politique et configuration du logement en France (1900-1980) Humanités et Sciences
Sociales. Universitée de Nanterre - Paris X, 2009.
65
AD88 : série 1152W654
66
Doyen, Jean-Pierre. Du chaos à la croissance, reconstruction et modernisation des Hautes-Vosges : 19441960. In : Journées d'études vosgiennes (Remiremont). 2001.
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72
LOPOFA de la rue de la Résistance à La Bresse (source AD88 serie1815W257-1961)
Ce type de bâtiment de la seconde reconstruction, totalement nouveau, rompt avec les
formes de la ville traditionnelle. Il est fréquemment décrié par la suite, lorsque le modèle est
surexploité. Cependant dans les années 1950, ces immeubles collectifs se présentent comme
une solution optimale pour permettre à un grand nombre de familles de libérer les
constructions provisoires et d'accéder rapidement à un logement sain et confortable, équipé du
confort moderne, ce que peu d'entre elles avaient eu l'occasion de connaître auparavant67.
Les immeubles en ordre continu
Dans les zones en ordre continu, dans les PRA, qui définissent les centres-villes, les
immeubles doivent être mitoyens et constituer des ensembles alignés sur la rue. Ils composent
le tissu urbain, la perspective de la rue, et animent l'économie par la présence quasisystématique d'espace commercial au rez-de-chaussée, largement vitrés, attrayants, lumineux
et ouverts sur l'espace public. Au-dessus, se trouvent un ou deux étages de logements.
Dans une optique moderniste, ces immeubles forment un ensemble dont on ne distingue plus
les structures, et où la façade est répétée à l'identique. La rue Thiers à Saint-Dié-des-Vosges
par exemple, illustre la volonté de créer des lignes de fuites fortes, appuyées par les bandeaux,
des appuis, des auvents et des balcons filants horizontalement, symétriques de chaque côté de
la rue.
A Gérardmer et à La Bresse, cette volonté n'est pas aussi puissante. L'accent est mis sur
l'alignement à la rue, ce qui ne préexistait pas forcement, et sur des volumétries coordonnées.
En effet, tous les immeubles mitoyens du centre sont individualisés par des largeurs et des
hauteurs de façades différentes. Si toutes les façades sont en mur gouttereau, les ouvertures,
les bandeaux et les balcons ne sont pas forcément alignés d'une construction à l'autre.
Certes les dénivellations des zones montagneuses complexifient la mise en œuvre de lignes
rigides, mais cela correspond surtout à une volonté d'individualisation de chaque bâtiment,
pour répondre aux attentes des habitants. Des lucarnes et des croupes animent les toitures en
alignement. L'homogénéité de la rue est donnée par des ouvertures régulières de mêmes
dimensions, et la répétition d'éléments structurants ou de modénatures (balcons, lucarnes,
bandeaux, auvents…), sans rythme rigide.
67
Les reconstructions des années 1920 et 1950 en Lorraine, un renouveau architectural et urbain. La gazette
lorraine, n°388, 2011.
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73
Dessin des façades rue des Iranées à La Bresse (Deschler, 1948)(source AD88 série 1152W)
A Ammerschwihr, la différenciation de chaque bâtiment est encore plus marquée. Dans un
esprit villageois, on alterne des façades sur rue en mur gouttereau et en pignon. De même,
chaque habitation est séparée de la voisine par un volume plus restreint d'annexe ou une
clôture de cour, tout en maintenant un alignement de rue68.
Sur les trois communes pilotes, la sobriété est dominante et n'a pas réellement de caractère
répétitif. De plus, l'ajout d'éléments supplémentaires en façade antérieure (devanture
commerciale, stores-bannes, enseignes, rampes d'accès…) tend aujourd'hui à effacer
l'homogénéité d'origine.
6.4. Des immeubles et maisons individuels homogènes
Les maisons et immeubles individuels qui sont établis dans les zones en ordre
discontinu ou dans les quartiers de compensation, se développent généralement en secteurs
homogènes, de par une construction simultanée dans un même style architectural et avec des
matériaux identiques. L'organisation rationalisée du plan marque les rues, les alignements et
des perspectives fortes que des structures et volumétries cohérentes renforcent.
A plusieurs endroits, la mise en œuvre d'opérations préfinancées a permis de renforcer cette
cohérence d'ensemble, en proposant des modèles pré-établis laissant toutefois une part de
différenciation personnelle. Formant des lotissements, comme celui de la Petite-Bresse,
relevant de l'OP n°13 de La Bresse, les maisons individuelles sont alignées mais en retrait par
rapport à la rue, et sont séparées les unes des autres par un jardin. En suivant les plans
dessinés par Paul De La Personne, Robert Reuillon et Jean Piaget en 1950, chaque sinistré
adapte la cellule commune (cuisine, salle à manger, sanitaires et escaliers) en ajoutant des
variantes en fonction de ses besoins et de ses moyens (chambre, remise, espace agricole,
garage…).
Il existe aussi quelques ensembles de maisons individuelles ou jumelles qui ont été édifiées
sur des dessins totalement identiques par des organismes de type HLM. La reproduction d'un
même plan permet bien entendu de limiter les coûts.
Chaque bâtiment, appartenant à un ou plusieurs propriétaires, s'insère dans un tissu urbain
structuré, mais il est individualisé dans ses détails. Les modèles de la Petite-Bresse peuvent
être agrémentés de balcons, porches, auvents, bardages de bois… La coloration des volets et
des avant-toits est aussi très importante pour différencier chaque maison au sein d'un
lotissement.
68
Cf. Chapitre 3.2 : Esquisse de maisons dans la zone intra-muros en ordre continu à Ammerschwihr.
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74
Photos de la Petite-Bresse à La Bresse, et de maisons jumelles identiques Boulevard de Saint-Dié à Gérardmer
La plupart de ces maisons ou petits immeubles indépendants présentent des formes faisant
référence aux styles régionalistes :
- pour les Hautes-Vosges : façade principale en mur pignon, avant-toits débordants avec
pannes et chevrons apparents, bardage de bois, balcons…
- pour l'Alsace : plan autour d'une cour, oriels, toiture à coyaux, pans de bois, portes
cintrées…
Ces inspirations régionales se retrouvent pour les villas plus cossues du quartier sud
d'Ammerschwihr, à proximité du lac de Gérardmer ou sur le bas du coteau sud qui domine le
village, rue Mougel-Bey, à La Bresse. La mise en œuvre y est plus soignée, les volumes plus
complexes, les détails plus variés, le jardin plus vaste et arboré.
Villa de style chalet à Gérardmer ©Henri Salesse - MEDDE/MLET (à gauche.), et à La Bresse (à droite)
Des villas mettent de préférence en œuvre des lignes plus classiques, retrouvant des façades
ordonnancées, des chaînes d'angle, des corniches, des corbeaux sous les balcons…
Villas d'influence classique à Ammerschwihr (à gauche) et à La Bresse (à droite)
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75
Certaines villas sont plus innovantes et proposent des lignes modernes avec des façades
asymétriques, appuyant les lignes horizontales par des fenêtres en bandeaux, une toiture à un
seul pan…
Villa de style moderne à Gérardmer
Toutes ces villas ont en commun des matériaux de constructions similaires et une
implantation dans un jardin faisant le lien entre le bourg urbain et les espaces non bâtis
l'encadrant, que ce soit des paysages viticoles ou forestiers.
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76
7. Des espaces publics structurant les lieux de vie
En reconstruisant toute une ville, les architectes en chef se posent nécessairement la
question de l'articulation des différentes fonctions, incarnées dans chaque type de bâtiment :
habitations, commerces, industries, sites touristiques, espaces de loisirs… L'espace public
constitue alors le lien entre tous ces éléments, les articulant, les structurant. La qualité du
réseau routier est au centre de la démarche, mais il est nécessaire de prendre aussi en compte
les autres modes de déplacement, notamment piéton et ferroviaire. Les axes de circulations
coordonnent des places et esplanades à fort rôle social. C'est à ces endroits dégagés que sont
mis en valeur les édifices communautaires et les monuments commémoratifs. Ils bénéficient
d'un aménagement paysager faisant la part belle aux végétaux. Les espaces verts répartis dans
la ville, sont aussi un moyen de lier le bourg au paysage qui l'entoure.
7.1. L'enjeu de la circulation et des déplacements
A la Libération, l'un des problèmes les plus urgents est de rétablir les communications
entre les villes et les villages, mais aussi en leur sein. La réfection des ponts et voies de
chemin de fer permet de remettre le plus rapidement possible en circulation les trains
apportant les marchandises, la main d'œuvre et les matériaux de reconstruction.
Ammerschwihr et La Bresse ne sont pas desservis directement par le train, mais la ligne
s'achevant à Gérardmer est rapidement remise en service. La gare a fait l'objet de réflexions
controversées entre la volonté de rétablir le bâtiment du début du 20e siècle partiellement
détruit en 1944, et celle de bâtir un édifice moderne, adapté aux besoins et à la nouvelle image
de la ville.
Le dégagement et la réfection des routes sont également un problème central. Les transports
routiers se sont développés progressivement pendant la première moitié du 20e siècle. Et bien
qu'encore onéreux, ils commencent à se démocratiser, notamment grâce à l'apparition de
petites voitures économiques. L'automobile devient l'un des symboles de la réussite et du
confort des Trente Glorieuses. De 2 millions de voitures en France vers 1950, on passe à 6
millions en 1960 et presque 14 millions en 197069. Cette explosion du nombre de véhicules et
la croissance démographique ont été assez bien anticipées lors de l'établissement des PRA.
L'élargissement et le redressement des rues, suggérés par les théories hygiénistes, favorisent
une circulation fluide. Les carrefours sont aménagés pour plus de sécurité, en coupant
notamment les angles des immeubles pour une meilleure visibilité. Les entrées de villes sont
réfléchies pour articuler au mieux les différentes zones urbaines avec l'espace rural. Lorsque
cela est possible les architectes mettent en place des boulevards de contournement des villes,
afin de décharger le centre-ville du transit. A Gérardmer par exemple, André Gutton propose
la prolongation du boulevard des Xettes, le long de la Jamagne canalisée, afin de desservir
directement sans entrer dans la ville, la zone industrielle et les nouveaux quartiers
d'habitations du coteau de la Haie Griselle. Le principe permet aussi de préserver les habitants
69
Barré, Alain. Quelques données statistiques et spatiales sur la genèse du réseau autoroutier français, Annales
de Géographie, 1997, vol. 106, n° 593
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77
du bruit et des dangers d'une route très fréquentée. Ce contournement est relié au boulevard de
Saint-Dié en enjambant la Jamagne et la voie de chemin de fer grâce à un pont moderne de
béton. Celui-ci permet notamment d'éviter un passage à niveaux, potentiellement dangereux et
rompant la fluidité du trafic. Des Gérômois ont même proposé de prolonger ce boulevard de
la Jamagne davantage, jusqu'à la route de la Cercenée, afin d'éviter la formation d'un goulet
d'étranglement au niveau du carrefour de la Croisette, ce qui pose encore problème
aujourd'hui70.
Dans cette même idée de hiérarchiser les voies de circulation et d'éloigner les grandes
voies automobiles des habitations, Gustave Stoskopf élabore à Ammerschwihr, un PRA
élargissant et redressant les rues, tout en conservant globalement le tracé préexistant, avec un
axe nord-sud, un axe est-ouest et plusieurs axes secondaires. Les nombreux étranglements,
inflexions, chicanes et décrochements sont supprimés.
Le bourg est encore largement contenu dans ses remparts et il est principalement relié aux
autres communes par la RD 415 entre Colmar et Kaysersberg, qui est "l'épine dorsale de la
localité à reconstruire" selon G. Stoskopf71. Celui-ci propose tout d'abord un projet qui crée
une déviation de cette RD 415, mais il est rapidement abandonné car l'emprise de la route sur
les vignes est trop importante. Cette déviation éloigne surtout la ville, ce qui va à l'encontre de
la volonté de redonner à Ammerschwihr sa vocation touristique et gastronomique d'avantguerre. Le deuxième projet présenté par G. Stoskopf, est le passage de la route nationale au
centre-ville, mais le tracé divise profondément le bourg en deux. Le troisième projet qui est
finalement retenu, partage le trafic en trois par un embranchement au sud de la ville : une
déviation du trafic lourd qui contourne la ville le long des anciens remparts à l'est ; un trafic
léger qui traverse la ville par l'axe nord-sud ; et des bifurcations au sud vers Kientzheim
(nord-ouest) et vers Labaroche (est)72.
La topographie contraint également la hiérarchisation des voies de circulation. A La
Bresse, l'axe de circulation principal ne peut pas contourner les habitations. Alors, il est mis
en scène pour constituer la Grande Rue commerçante, remontant la vallée le long de la
Moselotte. Tout un ensemble d'axes secondaires est développé pour irriguer les nouveaux
quartiers d'habitations, en s'appuyant sur les chemins existants, à flan de montagne. Comme
dans les deux autres communes pilotes, L. Deschler cherche à fluidifier le trafic en ajoutant
notamment des emplacements réservés pour le stationnement, et en dessinant de larges
trottoirs qui participent à la physionomie urbaine du centre-ville.
La création de voies à la circulation rapide, avec trottoirs, éclairage public… est alors
le signe d'une modernité acquise grâce à la reconstruction. Depuis cette époque, la place de
l'automobile a bien changé. Les voitures sont aujourd'hui beaucoup plus nombreuses, plus
rapides et les priorités ont évolué vers plus de sécurité et moins de pollution. Les objectifs
sont de limiter la vitesse sur les grandes routes, séparer les espaces piétons et ceux de
circulation, réduire au minimum la présence de voiture en centre-ville, favoriser les transports
en commun…
70
Durand, Gilles. Kondolff, Claude. Circuler Transporter à Gérardmer, Le tournant de l'automobile, Club
Cartophile Géromois, 2012
71
Sophie Onimus-Carrias, Le patrimoine de la Reconstruction : les villages de la Poche de Colmar, Revue de
l'Institut national du Patrimoine, n° 4, 2008.
72
Lichtlé, Francis. Et elle renaît de ses cendres… La reconstruction d’Ammerschwihr, 1945 – 1961, Editions
JD. Reber, 2005.
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78
7.2. Le rôle central des places et des abords des
édifices publics
En parallèle de l'élargissement et la rectification des rues, les architectes en chef
veillent à dégager de larges espaces pour aérer le tissu urbain. Généralement de plan
rectangulaire, ils effacent les anciens îlots mais s'adaptent toutefois à la topographie. Ainsi à
La Bresse, l'idée de la place du Champtel est de créer un lieu public ouvert sur l'eau, lié aux
berges de la rivière et aux ponts, refaits à ce moment là.
Comme à Ammerschwihr, c'est une vaste place publique aménagée afin de créer un lieu
central autour duquel sont groupés les bâtiments civiques, symboliques pour la commune, et
en particulier la mairie. L'hôtel de ville domine la place grâce à un léger dénivelé, et
l'encadrement de maisons ou de petits immeubles mitoyens le met en valeur. Ces alignements
d'immeubles donnent un statut urbain très fort au cœur du village ou de la ville. Ils participent
à la modernisation de l'apparence de la localité, et l'orientent vers le statut de ville. A
Ammerschwihr, les alignements sur la place de la mairie sont parfois rompus pour préserver
le caractère villageois et les irrégularités propres aux constructions médiévales. Le même
principe est appliqué pour les autres édifices emblématiques de la commune, comme le lieu de
culte ou la gare.
A Gérardmer, l'ancienne mairie et ses abords ayant été épargnés des destructions, le PRA
propose la réalisation de plusieurs places de grande taille réparties aux points stratégiques de
la ville, et complétant les places pré-existantes (place Albert Ferry et place du Tilleul). Ce
sont des nœuds de communication chargés de faire le lien entre plusieurs autres zones.
L'Esplanade du Lac par exemple fait la liaison entre l'entrée ouest de la ville (RN 417), le lac,
le mail, les hôtels et la zone de villégiature, le centre-ville, la rivière de la Jamagne et la route
de contournement. Toutes ces fonctions se connectent en étoile sur une place circulaire
encadrée de grands hôtels formant un front de lac arrondi, pour mettre en valeur le joyau de la
ville.
Les places font aussi la transition entre plusieurs modes de transport, à l'image de la place des
Déportés, qui accueille alors les gares ferroviaire et routière, et qui s'ouvre largement sur
l'entrée de ville ouest d'une part, et le centre-ville commerçants à vocation plus piétonne
d'autre part. Certaines places, comme celle-ci, ont clairement une vocation automobile,
servant de stationnement.
Quelques places sont plus mixtes, notamment la place au chevet de l'église, ou la place du
Tilleul de Gérardmer, qui servent de parking en dehors des jours de marché. D'autres sont des
esplanades destinées plutôt aux piétons. Comme pour la place du Champtel de La Bresse ou
l'esplanade du Lac de Gérardmer, la voiture n'y est pas absente. Dans un cas, la route fait le
tour de la place, dans l'autre elle la traverse en son centre. Dans les deux cas, ce sont des lieux
de socialisation, où on s'arrête, contrairement à la rue, ce qui favorise les rencontres.
L'attractivité et la convivialité sont des éléments importants dans les réflexions de conception.
C'est notamment dans cette optique que les places sont agrémentées d'éclairage public et de
espaces verts : parterres fleuris ou de gazon, alignements d'arbres, plantations d'agrément,
haies…
Les abords des bâtiments communautaires (tels que les écoles ou les équipements sportifs) et
des monuments commémoratifs sont généralement agrémentés d'allées avec quelques plantes
et arbres, des réverbères, des bancs…
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7.3. L'importance des supports de mémoire et des
monuments commémoratifs
Suite à la période traumatisante de la guerre et des destructions, Ammerschwihr, La
Bresse et Gérardmer portent nécessairement une attention particulière aux monuments aux
morts et commémoratifs. Des plaques gravées aux noms des habitants "Morts pour la France"
s'ajoutent aux monuments édifiés après la première guerre mondiale. Des stèles
volontairement sobres sont dressées, sur les grands sites de la Résistance, en mémoire des
déportés, des martyrs et des fusillés, ou en l'honneur des maquisards et des troupes de la
Libération.
L'implantation des nouveaux monuments est effectuée soit sur le lieu de l'événement
(monument du Maquis de la Piquante Pierre à La Bresse), soit à proximité des édifices publics
afin d'être visible le mieux possible : près de l'église, de la mairie ou de la caserne des
pompiers. A Gérardmer, la monumentalité de la place du Général Leclerc établie après la
première guerre mondiale, est complétée par le percement de la rue Lucienne, et par des stèles
commémoratives autour du monument central.
La mémoire des événements s'appuie non seulement sur ces stèles mais aussi sur quelques
ruines qui témoignent des destructions : ruines des anciens hôtels de ville d'Ammerschwihr et
de La Bresse, restes du portail d'entrée de la caserne Kléber à Gérardmer. Les vestiges
témoignent de l'ampleur des dégâts et constituent des monuments pour la ville. L'ancienne
mairie d'Ammerschwihr a d'ailleurs été classée au titre des Monuments Historiques en 1965.
Les Monuments Historiques73 sont répartis dans le centre d'Ammerschwihr, et la protection de
leurs abords implique une préservation de l'ensemble des bâtiments du bourg.
La Bresse ne possède pas de Monuments Historiques, tandis que Gérardmer en renferme
deux74. Les tensions y sont moins visibles, d'autant plus que la création de la ZPPAUP75 en
1995 avait étendu des mesures de préservation à l'ensemble du ban communal gérômois.
Pour ces trois communes, les constructions antérieures à la seconde guerre mondiale, et qui y
ont survécu, sont des biens précieux, un patrimoine qui rappelle le passé glorieux de la cité.
Pour maintenir la mémoire, on peut aussi s'appuyer sur les plaques et les pierres de fondation
relatives à la reconstruction, qui remercient généralement les donateurs qui ont aidé à relever
le bâtiment. Des arbres commémoratifs ont aussi été plantés.
73
Liste des Monuments Historiques d'Ammerschwihr : Eglise Saint-Martin (IMH, arrêté du 25 juin 1946 et du 2
novembre 1988), Fontaine de l'Homme Sauvage (CLMH, arrêté du 26 mars 1965), Fenêtre sculptée d'une maison (IMH,
arrêté du 5 mai 1931), Ruines de Hôtel de Ville (CLMH, arrêté du 16 février 1965), Ancienne enceinte fortifiée urbaine :
Tour Sud-Est intérieure, 1 place du Vieux ; Marché (IMH, arrêté du 10 juin 1993) ; Vestiges de l'enceinte, lieudit Ville (IMH,
arrêté du 10 juin 1993) Tour des Voleurs (IMH, arrêté du 5 mai 1931), Tour du Pétrole ou des Citoyens (IMH, arrêté du 5
mai 1931), Porte Haute (IMH, arrêté du 5 mai 1931), Ancien Château de Meywihr (IMH, arrêté du 15 mars 1956).
74
Liste des Monuments Historiques de Gérardmer : Pont dit Pont-des-Fées sis sur la Vologne (IMH, arrêté du 11
février 1972), Ferme Chevronton ((IMH, arrêté du 14 novembre 1979)
75
Zone de Protection du Patrimoine Architecture, Urbain et Paysager
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80
Monument aux morts à coté de l'Eglise d'Ammerschwihr (à gauche), et plaque commémorative de l'aide par la
Ville de Vichy à la construction du centre médico-social de Gérardmer (à droite).
Ruines de l'Hôtel de ville d'Ammerschwihr (à gauche), Plaque d'un tilleul commémoratif à Gérardmer (à droite)
7.4. L'importance des espaces verts dans la ville et de
la préservation des paysages
Les réflexions modernes s'attardent largement sur la place des espaces verts dans les
villes et villages. La charte d'Athènes appuie leur nécessité dans le cadre d'un aménagement
rationnel et sur leur intégration à la fois sur des grandes surfaces (parcs, esplanades…) et par
de petites touches (abords des installations à caractères collectifs, jardins…)76. La vision
moderne tendant ainsi à s'affranchir de la séparation entre ville et campagne, entre nature et
urbanisation, introduit de grands espaces végétalisés au cœur de la ville entre les
constructions.
Cette volonté de faire entrer la végétation en ville pour constituer des villes plus agréables aux
habitants est largement reprise par l'ensemble des architectes de la seconde reconstruction.
Lors de l'élaboration des PRA, ils conservent précieusement les quelques parcs préexistants
(Parc Garnier à Gérardmer). Ils les améliorent, les complètent, les agrandissent… Le parc du
Trexeau à Gérardmer par exemple, est agrémenté d'alignements d'arbres s'ouvrant sur le mail
nouvellement créé, pour constituer une promenade arborée le long du lac. La plupart des rues
élargies des centres-villes sont d'ailleurs destinées à recevoir des alignements d'arbres qui
ombrent les trottoirs et appuient les perspectives. Ces rangées d’arbres de hautes tiges
(tilleuls, marronniers…) font également la liaison entre les différentes places de la ville.
76
Abram, Joseph. L'architecture moderne en France : tome. 2 - du chaos à la croissance (1940-1966). dir.
Gérard Monnier. Paris : Picard, 1999.
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Dessin d'aménagement de La Bresse avec de nombreux alignements d'arbres - vers 1947(L. Deschler)
Toutes les places sont aussi redessinées pour accueillir au moins quelques arbres, voire des
aménagements paysagers (bosquets, haies, sentiers….). De petits parcs sont aussi constitués
aux abords des édifices communautaires et des monuments commémoratifs. Tous sont munis
d'équipements publics complémentaires comme des bancs, des jeux pour enfants, des
fontaines, des toilettes publics... La plupart bénéficient de l'éclairage public.
Grâce au remembrement et à la dédensification des centres-villes, il est également possible de
créer de nouveaux parcs d'agrément à l'image de celui du l'Immeuble Z, dessiné par A. Trottin
en 1957. Les architectes veillent aussi à ce qu'un maximum de bâtiments privés bénéficient
d'un jardin, afin de créer des espaces de respiration dans la ville. Ces jardins participent en
effet à l'amélioration des conditions de vie et de confort de l'ensemble des habitants. Des
visions dégagées sur les espaces verts depuis les grandes fenêtres des nouveaux appartements
offrent de l'air, de la sérénité et des vues privilégiées sur le paysage.
Parc de l'Immeuble Z à Gérardmer (à gch.), alignement d'arbres derrière la mairie d'Ammerschwihr (à dr.)
Dans les trois communes, malgré les indications précises des architectes tous les
aménagements verts prévus n'ont pas pu être réalisés après-guerre, faute de moyens ou de
volonté. G. Stoskopf le déplore lors d'une conférence en 1960 : "A Ammerschwihr, consulté
par édiles, j’ai indiqué à deux ou trois reprises les plantations à faire... Les printemps et les
automnes passent et j'attends vainement… Il est formellement conseillé par les instructions
officielles de planter des arbres dans les cours de récréation des écoles ! Peine
perdue…Directeurs des écoles, Instituteurs s’y opposent dans un grand nombre de cas. Il
semble que le ramassage des feuilles mortes constitue un grave problème ! Des instructions
déjà très anciennes, datant des premières années de la Révolution, rappelées de temps en
temps, recommandent de planter des arbres dans nos cimetières. Non seulement on n’en
plante plus guère mais les derniers vestiges des cimetières romantiques, les abondantes
plantations de cyprès, d’ifs, de saules pleureurs, sont abattus… "77.
77
Extrait de la conférence donnée par Gustave Stoskopf, à Strasbourg, lors du Premier congrès européen des
loisirs au Palais du Conseil de l'Europe, le 6 avril 1960 (source : AD68, série 34J1564)
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82
De par son histoire et sa morphologie, Ammerschwihr est une cité plus minérale que
Gérardmer et La Bresse. G. Stoskopf essaie d'y intégrer le maximum d'arbres aux abords des
édifices publics (mairie, école, église) et le long de la rivière. Le desserrement des habitations
et ses dessins d'ambiance urbaine suggèrent la plantation d'arbres dans les cours intérieures
des maisons privatives. Enserrée dans ses remparts, Ammerschwihr bénéficie que de très rares
perspectives vers les coteaux depuis les rues. Les paysages se révèlent par les fenêtres des
étages. Toutefois la protection paysagère de ces coteaux est assurée par la mise en place d'une
zone non aedificandi, qui vise aussi bien à maintenir la qualité de la vue pour les habitants,
qu'à préserver une attraction touristique.
Les paysages sont bien plus présents à Gérardmer et à La Bresse, en raison d'un réseau urbain
plus lâche créant des perspectives ouvertes vers les coteaux. La mise en scène végétalisée des
rues et places est bien entendu destinée à faire la liaison avec les paysages environnants,
faisant entrer la nature en ville..
Ce paysage a bien changé depuis les années 1950. L'évolution de l'économie et des pratiques
agricoles a, par exemple à La Bresse, laissé la forêt gagner les anciens pâturages. Cette
reforestation s'est accompagnée d'une urbanisation des bas de coteaux.
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83
8. La reconstruction adaptée au monde contemporain
Plus d'un demi-siècle après la seconde reconstruction, il est aujourd'hui utile de se
poser la question de savoir si les objectifs visés par les architectes en chef ont été atteints, si
les réalisations ont été conformes aux volontés traduites dans les plans. De plus, il est
nécessaire de mettre en perspective ces réalisations par rapport aux objectifs actuels de la
société et des trois communes pilotes. Les matériaux et les structures ont subi l'usure du
temps. Les normes en matière de confort, de sécurité ou d'économie d'énergie ont évolué
radicalement, laissant ces bâtiments dans des conditions peu attractives. Toutefois, certains
éléments de ces bâtiments et espaces semblent encore aujourd'hui tout à fait adéquates, ou
peuvent être adaptés aux modes de vie du 21e siècle.
8.1. Une esthétique sobre
L'esthétique et les techniques de construction expérimentées lors de la seconde
reconstruction sont à la base des conceptions contemporaines : rationalisation,
industrialisation… Les matériaux de structure restent majoritairement les mêmes (structure de
béton et d'acier, parpaings, charpente de bois…).
La volonté des architectes en chef de mettre en œuvre une architecture dans un style moderne
modéré, voire presque régional, a produit des bâtiments d'une grande sobriété. Les formes
simplifiées, épurées de quasiment tout ornement, s'assemblent en ensembles cohérents sur
lesquels le regard glisse sans en être heurté. Parfaitement intégrés dans l'espace urbain, les
bâtiments de la seconde reconstruction supportent facilement la mitoyenneté avec un édifice
plus récent. En effet, les caractéristiques de la reconstruction ont largement inspiré les
constructions de la seconde moitié du 20e siècle dans les trois communes pilotes. Ce n'est
finalement que récemment que de nouvelles esthétiques sont venues dominer le paysage :
chalets de bois, habitations aux volumes complexes…
La sobriété des bâtiments de la seconde reconstruction n'exclut pas la possibilité de
personnalisation très appréciée des façades, notamment à travers la coloration des
modénatures et des volets. De plus, cette quasi-austérité des formes au sein des rues ou
quartiers de la seconde reconstruction, permet d'intégrer facilement des créations
contemporaines.
Parallèlement, les conceptions et les lignes modernes sont désormais largement intégrées, et
ne semblent plus choquantes pour tout un chacun. Les constructions de cette époque, les plus
marquantes dans la ville, sont souvent celles qui ont bénéficié d'un dessin architectural plus
osé, plus marqué par le style moderne. Ces immeubles semblent un peu différents des autres,
plus innovants. La qualité architecturale de l'immeuble Z, de l'immeuble "Le Normandie" ou
de l'usine Francois Hans à Gérardmer par exemple, laisse à penser qu'ils peuvent constituer
des architectures remarquables, un patrimoine identifié.
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84
8.2. Des aménagements urbains évolutifs
Les études consciencieuses qui ont abouti à l'élaboration des PRA pour chaque
commune sinistrée a pris en compte l'ensemble des éléments nécessaires pour bien
comprendre le fonctionnent de chaque ville et ses enjeux. Le travail de rationalisation des
zones et d'amélioration du réseau routier effectué à cette époque est encore tout à fait adapté
aux besoins actuels. Les reprises ont été nombreuses depuis, mais ces modifications n’ont pas
remis en cause les fonctionnements généraux donnés à la seconde reconstruction. Ces
interventions sont notamment dues aux nécessaires besoins de faire évoluer la ville.
De même, les espaces libres qui ont été laissés autour des équipements pour permettre leur
éventuel agrandissement sont de réelles opportunités d’évolution. Les grands axes ont été
tracés pour diriger les extensions futures des zones construites. De plus, les zones paysagères
qui ont été identifiées comme sensibles dans le PRA par une servitude non aedificandi, ont
bien été préservées de l'urbanisation.
La gestion de l'organisation structurelle des communes s'opère aujourd'hui par l'intermédiaire
des documents d'urbanisme (PLU, PLUi). Pour aller plus loin, le projet de création d'une Aire
de mise en Valeur de l'Architecture et du Patrimoine (AVAP) actuellement en cours à
Gérardmer, vise à mieux prendre en compte les spécificités de chaque secteur urbain ou
paysager, à intégrer les principes de développement durable, et à identifier un certain nombre
d'édifices remarquables, exceptionnels et à préserver, dont près de 80 issus de la seconde
reconstruction. Il s'agit à la fois de les préserver mais aussi d'encadrer leur évolution pour
qu'elle se fasse dans les meilleurs conditions possibles.
8.3. La notion d'ensembles structurant la cité
La prise en compte du fonctionnement de la cité dans son ensemble a permis d'aboutir
à des réalisations d'une grande cohérence entre elles, et parfaitement intégrées dans leur
environnement. Il en résulte encore aujourd'hui peu de conflits intrinsèques. La préservation
de cette cohérence, à l'échelle de la ville ou du village, mais aussi à celle du quartier, de la
rue, de la place ou de la cité ouvrière, est nécessaire à la poursuite de son bon fonctionnement.
La rupture d'un alignement d'immeubles dans une zone en ordre continu par une dent creuse,
ou un nouveau bâtiment en retrait, avec des volumes atypiques, peut perturber profondément
l'impression et la perspective de la rue. Des modifications des espaces publics peuvent aussi
entraîner des ruptures fondamentales d'un ensemble, altérant la compréhension et la vision du
réseau complet (voie, bâtiment, perspective…). A titre d'exemple, à Gérardmer, il s'est avéré
nécessaire de désengorger le centre-ville en incitant les voitures à prendre davantage le
boulevard de la Jamagne. La création d'un rond point à la fin des années 1980 a permis à cet
axe de servir réellement de contournement à la ville mais a empiété sur le cercle de
l'Esplanade du Lac. Il a séparé complètement la route de l'espace piéton pour améliorer la
sécurité et le fleurir davantage. Toutefois, il est aujourd'hui difficile de comprendre pourquoi
les hôtels ne sont pas alignés, car l'arc de cercle initial dessinés par les façades ne correspond
plus à la place piétonne, ni même au rond-point. Le plan initial n'est plus lisible aujourd'hui.
Le réaménagement effectué, sans grosses transformations du tissu urbain, a répondu aux
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Ici et Là - Vanessa Varvenne
85
besoins de circulation actuels, mais il met en valeur uniquement la vue sur le lac, et a
supprimé la perspective d’entrée dans la ville.
Cette notion d'ensemble homogène dans son style, sa volumétrie, son ancienneté… n'exclut
pas l'intégration de constructions plus récentes en son sein, au contraire. La sobriété des lignes
modernes accepte facilement des créations post-moderne, du moment que ce nouveau
bâtiment prend en considération son environnement construit et paysager.
8.4. Une capacité d'évolution à exploiter
De par la simplicité et la rationalisation de leurs plans, de leurs formes, de leurs
matériaux et de leurs mises en œuvre, les bâtiments et les espaces issus de la seconde
reconstruction sont des volumes et des surfaces assez facilement transformables. Cette
capacité à évoluer, à être adaptés à de nouvelles configurations est supérieure à celles
d'immeubles du début du 20e siècle, encore chargés de décors classiques, art nouveau ou art
déco par exemple.
La rationalisation de l'aménagement intérieur à conduit à placer prioritairement les pièces de
vie au sud et donc à regrouper les espaces techniques et les salles d'eau au nord. Ce type
d'organisation a perduré aujourd'hui, avec une volonté de décloisonner qui ne pose
généralement pas de soucis. Pour la mise aux normes énergétiques, qui peut passer par une réisolation complète, les bâtiments de la reconstruction supportent très bien les isolations par
l'extérieur, sans perdre leurs caractéristiques architecturales si les bandeaux et les
encadrements de ciment moulé en saillie sont reconstitués en façade.
Les architectes de la reconstruction ont anticipé les évolutions possibles des aménagements
urbains, et leur ont laissé la souplesse de pouvoir s'adapter, par des compositions simples et
aérées.
Ils n’ont cependant pas pu tout imaginer, et la profonde mutation du monde agricole survenue
postérieurement a par exemple, rendu obsolète les fermes innovantes des années 1950. Les
fermes standards, conçues pour quelques bovins ou pour une petite production viticole, ont
aujourd’hui, perdu leur fonction agricole, à quelques exceptions près. Toutefois, les espaces
de l’exploitation, suffisamment modulables, ont la capacité de trouver une seconde
destination. Après le percement de baies et l'isolation des cloisons extérieures en bois ou des
colombages, ces anciennes fermes sont souvent transformées en habitation (second
appartement, chambre d'hôtes…), voire en atelier ou en garage.
Dans une optique de développement durable qui préfère la réutilisation des structures
existantes à la construction neuve, la réaffectation et la rénovation des bâtiments de la seconde
reconstruction est une question à mettre en relation avec leur correspondance aux normes
actuelles. L'intégration de la plupart des sources d'énergie renouvelables est faisable de
manière relativement simple, et sans dénaturer le bâtiment.
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Ici et Là - Vanessa Varvenne
86
9. La reconstruction à l'épreuve du temps
La reconstruction des trois communes pilotes s'est étalée entre 1946 et 1960 environ.
Près de 60-70 ans plus tard, certains éléments des bâtiments et espaces issus de la seconde
reconstruction fonctionnent encore parfaitement, et d'autres sont devenus obsolètes. Si nos
manières de vivre ont beaucoup évolué au cours de la seconde moitié du 20e siècle, ce sont
surtout les normes qui se sont développées et qui encadrent désormais énormément d'aspects
de nos vies quotidiennes. Les anciennes constructions ou aménagements urbains sont tenus de
s'y contraindre. L'émergence des nouvelles technologies, de l'information ou de la domotique
ont créé de nouvelles attentes, de nouveaux besoins auxquels les infrastructures et les
intérieurs doivent s'adapter.
Les constructions des années 1950 ont aussi tout simplement vieilli. Le style de la
reconstruction s'est progressivement démodé et ne suscite aujourd'hui plus beaucoup d'intérêt.
Naturellement, les constructions ont aussi supporté les intempéries, le manque d'entretien
parfois, et elles ont aujourd'hui besoin de légères, voire de lourdes rénovations.
9.1. Des normes qui ont changé
A l'origine des normalisations actuelles se trouvent les mouvements de rationalisation
et de standardisation de l'après-guerre. La volonté de contrôler les risques, d'économiser ou de
rendre accessible a engendré des réglementations qui s'appliquent aux nouveaux
aménagements et constructions, mais aussi à ceux préexistants. Il est donc nécessaire de les
faire mettre aux normes, au moins lors de travaux, sur les points suivants, en fonction des
enjeux de l'édifice :
- les normes de sécurité visent à protéger les occupants et les usagers. Dans les lieux publics
les contraintes en matière d'incendie par exemple sont très fortes (portes coupe-feu,
extincteurs, dalles de béton de faible épaisseur, systèmes de désenfumage…) tandis que dans
les habitations, on se contenterait d'un détecteur de fumée. Dans tous les cas, la mise aux
normes des réseaux d'électricité, des chaudières, des systèmes de ventilation… est nécessaire.
Eventuellement, l'installation d'un système anti-intrusion est à ajouter pour les lieux sensibles.
- les normes sanitaires sont maintenant fixées au fur et à mesure de l'observation des
conséquences de certains matériaux sur la santé humaine ou sur l'environnement. Certains
comme le fibrociment ou ciment-amiante, interdit en France depuis 1997, ont été largement
employés lors de la seconde reconstruction comme isolant. Si le désamiantage n'est pas
toujours obligatoire selon son état de conservation et son emplacement, il faut toutefois
prendre en compte sa dangerosité et réfléchir à sa dépose et son retraitement. Il est aussi
important de vérifier l'absence d'autres matériaux toxiques ou polluants, comme le plomb
(canalisation, peinture…)78. Les stratifiés et autres matières issues des produits pétroliers ou
chimiques peuvent laisser s’échapper des vapeurs dangereuses pour la santé pendant de
nombreuses années. La manière de traiter les eaux usées et les déchets ménagers a également
78
Pour les constructions antérieures au 1er janvier 1949, date de la loi d'interdiction des peintures au plomb.
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
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changé et peut induire des aménagements (création d'un local à poubelles fermé pour les
copropriétés…).
- les normes d'accessibilité permettent l'adaptation au handicap, mais aussi aux enfants et
aux personnes âgées. Rendues obligatoires dans les lieux recevant du public, elles peuvent
être utiles dans les espaces privés. Elles s'appliquent sous de nombreuses formes : trottoirs
adaptés, rampes d'accès, largeur des portes, salles d’eau, sanitaires...
- le confort acoustique est devenu une préoccupation importante en contexte urbain et surtout
en immeuble collectif, à la fois entre les différentes pièces ou appartement d'un même
bâtiment, mais aussi vis-à-vis de la rue. On peut agir sur la qualité de l'isolation phonique par
les épaisseurs des dalles de plancher, des cloisons, mais aussi en limitant les nuisances
extérieures, en éloignant des immeubles certains aménagements bruyants, ou en les intégrant
dans une annexe : stationnement en box plutôt qu'aérien…
- les économies d'énergie sont une préoccupation particulièrement importante dans la société
contemporaine. Il s'agit de prendre en compte tous les éléments consommateurs d'énergie
dans un bâtiment, ceux qui en produisent et ceux susceptibles de limiter les déperditions.
L'amélioration de l'isolation thermique des bâtiments de la seconde reconstruction est à
combiner avec des équipements de chauffage plus performants et des sources d'énergie
renouvelables (panneaux photovoltaïque, éoliennes, géothermie…). Les travaux
d'amélioration énergétique doivent toujours être pensés de manière globale, en prenant en
compte l'ensemble du bâtiment et de ses fonctions. Les moyens dépensés pour sa rénovation
doivent être mis en relation avec les gains retirés en matière d'amélioration du confort, de la
consommation, de l'entretien, de la pollution environnementale…
La mise aux normes et l'amélioration globale des immeubles de la reconstruction est un sujet
d'expérimentation qui permet de trouver de nouvelles solutions parfois audacieuses,
permettant une seconde vie aux immeubles. L'ancienne école Victor Hugo à Gérardmer par
exemple, bâtie au début des années 1960, a bénéficié d'une rénovation innovante en matière
de développement durable. Sa transformation en Maison de la Musique a reçu le prix
PREBAT79, décerné par la Direction Régionale Lorraine de l’Agence de l’Environnement et
de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) avec le concours de la Région Lorraine et de la
Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement. Avec
l’ensemble des panneaux photovoltaïques sur son toit et sa bonne isolation, le bâtiment
produit plus d’énergie qu’il n’en consomme. C’est un bâtiment « passif ».
Maison des Sœurs réhabilitée en « Espace Familles» à La Bresse (à g.) et école Victor Hugo, réhabilitée en
maison de la musique à Gérardmer (à dr.)
79
Programme de Recherche et d’Expérimentation sur l’Energie dans le Bâtiment
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88
9.2. Des aménagements urbains à faire évoluer
La réflexion accordée à l'organisation des villes et villages au moment de la
reconstruction a vraiment permis d'en améliorer leur fonctionnement structurel. Toutefois les
localités ont continué d'évoluer, de s'agrandir. Il est important pour les communes d'observer
les relations qu'entretiennent les différents quartiers de la ville entre eux, afin d'observer si les
objectifs des PRA ont pu être atteints. Certaines évolutions d'aménagements urbains n'ont pas
été anticipées dans les PRA. Il est également indispensable d'analyser les choix
d'aménagements réalisés depuis cette période. Certains ont consisté à modifier des
infrastructures pour les adapter aux normes et aux besoins contemporains. Certains points de
circulations par exemple posent question (carrefour de la Croisette à Gérardmer), certaines
rues ou boulevards pourraient être requalifiés (plantation d'alignement d'arbres, création de
pistes cyclables…). D'autres choix récents sont plus impactants, comme celui de la création
de nouvelles zones résidentielles. Gérardmer et La Bresse se sont étendues sur des surfaces
plus importantes (sur les coteaux) ces dernières décennies que lors de la reconstruction.
L'architecture et l'urbanisme sont aujourd'hui des enjeux électoraux forts. L'aménagement de
la commune et les possibilités de son évolution sont mis en relation avec l'évolution
démographique, l'attractivité du territoire, ou les rapports entre quartiers ou entre voisins. Si le
traitement de l'urbanisme de la reconstruction est admis de manière assez positive, il apparaît
toutefois des fractures profondes entre certains quartiers : le "quartier des fleurs" à
Ammerschwihr construit plus récemment est totalement coupés du village initial de l'autre
coté de la route nationale. Alors même que le tracé de cette route nationale a été longuement
étudié, débattu après-guerre, et le choix a été arrêté sur un parcours longeant le bourg, pour ne
pas le fractionner. L'architecte en chef a pris soin de limiter au maximum l'implantation de
quartier de compensation à l'est de cette route nationale, sachant pertinemment qu'elle
constituerait une barrière naturelle, divisant la communauté villageoise. Lors de
l'établissement du quartier des Fleurs, d'autres enjeux ont été pris en compte et ont été jugés
plus important que l'unité communautaire. La dichotomie actuelle d'Ammerschwihr entre le
bourg ancien, les zones reconstruites et la zone pavillonnaire récente, est accentuée par le
dépeuplement progressif du centre, abandonnant les anciennes fermes viticoles, trop grandes,
plus adaptées. Ces nouvelles répartitions de population inquiètent les habitants, qui se
retournent vers la commune et ses élus pour trouver des solutions. Les aménagements
d'architecture et d'espaces publics sont alors perçus comme le signe de l’état démographique
et économique de la commune.
Effectivement une politique volontaire peut être la source d'un renouveau de l'image de la
commune. La réfection des espaces publics tend à inciter la réfection des façades privées, tout
en favorisant l'attraction touristique, et la venue de nouveaux habitants et de nouveaux
commerces…
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
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9.3. Une habitabilité et un confort intérieur à
améliorer
Si les immeubles de la reconstruction étaient à l'origine particulièrement innovants et
adapté aux normes modernes, leur attractivité est aujourd'hui assez faible en matière
d’habitabilité et de confort intérieur. Lorsque ces constructions n'ont pas été rénovées, de
lourds travaux sont parfois nécessaires pour garantir un niveau de confort à la hauteur des
attentes contemporaines.
- L’habitabilité n'offre pas toutes les réponses aux besoins contemporains. Les différentes
espaces intérieurs des immeubles de la seconde reconstruction sont certes relativement
modulables, mais la dimension des pièces est souvent restreinte. Les places de stationnement
ne sont pas assez nombreuses et rarement couvertes ou fermées. Les locaux d'annexes
nécessitent de gros travaux de réhabilitation…
- L’accessibilité n’a pas été intégrée et peut être rédhibitoire. La problématique du
vieillissement de la population était moins criante dans les années 1950, au début du babyboom. Aujourd'hui l'enjeu est central pour maintenir les aînés dans les villages et les villes.
L’adaptation des logements aux personnes âgées est essentielle pour maintenir leur intégration
dans la communauté. A Gérardmer et La Bresse, ceux-ci ont tendance à quitter les fermes et
maisons isolées, pour se rapprocher des services du centre-ville où les logements de plainpied ou accessibles sont quasiment inexistants.
- La modernité des installations à l’époque devient obsolète aujourd’hui. Si les installations
électriques et sanitaires constituaient une avancée exceptionnelle en termes de confort et
d'hygiène après-guerre, elles ne sont plus conformes aux règles actuelles de la construction. Il
en est de même pour l'air et la lumière. Si les ouvertures de la reconstruction sont grandes en
comparaison de celles des fermes traditionnelles, elles paraissent bien réduites face aux
immenses baies vitrées désirées aujourd'hui. Les années 1950 voient l'émergence de
l'électroménager moderne qui prend aujourd'hui toute son ampleur dans une vision d'ensemble
des possibilités de l'habitation à travers la domotique.
- Le confort thermique doit être amélioré. Les parois réalisées lors de la seconde
reconstruction sont réputées pour leur finesse, leur faible isolation et la présence de nombreux
« ponts thermiques ». Les déperditions de chaleur par les murs construits en panneaux de
béton préfabriqués sont importantes, en surface et surtout au niveau des joints. Ces effets sont
néanmoins à relativiser dans les trois communes pilotes où les reconstructions se sont faites
pour une grande part en maçonnerie traditionnelle de moellons. Dans tous les cas, les
enveloppes des bâtiments de la seconde reconstruction doivent être diagnostiquées pour
orienter les choix d’isolation. Les systèmes de chauffage contemporains sont éminemment
plus efficaces et économes que les chaudières au fuel des années 1950. L'isolation des
menuiseries et des toitures si elle n’a pas déjà été reprise, doit être étudiée en priorité.
- La sécurité contre les intrusions est limitée. Les grands espaces paysagers autour des
édifices publics, des écoles notamment, sont parfois difficiles à sécuriser. Parallèlement, la
protection des huisseries contemporaines est également bien supérieure à celles des années
1950-1960, sans compter l'absence de système de détection…
Les grandes fermes viticoles du centre d'Ammerschwihr, issues de la reconstruction
n'ont souvent pas été réhabilitées et ne sont plus adaptées aux besoins de la vie actuelle. De
trop grands espaces, mal isolés, coûteux à entretenir, associés à une accessibilité réduite et à
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
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90
un prix de l'immobilier élevé entraînent un désintérêt pour ce type d'habitation. Lorsque ces
constructions n'ont pas été rénovées, ce qui est souvent le cas, la charge de travaux à effectuer
peut sembler trop importante au regard de la qualité esthétique ou patrimoniale perçue.
9.4. Une esthétique manquant de typicité
La volonté des architectes de la reconstruction de produire une architecture rationnelle,
économique, sans pastiche, a conduit à concevoir des volumes et des modénatures sobres,
épurées où les lignes et les rythmes ont davantage d'importance que les décors. Réfléchi à
l'échelle de la rue ou du quartier, chaque bâtiment est individualisé dans ses détails mais
l'ensemble paraît à première vue identique. C'est cette grande homogénéité et cette sobriété
qui fait glisser le regard sans l'accrocher. La plupart des habitants et des visiteurs ne voient
pas ces immeubles. Cette trop grande tempérance des volumes et des ornements incite
souvent les populations à les considérer comme peu originaux, sans cachet. Les constructions
et les espaces de la seconde reconstruction ne constituent généralement pas de monument en
tant que tel. Cette monumentalité et la qualification de "Patrimoine" sont réservées aux
constructions plus anciennes (maisons de la Renaissance, fermes, demeures de la Belle
Epoque…), dont les formes typiques ou les sculptures et décors ostentatoires sont facilement
perceptibles et appréciables. Ce sentiment est d'autant plus exacerbé que ces édifices sont peu
nombreux et généralement rassemblés (Vieux Gérardmé, Vieux Ammerschwihr).
Les immeubles de la seconde reconstruction sont peu visibles car complètement intégrés dans
les profils urbains,. Leur intérêt et leur sobriété architecturale nécessitent une médiation, car
ils sont difficilement perceptibles en eux-mêmes. Pour les apprécier, il est nécessaire à
l'observateur d'analyser la composition architecturale subtile, et de se replacer dans le
contexte de l'après-guerre.
9.5. Des matériaux qui ont vieilli
Outre les réfections nécessaires liées à l'évolution des normes, les travaux d'entretien
courants ne suffisent pas toujours à maintenir l'ensemble des immeubles de la seconde
reconstruction dans un bon état de conservation. Certains matériaux sont obsolètes ou
particulièrement polluants, d'autres se dégradent progressivement :
- le fibrociment est un matériau composite aux propriétés isolantes que l'on retrouve en
quantité importante dans les immeubles de la seconde reconstruction, notamment en bardage
extérieur, sous les toitures et autour des tuyaux. Lorsqu'il se dégrade, le matériau, composé
d’amiante est particulièrement nocif. Le désamiantage n'est pas obligatoire lorsque le
matériau est inerte et qu’il n’est pas en contact avec l’air intérieur, mais sa dangerosité est un
argument pour entreprendre une rénovation. En revanche, le coût des travaux d’enlèvement et
de traitement est un frein à la rénovation du bâti qui en comporte.
- Le béton est un matériau de construction particulièrement résistant mais il peut être amené à
se dégrader. Les altérations peuvent être mécaniques, à la suite de chocs, de vibrations ou
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
Ici et Là - Vanessa Varvenne
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d’affaissements géotechniques. Ces dégâts se traduisent par l’apparition de fissures ou
d’éclats. Lors d'infiltration d'eau dans les structures, les armatures métalliques peuvent aussi
rouiller et entraîner la dislocation du béton autour. Le béton est aussi parfois détérioré par des
environnements chimiquement agressifs (sels de déneigement, carbonatation…).
- Le bois souvent mis en œuvre dans les Hautes-Vosges demande un entretien régulier, pour
conserver son aspect d'origine (volets, bardages…). Même s'il n'a souvent pour mission que
de donner un caractère pittoresque à l'immeuble, sa dégradation entache l'aspect du bâtiment,
et la chute d'éléments peut être dangereuse.
Encadrement moulé de ciment détérioré avec armature apparente (à gauche),et bardage de fibrociment des
années 1950 avec plaques manquantes (à droite)
9.6. Des colorations de façades qui évoluent
Les façades des bâtiments de la seconde reconstruction sont à l'origine colorées de
manière sobre, à l'image de l'ensemble de l'architecture. Les fonds de façades sont peints en
blanc ou ne sont pas peints, et présentent les couleurs sombres des sables présents dans les
enduits. En Alsace, ils sont rarement teintés. L'animation des façades est basée sur les lignes
et les jeux de matériaux et de textures entre l'enduit, la pierre de taille et le bois. Des touches
de couleurs vives sont apportées uniquement sur les volets, les avant-toits et éventuellement
sur les garde-corps.
Au fil du temps ces colorations d'origine ont évolué. Les fonds de façade, tout comme les
bardages, se sont assombris et salis. Les façades enduites ont maintenant une soixantaine
années, et nombres d'entre elles n'ont pas été ravalées. Noires de pollutions et de saletés, la
pluie y trace des coulures disgracieuses qui ne favorisent pas l'esthétique et la valorisation de
ces constructions. Les volets battants de bois abîmés ont été déposés, laissant la façade sans
nuances colorées ou bien, ils ont été remplacés par des volets roulants de PVC blanc avec un
caisson débordant en façade.
Les ravalements récents, selon la tendance actuelle, privilégient généralement les colorations
prononcées monochromes, quitte à négliger les modénatures qui deviennent invisibles. Les
immeubles de la reconstruction peuvent supporter des teintes soutenues, à condition qu'elles
ne se multiplient pas. Il est également important de garder en tête l'arrangement coloré de la
rue ou de la place, afin de préserver la cohérence de cet ensemble.
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
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Parfois, des restaurations sont entreprises pour changer carrément le style Reconstruction de
l'immeuble, jugé trop triste ou monotone. On y applique des crépis rustiques fortement
colorés, de nouveaux décors… qui masquent les modénatures d'origines, rompent les lignes et
les volumes initiaux. Des bardages artificiels sont aussi parfois plaqués sans soucis de l'unité
préalable de l'ensemble urbain dans lequel celui-ci s'inscrit historiquement et
architecturalement.
Ensemble des façades « arrières » du centre-ville de La Bresse, maintenant la coloration blanche d’origine
Les façades « avant » du centre-ville de La Bresse, individualisée par des couleurs vives
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
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Conclusion
La destruction quasi-totale d'Ammerschwihr, de La Bresse et de Gérardmer à la fin de
l'année 1944, lors du recul des troupes allemandes, est un traumatisme ineffaçable pour ces
territoires et leurs habitants. Afin de gérer l'urgence de la situation au mieux, une formidable
entraide s'est organisée pour fournir le nécessaire vital (baraques, vivres, vêtements…). Mais
c'est aussi toute la France qui est à reconstruire. Pour diriger cette opération inédite, le
Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme édicte des procédures spécifiques qui
obligent chaque ville et chaque village sinistré à faire élaborer un Plan d'Aménagement et
d'Urbanisme par un architecte agréé. Celui-ci étudie la commune pour proposer de nouvelles
constructions et de nouveaux aménagements qui améliorent le fonctionnement de la ville, son
hygiène et son confort. Certains architectes préfèrent reconstruire quasiment à l'identique dans
une optique régionaliste, d'autres prônent une modernité innovante et radicale, tandis que la
plupart préconisent plutôt un modernisme modéré, favorisant l'intégration au territoire. Dans
tous les cas, la volonté de mettre en œuvre de nouveaux procédés de conception des
immeubles industrialisés et rationalisés, favorise le développement des structures d'acier et de
béton. Toutefois, pour des raisons de coût et de logistique, les techniques et matériaux de
construction traditionnels ont encore une place importante après-guerre dans les trois
communes pilotes.
Lors de cette reconstruction, les modifications d'Ammerschwihr, de La Bresse et de
Gérardmer sont profondes. Elles ont pour objectif de faire passer ces trois villages ou bourgs
d'avant-guerre à de véritables petites villes, à la hauteur de leur développement agricole,
industriel et touristique. Tout d'abord, la priorité est mise sur le redressement de l'économie, et
des infrastructures puis sur la création de logements modernes, hygiéniques et confortables.
Dans cette optique, toutes les voies de circulations sont aussi redressées, élargies et
poursuivies, tandis que des places publiques, des esplanades et des espaces verts sont dégagés
pour constituer des lieux de socialisation à proximité des édifices communautaires (mairies,
écoles, églises, gare…). Les centres-villes sont dédensifiés et de nouveaux quartiers sont
adjoints en périphérie. Chaque rue, îlot ou quartier est élaboré pour bénéficier d'une grande
cohérence entre chacun de ses bâtiments et avec les zones voisines. Un soin particulier est
également apporté à l'intégration de ce nouvel urbanisme de l'agglomération dans le paysage
qui l'entoure, afin de le valoriser. C’est, sur les trois communes pilotes, un modernisme
tempéré qui caractérise leur reconstruction. Le style est reconnaissable mais il présente
d’infinies variations. Ammerschwihr révèle une architecture plus typée et plus emprunte de
régionalisme que ses voisines vosgiennes. Gérardmer a prolongé son plan d’embellissement et
d’extension envisagé avant-guerre en privilégiant l’adaptation des typologies de constructions
aux zones urbaines dans lesquelles elles s’érigeaient. Tandis que La Bresse a eu l’audace
d’édifier une ville présentant un nouveau visage, ne reprenant de l’ancien village que
l’emplacement des édifices majeurs.
La reconstruction tient donc une place importante dans le fonctionnement et dans l’image des
communes du Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges. D’ailleurs, près de 70 ans après
la mise en œuvre de ces travaux colossaux, on constate que cet urbanisme fonctionne encore
très bien aujourd'hui. Toutefois, la société évolue, les normes et les besoins changent. Les
constructions et les aménagements doivent s’adapter ou …être démolis.
Leur destruction est-elle grave ?
Tout dépend du point de vue et de la valeur patrimoniale qui leur est accordés :
Architecture de la seconde reconstruction, un patrimoine pour le Parc ?
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Généralement les villes détruites lors de la seconde guerre mondiale sont considérées
par leurs habitants comme hors du patrimoine, et à ce titre, fortement dénigrées par rapport
aux villages "traditionnels" environnants. Ammerschwihr par exemple, s’enorgueillissait
jusque-là d’un important patrimoine architectural de la Renaissance lié à la prospérité de la
culture de la vigne. Si les maisons anciennes épargnées et les vignes y constituent bien un
patrimoine, les constructions et les espaces aménagés lors de la seconde reconstruction ne le
sont pas.
Accentuant ce fait, ces bâtiments et espaces, de par leurs caractéristiques, ne constituent pas
des architectures dont la qualité est facilement perceptible. Ils nécessitent une médiation pour
être observés en eux-mêmes, et requièrent des clés de lecture pour être compris entièrement.
De plus, les qualités initiales des immeubles sont souvent altérées (principalement dans le
parc de logements sociaux), par des campagnes de transformation successives, enlevant tout
intérêt à la construction.
Cependant les immeubles, les rues, les quartiers issus de la seconde reconstruction ont
aujourd'hui pris leur place dans l'histoire de chaque ville et village, demeurant ainsi des
témoignages concrets du traumatisme des destructions et des espoirs de la modernisation. Ils
sont empreints de qualités qui méritent d'être mises en avant, ils peuvent être qualifiés de
patrimoine.
La notion de patrimoine qui émerge en réaction au vandalisme de la Révolution Française, a
lentement évolué au gré des réflexions, des savoirs et des pratiques concernant la protection
des Monuments Historiques. Le patrimoine est tout d'abord étymologiquement "l'ensemble
des biens hérités des ascendants et conservés pour être transmis aux descendants"80. Il est
avant tout un monument exceptionnel, un chef d'œuvre des arts (château, église…).
Progressivement, cet édifice unique va être observé dans son contexte et les paysages et les
abords seront affirmés à partir des lois de 1930 et 1943. C'est à partir de cette période que la
notion de patrimoine va progressivement s'élargir, pour prendre aussi en compte d'autres
éléments, comme les constructions rurales, militaires, industrielles, scientifiques et
techniques, maritimes, ferroviaires, artistiques. La notion de patrimoine va alors s'approprier
des traces archéologiques, des personnages célèbres, des lieux de mémoire, des jardins, des
rites, des savoir-faire… mais aussi des constructions récentes. La création du label Patrimoine
du XXe siècle en 1999 est à cet égard, révélatrice de la volonté d'attirer l'attention des
décideurs, des aménageurs mais aussi et surtout des usagers et du public sur ces productions
remarquables. L'objectif est de faire percevoir progressivement leur valeur patrimoniale par la
conscience collective pour qu'elle puisse en assurer la protection et la transmission aux
générations futures.
Il ne faut pas oublier que la patrimonialisation est une construction, qui nécessite la volonté
d'une personne (association, collectivité…) de mettre en valeur certains éléments choisis
comme identificateur de la communauté. A l'issus de cette d’adoption, les habitants
s’approprient ce nouveau patrimoine, en comprennent la signification mais aussi s’identifient
à lui. La complexité de la patrimonialisation de ces bâtiments et espaces récents tient à notre
proximité historique qui limite la mise en perspective au regard des autres productions
architecturales antérieures.
Reconnaître ce patrimoine, c'est reconnaître une période d'intense activité architecturale,
théorique et pratique. Reconnaître ce patrimoine, ce n'est pas le figer ou le mettre « sous
cloche ».
80
Définition du terme "Patrimoine" du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (www.cnrtl.fr)
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Si la seconde reconstruction a démoli des bâtiments anciens, pour effacer les ruines et
apporter la modernité, des constructions contemporaines peuvent éventuellement venir
remplacer des édifices des années 1950-1960 dégradés, obsolètes, et améliorer ainsi
l'environnement urbain dans son ensemble. Toutefois, la préservation et la rénovation sont
davantage susceptibles de maintenir la cohérence urbaine et architecturale d'origine, dans
l'optique de pouvoir conserver les édifices remarquables et des ensembles lisibles, et favoriser
ainsi leur appropriation collective.
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Colloques et Ressources pédagogiques
Bâtiment construits après 1945, quelle reconnaissance patrimoniale ? Quel avenir
énergétique ? Colloque interrégional 25 novembre 2014 à Bettembourg (Luxembourg).
Organisé par Ruralité-Environnement-Développement.
Le bâti rural du XXe siècle, quel patrimoine ? Sortie terrain du 6 mai 2014. Territoire de la
Communauté de Commune du Pays des Etangs. Région Lorraine - Service de l'Inventaire
Général.
Patrimoine 21, Réseau d'acteurs pour réhabiliter le bâti du XXe siècle. Séminaire des 4 et 5
décembre 2012 à l'initiative de la Ville de Firminy, de la Région Urbaine Lorraine et du Pole
Innovations Constructives.
Photographies à l’œuvre. Exposition et dossier enseignants publié du 26 novembre 2011 au
20 mai 2012 au Château de Tours et organisée par le Jeu de Paume et la Ville de Tours, en
collaboration avec le ministère de l’écologie, du Développement durable, des Transports et du
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display.action?uuid=9c80fd8e-2a6e-43d9-9897-0ea348879744&version=1&preview=false&
typeSearch=&searchString=
STRABIC.FR. De quelques clichés de la reconstruction. http://strabic.fr/De-quelques-clichesde-la
Archives départementales du Haut-Rhin : série 34J272, série 34J1564
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Archives communales de La Bresse
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