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vieille tradition, le pantoum malais qui remonte à plusieurs siècles ; ce n’est pas une
forme récente, le pantoum malais c’est trois ou quatre vers comme le haïkaï
japonais...
Et même dans les formes fixes françaises, notre patrimoine, il y a une mobilité
extrême. La forme fixe ne cesse de se déplacer... Il y a des formes qui ont disparu.
Certaines qui avaient disparu, ont été reprises, comme le sonnet par exemple... Une
forme ancienne comme la sextine, qui a eu son heure de gloire au temps des
troubadours, qui a complètement disparu et qu’un auteur contemporain comme
Pierre Lartigue réutilise aujourd’hui.
Les formes sont donc insaisissables. Certes on a inventé le vers libre au XIX°
siècle en France mais il existait déjà ailleurs... Le verset biblique est une certaine
forme de vers libre. D’ailleurs Claudel et D.L de Miloscz ont réutilisé le verset.
Vous voyez que la forme de la poésie…il n’y a rien de plus problématique.
Quant à la rime, qui frappe tant les enfants parce que c’est la forme la plus
repérable, ce n’est pas la plus constante. Ce qui serait plus constant, ce serait
plutôt le rythme, parce qu’on le retrouve dans tout texte poétique. Mais on pourrait
dire que c’est une sorte de forme invisible - qui s’éprouve plutôt par exemple, dans la
diction à haute voix - qui peut être marquée spatialement mais pas toujours - ou
linguistiquement dans la ponctuation, dans l’accumulation de telle ou telle forme
syntaxique ou la syncope...
Ceci dit, la rime est quand même une forme poétique repérable, bien
présente. Ce n’est pas un mensonge de dire que la poésie c’est la rime, si l’on se
réfère au corpus que rencontrent les enfants ; mais c’est un mensonge si l’on
considère l’ensemble du répertoire poétique
Et le corpus que rencontrent les enfants, c’est lequel ? C’est celui qu’ils
rencontrent à l’école, c’est-à-dire le corpus de textes qu’on trouve dans les manuels
scolaires . Certes, ça a changé un peu dans le primaire parce qu’il y a beaucoup
d’enseignants qui s’intéressent à la poésie, notamment à la poésie contemporaine ;
si quelque chose a bougé dans le corpus de textes, c’est surtout dans le premier
degré. Mais il faut dire que dans la plupart des classes (Et à qui pourrait-on en faire
le reproche ? Pas aux enseignants car où est leur formation dans ce domaine ?) on
trouve un corpus qui est éminemment homogène et constant et extraordinairement
conservateur si l’on regarde les textes proposés depuis l’aube des temps scolaires.
Vous avez des auteurs absolument constants : Banville, Prud’homme,
Maurice Carême, etc.. mais peu importe les auteurs et les noms. Ce qui est frappant
c’est la constance des modalités poétiques proposées à travers ce corpus. La
constance des formes. La poésie dite classique (mot assez commode pour nommer
un choix formel fondé sur la régularité) serait dominante.
Par exemple Maurice Carême est un poète contemporain mais sa poétique est
classique dans l’ordonnancement de la langue, dans la tradition qu’il récupère, etc.
Donc le corpus est relativement constant et construit sur des arguments
formels, traditionnels, comme la strophe, la rythmique comptée, la rime... Voilà
pourquoi peut-être un enfant de CM2 donne ce genre de définition, pourquoi il pense
à cela lorsqu’il parle de poésie. A travers le mot « rime », il pense forme fixe... Et
quand il ira au collège, il risque d’être confronté à un certain nombre de textes qui
vont renforcer ce point de vue parce que le corpus des textes du collège ou du lycée
est encore plus conservateur.