C A H I E R D É TA C H A B L E PSYCHIATRIE GARO/PHANIE LA FMC Vendredi 29 septembre 2006 N°2383 N°2 ??? DOSSIER Symptôme inconfortable, l’insomnie nuit surtout à la qualité de la vie diurne. La recherche de ses multiples causes et son traitement exige une étroite collaboration avec le patient. Le recours au spécialiste est rarement nécessaire, et le généraliste doit proposer et imposer au patient des consultations longues et un suivi rapproché. LA CONSULTATION DES INSOMNIAQUES PAR LE DR MARC KREUTER ([email protected]), sous la direction scientifique du PR DOMINIQUE PRINGUEY, psychiatre (clinique de psychiatrie et de psychologie médicale – hôpital Pasteur, Bât. M. BP 69 – 06002 Nice cedex 1) et du DR SYLVIE ROYANT-PAROLA (psychiatre, présidente du réseau Morphée – 12, rue de Lamballe – 75016 Paris) Courriels : [email protected] et [email protected] L ’ à des conséquences sur l’état de santé diurne. insomnie maladie associe un mauvais sommeil Si le patient insomniaque relate souvent bien son inconfort nocturne, on doit insister pour connaître la qualité de son éveil. Les insomnies se présentent sous divers tableaux cliniques déterminés par leurs pathogénies propres dont la connaissance guide le traitement. Prendre en charge un insomniaque nécessite de sa part une collaboration particulièrement difficile. On PATHOLOGIE EN QUESTIONS La maladie de Dupuytren page VI doit l’informer, l’éduquer et lui faire suivre un traitement souvent comportemental et parfois médicamenteux. Le diagnostic étiologique élimine en priorité les grandes pathologies somatiques pouvant provoquer une insomnie, l’anxiété et la dépression et deux syndromes souvent associés aux troubles du sommeil : le syndrome des jambes sans repos et le syndrome d’apnée du sommeil. Ces insomnies secondaires éliminées laissent la place au délicat diagnostic de l’insomnie primitive. COMITÉ SCIENTIFIQUE Pr Lucien ABENHAIM (Paris), Dr François BAUMANN (Paris), Pr Marc-André BIGARD, (Vandœuvre-lès-Nancy), Dr Philippe BONET (Montbert), Pr Pierre BONFILS (Paris), Pr Jean-François BRETAGNE (Rennes), Pr Éric BRUCKERT (Paris), Pr Pierre DELLAMONICA (Nice), Pr Philippe FROGUEL (Lille), Pr René FRYDMAN (Clamart), Pr Bernard GAY (Rions), Pr Serge GILBERG (Paris), Pr Xavier GIRERD (Paris), Dr Daniel JANNIERE (Paris), Pr Claude JEANDEL (Montpellier), Dr Olivier KANDEL (Poitiers), Dr Jean LAVAUD (Paris), Pr Frédéric LIOTÉ (Paris), Dr William LOWENSTEIN (Boulogne-Billancourt), Dr Sylvie MEAUME (Ivry-sur-Seine), Dr Nadine MEMRAN (Nice), Pr Christian PERRONNE (Garches), Pr Pascal RISCHMANN (Toulouse), Pr Frédéric ROUILLON (Paris), Pr Philippe STEG (Paris), Dr Alain SERRIE (Paris), Pr Paul VALENSI (Bondy), Pr Daniel VERVLOET (Marseille), Dr France WOIMANT (Paris). LA FMC PSYCHIATRIE LA CONSULTATION DES INSOMNIAQUES LES INSOMNIES OCCASIONNELLES En résumé : ce sont les plus fréquentes. Leur origine est liée à des défauts d’hygiène de vie, un environnement nocturne défavorable, des problèmes psychologiques mais elles sont aussi liées à des pathologies intercurrentes, voire débutantes. – douleur, toux, prurit, fièvre, dyspnée, etc. ; – syndrome des jambes sans repos ; – syndrome d’apnée du sommeil ; – hyperthyroïdie, dépression réactionnelle, etc. ; – médicaments : corticoïdes, bêta-2 mimétiques, antidépresseurs. BURGER/PHANIE Traitement La pratique d’une activité physique, trois fois par semaine, est conseillée à condition qu’elle ne soit ni trop intense, ni trop tardive. Un problème d’insomnie, même occasionnelle, justifie une consultation entièrement dédiée à ce motif. On qualifie d’occasionnelles les insomnies durant de quelques jours à moins de quatre semaines de façon continue ou non. Elles représentent deux tiers des insomnies et sont habituellement faciles à identifier. A savoir : Défauts d’hygiène de vie : – irrégularité des horaires de sommeil, siestes de plus de vingt minutes ; – activité physique intense trop tardive (moins de deux heures avant le coucher) ; – surmenage ou stress professionnel ; – repas du soir trop copieux ; – abus de boissons alcoolisées, de tabac, de café, de vitamine C, d’autres excitants. Environnement nocturne : – bruit ; – changement de lit ; – chaleur ; – altitude (supérieure à 1 500 / 2 000 m) ; – décalage horaire. Problèmes psychologiques : – déceptions ou conflits (familiaux, amicaux, professionnels), deuils. Pathologie passagère ou débutante et son traitement: CONSEILS POUR FAVORISER LE SOMMEIL Essayer de déterminer son heure de coucher optimale (celle à laquelle on s’endort rapidement en temps normal) et s’y tenir à un quart d’heure près. D’une façon générale, se coucher quand on a sommeil. Tenter de déterminer son heure de réveil optimale (celle à laquelle on se réveille quasi spontanément en temps normal, ou qui correspond à un lever en forme et lucide) et s’y tenir, autant que possible. En particulier, éviter les grasses matinées. S’autoriser ponctuellement ou plus souvent, une courte sieste (moins de vingt minutes) après le déjeuner, à condition que celle-ci s’accompagne d’une sensation de bien-être. Attention ! Dans les insomnies chroniques, on veille à limiter le temps II de lit, la sieste peut alors, dans ce cas, être déconseillée. Préparer son sommeil par un bain chaud pris deux heures avant, une relaxation, une lecture (à condition de fermer le livre dès que le sommeil se manifeste). Dormir dans un lit confortable, une chambre calme, sombre ou très peu éclairée, assez fraîche. Faire de l’exercice physique au moins trois fois par semaine (sport d’endurance: marche, footing, vélo, natation ; taï-chi ; yoga) dans la journée, en évitant la fin d’après-midi et la soirée. Eviter les erreurs d’hygiène : repas lourds le soir, alcool, tabac, café, boissons contenant de la vitamine C, discussions acharnées en soirée, etc. Vendredi 29 septembre 2006 | numéro 2383 La suppression de la cause et les conseils pour optimiser le sommeil peuvent suffire (voir encadré). Une courte prescription (cinq à quatorze jours) d’hypnotiques à demi-vie courte est parfois nécessaire. Le malade doit donner de ses nouvelles en fin de traitement et consulter si son insomnie persiste. Une insomnie passagère peut en effet être la porte d’entrée dans une insomnie chronique, surtout si elle se répète ou que le patient prenne plus ou moins l’habitude de prendre un hypnotique « de confort » après ce premier événement. INSOMNIES CHRONIQUES : LES PRINCIPES GÉNÉRAUX En résumé : l’anxiété et la dépression sont les deux grandes pourvoyeuses d’insomnie chronique. Attention, la prise anarchique d’hypnotiques et d’anxiolytiques est parfois en cause. Les spécialistes du sommeil ne seront consultés qu’après six mois d’échec thérapeutique. Au cabinet L’interrogatoire reste la base du diagnostic. Outre la qualité générale du sommeil et de l’éveil, on s’efforce de connaître l’histoire de l’insomnie, les représentations du patient concernant le sommeil (ses besoins présumés, ses inquiétudes, ses a priori et ses solutions personnelles, etc.), l’état physique et psychique du malade, ses traitements éventuels et son mode de vie. Deux causes se détachent nettement : l’anxiété et la dépression. Le syndrome des jambes sans repos et les mouvements périodiques nocturnes provoquent des insomnies sévères dans 80 % des cas. Le syndrome d’apnée du sommeil est assez rarement responsable d’insomnie, mais occasionne un sommeil entrecoupé en fin de nuit et surtout une impression de sommeil non réparateur. Eliminer ces deux derniers syndromes peut nécessiter des explorations spécialisées. Toutes les pathologies somatiques chroniques peuvent être en cause ainsi que leurs traitements. La prise de toxiques et de psychotropes est fréquente, parmi lesquels les hypnotiques et anxiolytiques pris de façon trop fréquente à l’occasion des épisodes répétés d’insomnie passagère. A la fin de cette première longue consultation, on remet au patient des échelles d’évaluation simples et un agenda du sommeil, qu’il remplira pour la consultation suivante. Les échelles d’évaluation de l’anxiété et de la dépression sont nécessaires pour déterminer Les examens spécialisés Il faut adresser le patient à un centre de sommeil après au moins six mois d’un traitement à la fois médicamenteux et non pharmacologique sans résultat. Les délais de consultation en centre de sommeil sont extrêmement longs. Il paraît souvent préférable de confier les patients en difficulté à un spécialiste du sommeil (une liste de ces spécialistes est disponible sur les sites Internet). La polysomnographie : utile dans certains cas très particuliers d’insomnie, elle contribue rarement à la décision thérapeutique. En revanche, on ne peut s’en passer pour le diagnostic de syndrome d’apnée du sommeil et du syndrome de mouvements périodiques nocturnes. La polysomnographie objective parfois de fausses insomnies relevant de tout autre traitement. L’actimètre. Ce petit appareil fixé au poignet (du côté non dominant) détecte les mouvements 24 heures sur 24 sur plusieurs jours consécutifs. L’enregistrement décrypté par ordinateur permet d’analyser les phases de motricité réduite correspondant aux périodes de sommeil. Cette technique très fiable donne des renseignements objectifs sur les horaires de sommeil et la qualité du sommeil. INSOMNIES CHRONIQUES : LES GRANDS TABLEAUX CLINIQUES En résumé : toutes les causes peuvent donner toutes sortes d’insomnies. Les situations les plus fréquentes exposées ci-après n’ont valeur que de schéma. Les insomnies chroniques primaires Les insomnies primaires peuvent s’installer dès l’enfance, puis s’aggraver. Parfois, il s’agit d’une mauvaise perception du sommeil. Les insomnies primaires les plus typiques répondent à un concept psychophysiologique. Lorsque le patient va se coucher, il déclenche une angoisse, liée à son impossibilité de s’endormir, qui renforce ses difficultés. Dans les insomnies primaires, les facteurs comportementaux et conditionnés sont prédominants. Il faut néanmoins avoir éliminé toutes les causes initiales possibles à cette insomnie, avant de la tenir pour primitive (voir les causes des insomnies occasionnelles en p. II). Le traitement de choix repose sur les thérapies comportementales et cognitives de l’insomnie. Des hypnotiques de façon discontinue peuvent être proposés, à condition d’une surveillance stricte et d’une grande discipline du patient. GARO/PHANIE les troubles psychiques, présents dans environ la moitié des cas. Il importe de débusquer une anxiété sousjacente importante ou des angoisses dans certaines pathologies phobiques pour connaître comment est organisé l’abord de la nuit dans ce contexte. Plusieurs tests sont disponibles. Parmi les plus simples, on peut utiliser : l’échelle HAD, les tests d’anxiété de Cattell et de Stai ; l’inventaire de la dépression de Beck (BDI-II) ou, plus facile, l’échelle de Pichot. On peut les trouver sur le site Internet du réseau Morphée : www.reseau-morphee.org Un agenda de sommeil. Tenu sur dix à quinze jours, il est essentiel au diagnostic et au suivi du patient. Tous ces éléments permettent généralement de caractériser l’insomnie et ses conséquences, de trouver une ou plusieurs causes et d’envisager un traitement. Les insomnies du soir Les difficultés à s’endormir s’observent souvent chez l’anxieux poursuivi par ses préoccupations et sont auto-entretenues par la crainte de ne pas s’endormir et de ne pas être en forme le lendemain. Les états de stress ou d’hyperactivité, en particulier intellectuelle, l’exercice physique intense pratiqué en soirée gênent également l’endormissement, d’autant plus volontiers que s’associe souvent la prise d’excitants. La toux, les douleurs, l’hyperthyroïdie peuvent freiner l’endormissement. Le syndrome des jambes sans repos doit toujours être évoqué. Le traitement comporte la suppression ou l’amélioration de ces causes, le rappel des bonnes consignes pour dormir et la prescription d’un anxiolytique, d’un hypnotique ou d’un antidépresseur sédatif. Le cas particulier du retard de phase correspond à un décalage du cycle veille-sommeil, avec un endormissement très tardif et un réveil spontané également tardif. Cette anomalie peut être constitutionnelle. Elle peut également se développer chez les sujets dépourvus d’activité sociale régulière, chez les adolescents et chez les travailleurs à rythme professionnel décalé. La prescription d’hypnotiques est déconseillée car le risque de dépendance est majeur dans cette situation. Lorsqu’on l’a identifié, il convient d’adresser le patient à un spécialiste du sommeil pour discuter d’un traitement spécifique, en particulier par décalage progressif du coucher et du lever, jusqu’à un horaire satisfaisant ou par photothérapie matinale. Les « insomnies du soir » peuvent avoir des répercussions (anxiété, fatigue…) particulèrement gênantes selon les exigences professionnelles. Les insomnies du matin On doit toujours rechercher des signes éventuels de syndrome d’apnée du sommeil. La dépression comporte pratiquement toujours des troubles du sommeil, de tous types, mais plus volontiers matinaux. Le malade se réveille tôt, fatigué, en proie à des ruminations mélancoliques, des idées de dévalorisation, de nouvelle journée vide qui s’ouvre, parfois d’idées suicidaires. Le traitement antidépresseur vise à traiter la cause de la dépression et son symptôme insomnie. Certains associent un hypnotique en début de traitement. Les antidépresseurs sédatifs ou stimulants sont efficaces sur toutes ces insomnies du matin. Vendredi 29 septembre 2006 | numéro 2383 III LA FMC POUR EN SAVOIR PLUS Sites Internet professionnels (http//www.) reseau-morphee.org institut-sommeil-vigilance.com sommeil.univ-lyon1.fr sommeilsante.asso.fr svs81.org smsv.org splf.org PSYCHIATRIE LA CONSULTATION DES INSOMNIAQUES L’avance de phase, avec un endormissement très précoce en début de soirée ou en fin d’après-midi associé à un réveil précoce dans la deuxième moitié de la nuit, se manifeste volontiers chez certains sujets âgés. Il existerait là aussi une prédisposition familiale. La durée totale du sommeil peut, d’ailleurs, être normale. L’importance du problème réside dans la désynchronisation du sujet avec le monde extérieur. Le traitement est complexe et doit être confié aux spécialistes du sommeil. Les insomnies avec réveils fréquents et prolongés A côté de situations pathologiques où l’on trouve une cause précise, les insomnies avec réveils prolongés concernent le plus souvent des sujets très stressés, anxieux, parfois déprimés. D’autres personnes peuvent avoir des difficultés répétées pour se rendormir du fait de facteurs extérieurs (bruits, etc.) ou internes (bouffée de chaleur, cauchemars, angoisse, etc.), mais, assez souvent, le patient se réveille sans savoir pourquoi. Le problème est qu’une fois réveillé, le sujet commence soit à penser, d’abord à des choses banales, puis plus préoccupantes, soit manifeste son angoisse si ses pensées concernent des problèmes de sa vie quotidienne. Dans les deux cas, ses systèmes d’éveil s’activent et l’empêchent de se rendormir. Les conseils à donner au malade sont capitaux (voir encadré ci-dessous). Ces réveils répétés, qui se prolongent sur des mois, nécessitent une prise en charge de toutes les causes possibles (hygiène de vie, pathologies, etc.) et un traitement symptomatique, si possible non pharmacologique, sinon de façon très discontinue, pour récupérer une nuit calme de temps en temps. Les antidépresseurs sédatifs améliorent le maintien du sommeil. Les insomnies totales Les insomnies totales d’installation brutale correspondent souvent au début d’une dépression sévère ou peuvent la précéder de quelques mois. Beaucoup plus rarement, il peut s’agir d’un état confusionnel, délirant ou d’un accès maniaque. Dans ces situations, l’avis d’un psychiatre ou d’un spécialiste du sommeil s’impose rapidement. En attendant le rendez-vous, on peut faire une courte prescription d’hypnotique en gardant le contact avec ce patient. Les insomnies chroniques rebelles Associant souvent de grandes difficultés d’endormissement et des réveils nocturnes fréquents et prolongés, les insomnies chroniques rebelles sont souvent liées à des troubles de la personnalité, à des addictions ou à un usage prolongé et anarchique d’hypnotiques ou d’anxiolytiques. Pour ces cas difficiles, la collaboration avec un spécialiste ou un centre du sommeil est recommandée. Là, des techniques précises de reconditionnement du sommeil seront mises en œuvre (restriction du temps de sommeil, etc.), associées souvent à diverses techniques de psychothérapie (de relaxation, comportementale et cognitive, etc.). POUR RÉAPPRENDRE À DORMIR VOISIN/PHANIE L’objectif n’est pas de dormir plus, mais de dormir mieux. Ecouter et préparer son corps pour se coucher au bon moment. – Repérer les signaux de sommeil : bâillements, paupières lourdes, relâchement de l’attention, perte de tonus de la nuque, parfois frilosité. L’envie de dormir diffère de la fatigue. La fatigue physique ou psychique survient en fin de journée ; elle peut conduire à l’envie de s’allonger, mais une fois la détente obtenue et après un laps de temps de repos, elle IV diminue et l’activité peut reprendre. L’envie de dormir, en revanche, peut s’estomper, mais ne disparaît pas. – Passer moins de temps au lit. C’est une erreur de penser que l’on se repose mieux dans son lit que dans son salon, par exemple. Pour l’insomniaque, passer son temps au lit entretient son insomnie. – En pratique, il faut retarder le coucher et ne se mettre au lit que pour dormir. Si le sommeil ne vient pas en vingt minutes, se relever. Puis, se recoucher plus tard, lorsque le sommeil ne manifestera. En cas de réveil au cours de la nuit, agir de même : se lever, aller dans une autre pièce pour faire autre chose et se recoucher plus tard, lorsque le sommeil se manifestera. – En fin de nuit, si l’on est réveillé depuis plus de vingt minutes, se lever et commencer sa journée. Ne pas essayer Vendredi 29 septembre 2006 | numéro 2383 de rattraper du sommeil sur le matin. – Garder des horaires de lever régulier. – Eviter de s’allonger sur son lit dans la journée. Très important ! Ces conseils doivent être respectés tous les soirs et toutes les nuits. Le faire deux nuits sur trois, c’est courir à l’échec. Les premiers jours peuvent être difficiles. Les premiers signes de changement concernant le sommeil apparaissent plus ou moins rapidement, entre une et trois semaines. Quand les processus de changement de sommeil se mettent en place, l’endormissement est plus rapide, le sommeil plus continu et plus profond, sans pour autant devenir plus long. Le sujet commence à réaliser qu’il peut dormir D’après « Comment retrouver le sommeil par soi-même » par S. Royant-Parola, éd.Odile Jacob. LES MOYENS THÉRAPEUTIQUES DES INSOMNIES En résumé : traitements non pharmacologiques et pharmacologiques ont leur place, soit isolément, soit combinés à divers stades de l’insomnie. Le but est de traiter l’insomnie, ce qui est long, tout en donnant au patient un certain confort pour le rassurer et l’encourager à poursuivre une thérapeutique de longue haleine. Les traitements non pharmacologiques Leur mise en œuvre demande certaines connaissances et du temps, raisons pour lesquelles, les patients sont souvent confiés aux services du sommeil. Un versant comportemental consiste à modifier les habitudes du patient vis-à-vis de son sommeil. Les techniques cognitives visent à faire prendre conscience à l’insomniaque de toutes ses idées fausses sur le sommeil, ses causes, ses conséquences vraies et alléguées, qui aggravent son angoisse et pérennisent son insomnie. Une étude récente randomisée (Siversten, JAMA 2006), en double aveugle, contre placebo a démontré la supériorité de l’efficacité à court terme et à long terme d’une thérapeutique cognitivo-comportementale sur celle de l’administration de zopiclone chez des adultes souffrant d’insomnie chronique primaire. Les techniques de relaxation complètent souvent cette prise en charge psychothérapique. Les traitements médicamenteux Certaines causes bien identifiées relèvent de médicaments : douleurs, toux, dérèglements hormonaux, affections cardiaques, respiratoires ou neurologiques. Les mouvements périodiques des jambes et l’apnée du sommeil, pathologies intriquées aux troubles du sommeil, doivent également être traités pour leur propre compte. Les hypnotiques réduisent les retards d’endormissement et les éveils nocturnes. On doit respecter certaines règles de prescription (Recommandations 2005 de l’Afssaps) : – déterminer d’emblée la durée de la prescription (de quelques jours à quatre semaines) ; – prévenir le malade que ce traitement sera réévalué pour tendre à une prise discontinue. « Ce sont d’excellents médicaments, s’ils sont pris de façon discontinue, dans des insomnies difficiles à contrôler », explique ainsi le Pr Royant-Parola. Les benzodiazépines sont d’une remarquable efficacité sur l’insomnie aiguë et l’anxiété. L’action hypnotique est évidente en prise vespérale. Administrées le matin, elles réduisent l’anxiété de la journée et favorisent l’endormissement du soir. Mais, leur action sédative recherchée est plus ou moins accompagnée d’effets gênants sur la cognition et la mémoire. De plus, elles perturbent les cycles du sommeil, stimulant désagréablement l’activité onirique à l’arrêt du traitement. Elles sont à haut risque de dépendance. Le zopiclone et le zolpidem, qui agissent sur les récepteurs aux benzodiazépines, ont une demi-vie brève. Ils sont donc moins actifs sur les réveils précoces que les benzodiazépines, mais ils ont moins d’effets résiduels dans la journée, sont mieux tolérés et exposeraient moins que celles-ci au phénomène de dépendance. Ils modifient peu l’architecture du sommeil. Problème, l’efficacité des hypnotiques, objectivée par les enregistrements, s’épuise après deux à quatre semaines d’administration régulière. Cette tolérance peut conduire à une augmentation des doses et peut entraîner une dépendance Les hypnotiques peuvent être associés au traitement psychothérapique, en début de traitement dans l’attente de son efficacité, et ponctuellement lorsque son efficacité diminue. Cela est particulièrement utile pour éviter un rebond d’anxiété après une mauvaise nuit ou si le besoin de dormir est impérieux (par exemple, exigence professionnelle) et que l’anxiété de ne pas bien dormir empêche le sommeil. Les hypnotiques sont contre-indiqués dans les insomnies liées au syndrome d’apnée du sommeil non traité et dans les syndromes d’avance ou de retard de phase. Les antidépresseurs n’entraînent pas de dépendance. Ils sont indiqués dans certaines insomnies chroniques (hors AMM dans cette indication). Les états dépressifs ou anxieux caractérisés nécessitent un traitement antidépresseur ou anxiolytique de fond qui peut régler en partie le trouble du sommeil. Les insomnies d’allure primaire chez les petits anxieux, déprimés légers ou somatiseurs sont une bonne indication d’antidépresseurs à faible dose au long cours. L’alternative par hypnotiques discontinus peut se discuter. La même conduite peut être adoptée pour les insomnies chroniques psychophysiologiques et les insomnies idiopathiques. Un traitement antidépresseur est recommandé dans tous les types d’insomnie en cas d’antécédent personnel ou familial de dépression ou de somatisation. La posologie dans les insomnies est deux à quatre fois inférieure à celle indiquée pour la dépression. Leurs effets secondaires ne sont pas rares, prise de poids (nécessitant un régime hypocalorique), troubles sexuels relevant de divers traitements. Leur arrêt éventuel doit être très progressif. Les « nouveaux » traitements La mélatonine et les traitements par la lumière sont utilisés dans les troubles du nycthémère spontanés, induits par le travail posté ou dans le jet lag. La gabapentine, anti-épileptique, employée par ailleurs dans le syndrome des jambes sans repos et des mouvements périodiques des membres et dans les neuropathies douloureuses, augmente le sommeil lent profond. Anxiolytique, mais n’entraînant ni dépendance, ni tolérance, elle peut être utile dans le sevrage aux benzodiazépines et dans les insomnies à la dose de 300 à 600 mg. BIBLIOGRAPHIE Benoit O., Goldenberg F., L’insomnie chronique, Ed.Masson, Coll Abrégés 2004. Bonin B., Pringuey D., Troubles du sommeil de l’adulte, www.univ-rouen.fr Duverger P., Troubles du sommeil du nourrisson, de l’enfant et de l’adulte. www.med.univ-angers.fr Royant-Parola S., Comment retrouver le sommeil par soimême. Ed. Odile Jacob, 2002. Siversten B. and al. Cognitive Behavioural Therapy vs Zopiclone for Treatment of Chronic Primary Insomnia in Older Adults. JAMA, 2006 ; 295 (24) : 2851-8. Vendredi 29 septembre 2006 | numéro 2383 V LA FMC PATHOLOGIE EN QUESTIONS APPAREIL LOCOMOTEUR MALADIE DE DUPUYTREN Compte tenu de la simplicité de l’aponévrotomie transcutanée, on peut proposer cette technique dès les premiers stades de la maladie de Dupuytren et surtout ne pas la laisser évoluer à des stades exigeant des gestes chirurgicaux parfois mutilants. RAGUET/PHANIE La chirurgie à l’aiguille PAR LE DR MARC KREUTER, sous la direction scientifique du DR JEAN-LUC LERMUSIAUX, rhumatologue, service des Prs Bardin et Orcel, hôpital Lariboisière, Paris. L a maladie de Dupuytren, rétraction f ibreuse de l’aponévrose palmaire moyenne, qui est une extension du tendon long palmaire, se manifeste par une rétraction en flexion progressive et irréductible des doigts. FACTEURS ÉTIOLOGIQUES D’origine génétique, on ne lui reconnaît aucune cause professionnelle. Tout au plus, peut-on parfois noter que certains travaux intenses imposant la répétition de certains gestes en force peuvent en accélérer l’évolution. Elle n’est donc pas considérée comme un trouble musculo-squelettique. Le tabagisme et l’alcoolisme représentent des facteurs associés à la maladie de Dupuytren, de même que le diabète et la prise régulière de phénobarbital. Un tiers des patients suivis à Lariboisière dans le service du Dr JeanLuc Lermusiaux avaient un taux de gamma-GT augmenté. Une algodystrophie peut révéler le terrain. Cette affection touche 300 000 à 500 000 personnes en France, 8 à 9 hommes pour une femme, soit environ 2 % des hommes de plus de 40 ans. Elle est associée dans 2 % des cas à son équivalent plantaire, la maladie de Ledderhose, et, dans 1 % des cas, à la maladie de La Peyronie touchant la gaine des corps caverneux. Ces associations doivent être recherchées, car elles peuvent bénéficier de traitements. ASPECTS CLINIQUES L’évolution est extrêmement variable, d’un individu à l’autre et chez le même sujet, d’une main à l ’ a u t re . Q u a n d u n f l e x u m commence à se constituer, l’aggravation est inéluctable, mais l’importance de la rétraction d’un doigt atteint, l’extension de la maladie aux autres doigts et sa vitesse de progression restent impossibles à prévoir. Toutefois, les formes familiales, surtout si des antécédents existent dans les deux lignées, peuvent débuter précocement vers 30 ou même 20 ans et évoluer rapidement. La maladie débute par des nodules isolés de l’aponévrose palmaire, palpables, parfois douloureux, mais n’entraînant pas de flexum. Les lésions peuvent rester stables, parfois même régresser ou bien évoluer vers la rétraction de cordes aponévrotiques plus ou moins épaisses (de la taille d’un crayon à la taille du pouce) entraînant un flexum articulaire à des degrés divers quantifiés par Tubiana (lire encadré page ci-contre). La maladie peut siéger au niveau digital, entraînant un flexum de l’articulation interphalangienne proximale (ou exceptionnellement de l’interphalangienne distale) ou à l’étage palmaire (flexum métacarpo-phalangien). Les deux formes sont souvent associées, mais des formes purement digitales s’observent dans 10 à 15 % des cas. Au tout début, on peut objectiver le début de flexum par le test de la table. Le malade pose sa paume à plat sur une table et tente de soulever chaque doigt. Si l’un des doigts ne peut décoller du plan de la table, le test est positif. RAGUET/PHANIE LA TECHNIQUE DE L’APONÉVROTOMIE À L’AIGUILLE Après désinfection de la peau, on injecte sous pression 1 à 3 cc de xylocaïne à 2 % à l’intérieur et autour de la ou des corde(s) fibreuse(s) de l’aponévrose. Puis, avec le biseau de l’aiguille utilisée pour l’anesthésie locale, on effectue des mouvements de va-et-vient en étoile transversalement à la paume pour VI sectionner les cordes. On obtient ainsi une rupture des cordes, que l’on complète par une extension énergique des doigts traités. On termine par un pansement sec fixé par Élastoplaste®. On pratique habituellement une à quatre aponévrotomies par séance, en traitant de la zone proximale en regard de P1 à la zone distale en regard de P2. On renouvelle au besoin les séances, de sept en sept jours. En cas de rétraction capsulaire de l’interphalangienne proximale, on propose parfois une orthèse de contention nocturne. Les rares accidents comportent des ruptures tendineuses (1/1 000), des sections du nerf collatéral (1/ 1 000) et d’exceptionnels phlegmons des gaines. Des incidents sont décrits Vendredi 29 septembre 2006 | numéro 2383 dans moins de 1% des interventions : fissures et ruptures cutanées, hypoesthésie transitoire, infections superficielles et hématomes. Stade 1 Stade 2 Stade 3 Stade 4 RÉSULTATS IMMÉDIATS RÉSULTATS À CINQ ANS Excellents : 92 % Excellents : 89 % Bons : 83 % Moyens : 48 % Bons : 92 % Bons : 74 % Bons : 57 % Bons : 38 % A souligner, qu’il n’y a aucun échec, aucune aggravation, contrairement aux séries chirurgicales et que le taux de récidive est de 50 % à cinq ans dans toutes les séries. La liste des rhumatologues pratiquant l’aponévrotomie à l’aiguille est disponible sur appel téléphonique à l’Unité rhumatologique des affections de la main, hôpital Lariboisière, tél. : 01.49.95.63.06. TEST DE LECTURE COTATION DE TUBIANA Stade N : nodule sans flexion. Stade 1 : 0 à 45° de flexion globale du doigt. Stade 2 : 45 à 90°. Stade 3 : 90 à 135°. Stade 4 : supérieur à 135°. Cotation globale = somme de la cotation de chaque doigt pour une main. LES TRAITEMENTS MÉDICAMENTEUX Il n’existe aucun traitement médical oral dont l’efficacité a été formellement prouvée. Toutefois, certains prescrivent de la colchicine dans les formes récidivantes (hors AMM), par analogie avec la maladie de La Peyronie dans laquelle ce médicament a prouvé son efficacité. Aucune étude validée n’a non plus apporté la preuve de l’efficacité des divers traitements physiques parfois proposés (ultrasons, ionisations, ionophorèse, acupuncture, ostéopathie, magnétothérapie, mésothérapie). On ne peut s’attaquer aux cordes aponévrotiques fibrosées que par des injections intra-lésionnelles de corticoïdes ou – réalisées en essai clinique – de collagénase, les unes ou les autres suivies de tractions manuelles. Les indications d’infiltrations corticoïdes se révèlent efficaces dans les rares formes nodulaires douloureuses. En revanche, les auteurs qui ont utilisé la collagénase rapportent des récupérations complètes des rétractions. L’APONÉVROTOMIE À L’AIGUILLE Classée dans les traitements médicaux par les uns, dont le Dr JeanLuc Lermusiaux, dans les traitements chirurgicaux par les autres, cette technique réalise la section des divers faisceaux des cordes aponévrotiques par voie transcutanée (voir encadré ci-contre). Ce traitement, qui peut être pratiqué au cabinet du rhumatologue formé à cette technique, ne nécessite aucun arrêt de travail. « Les résultats sont comparables à ceux obtenus par les techniques chirurgicales, souligne le Dr Jean-Luc Lermusiaux, les taux de complications étant largement inférieurs à ceux de la chirurgie. » L’aponévrotomie à l’aiguille, pratiquée depuis une trentaine d’années, représente le meilleur traitement dans les stades 1, 2 et 3 de Tubiana. Les résultats moyens (55 à 60 % de bons résultats) dans les stades 4 peuvent faire préférer une cure chirurgicale traditionnelle d’emblée. En pratique, devant une forme qui commence à évoluer, on peut conseiller une aponévrotomie à l’aiguille dès que le test de la table est positif, correspondant à un flexum d’environ 10°, en laissant bien au patient le temps de la réflexion et en lui précisant que ce geste n’a rien d’urgent. Il est prudent de recommander une intervention assez rapide dans les formes digitales (interphalangienne proximale, ou exceptionnellement interphalangienne distale), car elles risquent de se compliquer d’une ankylose parfois rapide et irréductible de l’articulation interphalangienne. Les formes palmaires (flexum métacarpo-phalangien) en revanche restent longtemps récupérables. « A l’inverse, il ne faut certainement pas pousser à l’intervention un patient de 80 ans qui s’estime peu gêné par un flexum de 20° », avertit le Dr Lermusiaux. En cas de récidive, qui ne représente que l’évolution spontanée de la maladie et se produit dans 50 % des cas à cinq ans, on peut renouveler l’aponévrotomie à l’aiguille. Pour réaliser ce test et trouver les réponses commentées, connectez-vous au site http://www.legeneraliste.fr à la rubrique FMC Le résultat est immédiat. La section des fibres produit un craquement et l’extension du doigt redevient normale. Les brides rompues se rétractent et ne se ressoudent pas. Mais la maladie peut continuer d’évoluer dans d’autres régions de l’aponévrose palmaire. Les formes plantaires ne posent que rarement des problèmes car elles n’entraînent pas de rétraction des orteils. Cependant, dans le cas particulier de pied plat, la maladie de Ledderhose provoque une sensation désagréable de marcher sur un caillou. On la traite alors par aponévrotomie à l’aiguille, à laquelle on associe des infiltrations de corticoïdes. LES TECHNIQUES CHIRURGICALES Le geste chirurgical consiste également en des aponévrotomies plus ou moins importantes dans les mêmes indications que les aponévrotomies transcutanées. Dans les formes plus évoluées, la chirurgie doit associer des aponévrectomies à des incisions en zigzag le long des plis palmaires et des plis digitaux, à des plasties cutanées en Z et parfois même à des greffes cutanées. Des amputations phalangiennes restent parfois indispensables dans des ankyloses articulaires irréversibles. On ne recommande pas les interventions chirurgicales à des stades précoces (1, 2 et 3) car les résultats sont équivalents à ceux de l’aponévrotomie à l’aiguille, au prix de complications plus fréquentes (2 % d’algodystrophie – quel que soit le stade, nécrose, infections, cicatrices vicieuses, sections nerveuses –). BIBLIOGRAPHIE Lermusiaux J.-L. La Lettre du Rhumatologue, février 2006 ; 319-13-16. Townley W.-A., Baker R., Sheppard N., Grobbelar A.-O, Dupuytren’s contracture unfolded. BMJ 332, 18 év 2006, 397-400. N° 2383 LA CONSULTATION D’UN INSOMNIAQUE 1. Une insomnie passagère : A. Nécessite une consultation entièrement dédiée à ce motif. B. Ne doit pas être dramatisée, mais rapidement traitée par un hypnotique de courte durée pendant quelques jours. C. Se traite par un antidépresseur pendant deux semaines. 2. Dans les insomnies chroniques : A. La polysomnographie est inévitable. B. La consultation d’un spécialiste du sommeil est presque toujours nécessaire. C. Le généraliste peut très bien régler ce problème en une longue consultation. 3. L’insomniaque chronique doit apprendre : A. A accepter de passer plus de temps au lit en recherchant une détente. B. A passer moins de temps au lit et à s’occuper dans sa maison en attendant le sommeil. C. A récupérer le matin les heures de sommeil perdues pendant la nuit. 4. On traite l’insomnie primaire par : A. Les thérapies comportementales et cognitives. B. Les hypnotiques d’action courte. C. La relaxation. D. Les antidépresseurs. Vendredi 29 septembre 2006 | numéro 2383 VII