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Vendredi 29 septembre 2006 |numéro 2383
LES MOYENS THÉRAPEUTIQUES
DES INSOMNIES
En résumé : traitements non pharmacologiques et
pharmacologiques ont leur place, soit isolément, soit
combinés à divers stades de l’insomnie. Le but est de
traiter l’insomnie, ce qui est long, tout en donnant au
patient un certain confort pour le rassurer et l’encoura-
ger à poursuivre une thérapeutique de longue haleine.
Les traitements non pharmacologiques
Leur mise en œuvre demande certaines connaissances
et du temps, raisons pour lesquelles, les patients sont
souvent confiés aux services du sommeil.
Un versant comportemental consiste à modifier les
habitudes du patient vis-à-vis de son sommeil. Les tech-
niques cognitives visent à faire prendre conscience à l’in-
somniaque de toutes ses idées fausses sur le sommeil,
ses causes, ses conséquences vraies et alléguées, qui
aggravent son angoisse et pérennisent son insomnie.
Une étude récente randomisée (Siversten, JAMA 2006),
en double aveugle, contre placebo a démontré la su-
périorité de l’efficacité à court terme et à long terme
d’une thérapeutique cognitivo-comportementale
sur celle de l’administration de zopiclone chez des
adultes souffrant d’insomnie chronique primaire. Les
techniques de relaxation complètent souvent cette
prise en charge psychothérapique.
Les traitements médicamenteux
Certaines causes bien identifiées relèvent de médi-
caments : douleurs, toux, dérèglements hormonaux, af-
fections cardiaques, respiratoires ou neurologiques. Les
mouvements périodiques des jambes et l’apnée du som-
meil, pathologies intriquées aux troubles du sommeil,
doivent également être traités pour leur propre compte.
Les hypnotiques réduisent les retards d’endormis-
sement et les éveils nocturnes.
On doit respecter certaines règles de prescription
(Recommandations 2005 de l’Afssaps) :
– déterminer d’emblée la durée de la prescription (de
quelques jours à quatre semaines) ;
– prévenir le malade que ce traitement sera réévalué
pour tendre à une prise discontinue.
«Ce sont d’excellents médicaments, s’ils sont pris
de façon discontinue, dans des insomnies difficiles
à contrôler », explique ainsi le Pr Royant-Parola.
Les benzodiazépines sont d’une remarquable effi-
cacité sur l’insomnie aiguë et l’anxiété. L’action
hypnotique est évidente en prise vespérale. Admi-
nistrées le matin, elles réduisent l’anxiété de la jour-
née et favorisent l’endormissement du soir. Mais,
leur action sédative recherchée est plus ou moins
accompagnée d’effets gênants sur la cognition et la
mémoire. De plus, elles perturbent les cycles du
sommeil, stimulant désagréablement l’activité
onirique à l’arrêt du traitement. Elles sont à haut
risque de dépendance.
Le zopiclone et le zolpidem, qui agissent sur les récep-
teurs aux benzodiazépines, ont une demi-vie brève.
Ils sont donc moins actifs sur les réveils précoces
que les benzodiazépines, mais ils ont moins d’effets
résiduels dans la journée, sont mieux tolérés et expo-
seraient moins que celles-ci au phénomène de dépen-
dance. Ils modifient peu l’architecture du sommeil.
Problème, l’efficacité des hypnotiques, objectivée
par les enregistrements, s’épuise après deux à qua-
tre semaines d’administration régulière. Cette tolé-
rance peut conduire à une augmentation des doses
et peut entraîner une dépendance
Les hypnotiques peuvent être associés au traitement
psychothérapique, en début de traitement dans l’at-
tente de son efficacité, et ponctuellement lorsque son
efficacité diminue. Cela est particulièrement utile pour
éviter un rebond d’anxiété après une mauvaise nuit
ou si le besoin de dormir est impérieux (par exemple,
exigence professionnelle) et que l’anxiété de ne pas
bien dormir empêche le sommeil.
Les hypnotiques sont contre-indiqués dans les insom-
nies liées au syndrome d’apnée du sommeil non traité
et dans les syndromes d’avance ou de retard de phase.
Les antidépresseurs n’entraînent pas de dépendance.
Ils sont indiqués dans certaines insomnies chroniques
(hors AMM dans cette indication).
Les états dépressifs ou anxieux caractérisés nécessi-
tent un traitement antidépresseur ou anxiolytique de
fond qui peut régler en partie le trouble du sommeil.
Les insomnies d’allure primaire chez les petits anxieux,
déprimés légers ou somatiseurs sont une bonne in-
dication d’antidépresseurs à faible dose au long cours.
L’alternative par hypnotiques discontinus peut se
discuter. La même conduite peut être adoptée pour
les insomnies chroniques psychophysiologiques et les
insomnies idiopathiques.
Un traitement antidépresseur est recommandé dans
tous les types d’insomnie en cas d’antécédent person-
nel ou familial de dépression ou de somatisation.
La posologie dans les insomnies est deux à quatre fois
inférieure à celle indiquée pour la dépression. Leurs
effets secondaires ne sont pas rares, prise de poids (né-
cessitant un régime hypocalorique), troubles sexuels
relevant de divers traitements. Leur arrêt éventuel
doit être très progressif.
Les « nouveaux » traitements
La mélatonine et les traitements par la lumière sont
utilisés dans les troubles du nycthémère spontanés,
induits par le travail posté ou dans le jet lag.
La gabapentine, anti-épileptique, employée par ail-
leurs dans le syndrome des jambes sans repos et des
mouvements périodiques des membres et dans les
neuropathies douloureuses, augmente le sommeil
lent profond. Anxiolytique, mais n’entraînant ni dé-
pendance, ni tolérance, elle peut être utile dans le
sevrage aux benzodiazépines et dans les insomnies
à la dose de 300 à 600 mg.
BIBLIOGRAPHIE
Benoit O., Goldenberg F.,
L’insomnie chronique, Ed.Masson,
Coll Abrégés 2004.
Bonin B., Pringuey D.,
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www.univ-rouen.fr
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du nourrisson, de l’enfant et de
l’adulte. www.med.univ-angers.fr
Royant-Parola S., Comment
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Siversten B. and al. Cognitive
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for Treatment of Chronic Primary
Insomnia in Older Adults. JAMA,
2006 ; 295 (24) : 2851-8.