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N° 486 - Mai - Juin 2002
Réflexions hospitalières
une famille, surtout lorsque celle-ci s’est
beaucoup investie. Il sera alors néces-
saire de recentrer la réflexion dans le
champ du soin, d’expliquer l’impor-
tance du ratio soignant de jour comme
de nuit, ainsi que la possibilité d’autres
soins permettant de mieux contrôler
certains inconforts et d’éviter certaines
hospitalisations.
Le patient n’a pas les capacités pour
juger des bénéfices d’un changement
de lieu de soins. Mais son vécu doit
être pris en compte, en accompa-
gnant les transmissions médicales de
données détaillées sur ses habitudes
de vie.
Par ailleurs, un travail d’accompagne-
ment des équipes soignantes est néces-
saire pour éviter le «sentiment d’aban-
don des familles» souvent relayé par
les soignants, même lorsque ces
équipes reconnaissent que l’unité n’est
plus adaptée à un résident. En effet, les
gériatres constatent que les soignants
investis dans la relation avec le résident
et sa famille éprouvent parfois un
«sentiment de culpabilité». Il est donc
nécessaire de les associer à la décision.
Certains établissements individualisent
des unités en fonction de la sévérité de
la démence, en organisant deux
secteurs: un pour les patients ayant une
démence légère ou modérée; un autre
pour ceux ayant une démence sévère[1].
Le groupe du CAMA a préféré indivi-
dualiser les unités sur d’autres critères.
En début de maladie, l’absence
fréquente de troubles du comportement
permet souvent une intégration facile
des patients aux résidents de maison
de retraite sans obligatoirement néces-
siter l’entrée en unité.
Le groupe a insisté sur l’importance de
l’évaluation somatique dans les critères
d’entrée. Les confusions sont en effet
les premières causes d’aggravation
rapide du comportement lors de
démence[2] et nécessitent un bilan
somatique qui ne relève pas d’une
structure médico-sociale.
Il est donc important que les unités ne
soient pas présentées comme des lieux
de recours en cas de «crise». Des lieux
médicalisés dans le réseau doivent exis-
ter. Cela est proposé avec les unités
aiguës Alzheimer[3] et les unités de
soins de suite Alzheimer, lorsque la
cause est identifiée et qu’une compé-
tence médicale et une prise en charge
spécifiques sont nécessaires à la conso-
lidation de l’état.
Àl’autre bout de la chaîne de prise en
charge, un travail de collaboration avec
une unité plus médicalisée ou une unité
de long séjour doit pouvoir avoir lieu,
lorsque la charge en soins est trop
lourde, trop spécialisée ou qu’elle
nécessite un équipement et une
surveillance impossibles dans une
structure médico-sociale. Une telle
collaboration permet de réduire l’épui-
sement des équipes et facilite la prise
en charge de patients plus nombreux
dans ces unités.
Une maladie d’Alzheimer est une mala-
die évolutive. Aussi convient-il de s’assu-
rer des possibilités «d’aller et retour»
constant entre le traitement, l’évaluation
et l’accompagnement médical et social,
pour le plus grand bénéfice des patients-
résidents et de leurs familles.
Un référentiel régional
Ces recommandations ne sont pas
les conclusions d’études compara-
tives entre différents modes de prise en
charge de structures médicales et
médico-sociales, qui seraient par
ailleurs difficiles à mener. Relevant
d’un travail de réflexion issu d’expé-
riences de terrain, elles sont présentées
par un groupe pluridisciplinaire3dans
un guide intitulé Pour une meilleure
prise en charge des résidents en
établissement médico-social4. Ce docu-
ment sert aujourd’hui de référence
régionale dans l’évaluation des
demandes d’ouverture ou de transfor-
mation de maison de retraite en vue
d’accueillir les patients présentant une
maladie d’Alzheimer, sans se substi-
tuer aux décisions des pouvoirs publics
et des organismes de tutelle.
Bibliographie
(1) Volicer L., «Goals of dementia
Special Care Units», in Holmes D.,
Teresi J.A., Ory M. Eds,
Special Care Units, Paris, SERDI,
2000 : 93-103.
(2) Lebert F., «Prise en charge
des troubles du comportement
lors d’un syndrome démentiel»,
La Lettre du neurologue,
1998; 2: 61-64.
(3) Nourhashemi F., Kostek V.,
Micas M., Scheirlinckx K.,
Vellas B., «Unités de soins
spécialisés dans la prise en charge
des patients atteints de la maladie
d’Alzheimer», Revue de gériatrie,
2001; 26: 409-412.
(4) Grant L.A., Ory M., «Les unités
de soins spécialisés dans la maladie
d’Alzheimer aux États-Unis»,
in Holmes D., Teresi J.A., Ory M.
Eds, Unités de soins Alzheimer,
Paris, SERDI, 2000 : 31-56.
3Composé d’un gériatre
responsable d’un service
de soins à domicile pour
personnes âgées,
d’un psychiatre et gériatre
disposant d’une expérience
de huit années en unité de
soins Alzheimer moyen et
long séjour, d’un gériatre très
expérimenté en matière de
coordination gérontologique,
de directeurs de maison
de retraite ayant déposé
depuis plusieurs années
des dossiers de création
d’unité de vie Alzheimer,
de cadres infirmiers dont
la pratique professionnelle
s’est exercée en cantou,
de représentants de
la Fédération hospitalière
de France.
4Pour une meilleure prise
en charge des résidents en
établissement médico-social:
le guide et les
recommandations ont été
publiés en décembre 2000.
Constitué de 40 pages,
ce guide est disponible sur
Internet à l’adresse suivante:
www.lille.inserm.fr/u422/de
mence.html