Prise en charge du cancer différencié de la thyroïde

Prise en charge du cancer différencié de la thyroïde
Treatment and follow-up of differenciated thyroid cancers
S. Bardet*
L
e cancer différencié de la thy-
roïde (CDT) regroupe les can-
cers papillaires et vésiculaires.
C’est une tumeur relativement rare et
généralement d’excellent pronostic.
La prise en charge des patients atteints
de CDT nécessite la compétence de
divers spécialistes travaillant en étroite
collaboration et évaluant régulière-
ment leurs pratiques. Le chirurgien,
qu’il soit ORL, généraliste ou endo-
crinien, est probablement l’acteur dont
dépend le plus l’avenir du patient.
Son expérience est précieuse pour
optimiser l’exérèse tumorale et limiter
les complications opératoires. Grâce
à l’examen extemporané, le patho-
logiste guide l’acte opératoire. De
même, l’analyse histologique défi-
nitive de la tumeur apporte des élé-
ments pronostiques déterminants et
influence la prise en charge post-
opératoire. Si nécessaire, le médecin
nucléaire administre une dose abla-
* Service de médecine nucléaire et comité pluri-
disciplinaire “thyroïde, Centre François-Baclesse,
Caen.
Le cancer différencié de la thyroïde (CDT) regroupe
les cancers papillaires (80 % des cas) et vésiculaires.
Le carcinome papillaire est souvent multifocal, bi-
latéral, avec une extension ganglionnaire fréquente
(30-50 %). Dans le carcinome vésiculaire, on distingue
les formes encapsulées, de bon pronostic, et les
formes invasives et/ou peu différenciées, de moins
bon pronostic, plus souvent associées à une exten-
sion locorégionale ou métastatique.
Les principaux facteurs de risque du CDT sont l’âge
des patients au diagnostic (> 45 ans), le type histo-
logique (vésiculaire), la taille tumorale, l’extension
extrathyroïdienne, l’envahissement ganglionnaire,
les métastases à distance (surtout lorsqu’elles ne fixent
pas l’iode 131), un protocole de chirurgie inadapté et
l’absence de traitement postopératoire à l’iode 131.
Ces facteurs définissent des patients à “faible” et à
“haut” risque de récidive et de décès par cancer, dis-
tinction à partir de laquelle est fondée, en partie, la
prise en charge.
La chirurgie est le traitement principal du CDT et doit
être réalisée par un opérateur expérimenté. L’inter-
vention initiale de base consiste en une thyroïdecto-
mie totale, associée au moins à un curage du compar-
timent central du cou. Le traitement des récidives
ganglionnaires est également chirurgical.
Après thyroïdectomie totale, la dose ablative d’iode 131
présente un triple intérêt : détruire, s’il y en a, le
tissu thyroïdien tumoral résiduel ; détruire le reliquat
postopératoire bénin, et ainsi faciliter la surveillance
en augmentant la fiabilité du dosage de thyroglobu-
line (Tg) et de la scintigraphie après dose traceuse
d’iode 131 ; détecter précocement des métastases
à distance grâce à une scintigraphie du corps entier
de haute sensibilité. Les indications de la dose abla-
tive d’iode 131 ne sont pas consensuelles, néan-
moins. Certains l’administrent à titre systématique,
d’autres de façon plus ciblée chez des patients “à
risque”.
Après le traitement initial, la suite de la prise en charge
dépend d’abord des résultats du bilan réalisé au mo-
ment de l’administration de la dose ablative d’iode 131
(scintigraphie post-thérapeutique et valeur de la Tg
stimulée), ensuite du bilan à 3 mois réalisé sous
freinage (Tg ± échographie cervicale), et enfin d’un
bilan de contrôle à 6-12 mois réalisé sous stimulation
(Tg stimulée ± scintigraphie après dose traceuse
d’iode 131), selon les cas après TSH recombinante
(rhTSH) ou défreinage hypophysaire.
Les métastases à distance sont rares (5 à 10 % des
patients). Lorsqu’elles sont fixantes, les doses itéra-
tives d’iode 131 sont généralement efficaces, surtout
pour les petites tumeurs. Lorsqu’elles ne fixent pas
l’iode 131 (30 % des cas), elles soulèvent des pro-
blèmes diagnostiques et thérapeutiques. Si la TEP-
FDG, au mieux couplée au scanner, permet souvent
de localiser les lésions secondaires, les résultats du
traitement sont décevants quand ces lésions sont
multiples et évolutives.
Une surveillance à vie est nécessaire pour dépister
une récidive et pour évaluer le traitement hormonal.
Les modalités de surveillance et le degré de freinage
de TSH sont à adapter néanmoins selon le profil
évolutif et pronostique de chaque patient.
La prise en charge des patients atteints de CDT
nécessite la compétence de divers spécialistes tra-
vaillant en étroite collaboration et évaluant réguliè-
rement leurs pratiques.
points FORTS
Radiodiagnostic,
médecine nucléaire
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 6, novembre/décembre 2004 et (IX), n° 1, janvier/février 2005
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médecine nucléaire
Radiodiagnostic,
tive d’iode 131 et répète ce traitement
en cas de métastases fixantes. Il est
également chargé de la réalisation et
de l’interprétation des scintigraphies
à l’iode 131 et, depuis peu, des tomo-
graphies par émission de positrons au
18-fluorodésoxiglucose (TEP-FDG).
Cette dernière technique d’imagerie
fonctionnelle s’avère très complémen-
taire de l’imagerie radiologique (écho-
graphie, scanner). L’endocrinologue
vérifie que le traitement hormonal est
bien suivi, à la bonne posologie, sans
effet secondaire à court ou long terme.
Le radiothérapeute intervient rarement
pour irradier le cou lorsque la résec-
tion tumorale n’a pu être complète
ou pour traiter une métastase osseuse
douloureuse. L’oncologue intervient
exceptionnellement pour piloter une
chimiothérapie lorsque des métastases
à distance ne fixant pas l’iode 131 sont
évolutives. N’oublions pas les bio-
logistes, qui permettent au clinicien
d’adapter le traitement grâce aux
valeurs de TSH et d’hormones thy-
roïdiennes, et de dépister une récidive
ou du tissu tumoral résiduel grâce à
un marqueur tumoral sensible et spé-
cifique, la thyroglobuline (Tg).
Ces dernières années ont été marquées
par l’arrivée sur le marché de la TSH
recombinante (rhTSH) (Thyrogen®,
thyrotropine alfa) et par des discussions,
parfois vives, autour du traitement et
de la surveillance de la maladie. La
place de l’iode 131 est en particulier
controversée. Plusieurs questions
émergent: quelles sont les indications
de la dose ablative d’iode 131 post-
opératoire ? Quels sont réellement
les effets secondaires de l’iode 131?
Quelle est la place respective de la
scintigraphie après dose traceuse
d’iode 131 et du taux de Tg dans le
bilan de contrôle réalisé 6 à 12 mois
après le traitement initial ? Quelle
est l’indication des bilans diagnos-
tiques après défreinage hypophy-
saire ? D’autres questions relatives
à la place des techniques d’imagerie,
nouvelles comme la TEP-FDG ou
plus anciennes, comme l’échographie
cervicale, sont également d’actualité.
Pour toutes ces interrogations, des
éléments de réponse existent et per-
mettent d’envisager de nouveaux
algorithmes de prise en charge du
CDT. L’objectif de cet article est de
faire le point, en 2004, sur l’essentiel
de ce vaste sujet.
Généralités
Épidémiologie
En France, Le CDT représente envi-
ron 1 % de l’ensemble des nouveaux
cancers, avec une incidence faible
de 2,2 pour 100 000 personnes-
années chez les hommes et de 7,5
chez les femmes (1). L’incidence du
cancer papillaire augmente néan-
moins depuis le milieu des années
1970 (2),probablement en raison de
la découverte plus fréquente des micro-
carcinomes de rencontre. La morta-
lité est faible, représentant 0,3 %
des décès par cancer (1).
Anatomopathologie
Le CDT regroupe les cancers papil-
laires et vésiculaires (3, 4).
Le carcinome papillaire est une
tumeur maligne épithéliale, de souche
vésiculaire, avec des structures papil-
laires et folliculaires caractérisées
par des anomalies nucléaires carac-
téristiques (aspect en “verre dépoli”,
inclusion cytoplasmique). Il repré-
sente environ 80 % des cancers de
la thyroïde. La présence de psam-
momes (petites calcifications en bulbe
d’oignon) est fréquente. À côté de
la forme commune, il est décrit plu-
sieurs variantes histologiques : le
microcarcinome (1cm), la variante
encapsulée, la forme vésiculaire, le
sclérosant diffus, les variantes à cel-
lules hautes ou à cellules cylindriques,
la variante oncocytaire et le pseudo-
Warthin. Le cancer papillaire est sou-
vent multifocal et bilatéral (20 à 40 %
des cas). Bien que souvent microsco-
pique, l’extension ganglionnaire est
fréquente (30 à 50 % des cas) et peut
parfois être à l’origine d’une dissé-
mination métastatique pulmonaire.
Le carcinome vésiculaire représente
5 à 15% des cancers de la thyroïde. On
distingue les formes encapsulées, de
bon pronostic, et les formes invasives,
de moins bon pronostic. Pour la forme
encapsulée, on recherche attenti-
vement la présence des deux seuls
critères de malignité : l’invasion vascu-
laire et la rupture capsulaire. Le dia-
gnostic est souvent difficile, sujet à
discussion, car ces critères sont sub-
jectifs et peu reproductibles. Pour
les formes invasives, la tumeur est
dite peu différenciée lorsque les fol-
licules sont rares ou absents. Plu-
sieurs variantes sont décrites : la
variante à cellules claires, la variante
oncocytaire (ou à cellules de Hürthle
ou à cellules oxyphiles) et les carci-
nomes peu différenciés, dont le car-
cinome insulaire. La diffusion
locale et lymphatique est rare, sauf
dans les formes peu différenciées. En
revanche, les métastases à distance
dans l’os ou le poumon sont plus fré-
quentes que dans le cancer papillaire.
Facteurs pronostiques
De nombreuses études, portant sur des
effectifs conséquents, avec un recul
suffisant et utilisant des analyses
multivariées, ont permis d’identifier
des facteurs de risque indépendants
pour la récidive ou pour le décès des
patients ayant un CDT (5-10). Ainsi,
plusieurs systèmes de score pronos-
tique ont vu le jour, permettant de
classer les patients à “faible” et à
“haut risque” de récidive ou de décès :
le MACIS (11),le système AMES
(12),la classification clinique de
l’Université de Chicago (8) et le sys-
tème TNM,décrit en 1992 et revu en
2002 (13). Quel que soit le système
utilisé, la connaissance de ces facteurs
pronostiques est un élément crucial
pour optimiser le traitement et la sur-
veillance d’un patient donné.
Comme le soulignent M. Schlum-
berger et F. Pacini dans un ouvrage
de référence récent (14),on distingue
des facteurs de risque liés aux carac-
téristiques du patient et de la tumeur
d’une part, et au traitement initial,
d’autre part.
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Radiodiagnostic,
médecine nucléaire
L’âge des patients au diagnostic
(> 45 ans) est un facteur de risque
indépendant sur la rechute et la survie,
tant pour le cancer papillaire que pour
le cancer vésiculaire (5, 10). Le sexe
masculin et l’existence d’antécédents
familiaux de CDT seraient également,
pour certains, associés à un moins bon
pronostic. Le pronostic est globale-
ment meilleur dans le cancer papil-
laire que dans le cancer vésiculaire.
Dans une étude américaine, le taux de
mortalité spécifique (imputable au
CDT) à 10 ans est estimé à 7 % dans
le cancer papillaire et à 15 % dans le
cancer vésiculaire (15). Le pronostic
dépend néanmoins des sous-types
histologiques. Dans le cancer papil-
laire, les variantes à cellules hautes ou
à cellules cylindriques et le sclérosant
diffus sont associés à un moins bon
pronostic, tout comme la variante
oncocytaire et les formes peu diffé-
renciées et/ou invasives dans le cancer
vésiculaire. La taille tumorale et
l’extension extrathyroïdienne sont
également des facteurs de risque indé-
pendants de récidive et de mortalité
spécifique (6, 8, 12). Bien que l’enva-
hissement ganglionnaire soit associé
à un risque accru de récidives locales
(6, 8, 11),son influence sur la survie
spécifique reste controversée. Les
métastases à distance sont de mau-
vais pronostic, surtout quand elles ne
fixent pas l’iode 131.
Un retard de diagnostic (> 1 an) est
associé à un risque de récidive locale
ou à distance, tout comme un proto-
cole de chirurgie thyroïdienne et
ganglionnaire inadapté (6). La des-
truction par l’iode 131 du reliquat
thyroïdien postopératoire diminue le
risque de récidive et la mortalité spé-
cifique chez les patients à “haut
risque” (16, 17). Cela est plus discuté
chez les sujets à “bas risque” (9).
La prise en charge initiale
Le traitement initial du CDT com-
prend la chirurgie, suivie selon les cas
par une dose ablative d’iode 131, et,
très rarement, par de la radiothérapie
externe.
La chirurgie
La chirurgie est le traitement princi-
pal du CDT. Elle doit être réalisée par
un chirurgien expérimenté, à la fois
pour diminuer le risque de récidive
locale (et donc de réintervention) et
pour limiter le risque de complications
opératoires. Une équipe d’anatomo-
pathologistes expérimentés est égale-
ment requise pour optimiser l’examen
extemporané, affirmer le cancer (ce
qui n’est pas toujours aisé) et donner
des informations pronostiques per-
tinentes à partir de l’examen histolo-
gique définitif. La chirurgie comprend
une intervention sur la thyroïde et
sur les chaînes ganglionnaires cer-
vicales.
Les deux cas de figure les plus fré-
quents sont la chirurgie d’un nodule
unique suspect ou la chirurgie d’un
goitre bilatéral multimacronodulaire.
Dans le cas d’un nodule unique
(figure 1),la chirurgie débute par une
lobo-isthmectomie sous-extempo-
rané. Si l’examen extemporané se
révèle positif, le chirurgien procède à
une thyroïdectomie totale et réalise
un curage ganglionnaire (voir ci-des-
sous). S’il est négatif mais que la
lésion s’avère maligne à l’examen
histologique définitif (10 à 15% des
cas dans notre expérience), la totali-
sation est à discuter en fonction de
plusieurs critères, les principaux étant
la variété histologique de la tumeur,
la taille du foyer tumoral, le caractère
uni- ou multifocal des lésions et la
présence de petits nodules sur le lobe
controlatéral. La totalisation, associée
au curage ganglionnaire, est indiquée
si le carcinome papillaire est multifo-
cal et/ou si des micronodules sont
présents sur le lobe controlatéral, car
le risque de bilatéralité du cancer et le
risque d’envahissement ganglion-
naire sont accrus (18), ou si le carci-
nome vésiculaire est peu différencié
et/ou infiltrant. La lobo-isthmectomie
est suffisante dans les autres cas.
Enfin, si l’examen extemporané est
douteux (suspect sans pouvoir affir-
mer la malignité), on préconise de
réaliser le curage récurrentiel homo-
latéral, car il s’agit du relais gan-
glionnaire le plus fréquemment
atteint et dont la reprise secondaire
est associée à une morbidité accrue.
La chirurgie d’une thyroïde ou d’un
goitre macronodulaire bilatéral néces-
site également une thyroïdectomie
Figure 1. Protocole suivi au Centre François-Baclesse (Caen) pour la chirurgie d’un
nodule thyroïdien suspect.
*Curage récurrentiel et cervical fonctionnel bilatéral.
Nodule isolé ou dominant
Extemporané –
Histologie
définitive +
Papillaire
unifocal
10 mm
et lobe
controlatéral
homogène
ou
vésiculaire
encapsulé
Fin Totalisation
et curage ganglionnaire*
Papillaire
> 10 mm
et/ou multifocal
et/ou micronodules
sur lobe restant
ou
vésiculaire
invasif
Extemporané
douteux
Curage récurrentiel
homolatéral Totalisation et
curage ganglionnaire*
Extemporané +
Loboisthmectomie sous-extemporané
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médecine nucléaire
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totale sous-extemporané. Si l’extem-
porané est positif, le chirurgien pour-
suit par un curage ganglionnaire (voir
ci-dessous).
Concernant la chirurgie ganglion-
naire,il existe de considérables dif-
férences d’attitude selon les équipes,
de l’absence totale de curage à des
curages systématiques complets bila-
téraux. Il y a néanmoins plusieurs
éléments en faveur de la chirurgie
ganglionnaire. Premièrement, l’enva-
hissement ganglionnaire est fréquent,
en particulier dans les cancers papil-
laires bilatéraux et multifocaux.
Deuxièmement, la chirurgie constitue
le meilleur moyen de traiter les gan-
glions malades, beaucoup plus effi-
cace que l’iode 131. Troisièmement,
la chirurgie ganglionnaire permet
de compléter le bilan de la maladie.
Ainsi, l’absence d’envahissement
ganglionnaire constitue un élément
pour éviter, dans certains cas, une
dose ablative d’iode 131. Enfin, une
chirurgie ganglionnaire complète per-
met de réduire le risque de récidives
locorégionales, et donc de réinterven-
tions, dont la morbidité est accrue.
La chirurgie ganglionnaire comporte
au minimum le curage du comparti-
ment central du cou, c’est-à-dire le
curage des chaînes récurrentielles,
sus- et sous-isthmique, et du tiers infé-
rieur des chaînes jugulocarotidiennes.
En cas d’extemporané positif sur les
ganglions (protocole chirurgical de
l’Institut Gustave-Roussy,Villejuif) ou
de façon systématique (protocole chi-
rurgical du Centre François-Baclesse,
Caen), le chirurgien complète par
un curage jugulocarotidien complet
et conservateur.
Les principales complications de la
chirurgie sont l’hypoparathyroïdie
définitive et la paralysie récurren-
tielle unilatérale. Ces complications
restent rares dans des mains expertes,
respectivement entre 2 % et 5 %. Le
risque de complications est néan-
moins augmenté en cas de curage
ganglionnaire. La fréquence de
l’hypoparathyroïdie définitive aug-
mente significativement lorsque la
calcémie postopératoire immédiate
chute en dessous de 1,4 mmol/l.
Elle nécessite alors un traitement à
vie par les analogues de la vita-
mine D.
L’iode 131
Après thyroïdectomie totale, l’adminis-
tration d’une dose ablative d’iode 131
présente un triple intérêt :détruire,
s’il y en a, le tissu thyroïdien tumoral
résiduel et microscopique ; détruire le
reliquat thyroïdien postopératoire
bénin, et ainsi faciliter la surveillance
en augmentant la fiabilité de deux exa-
mens, le dosage de Tg et la scintigra-
phie après dose traceuse d’iode 131 ;
détecter précocement des métastases à
distance, notamment pulmonaires,
grâce à une scintigraphie du corps
entier de haute sensibilité.
L’iode 131 est administré 4 à 6 se-
maines après la chirurgie, par voie
orale (gélule), chez un patient en hypo-
thyroïdie profonde (TSH > 50 U/ml).
On administre soit une activité stan-
dard, variable selon les équipes, de
1,1 à 3,7 GBq (30 à 100 mCi), soit
une activité estimée préalablement
par une étude dosimétrique. Ce traite-
ment nécessite un séjour en chambre
seule, radioprotégée, de durée variable
selon les habitudes et l’interpréta-
tion des recommandations, en géné-
ral de 3 à 7 jours. Le traitement à
l’iode 131 est bien toléré, avec par-
fois des douleurs cervicales et des
pertes du goût transitoires. Le reten-
tissement de l’hypothyroïdie est
variable, souvent mineur chez le sujet
jeune, parfois plus marqué chez le
patient de plus de 60 ans. Pour limi-
ter l’exposition d’organes où s’accu-
mule et s’élimine l’iode 131 (glandes
salivaires, voies urinaires, tractus
digestif), des mesures préventives
doivent être prises : sucer de la vita-
mine C ou du jus de citron, boire
abondamment, prendre des laxatifs
ou des lavements évacuateurs. Un exa-
men scintigraphique du corps entier,
complété par des acquisitions sta-
tiques sur le cou, est réalisé 4 à 7 jours
plus tard, afin de vérifier l’absence de
foyers de fixation en dehors de l’aire
thyroïdienne. Ces foyers potentielle-
ment pathologiques siègent sur les
parties latérales du cou ou sur des
organes à distance (poumon, sque-
lette), et suggèrent la présence de
métastases ganglionnaires ou systé-
miques. L’interprétation des images
scintigraphiques nécessite de l’expé-
rience et la connaissance de la distri-
bution de l’iode 131, physiologique
et pathologique, car des faux positifs
sont possibles (19). Le traitement hor-
monal est repris après l’administra-
tion d’iode 131 sous forme de LT4
à la posologie de 1,8 à 2,3 g/kg/j
(un peu plus chez l’homme que chez
la femme). Le premier contrôle bio-
logique associant au moins LT4 et
TSH est réalisé au mieux 3 mois après
le début du traitement.
Il n’y a pas de consensus concernant
les indications de la dose ablative
d’iode 131. Certains l’administrent à
titre systématique, d’autres de façon
plus ciblée chez des patients à risque,
en fonction de critères qui ne sont
d’ailleurs pas non plus consensuels.
Schématiquement, néanmoins, la
dose ablative d’iode 131 : n’est pas
recommandée pour des cancers papil-
laires de petite taille (< 1 cm), uni-
focaux, ou pour des cancers vésicu-
laires bien encapsulés ; est clairement
indiquée chez des patients présen-
tant un envahissement ganglionnaire
ou extrathyroïdien et, bien entendu,
des métastases à distance connues.
Entre ces extrêmes, la dose ablative
d’iode 131 peut être discutée. Parmi
les éléments contre l’administration
de ce traitement, il y a certaines don-
nées sur le risque cancérigène et, à un
moindre degré, sur le risque gona-
dique de l’iode 131. Plusieurs études
suggèrent que le risque de second
cancer est modérément accru chez
les patients atteints de CDT (20-22).
Le rapport standardisé d’incidence,
c’est-à-dire le rapport entre le nombre
de cancers observés et le nombre de
cancers attendus dans une population
de référence, y est effectivement modé-
rément augmenté, entre 1,3 et 1,5.
Bien qu’ils varient d’une étude à
l’autre, les cancers en excès sont prin-
cipalement les cancers des voies uri-
naires, notamment du rein (20,22).
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Radiodiagnostic,
médecine nucléaire
En revanche, le lien entre l’excès de
seconds cancers et l’iode 131 reste
controversé. L’étude poolée euro-
péenne récente montre une relation
dose/effet entre l’incidence de cancers
solides (principalement cancer colo-
rectal et cancer des os et tissus mous)
et de leucémies, et l’activité cumulée
d’iode 131 (21). Le risque global de
second cancer solide s’élève signi-
ficativement à partir d’une activité
cumulée d’iode 131 >7,4 GBq, c’est-
à-dire pour les patients ayant reçu
au moins 3 doses thérapeutiques.
Dans notre expérience (22), l’analyse
multivariée réalisée chez 875 patients
suivis en moyenne pendant 8 ans
montre que le risque de second can-
cer n’est pas lié à l’iode 131, mais à
l’âge avancé des patients (> 40 ans)
au moment du diagnostic du cancer
de la thyroïde et à l’existence d’anté-
cédents personnels de cancer avant
le cancer de la thyroïde, soulevant la
question d’une prédisposition géné-
tique à développer plusieurs cancers.
Un retentissement gonadique est
souvent observé quelques mois après
l’irathérapie, dans les deux sexes. Il
se traduit chez l’homme par une
insuffisance testiculaire primitive
modérée associée, de façon incons-
tante, à des troubles de la spermato-
genèse transitoire (23). Chez la
femme, des troubles des règles sont
fréquents. De plus, une étude récente
suggère que l’âge de la ménopause
serait légèrement avancé chez les
patientes traitées par iode 131 (24).
Actuellement, il n’y a pas d’argument
clinique appuyant un effet géno-
toxique de l’iode 131 qui pourrait
retentir sur la descendance des
patient(e)s traité(e)s.
La radiothérapie externe
La radiothérapie externe est rarement
indiquée, essentiellement lorsque,
malgré un opérateur entraîné, la résec-
tion tumorale est restée très incom-
plète et que le tissu tumoral ne fixe
pas (ou pas suffisamment) l’iode 131.
L’irradiation est cervicomédiastinale
et délivre sur 5 semaines une dose
totale de 50 Gy en 25 séances. Elle est
faite après l’administration d’iode 131,
2 à 3 mois après la chirurgie. Les
complications à long terme de la radio-
thérapie externe sont représentées par
l’hyposialie et la sclérose du cou, par-
fois par des tumeurs radio-induites.
La prise en charge
après le traitement initial
Après le traitement initial, la suite de
la prise en charge dépend :
– d’abord, des résultats du bilan réa-
lisé au moment de l’administration
de la dose ablative d’iode 131 (scinti-
graphie post-thérapeutique et valeur
de la Tg stimulée) ;
– ensuite, du bilan à 3 mois réalisé
sous freinage (Tg ± échographie
cervicale) ;
– enfin, d’un bilan de contrôle à 6-
12 mois réalisé sous stimulation (Tg
stimulée ± scintigraphie après dose
traceuse d’iode 131), selon les cas
après rhTSH (figure 2) ou défrei-
nage hypophysaire. L’objectif de ce
bilan est de vérifier que le reliquat
postopératoire a bien été détruit par
l’iode 131 et qu’il n’existe pas d’élé-
ment en faveur de tissu tumoral rési-
duel, localement ou à distance.
La figure 3 schématise les principaux
cas de figure rencontrés au terme du
traitement initial.
Le plus souvent (environ 70 % des
patients), les résultats sont favora-
bles, avec un reliquat cervical médian
isolé sur la scintigraphie post-
thérapeutique à l’iode 131 et une
valeur basse et interprétable (sans
anticorps anti-Tg associés [25]) du
taux de Tg (Cas n°1).Ce cas de
figure regroupe principalement les
patients désignés “à faible risque” de
récidive, pour lesquels les modalités de
surveillance ont été discutées récem-
ment aux États-Unis (26) et en Europe
(27). Chez ces patients majoritaire-
ment guéris dont la Tg sous freinage
est nulle à 3 mois, on estime que le
bilan de contrôle à 6-12 mois peut se
limiter à un dosage de Tg sous rhTSH.
En effet, la scintigraphie négative après
dose traceuse d’iode 131 (“carte
blanche”) est redondante par rapport
à une Tg stimulée nulle (28). D’autre
part, parmi les quelques patients
présentant du tissu tumoral résiduel,
la sensibilité de la scintigraphie est
inférieure à celle de la Tg stimulée
(29). La stimulation par rhTSH est éga-
lement préférée au défreinage hypo-
physaire, car elle est plus confortable
pour le patient et probablement plus
économique, en réduisant la durée des
arrêts de travail induits par l’hypo-
thyroïdie. Surtout, bien que la valeur
absolue de la Tg stimulée soit en
moyenne plus faible sous rhTSH que
sous défreinage hypophysaire (30),
la plupart des patients ayant du tissu
tumoral résiduel semblent détectés de
la même façon par la Tg obtenue par
stimulation exogène ou endogène
(30-32). La valeur seuil au-delà de
laquelle le taux de Tg stimulée est
considéré comme anormal reste néan-
moins à déterminer (26, 27). Une
valeur de 1 ng/ml paraît aujourd’hui
raisonnable. En dessous de cette
valeur, le patient est considéré comme
guéri. Le suivi ultérieur est fondé sur
la clinique et le taux de Tg sous trai-
tement hormonal. Lorsque ce dernier
reste nul (c’est quasiment toujours le
cas), il n’y pas d’argument pour un nou-
veau test de stimulation. En revanche,
si la Tg stimulée est supérieure à
1ng/ml, la prise en charge dépend
du contexte et de la valeur absolue de
la Tg stimulée. Au minimum, un bilan
complémentaire (échographie cervi-
cale) et un contrôle à distance (> 1 an)
du bilan sous stimulation, au maxi-
mum l’administration d’une activité
thérapeutique d’iode 131 suivie d’une
scintigraphie post-thérapeutique.
Rarement (5 à 10 % des patients), des
métastases à distance sont connues
(métastases inaugurales) ou sont sus-
pectées sur des foyers pulmonaires
ou osseux associés à une valeur de
Tg élevée (Cas n°2 : métastases
fixantes) ou sur une élévation forte
et isolée du taux de Tg (Cas n°3 :
métastases non fixantes).
Les métastases fixantes feront l’objet
de doses itératives d’iode 131 tous
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