Prise en charge du cancer différencié de la thyroïde Treatment and follow-up of differenciated thyroid cancers S. Bardet* points FORTS ▲ Le cancer différencié de la thyroïde (CDT) regroupe les cancers papillaires (80 % des cas) et vésiculaires. Le carcinome papillaire est souvent multifocal, bilatéral, avec une extension ganglionnaire fréquente (30-50 %). Dans le carcinome vésiculaire, on distingue les formes encapsulées, de bon pronostic, et les formes invasives et/ou peu différenciées, de moins bon pronostic, plus souvent associées à une extension locorégionale ou métastatique. ▲ Les principaux facteurs de risque du CDT sont l’âge des patients au diagnostic (> 45 ans), le type histologique (vésiculaire), la taille tumorale, l’extension extrathyroïdienne, l’envahissement ganglionnaire, les métastases à distance (surtout lorsqu’elles ne fixent pas l’iode 131), un protocole de chirurgie inadapté et l’absence de traitement postopératoire à l’iode 131. Ces facteurs définissent des patients à “faible” et à “haut” risque de récidive et de décès par cancer, distinction à partir de laquelle est fondée, en partie, la prise en charge. ▲ La chirurgie est le traitement principal du CDT et doit être réalisée par un opérateur expérimenté. L’intervention initiale de base consiste en une thyroïdectomie totale, associée au moins à un curage du compartiment central du cou. Le traitement des récidives ganglionnaires est également chirurgical. ▲ Après thyroïdectomie totale, la dose ablative d’iode 131 présente un triple intérêt : détruire, s’il y en a, le tissu thyroïdien tumoral résiduel ; détruire le reliquat postopératoire bénin, et ainsi faciliter la surveillance en augmentant la fiabilité du dosage de thyroglobuline (Tg) et de la scintigraphie après dose traceuse d’iode 131 ; détecter précocement des métastases à distance grâce à une scintigraphie du corps entier L e cancer différencié de la thyroïde (CDT) regroupe les cancers papillaires et vésiculaires. C’est une tumeur relativement rare et généralement d’excellent pronostic. La prise en charge des patients atteints * Service de médecine nucléaire et comité pluridisciplinaire “thyroïde”, Centre François-Baclesse, Caen. de haute sensibilité. Les indications de la dose ablative d’iode 131 ne sont pas consensuelles, néanmoins. Certains l’administrent à titre systématique, d’autres de façon plus ciblée chez des patients “à risque”. ▲ Après le traitement initial, la suite de la prise en charge dépend d’abord des résultats du bilan réalisé au moment de l’administration de la dose ablative d’iode 131 (scintigraphie post-thérapeutique et valeur de la Tg stimulée), ensuite du bilan à 3 mois réalisé sous freinage (Tg ± échographie cervicale), et enfin d’un bilan de contrôle à 6-12 mois réalisé sous stimulation (Tg stimulée ± scintigraphie après dose traceuse d’iode 131), selon les cas après TSH recombinante (rhTSH) ou défreinage hypophysaire. ▲ Les métastases à distance sont rares (5 à 10 % des patients). Lorsqu’elles sont fixantes, les doses itératives d’iode 131 sont généralement efficaces, surtout pour les petites tumeurs. Lorsqu’elles ne fixent pas l’iode 131 (30 % des cas), elles soulèvent des problèmes diagnostiques et thérapeutiques. Si la TEPFDG, au mieux couplée au scanner, permet souvent de localiser les lésions secondaires, les résultats du traitement sont décevants quand ces lésions sont multiples et évolutives. ▲ Une surveillance à vie est nécessaire pour dépister une récidive et pour évaluer le traitement hormonal. Les modalités de surveillance et le degré de freinage de TSH sont à adapter néanmoins selon le profil évolutif et pronostique de chaque patient. ▲ La prise en charge des patients atteints de CDT nécessite la compétence de divers spécialistes travaillant en étroite collaboration et évaluant régulièrement leurs pratiques. de CDT nécessite la compétence de divers spécialistes travaillant en étroite collaboration et évaluant régulièrement leurs pratiques. Le chirurgien, qu’il soit ORL, généraliste ou endocrinien, est probablement l’acteur dont dépend le plus l’avenir du patient. Son expérience est précieuse pour optimiser l’exérèse tumorale et limiter médecine nucléaire Radiodiagnostic, les complications opératoires. Grâce à l’examen extemporané, le pathologiste guide l’acte opératoire. De même, l’analyse histologique définitive de la tumeur apporte des éléments pronostiques déterminants et influence la prise en charge postopératoire. Si nécessaire, le médecin nucléaire administre une dose abla- Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 6, novembre/décembre 2004 et (IX), n° 1, janvier/février 2005 201 Radiodiagnostic, médecine nucléaire 202 tive d’iode 131 et répète ce traitement en cas de métastases fixantes. Il est également chargé de la réalisation et de l’interprétation des scintigraphies à l’iode 131 et, depuis peu, des tomographies par émission de positrons au 18-fluorodésoxiglucose (TEP-FDG). Cette dernière technique d’imagerie fonctionnelle s’avère très complémentaire de l’imagerie radiologique (échographie, scanner). L’endocrinologue vérifie que le traitement hormonal est bien suivi, à la bonne posologie, sans effet secondaire à court ou long terme. Le radiothérapeute intervient rarement pour irradier le cou lorsque la résection tumorale n’a pu être complète ou pour traiter une métastase osseuse douloureuse. L’oncologue intervient exceptionnellement pour piloter une chimiothérapie lorsque des métastases à distance ne fixant pas l’iode 131 sont évolutives. N’oublions pas les biologistes, qui permettent au clinicien d’adapter le traitement grâce aux valeurs de TSH et d’hormones thyroïdiennes, et de dépister une récidive ou du tissu tumoral résiduel grâce à un marqueur tumoral sensible et spécifique, la thyroglobuline (Tg). Ces dernières années ont été marquées par l’arrivée sur le marché de la TSH recombinante (rhTSH) (Thyrogen®, thyrotropine alfa) et par des discussions, parfois vives, autour du traitement et de la surveillance de la maladie. La place de l’iode 131 est en particulier controversée. Plusieurs questions émergent : quelles sont les indications de la dose ablative d’iode 131 postopératoire ? Quels sont réellement les effets secondaires de l’iode 131 ? Quelle est la place respective de la scintigraphie après dose traceuse d’iode 131 et du taux de Tg dans le bilan de contrôle réalisé 6 à 12 mois après le traitement initial ? Quelle est l’indication des bilans diagnostiques après défreinage hypophysaire ? D’autres questions relatives à la place des techniques d’imagerie, nouvelles comme la TEP-FDG ou plus anciennes, comme l’échographie cervicale, sont également d’actualité. Pour toutes ces interrogations, des éléments de réponse existent et per- mettent d’envisager de nouveaux algorithmes de prise en charge du CDT. L’objectif de cet article est de faire le point, en 2004, sur l’essentiel de ce vaste sujet. Généralités Épidémiologie En France, Le CDT représente environ 1 % de l’ensemble des nouveaux cancers, avec une incidence faible de 2,2 pour 100 000 personnesannées chez les hommes et de 7,5 chez les femmes (1). L’incidence du cancer papillaire augmente néanmoins depuis le milieu des années 1970 (2), probablement en raison de la découverte plus fréquente des microcarcinomes de rencontre. La mortalité est faible, représentant 0,3 % des décès par cancer (1). 5 à 15 % des cancers de la thyroïde. On distingue les formes encapsulées, de bon pronostic, et les formes invasives, de moins bon pronostic. Pour la forme encapsulée, on recherche attentivement la présence des deux seuls critères de malignité : l’invasion vasculaire et la rupture capsulaire. Le diagnostic est souvent difficile, sujet à discussion, car ces critères sont subjectifs et peu reproductibles. Pour les formes invasives, la tumeur est dite peu différenciée lorsque les follicules sont rares ou absents. Plusieurs variantes sont décrites : la variante à cellules claires, la variante oncocytaire (ou à cellules de Hürthle ou à cellules oxyphiles) et les carcinomes peu différenciés, dont le carcinome insulaire. La diffusion locale et lymphatique est rare, sauf dans les formes peu différenciées. En revanche, les métastases à distance dans l’os ou le poumon sont plus fréquentes que dans le cancer papillaire. Anatomopathologie Facteurs pronostiques Le CDT regroupe les cancers papillaires et vésiculaires (3, 4). Le carcinome papillaire est une tumeur maligne épithéliale, de souche vésiculaire, avec des structures papillaires et folliculaires caractérisées par des anomalies nucléaires caractéristiques (aspect en “verre dépoli”, inclusion cytoplasmique). Il représente environ 80 % des cancers de la thyroïde. La présence de psammomes (petites calcifications en bulbe d’oignon) est fréquente. À côté de la forme commune, il est décrit plusieurs variantes histologiques : le microcarcinome (≤ 1 cm), la variante encapsulée, la forme vésiculaire, le sclérosant diffus, les variantes à cellules hautes ou à cellules cylindriques, la variante oncocytaire et le pseudoWarthin. Le cancer papillaire est souvent multifocal et bilatéral (20 à 40 % des cas). Bien que souvent microscopique, l’extension ganglionnaire est fréquente (30 à 50 % des cas) et peut parfois être à l’origine d’une dissémination métastatique pulmonaire. Le carcinome vésiculaire représente De nombreuses études, portant sur des effectifs conséquents, avec un recul suffisant et utilisant des analyses multivariées, ont permis d’identifier des facteurs de risque indépendants pour la récidive ou pour le décès des patients ayant un CDT (5-10). Ainsi, plusieurs systèmes de score pronostique ont vu le jour, permettant de classer les patients à “faible” et à “haut risque” de récidive ou de décès : le MACIS (11), le système AMES (12), la classification clinique de l’Université de Chicago (8) et le système TNM, décrit en 1992 et revu en 2002 (13). Quel que soit le système utilisé, la connaissance de ces facteurs pronostiques est un élément crucial pour optimiser le traitement et la surveillance d’un patient donné. Comme le soulignent M. Schlumberger et F. Pacini dans un ouvrage de référence récent (14), on distingue des facteurs de risque liés aux caractéristiques du patient et de la tumeur d’une part, et au traitement initial, d’autre part. Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 6, novembre/décembre 2004 et (IX), n° 1, janvier/février 2005 L’âge des patients au diagnostic (> 45 ans) est un facteur de risque indépendant sur la rechute et la survie, tant pour le cancer papillaire que pour le cancer vésiculaire (5, 10). Le sexe masculin et l’existence d’antécédents familiaux de CDT seraient également, pour certains, associés à un moins bon pronostic. Le pronostic est globalement meilleur dans le cancer papillaire que dans le cancer vésiculaire. Dans une étude américaine, le taux de mortalité spécifique (imputable au CDT) à 10 ans est estimé à 7 % dans le cancer papillaire et à 15 % dans le cancer vésiculaire (15). Le pronostic dépend néanmoins des sous-types histologiques. Dans le cancer papillaire, les variantes à cellules hautes ou à cellules cylindriques et le sclérosant diffus sont associés à un moins bon pronostic, tout comme la variante oncocytaire et les formes peu différenciées et/ou invasives dans le cancer vésiculaire. La taille tumorale et l’extension extrathyroïdienne sont également des facteurs de risque indépendants de récidive et de mortalité spécifique (6, 8, 12). Bien que l’envahissement ganglionnaire soit associé à un risque accru de récidives locales (6, 8, 11), son influence sur la survie spécifique reste controversée. Les métastases à distance sont de mauvais pronostic, surtout quand elles ne fixent pas l’iode 131. Un retard de diagnostic (> 1 an) est associé à un risque de récidive locale ou à distance, tout comme un protocole de chirurgie thyroïdienne et ganglionnaire inadapté (6). La destruction par l’iode 131 du reliquat thyroïdien postopératoire diminue le risque de récidive et la mortalité spécifique chez les patients à “haut risque” (16, 17). Cela est plus discuté chez les sujets à “bas risque” (9). La prise en charge initiale Le traitement initial du CDT comprend la chirurgie, suivie selon les cas par une dose ablative d’iode 131, et, très rarement, par de la radiothérapie externe. La chirurgie La chirurgie est le traitement principal du CDT. Elle doit être réalisée par un chirurgien expérimenté, à la fois pour diminuer le risque de récidive locale (et donc de réintervention) et pour limiter le risque de complications opératoires. Une équipe d’anatomopathologistes expérimentés est également requise pour optimiser l’examen extemporané, affirmer le cancer (ce qui n’est pas toujours aisé) et donner des informations pronostiques pertinentes à partir de l’examen histologique définitif. La chirurgie comprend une intervention sur la thyroïde et sur les chaînes ganglionnaires cervicales. Les deux cas de figure les plus fréquents sont la chirurgie d’un nodule unique suspect ou la chirurgie d’un goitre bilatéral multimacronodulaire. Dans le cas d’un nodule unique (figure 1), la chirurgie débute par une lobo-isthmectomie sous-extemporané. Si l’examen extemporané se révèle positif, le chirurgien procède à une thyroïdectomie totale et réalise un curage ganglionnaire (voir ci-dessous). S’il est négatif mais que la lésion s’avère maligne à l’examen histologique définitif (10 à 15 % des cas dans notre expérience), la totalisation est à discuter en fonction de plusieurs critères, les principaux étant la variété histologique de la tumeur, la taille du foyer tumoral, le caractère uni- ou multifocal des lésions et la présence de petits nodules sur le lobe controlatéral. La totalisation, associée au curage ganglionnaire, est indiquée si le carcinome papillaire est multifocal et/ou si des micronodules sont présents sur le lobe controlatéral, car le risque de bilatéralité du cancer et le risque d’envahissement ganglionnaire sont accrus (18), ou si le carcinome vésiculaire est peu différencié et/ou infiltrant. La lobo-isthmectomie est suffisante dans les autres cas. Enfin, si l’examen extemporané est douteux (suspect sans pouvoir affirmer la malignité), on préconise de réaliser le curage récurrentiel homolatéral, car il s’agit du relais ganglionnaire le plus fréquemment atteint et dont la reprise secondaire est associée à une morbidité accrue. La chirurgie d’une thyroïde ou d’un goitre macronodulaire bilatéral nécessite également une thyroïdectomie médecine nucléaire Radiodiagnostic, Nodule isolé ou dominant Loboisthmectomie sous-extemporané Extemporané – Histologie définitive + Papillaire unifocal ≤ 10 mm et lobe controlatéral homogène ou vésiculaire encapsulé Fin Extemporané douteux Extemporané + Curage récurrentiel homolatéral Totalisation et curage ganglionnaire* Papillaire > 10 mm et/ou multifocal et/ou micronodules sur lobe restant ou vésiculaire invasif Totalisation et curage ganglionnaire* Figure 1. Protocole suivi au Centre François-Baclesse (Caen) pour la chirurgie d’un nodule thyroïdien suspect. *Curage récurrentiel et cervical fonctionnel bilatéral. Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 6, novembre/décembre 2004 et (IX), n° 1, janvier/février 2005 203 Radiodiagnostic, médecine nucléaire 204 totale sous-extemporané. Si l’extemporané est positif, le chirurgien poursuit par un curage ganglionnaire (voir ci-dessous). Concernant la chirurgie ganglionnaire, il existe de considérables différences d’attitude selon les équipes, de l’absence totale de curage à des curages systématiques complets bilatéraux. Il y a néanmoins plusieurs éléments en faveur de la chirurgie ganglionnaire. Premièrement, l’envahissement ganglionnaire est fréquent, en particulier dans les cancers papillaires bilatéraux et multifocaux. Deuxièmement, la chirurgie constitue le meilleur moyen de traiter les ganglions malades, beaucoup plus efficace que l’iode 131. Troisièmement, la chirurgie ganglionnaire permet de compléter le bilan de la maladie. Ainsi, l’absence d’envahissement ganglionnaire constitue un élément pour éviter, dans certains cas, une dose ablative d’iode 131. Enfin, une chirurgie ganglionnaire complète permet de réduire le risque de récidives locorégionales, et donc de réinterventions, dont la morbidité est accrue. La chirurgie ganglionnaire comporte au minimum le curage du compartiment central du cou, c’est-à-dire le curage des chaînes récurrentielles, sus- et sous-isthmique, et du tiers inférieur des chaînes jugulocarotidiennes. En cas d’extemporané positif sur les ganglions (protocole chirurgical de l’Institut Gustave-Roussy, Villejuif) ou de façon systématique (protocole chirurgical du Centre François-Baclesse, Caen), le chirurgien complète par un curage jugulocarotidien complet et conservateur. Les principales complications de la chirurgie sont l’hypoparathyroïdie définitive et la paralysie récurrentielle unilatérale. Ces complications restent rares dans des mains expertes, respectivement entre 2 % et 5 %. Le risque de complications est néanmoins augmenté en cas de curage ganglionnaire. La fréquence de l’hypoparathyroïdie définitive augmente significativement lorsque la calcémie postopératoire immédiate chute en dessous de 1,4 mmol/l. Elle nécessite alors un traitement à vie par les analogues de la vitamine D. L’iode 131 Après thyroïdectomie totale, l’administration d’une dose ablative d’iode 131 présente un triple intérêt : détruire, s’il y en a, le tissu thyroïdien tumoral résiduel et microscopique ; détruire le reliquat thyroïdien postopératoire bénin, et ainsi faciliter la surveillance en augmentant la fiabilité de deux examens, le dosage de Tg et la scintigraphie après dose traceuse d’iode 131 ; détecter précocement des métastases à distance, notamment pulmonaires, grâce à une scintigraphie du corps entier de haute sensibilité. L’iode 131 est administré 4 à 6 semaines après la chirurgie, par voie orale (gélule), chez un patient en hypothyroïdie profonde (TSH > 50 U/ml). On administre soit une activité standard, variable selon les équipes, de 1,1 à 3,7 GBq (30 à 100 mCi), soit une activité estimée préalablement par une étude dosimétrique. Ce traitement nécessite un séjour en chambre seule, radioprotégée, de durée variable selon les habitudes et l’interprétation des recommandations, en général de 3 à 7 jours. Le traitement à l’iode 131 est bien toléré, avec parfois des douleurs cervicales et des pertes du goût transitoires. Le retentissement de l’hypothyroïdie est variable, souvent mineur chez le sujet jeune, parfois plus marqué chez le patient de plus de 60 ans. Pour limiter l’exposition d’organes où s’accumule et s’élimine l’iode 131 (glandes salivaires, voies urinaires, tractus digestif), des mesures préventives doivent être prises : sucer de la vitamine C ou du jus de citron, boire abondamment, prendre des laxatifs ou des lavements évacuateurs. Un examen scintigraphique du corps entier, complété par des acquisitions statiques sur le cou, est réalisé 4 à 7 jours plus tard, afin de vérifier l’absence de foyers de fixation en dehors de l’aire thyroïdienne. Ces foyers potentielle- ment pathologiques siègent sur les parties latérales du cou ou sur des organes à distance (poumon, squelette), et suggèrent la présence de métastases ganglionnaires ou systémiques. L’interprétation des images scintigraphiques nécessite de l’expérience et la connaissance de la distribution de l’iode 131, physiologique et pathologique, car des faux positifs sont possibles (19). Le traitement hormonal est repris après l’administration d’iode 131 sous forme de LT4 à la posologie de 1,8 à 2,3 g/kg/j (un peu plus chez l’homme que chez la femme). Le premier contrôle biologique associant au moins LT4 et TSH est réalisé au mieux 3 mois après le début du traitement. Il n’y a pas de consensus concernant les indications de la dose ablative d’iode 131. Certains l’administrent à titre systématique, d’autres de façon plus ciblée chez des patients à risque, en fonction de critères qui ne sont d’ailleurs pas non plus consensuels. Schématiquement, néanmoins, la dose ablative d’iode 131 : n’est pas recommandée pour des cancers papillaires de petite taille (< 1 cm), unifocaux, ou pour des cancers vésiculaires bien encapsulés ; est clairement indiquée chez des patients présentant un envahissement ganglionnaire ou extrathyroïdien et, bien entendu, des métastases à distance connues. Entre ces extrêmes, la dose ablative d’iode 131 peut être discutée. Parmi les éléments contre l’administration de ce traitement, il y a certaines données sur le risque cancérigène et, à un moindre degré, sur le risque gonadique de l’iode 131. Plusieurs études suggèrent que le risque de second cancer est modérément accru chez les patients atteints de CDT (20-22). Le rapport standardisé d’incidence, c’est-à-dire le rapport entre le nombre de cancers observés et le nombre de cancers attendus dans une population de référence, y est effectivement modérément augmenté, entre 1,3 et 1,5. Bien qu’ils varient d’une étude à l’autre, les cancers en excès sont principalement les cancers des voies urinaires, notamment du rein (20,22). Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 6, novembre/décembre 2004 et (IX), n° 1, janvier/février 2005 En revanche, le lien entre l’excès de seconds cancers et l’iode 131 reste controversé. L’étude poolée européenne récente montre une relation dose/effet entre l’incidence de cancers solides (principalement cancer colorectal et cancer des os et tissus mous) et de leucémies, et l’activité cumulée d’iode 131 (21). Le risque global de second cancer solide s’élève significativement à partir d’une activité cumulée d’iode 131 > 7,4 GBq, c’està-dire pour les patients ayant reçu au moins 3 doses thérapeutiques. Dans notre expérience (22), l’analyse multivariée réalisée chez 875 patients suivis en moyenne pendant 8 ans montre que le risque de second cancer n’est pas lié à l’iode 131, mais à l’âge avancé des patients (> 40 ans) au moment du diagnostic du cancer de la thyroïde et à l’existence d’antécédents personnels de cancer avant le cancer de la thyroïde, soulevant la question d’une prédisposition génétique à développer plusieurs cancers. Un retentissement gonadique est souvent observé quelques mois après l’irathérapie, dans les deux sexes. Il se traduit chez l’homme par une insuffisance testiculaire primitive modérée associée, de façon inconstante, à des troubles de la spermatogenèse transitoire (23). Chez la femme, des troubles des règles sont fréquents. De plus, une étude récente suggère que l’âge de la ménopause serait légèrement avancé chez les patientes traitées par iode 131 (24). Actuellement, il n’y a pas d’argument clinique appuyant un effet génotoxique de l’iode 131 qui pourrait retentir sur la descendance des patient(e)s traité(e)s. La radiothérapie externe La radiothérapie externe est rarement indiquée, essentiellement lorsque, malgré un opérateur entraîné, la résection tumorale est restée très incomplète et que le tissu tumoral ne fixe pas (ou pas suffisamment) l’iode 131. L’irradiation est cervicomédiastinale et délivre sur 5 semaines une dose totale de 50 Gy en 25 séances. Elle est faite après l’administration d’iode 131, 2 à 3 mois après la chirurgie. Les complications à long terme de la radiothérapie externe sont représentées par l’hyposialie et la sclérose du cou, parfois par des tumeurs radio-induites. La prise en charge après le traitement initial Après le traitement initial, la suite de la prise en charge dépend : – d’abord, des résultats du bilan réalisé au moment de l’administration de la dose ablative d’iode 131 (scintigraphie post-thérapeutique et valeur de la Tg stimulée) ; – ensuite, du bilan à 3 mois réalisé sous freinage (Tg ± échographie cervicale) ; – enfin, d’un bilan de contrôle à 612 mois réalisé sous stimulation (Tg stimulée ± scintigraphie après dose traceuse d’iode 131), selon les cas après rhTSH (figure 2) ou défreinage hypophysaire. L’objectif de ce bilan est de vérifier que le reliquat postopératoire a bien été détruit par l’iode 131 et qu’il n’existe pas d’élément en faveur de tissu tumoral résiduel, localement ou à distance. La figure 3 schématise les principaux cas de figure rencontrés au terme du traitement initial. Le plus souvent (environ 70 % des patients), les résultats sont favorables, avec un reliquat cervical médian isolé sur la scintigraphie postthérapeutique à l’iode 131 et une valeur basse et interprétable (sans anticorps anti-Tg associés [25]) du taux de Tg (Cas n°1). Ce cas de figure regroupe principalement les patients désignés “à faible risque” de récidive, pour lesquels les modalités de surveillance ont été discutées récemment aux États-Unis (26) et en Europe (27). Chez ces patients majoritairement guéris dont la Tg sous freinage est nulle à 3 mois, on estime que le bilan de contrôle à 6-12 mois peut se limiter à un dosage de Tg sous rhTSH. En effet, la scintigraphie négative après dose traceuse d’iode 131 (“carte blanche”) est redondante par rapport à une Tg stimulée nulle (28). D’autre part, parmi les quelques patients présentant du tissu tumoral résiduel, la sensibilité de la scintigraphie est inférieure à celle de la Tg stimulée (29). La stimulation par rhTSH est également préférée au défreinage hypophysaire, car elle est plus confortable pour le patient et probablement plus économique, en réduisant la durée des arrêts de travail induits par l’hypothyroïdie. Surtout, bien que la valeur absolue de la Tg stimulée soit en moyenne plus faible sous rhTSH que sous défreinage hypophysaire (30), la plupart des patients ayant du tissu tumoral résiduel semblent détectés de la même façon par la Tg obtenue par stimulation exogène ou endogène (30-32). La valeur seuil au-delà de laquelle le taux de Tg stimulée est considéré comme anormal reste néanmoins à déterminer (26, 27). Une valeur de 1 ng/ml paraît aujourd’hui raisonnable. En dessous de cette valeur, le patient est considéré comme guéri. Le suivi ultérieur est fondé sur la clinique et le taux de Tg sous traitement hormonal. Lorsque ce dernier reste nul (c’est quasiment toujours le cas), il n’y pas d’argument pour un nouveau test de stimulation. En revanche, si la Tg stimulée est supérieure à 1 ng/ml, la prise en charge dépend du contexte et de la valeur absolue de la Tg stimulée. Au minimum, un bilan complémentaire (échographie cervicale) et un contrôle à distance (> 1 an) du bilan sous stimulation, au maximum l’administration d’une activité thérapeutique d’iode 131 suivie d’une scintigraphie post-thérapeutique. Rarement (5 à 10 % des patients), des métastases à distance sont connues (métastases inaugurales) ou sont suspectées sur des foyers pulmonaires ou osseux associés à une valeur de Tg élevée (Cas n°2 : métastases fixantes) ou sur une élévation forte et isolée du taux de Tg (Cas n°3 : métastases non fixantes). Les métastases fixantes feront l’objet de doses itératives d’iode 131 tous Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 6, novembre/décembre 2004 et (IX), n° 1, janvier/février 2005 médecine nucléaire Radiodiagnostic, 205 Radiodiagnostic, médecine nucléaire les 4 mois environ. Ce traitement a démontré son efficacité, particulièrement chez les sujets jeunes et lorsque les lésions sont de petite taille (33). Même si l’iode 131 est plus adaptée aux lésions pulmonaires infraradiologiques (miliaire pulmonaire), une efficacité réelle peut être observée Patient sous LT4 rhTSH IM (0,9 mg) rhTSH IM (0,9 mg) scintigraphie iode 131 iode 131 5 mci Jours 0 1 2 T4L TSH Tg anti-Tg 3 TSH Tg 4 TSH Tg Figure 2. Protocole d’étude complet sous TSH recombinante (rhTSH) associant scintigraphie après dose traceuse d’iode 131 et dosage de thyroglobuline (Tg). sur les lésions osseuses (figure 4). S’il existe des métastases ganglionnaires associées, elles seront traitées au mieux par la chirurgie radioguidée (34). Les métastases non fixantes représentent environ 30 % des cas, mais cette proportion est encore plus élevée dans certaines formes histologiques comme le vésiculaire à cellules oncocytaires. Elles soulèvent des problèmes diagnostiques et, surtout, thérapeutiques. Il est justifié de tenter d’administrer une deuxième et dernière dose d’iode 131, car les métastases peuvent parfois devenir visibles une fois le reliquat thyroïdien postopératoire disparu. Sinon, la localisation de ces métastases fait appel aux moyens d’imagerie radiologique (scanner thoracique) ou fonctionnelle (scintigraphie osseuse et, désormais, TEPFDG). La sensibilité de la TEP-FDG est variable (60 à 95 %), associée en Dose ablative d'iode 131 SCINTIGRAPHIE POST-THÉRAPEUTIQUE THYROGLOBULINE (Tg) ≈ 5-10 % 1 Métastases 2 Fixant l'iode 131 ≈ 70 % 4 ≈ 20-25 % Foyer cervical médian Tg basse Foyers latéro-cervicaux et/ou Tg élevée ou non évaluable Bilan à 3 mois sous LT4* Tg < 1 ng/ml Bilan à 3 mois sous LT4* ± écho 3 Non fixantes Imagerie anatomique et fonctionnelle (TEP-FDG) Doses itératives d'iode 131 / 4 mois Tg < 1 ng/ml ou non évaluable Bilan à 6-12 mois Tg sous rhTSH Tg > 1 ng/ml et/ou écho + Bilan à 6-12 mois sous défreinage (scinti iode 131 à 5 mCi, Tg) > 1 ng/ml Chimiothérapie < 1 ng/ml Bilan normal Chirurgie Traitement freinateur Bilan anormal Bilan annuel sous LT4* Iode 131 ± chirurgie DPO Figure 3. Schéma décisionnel au terme du traitement initial associant chirurgie et dose ablative d’iode 131. *Bilan comprenant examen clinique et dosage de LT4, TSH, thyroglobuline (TG), anticorps antithyroglobuline (anti-TG). 206 Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 6, novembre/décembre 2004 et (IX), n° 1, janvier/février 2005 général à une bonne spécificité (80 à 90 %) (35, 36). Ces performances sont encore améliorées par l’utilisation d’appareils hybrides TEP/scanner, qui permettent de localiser précisément les foyers suspects grâce à la fusion des images fonctionnelles et anatomiques. La sensibilité de la TEP-FDG est supérieure à celle obtenue avec d’autres traceurs, comme l’octréotideIn111, le thallium 201, le MIBI-99mTc ou la tétrofosmine-99mTc. La captation tumorale du FDG est accrue dans les cancers vésiculaires peu différenciés, et probablement aussi par la TSH endogène (37) ou exogène (38). Au plan thérapeutique, la chimiothérapie est à discuter si les métastases sont évolutives, mais ses résultats sont décevants. À l’inverse, la chirurgie peut être justifiée si les métastases sont en nombre limité et peu évolutives (métastasectomie pulmonaire, par exemple). Sinon, le freinage intense de la TSH est souvent le seul recours possible. Le dernier cas de figure (20 à 25 % des patients) regroupe d’autres situations plus ou moins suspectes du fait de foyers latérocervicaux, d’un taux de Tg relativement élevé ou non fiable (en raison d’un titre élevé d’anticorps anti-Tg), mais aussi des patients à “haut risque” de récidive, définis sur les critères histologiques initiaux ou sur la notion d’une chirurgie incomplète (Cas Iode 131 Première dose (100 mCi) D Ant 9/1999 Tg = 369 ng/ml Sixième dose Activité cumulée (600 mCi) G D Ant 6/2001 Tg = 10 ng/ml G Figure 4. Scintigraphie du corps entier (incidence antérieure) réalisée 5 jours après les première et sixième doses thérapeutiques d’iode 131 chez une patiente présentant un carcinome vésiculaire compliqué de métastases osseuses. Après 6 traitements, on note une disparition ou une nette diminution d’intensité de certains foyers secondaires osseux (flèches jaunes) et une baisse significative du taux de thyroglobuline (Tg). n°4). Le premier bilan réalisé à 3 mois comportera un dosage de Tg sous L-thyroxine, et, si nécessaire, une échographie cervicale. Ce dernier examen est sensible pour détecter des adénopathies métastatiques (39), mais nécessite un équipement adapté (sonde d’au moins 7,5 MHz) et un opérateur très entraîné. Généralement, les adénopathies métastatiques correspondent à des lésions rondes, hypoéchogènes, hypervascularisées, avec un hile central échogène absent et contenant des microcalcifications. Le manque de spécificité de l’échographie peut être amélioré par la cytoponction à l’aiguille fine et par le dosage de Tg dans le liquide d’aspiration (40). Au terme du bilan à 3 mois, deux possibilités : – Le bilan est pathologique (Tg > 1 ng/ml et/ou échographie suspecte) : une seconde dose thérapeutique d’iode 131 doit être envisagée, suivie d’un balayage scintigraphique du corps entier, et, éventuellement, d’une reprise des curages cervicaux sous détection peropératoire. Des métastases à distance peuvent aussi parfois être mises en évidence. – Le bilan ne montre pas d’élément clairement suspect et un contrôle à 6-12 mois sous stimulation est nécessaire. Un bilan complet sous défreinage hypophysaire associant une scintigraphie à dose traceuse d’iode 131 et un dosage de Tg est justifié. L’arrêt de l’hormonothérapie permet de disposer d’une scintigraphie de meilleure qualité que sous rhTSH et d’une stimulation optimale de la Tg. Un bilan négatif rassure le médecin et le patient, et évite probablement la répétition du bilan sous rhTSH dans le suivi ultérieur. Si le bilan est anormal, on propose à la suite, et sans perdre de temps, l’administration d’une seconde dose thérapeutique d’iode 131. Soulignons, à cet égard, que la possible diminution de la captation de l’iode radioactif après l’administration d’une dose traceuse (stunning) est controversée (41) et a peu d’impact clinique sur l’efficacité d’une dose thérapeutique donnée quelques jours après (42). Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 6, novembre/décembre 2004 et (IX), n° 1, janvier/février 2005 médecine nucléaire Radiodiagnostic, 207 Radiodiagnostic, médecine nucléaire 208 Le traitement hormonal et la surveillance au long cours Les modalités de la surveillance et du traitement hormonal varient selon le statut du patient. On peut schématiquement distinguer trois situations. ● La première et la plus fréquente intéresse les patients considérés comme pratiquement “guéris” (bilan sous stimulation à 6-12 mois négatif). Leur risque de récidive est très faible, inférieur à 0,5 % (29). Chez ces patients, il n’y pas d’argument à freiner outre mesure la TSH. Une TSH située pour certains entre 0,1 et 0,5 U/ml (27), voire entre 0,1 et 1 U/ml, est suffisante. L’absence de net surdosage permet d’améliorer la qualité de vie et de réduire, même s’il est faible, le risque de complications cardiaques (arythmie, insuffisance cardiaque) (43) ou osseuses (ostéopénie) (44). La surveillance de ces patients est assurée de façon annuelle, à vie, et consiste en un examen clinique et des dosages de T4 libre, TSH, Tg et anti-Tg. L’échographie cervicale ne doit pas être systématique. Rappelons à nouveau la difficulté d’interprétation de la Tg en présence d’anti-Tg. Cela survient dans 20 à 25 % des cas (45). En présence d’anti-Tg, les dosages immunométriques sous-estiment en effet le taux de Tg et peuvent induire des résultats faussement négatifs. À l’inverse, un taux de Tg élevé conserve sa valeur péjorative en présence d’anticorps. La surveillance est également l’occasion de dépister et de prendre en charge d’éventuelles complications du traitement, comme l’hypoparathyroïdie. ● La deuxième situation intéresse des patients avec une maladie cancéreuse évolutive (métastases locorégionales ou à distance connues, non éradiquées par les différents traitements préalablement proposés). Chez ces patients, le freinage de TSH constitue parfois le seul traitement possible pour stabiliser ou freiner l’évolution de la maladie. La TSH doit être écrasée en dessous de 0,1 U/ml, avec une T4 libre, limite supérieure ou modérément augmentée. L’association à des bêtabloquants peut améliorer le confort des patients. Le rythme de la surveillance est plus soutenu que dans le cas de figure précédent (3 à 6 mois selon le contexte). Sachant qu’il n’y a pas de traitement curatif efficace dans les cancers polymétastatiques ne fixant pas l’iode 131, la surveillance doit surtout rechercher des signes d’appel clinique accessibles à un traitement palliatif (par exemple, douleur secondaire à une métastase osseuse localisée susceptible d’être traitée par irradiation externe). ● La troisième situation intéresse des patients avec une maladie évolutive possible mais incertaine (taux de Tg modérément augmenté sans lésions secondaires connues). Chez ces patients à “haut-risque”, le freinage de TSH est utile (46, 47). Le degré de freinage n’est pas clairement déterminé, néanmoins. Une surveillance annuelle est souvent suffisante. Elle vérifie que le taux de Tg est stable, tous les ans sous freinage et tous les 2 à 5 ans sous stimulation. Des bilans d’imagerie radiologiques (échographie cervicale, scanner cervicothoracique) et fonctionnels (scintigraphie après dose traceuse d’iode 131, Octobre 2001 CORONAL scintigraphie osseuse, TEP-FDG) doivent être répétés à un rythme régulier, mais raisonnable. Un traitement curatif pourra être mis en œuvre si une lésion limitée est mise en évidence (figure 5). Soulignons également qu’un taux de Tg initialement élevé peut diminuer spontanément, sans qu’aucune récidive clinique ou iconographique ne soit mise en évidence (48). Conclusion Malgré le manque de données prospectives, les vingt dernières années ont permis de préciser les principaux facteurs pronostiques du CDT. Deux catégories de patients ont ainsi été identifiées, les patients à “faible” et à “haut” risque de récidive et de décès par cancer. En pratique clinique, cette distinction est réelle, même si elle ne peut être faite qu’après un traitement initial bien conduit reposant sur un protocole chirurgical adapté et, le plus souvent, sur les données du bilan effectué au moment de l’administration de la dose ablative d’iode 131. Pour les patients à “faible” risque, qui sont majoritaires, les modalités de prise en charge et de surveillance ulté- – Sous LT4, Tg = 7 ng/ml – Scintigraphie après 100 mCi d’iode 131 négative TRANSAXIAL Janvier 2002 Curage récurrentiel droit Métastase ganglionnaire centimétrique Décembre 2002 – Tg sous rTSH = 1,3 ng/ml – TEP-FDG négative SAGITTAL Figure 5. Récidive ganglionnaire récurrentielle droite centimétrique mise en évidence sur un examen TEP-FDG (flèche jaune) chez un patient opéré en 1991 (thyroïdectomie totale et adénectomie jugulo-carotidienne droite) d’un carcinome vésiculaire peu différencié associé à un carcinome papillaire. Avant la TEP-FDG, la scintigraphie réalisée après une dose thérapeutique d’iode 131 était négative. Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 6, novembre/décembre 2004 et (IX), n° 1, janvier/février 2005 rieure peuvent et doivent être allégées. Pour les autres patients, désignés à “haut” risque, la prise en charge doit être méthodique, pluridisciplinaire, et utiliser tous les moyens modernes pour détecter précocement, localiser et traiter au mieux les lésions métastatiques d’emblée ou récidivantes. ■ Références 1. Remontet L, Esteve J, Bouvier AM et al. Cancer incidence and mortality in France over the period 1978-2000. Rev Epidemiol Sante Publique 2003; 51:3-30. 2. Colonna M, Grosclaude P, Remontet L et al. Incidence of thyroid cancer in adults recorded by French cancer registries (1978-1997). Eur J Cancer 2002;38:1762-8. 3. Hedinger C, Williams ED, Sobin LH. Histological typing of thyroid tumours. International histological classification of tumors. World Health Organization, vol. 11, 2nd ed., Berlin : SpringerVerlag;1988. 4. Rosai J, Carcangiu ML, De Lellis RA. Tumors of the thyroid gland. Atlas of tumor pathology. Third series Fascicle 5. Washington DC : AFIP;1992. 5. Tubiana M, Schlumberger M, Rougier P et al. Long-term results and prognostic factors in patients with differentiated thyroid carcinoma. Cancer 1985; 55:794-804. 6. Mazzaferri EL, Kloos RT. Clinical review 128: current approaches to primary therapy for papillary and follicular thyroid cancer. J Clin Endocrinol Metab 2001;86:1447-63. 7. Brennan MD, Bergstralh EJ, van Heerden JA, McConahey WM. Follicular thyroid cancer treated at the Mayo Clinic, 1946 through 1970: initial manifestations, pathologic findings, therapy, and outcome. Mayo Clin Proc 1991;66:11-22. 8. DeGroot LJ, Kaplan EL, McCormick M, Straus FH. Natural history, treatment, and course of papillary thyroid carcinoma. J Clin Endocrinol Metab 1990; 71:414-24. 9. Hay ID, Thompson GB, Grant CS et al. Papillary thyroid carcinoma managed at the Mayo Clinic during six decades (1940-1999): temporal trends in initial therapy and long-term outcome in 2,444 consecutively treated patients. World J Surg 2002; 26:879-85. 10. Simpson WJ, McKinney SE, Carruthers JS et al. Papillary and follicular thyroid cancer. Prognostic factors in 1,578 patients. Am J Med 1987; 83:479-88. 11. Hay ID, Bergstralh EJ, Goellner JR et al. Predicting outcome in papillary thyroid carcinoma: development of a reliable prognostic scoring system in a cohort of 1,779 patients surgically treated at one institution during 1940 through 1989. Surgery 1993;114:1050-7. 12. Cady B. Papillary carcinoma of the thyroid gland: treatment based on risk group definition. Surg Oncol Clin N Am 1998;7:633-44. 13. American Joint Committee on Cancer: Chapter 8:Thyroid, in AJCC cancer staging handbook. 6th ed., New York : Springer;2002:89-98. 14. Schlumberger M, Pacini F. Thyroid tumors. 2nd ed., Paris : Éditions Nucleos;2003. 15. Hundahl SA, Fleming ID, Fremgen AM, Menck HR. A National Cancer Data Base report on 53,856 cases of thyroid carcinoma treated in the US, 1985-1995. Cancer 1998;83:2638-48. 16. Taylor T, Specker B, Robbins J et al. Outcome after treatment of high-risk papillary and nonHurthle-cell follicular thyroid carcinoma. Ann Intern Med 1998;129:622-7. 17. Sawka AM, Thephamongkhol K, Brouwers M et al. A systematic review and metaanalysis of the effectiveness of radioactive iodine remnant ablation for well-differentiated thyroid cancer. J Clin Endocrinol Metab 2004;89:3668-76. 18. Baudin E, Travagli JP, Ropers J et al. Microcarcinoma of the thyroid gland: the Gustave-Roussy Institute experience. Cancer 1998;83:553-9. 19. Shapiro B, Rufini V, Jarwan A et al. Artifacts, anatomical and physiological variants, and unrelated diseases that might cause false-positive whole-body 131-I scans in patients with thyroid cancer. Semin Nucl Med 2000;30:115-32. 20. Hall P, Holm LE, Lundell G et al. Cancer risks in thyroid cancer patients. Br J Cancer 1991;64: 159-63. 21. Rubino C, de Vathaire F, Dottorini ME et al. Second primary malignancies in thyroid cancer patients. Br J Cancer 2003;89:1638-44. 22. Berthe E, Henry-Amar M, Michels JJ et al. Risk of second primary cancer following differentiated thyroid cancer. Eur J Nucl Med Mol Imaging 2004;31:685-91. 23. Handelsman DJ, Turtle JR. Testicular damage after radioactive iodine (131-I) therapy for thyroid cancer. Clin Endocrinol (Oxf) 1983;18:465-72. 24. Ceccarelli C, Bencivelli W, Morciano D, Pinchera A, Pacini F. 131-I therapy for differentiated thyroid cancer leads to an earlier onset of menopause: results of a retrospective study. J Clin Endocrinol Metab 2001;86:3512-5. 25. Spencer CA. Challenges of serum thyroglobulin (Tg) measurement in the presence of Tg autoantibodies. J Clin Endocrinol Metab 2004;89:3702-4. 26. Mazzaferri EL, Robbins RJ, Spencer CA et al. A consensus report of the role of serum thyroglobulin as a monitoring method for low-risk patients with papillary thyroid carcinoma. J Clin Endocrinol Metab 2003;88:1433-41. 27. Schlumberger M, Berg G, Cohen O et al. Followup of low-risk patients with differentiated thyroid carcinoma: a European perspective. Eur J Endocrinol 2004;150:105-12. 28. Pacini F, Capezzone M, Elisei R et al. Diagnostic 131-iodine whole-body scan may be avoided in thyroid cancer patients who have undetectable stimulated serum Tg levels after initial treatment. J Clin Endocrinol Metab 2002;87: 1499-501. 29. Cailleux AF, Baudin E, Travagli JP et al. Is diagnostic iodine-131 scanning useful after total thyroid ablation for differentiated thyroid cancer? J Clin Endocrinol Metab 2000;85:175-8. 30. Haugen BR, Pacini F, Reiners C et al. A comparison of recombinant human thyrotropin and thyroid hormone withdrawal for the detection of thyroid remnant or cancer. J Clin Endocrinol Metab 1999;84:3877-85. 31. Pacini F, Molinaro E, Lippi F et al. Prediction of disease status by recombinant human TSH-stimulated serum Tg in the postsurgical follow-up of differentiated thyroid carcinoma. J Clin Endocrinol Metab 2001;86:5686-90. 32. Robbins RJ, Tuttle RM, Sharaf RN et al. Preparation by recombinant human thyrotropin or thyroid hormone withdrawal are comparable for the detection of residual differentiated thyroid carcinoma. J Clin Endocrinol Metab 2001;86:619-25. 33. Schlumberger M, Challeton C, de Vathaire F et al. Radioactive iodine treatment and external radiotherapy for lung and bone metastases from thyroid carcinoma. J Nucl Med 1996;37:598-605. 34. Travagli JP, Cailleux AF, Ricard M et al. Combination of radioiodine (131-I) and probe-guided surgery for persistent or recurrent thyroid carcinoma. J Clin Endocrinol Metab 1998; 83:2675-80. 35. Grunwald F, Kalicke T, Feine U et al. Fluorine-18 fluorodeoxyglucose positron emission tomography in thyroid cancer: results of a multicentre study. Eur J Nucl Med 1999;26:1547-52. 36. Giammarile F, Houzard C, Bournaud C et al. Diagnostic management of suspected metastatic thyroid carcinoma: clinical value of octreotide scintigraphy in patients with negative high-dose radioiodine scans. Eur J Endocrinol 2004;150: 277-83. 37. Moog F, Linke R, Manthey N et al. Influence of thyroid-stimulating hormone levels on uptake of FDG in recurrent and metastatic differentiated thyroid carcinoma. J Nucl Med 2000;41:1989-95. 38. Petrich T, Borner AR, Otto D et al. Influence of rhTSH on [(18)F]fluorodeoxyglucose uptake by differentiated thyroid carcinoma. Eur J Nucl Med Mol Imaging 2002;29:641-7. 39. Pacini F, Molinaro E, Castagna MG et al. Recombinant human thyrotropin-stimulated serum thyroglobulin combined with neck ultrasonography has the highest sensitivity in monitoring differentiated thyroid carcinoma. J Clin Endocrinol Metab 2003;88:3668-73. 40. Pacini F, Fugazzola L, Lippi F et al. Detection of thyroglobulin in fine needle aspirates of nonthyroidal neck masses: a clue to the diagnosis of metastatic differentiated thyroid cancer. J Clin Endocrinol Metab 1992;74:1401-4. 41. Morris LF, Waxman AD, Braunstein GD. Thyroid stunning. Thyroid 2003;13:333-40. 42. Dam HQ, Kim SM, Lin HC, Intenzo CM. 131-I therapeutic efficacy is not influenced by stunning after diagnostic whole-body scanning. Radiology 2004;232:527-33. 43. Biondi B, Palmieri EA, Lombardi G, Fazio S. Effects of subclinical thyroid dysfunction on the heart. Ann Intern Med 2002;137:904-14. 44. Greenspan SL, Greenspan FS. The effect of thyroid hormone on skeletal integrity. Ann Intern Med 1999;130:750-8. 45. Spencer CA, Takeuchi M, Kazarosyan M et al. Serum thyroglobulin autoantibodies: prevalence, Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 6, novembre/décembre 2004 et (IX), n° 1, janvier/février 2005 médecine nucléaire Radiodiagnostic, 209 Radiodiagnostic, médecine nucléaire influence on serum thyroglobulin measurement, and prognostic significance in patients with differentiated thyroid carcinoma. J Clin Endocrinol Metab 1998;83:1121-7. 46. Pujol P, Daures JP, Nsakala N et al. Degree of thyrotropin suppression as a prognostic determinant in differentiated thyroid cancer. J Clin Endocrinol Metab 1996;81: 4318-23. 47. Cooper DS, Specker B, Ho M et al. Thyrotropin suppression and disease progression in patients with differentiated thyroid cancer: results from the National Thyroid Cancer Treatment Cooperative Registry. Thyroid 1998;8:737-44. 48. Baudin E, Do CC, Cailleux AF et al. Positive predictive value of serum thyroglobulin levels, measured during the first year of follow-up after thyroid hormone withdrawal, in thyroid cancer patients. J Clin Endocrinol Metab 2003;88: 1107-11. Auto-test 1. Les récidives ganglionnaires du CDT sont traitées efficacement par des activités itératives d’iode 131. 2. La présence d’anticorps antithyroglobuline peut induire des faux négatifs de la thyroglobuline. 3. Chez les patients dont le bilan de contrôle est normal 6 à 12 mois après la dose ablative d’iode 131, la répétition systématique tous les 5 ans du test au Thyrogen® est recommandée. 4. La sensibilité de la TEP au 18FDG est bonne dans les cancers vésiculaires à cellules de Hürthle, surtout après stimulation par la TSH endogène ou exogène. 1. Faux. 2. Vrai. 3. Faux. 4. Vrai. Agenda… Les 7es entretiens de nutrition de l’Institut Pasteur de Lille auront lieu à Lille les 16 et 17 juin 2005 sur les thèmes Les aliments fonctionnels (16 juin) Femmes et nutrition (17 juin) Organisation : Dr J.M. Lecerf Coût : 160 € HT/1 jour – 280 € HT/2 jours Renseignements : M.F. Tahon – Tél. : 03 20 87 71 88 - Fax : 03 20 87 72 96 E-mail : Marie-Franç[email protected] 210 Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 6, novembre/décembre 2004 et (IX), n° 1, janvier/février 2005