Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 6, novembre/décembre 2004 et (IX), n° 1, janvier/février 2005
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médecine nucléaire
Radiodiagnostic,
totale sous-extemporané. Si l’extem-
porané est positif, le chirurgien pour-
suit par un curage ganglionnaire (voir
ci-dessous).
Concernant la chirurgie ganglion-
naire,il existe de considérables dif-
férences d’attitude selon les équipes,
de l’absence totale de curage à des
curages systématiques complets bila-
téraux. Il y a néanmoins plusieurs
éléments en faveur de la chirurgie
ganglionnaire. Premièrement, l’enva-
hissement ganglionnaire est fréquent,
en particulier dans les cancers papil-
laires bilatéraux et multifocaux.
Deuxièmement, la chirurgie constitue
le meilleur moyen de traiter les gan-
glions malades, beaucoup plus effi-
cace que l’iode 131. Troisièmement,
la chirurgie ganglionnaire permet
de compléter le bilan de la maladie.
Ainsi, l’absence d’envahissement
ganglionnaire constitue un élément
pour éviter, dans certains cas, une
dose ablative d’iode 131. Enfin, une
chirurgie ganglionnaire complète per-
met de réduire le risque de récidives
locorégionales, et donc de réinterven-
tions, dont la morbidité est accrue.
La chirurgie ganglionnaire comporte
au minimum le curage du comparti-
ment central du cou, c’est-à-dire le
curage des chaînes récurrentielles,
sus- et sous-isthmique, et du tiers infé-
rieur des chaînes jugulocarotidiennes.
En cas d’extemporané positif sur les
ganglions (protocole chirurgical de
l’Institut Gustave-Roussy,Villejuif) ou
de façon systématique (protocole chi-
rurgical du Centre François-Baclesse,
Caen), le chirurgien complète par
un curage jugulocarotidien complet
et conservateur.
Les principales complications de la
chirurgie sont l’hypoparathyroïdie
définitive et la paralysie récurren-
tielle unilatérale. Ces complications
restent rares dans des mains expertes,
respectivement entre 2 % et 5 %. Le
risque de complications est néan-
moins augmenté en cas de curage
ganglionnaire. La fréquence de
l’hypoparathyroïdie définitive aug-
mente significativement lorsque la
calcémie postopératoire immédiate
chute en dessous de 1,4 mmol/l.
Elle nécessite alors un traitement à
vie par les analogues de la vita-
mine D.
L’iode 131
Après thyroïdectomie totale, l’adminis-
tration d’une dose ablative d’iode 131
présente un triple intérêt :détruire,
s’il y en a, le tissu thyroïdien tumoral
résiduel et microscopique ; détruire le
reliquat thyroïdien postopératoire
bénin, et ainsi faciliter la surveillance
en augmentant la fiabilité de deux exa-
mens, le dosage de Tg et la scintigra-
phie après dose traceuse d’iode 131 ;
détecter précocement des métastases à
distance, notamment pulmonaires,
grâce à une scintigraphie du corps
entier de haute sensibilité.
L’iode 131 est administré 4 à 6 se-
maines après la chirurgie, par voie
orale (gélule), chez un patient en hypo-
thyroïdie profonde (TSH > 50 U/ml).
On administre soit une activité stan-
dard, variable selon les équipes, de
1,1 à 3,7 GBq (30 à 100 mCi), soit
une activité estimée préalablement
par une étude dosimétrique. Ce traite-
ment nécessite un séjour en chambre
seule, radioprotégée, de durée variable
selon les habitudes et l’interpréta-
tion des recommandations, en géné-
ral de 3 à 7 jours. Le traitement à
l’iode 131 est bien toléré, avec par-
fois des douleurs cervicales et des
pertes du goût transitoires. Le reten-
tissement de l’hypothyroïdie est
variable, souvent mineur chez le sujet
jeune, parfois plus marqué chez le
patient de plus de 60 ans. Pour limi-
ter l’exposition d’organes où s’accu-
mule et s’élimine l’iode 131 (glandes
salivaires, voies urinaires, tractus
digestif), des mesures préventives
doivent être prises : sucer de la vita-
mine C ou du jus de citron, boire
abondamment, prendre des laxatifs
ou des lavements évacuateurs. Un exa-
men scintigraphique du corps entier,
complété par des acquisitions sta-
tiques sur le cou, est réalisé 4 à 7 jours
plus tard, afin de vérifier l’absence de
foyers de fixation en dehors de l’aire
thyroïdienne. Ces foyers potentielle-
ment pathologiques siègent sur les
parties latérales du cou ou sur des
organes à distance (poumon, sque-
lette), et suggèrent la présence de
métastases ganglionnaires ou systé-
miques. L’interprétation des images
scintigraphiques nécessite de l’expé-
rience et la connaissance de la distri-
bution de l’iode 131, physiologique
et pathologique, car des faux positifs
sont possibles (19). Le traitement hor-
monal est repris après l’administra-
tion d’iode 131 sous forme de LT4
à la posologie de 1,8 à 2,3 g/kg/j
(un peu plus chez l’homme que chez
la femme). Le premier contrôle bio-
logique associant au moins LT4 et
TSH est réalisé au mieux 3 mois après
le début du traitement.
Il n’y a pas de consensus concernant
les indications de la dose ablative
d’iode 131. Certains l’administrent à
titre systématique, d’autres de façon
plus ciblée chez des patients à risque,
en fonction de critères qui ne sont
d’ailleurs pas non plus consensuels.
Schématiquement, néanmoins, la
dose ablative d’iode 131 : n’est pas
recommandée pour des cancers papil-
laires de petite taille (< 1 cm), uni-
focaux, ou pour des cancers vésicu-
laires bien encapsulés ; est clairement
indiquée chez des patients présen-
tant un envahissement ganglionnaire
ou extrathyroïdien et, bien entendu,
des métastases à distance connues.
Entre ces extrêmes, la dose ablative
d’iode 131 peut être discutée. Parmi
les éléments contre l’administration
de ce traitement, il y a certaines don-
nées sur le risque cancérigène et, à un
moindre degré, sur le risque gona-
dique de l’iode 131. Plusieurs études
suggèrent que le risque de second
cancer est modérément accru chez
les patients atteints de CDT (20-22).
Le rapport standardisé d’incidence,
c’est-à-dire le rapport entre le nombre
de cancers observés et le nombre de
cancers attendus dans une population
de référence, y est effectivement modé-
rément augmenté, entre 1,3 et 1,5.
Bien qu’ils varient d’une étude à
l’autre, les cancers en excès sont prin-
cipalement les cancers des voies uri-
naires, notamment du rein (20,22).