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CM 2 en Licence 2 Semestre 3
Quelles sociologies pour l’objet « sports » ?
L'évolution de la discipline sociologique est historiquement marquée et apporte une
connaissance spécifique du monde sportif.
I Monde des sports et sociologie
Le monde sportif fait appel à l'expertise du sociologue lorsqu'une crise ou un échec
entravent la vie sportive habituelle. L'institution sportive est en pleine croissance, chacune
de ses poussées de croissance engendre des espoirs et provoque des inquiétudes. La
sociologie s'est donc intéressée au phénomène
Par exemple, le processus par lequel les pratiques sportives éclipsent plus ou moins les jeux
traditionnels a éveillé l’attention, de même que le mouvement de diffusion des sports, très
inégalement accompli selon les classes sociales, les nations, les groupes.
Les points de vue savants s'immiscent dans la vie des groupes et trouvent évidemment de la
résistance. En effet le sport est un jeu et il supporte des émotions telles que l'objectivation
biomécanique, physiologique ou socio-économique contredit l'expérience première.
Le rejet s'appuie parfois sur un anti-intellectualisme sensible.
Pourtant la pertinence du sport comme objet de recherche s'est affirmée depuis les années
80. Le secteur de recherche qui se développe vite relève de la socio économie et vise à
dégager les structurations économiques et sociales du monde sportif.
On voit émerger une sociologie qui privilégie le point de vue des agents, mettant en
évidence les formes de conscience et de sensibilité, l'économie émotive des spectateurs et
des participants.
D’autres se proposent de mettre en évidence les conditions que doivent remplir les règles
sportives pour être acceptables.
Enfin des études plus politiques se centrent sur les processus d'identification de
communautés politiques ou ethniques à des équipes sportives. Elles posent du même coup la
question de l'unification mondiale du sport. Les relations entre l'Etat et les sports entrent
dans le domaine des sciences politiques.
On peut dire aussi que le monde des sports est très segmenté et hiérarchisé mais sécrète
une culture sportive à peu près commune et des traits culturels spécifiques.
Aux analyses allant dans le détail des pratiques sportives, se sont ajoutées des réflexions sur
l’impact du sport sur la société et sur ses fonctions à l’égard de la politique, de l’économie,
de la santé et du savoir.
1.1. Problèmes de définitions et de mesure de l’activité sportive :
Dans le travail théorique la question de la définition se pose toujours. De quoi parle t-on ?
Plusieurs définitions sociales du sport sont données, souvent contradictoires, en général
flottantes et variant avec les situations pratiques dans lesquelles elles sont formulées. Les
définitions indiquent des frontières ou dégagent des traits caractéristiques qu'un noyau de
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pratiques incarne (le caractère énergétique du sport à travers le sprint par ex, alors que
d'autres s'en éloignent, (tir à l'arc, lancer de fresbee etc...)
En sciences sociales, comment définir la diversité et l'unité des sports ?
A partir des années 50 les définitions des experts en sciences humaines prévalent sur
celles des agents engagés dans les affaires sportives.
La notion de sport couvre un large éventail d'activités dotées de propriétés parfois
contradictoires, allant du jeu et de la distraction, aux formes éphémères, à une multitude de
loisirs sportifs et de spectacles sportifs, jusqu'à une forme de sport relevant du travail
hautement qualifié, minutieusement codifié, exercé à plein temps avec un souci pousdu
rendement, la notion de carrière et de programme.
Le sport est donc à la fois un jeu doté de gratuité et une activité rationnelle tendue vers une
forme d'efficacité visant la performance. Il s'écarte du jeu en se posant comme jeu
sérieux.
Par exemple Magnane définit le sport comme une activité de loisir dont la dominante est
l'effort physique, participant à la fois du jeu et du travail, pratiquée de façon compétitive,
comportant des règlements et des institutions spécifiques et susceptible de se transformer en
activité professionnelle.
Norbert Elias (in La violence maîtrisée) travaillera autour de cette définition contradictoire
en prônant l'idée que le sport est "une forme de combat qui donne du plaisir sans choquer la
conscience".
La biologie, l'anthropologie et la philosophie donnent des définitions qui montrent que
le sport peut être fini comme une forme sociale historiquement datée et changeante ou
au contraire assimilé à un registre d'activité rendu possible par la conformation psychique et
physique de l'espèce humaine et actualisé. L'approche du sport comme forme d'activité liée
au répertoire anthropologique fondamental, dans toutes les civilisations est une perspective
développée par les anthropologues, les biologistes et parfois des essais sociologiques. Le
sport dériverait de schémas comportementaux innés chez l'être humain. Le fondement
biologique principal semble être celui du jeu corporel.
Définition par la culture de l'institution ou définition par la nature anthropologique de
l'activité, les approches coexistent et s'affrontent avec des succès divers selon les
époques.
Certains décrivent le sport comme un universel culturel qui "repose sur des bases
biologiques au même titre que l'alimentation ou la sexualité". ( Betbeze in Crédoc, 1987). Le
schéma proposé précise cependant que tout ce qui relève de ces schémas n'est pas du sport et
ne le devient que lorsqu'il est saisi par une culture. Le phénomène acquiert sa dynamique
propre et se détache de la vie instinctive qui l'aurait créé.
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Ainsi par exemple, la vision biologique prédominante dans le début du 20eme siècle et
les années 40, a donné lieu à des théories évolutionnistes, à l'eugénisme et parfois au
racisme.
En revanche dès 1945 et dans les années 60 le caractère culturel sera réaffirmé et orientera
les recherches vers la sociologie de l'éducation et de la culture.
Le choix proprement scientifique entre une approche biologisante et une autre plutôt
culturaliste a toujours été marqué par les luttes politiques et intellectuelles.
Pour échapper à ce cadre de pensée trop prégnant les sciences sociales dans les années
50 insistent sur la dimension culturelle et la variabilité historique du sport, privilégiant
la sociologie historique. Ils insistent aussi sur les traits originaux du sport par rapport
aux jeux physiques et aux exercices de civilisations antérieures ou différentes (Elias
1986)
Avec des définitions variables, naissent les difficultés de mesure de l'activité sportive.
Quoi qu’il en soit, définir c'est inclure et exclure. La définition du sport se présente
souvent comme une question pratique lorsqu'il s'agit de borner des regroupements : par
exemple quels types d'associations relèvent d'un service des sports et peuvent prétendre à
des subventions ? Quelles limites se donner ? Faut il inclure l'histoire du tir à la carabine
dans un travail d’histoire des sports ? La reconnaissance Olympique fait pencher pour le oui,
mais faut il y inclure aussi le tir des fêtes foraines ? Le billard est-il un sport, et les fléchettes
? En France la réponse est non, en Angleterre, c'est oui.
Le sociologue ne peut évidemment s'abstraire des définitions sociales et la littérature savante
montre qu'il n'existe aucune définition qui se soit imposée.
La puissance de l'institution sportive se mesure habituellement par les effectifs mobilisés.
Par ex en 1990, on dénombre plus de 160 000 associations sportives. L'administration évalue
le nombre de licences à environ 12,5 millions, ce qui correspondrait à environ 10 millions
d'individus (rapport individu/ activi= 1,26 d'après INSEP). Si on le rapporte aux individus
en âge de pratiquer (12-74 ans) c'est environ 19% de la population qui aurait au moins une
licence. En 1998 on dénombre 14,5 millions de licenciés
Quant aux taux de pratique avec ou sans licence ils atteignent des proportions variables
selon les enquêtes de 30% à 74% (dans l'enquête INSEP).
Le problème du dénombrement de sportifs se pose donc avec acuité à chaque enquête
sociologique. Comment définir les critères d'appartenance au sport ? Une solution a
longtemps été utilisée, consistant à dénombrer les licenciés et les membres de clubs. L'outil
est peu fiable et sociologiquement pauvre en information.
On tente aussi par voie d’enquête, d'en référer aux déclarations des individus eux mêmes, à
ceci près que la façon de formuler la question contient en elle une définition plus ou moins
explicite, exerçant des effets majeurs sur la nature des réponses. Mais ….
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Exemple :
Pratiquez vous de façon assez gulière un ou plusieurs sports à l'exclusion de la natation si
vous ne la pratiquez que pendant les vacances"
Pratiquez vous une activité physique ou sportive, ne serait ce que de temps en temps ?
Sur ce plan les enquêtes sont instables et les sociologues adoptent souvent une position
radicale qui consiste à laisser à chaque individu le soin de définir si ce qu'il fait est du sport.
"Le sport c'est ce que font les gens quand ils pensent qu'ils font du sport" (INSEP)
L'enquête INSEP a eu le mérite d'identifier des pratiques se déroulant dans l'espace
domestique ou de repérer de nouvelles formes de pratique physique.
Il n'y a donc pas un, mais des sports, et à la limite autant de sports que de groupes concrets
ou d'agents singuliers. Cette définition permet d'étudier des pratiques physiques qui ne
s'apparentent pas au modèle compétitif. Un effet de cette définition large est le taux élevé de
pratique générale observé dans la population française (73,8% des 12-74 ans) alors que le
Ministère de la Culture donnait un taux de 45,1% en 81
Autre perspective :
L'institution sportive se définit elle-même. Le sport est défini par ceux qui l'instituent et se
trouve ainsi constamment redéfini. L’histoire des sports nous le montre très bien.
Par exemple, vers 1850, alors que plusieurs sports sont en voie de codification autour des
écoles d'élite en Angleterre (public schools), la notion de sport fait son apparition en France.
La notion fédère des activités dont la caractéristique première est d'être des amusements,
avant même que soit relevée cette dimension d'un exercice avec son propre corps.
Le Larousse de l’époque précise que le mot sport renvoie à une série d'activités sur
lesquelles sont engagés des paris. Le tableau principal comprend les chevaux, la boxe, etc ,
juste avant que les jeux sportifs d'adolescents, le football, le rugby, l'athlétisme s'imposent et
viennent constituer une nouvelle définition des sports qualifiés de sports athlétiques.
Le mot sera de plus en plus utilisé pour désigner des activités supposant une dépense
d'énergie musculaire, et un engagement compétitif.
L'ensemble des gymnastiques a quant à lui, une image beaucoup plus scientifique et
rationnelle, présentée sous forme de leçons et d'exercices. Les exercices du corps sont déjà
installés sous forme de gymnastiques dans l'armée quand les sports s'installent en France
vers 1880.
Le sport à cette époque, en position défavorable est contraint sans cesse de se référer à la
gymnastique pour se définir. P de Coubertin, pour ces raisons cherchera à développer des
programmes éducatifs pour adolescents. Il cherchera à développer les associations sportives
dans les collèges et lycées.
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Historiquement on observe, dès la fin du 18eme siècle et au 19eme, une première
interrogation devant le remplacement progressif des jeux et des arts (la soule, les joutes, etc,)
par la gymnastique et les sports. Les éducateurs et autorités morales participent à
l'élaboration des politiques sportives (enseignants, clergés, notables). Au 19eme certaines
municipalités accordent des soutiens dès 1885-90 à des sociétés de gymnastique (ARNAUD,
1991) et vers 1930 à des sociétés sportives. Le patronat des grandes entreprises soutiendra
des clubs sportifs dès 1920. En Angleterre des entreprises créent des clubs de football
professionnel dès 1890.
C'est après la guerre de 14-18 que l'institution sportive va prendre son essor, portée par
l'effervescence sociale. Il s'agit alors de trouver des lieux de rapprochement des groupes
sociaux qui se dressent les uns contre les autres. Le sport affirmera des objectifs propres et
s'écartera de la gymnastique.
En 1922, Coubertin donne une définition des sports (Pédagogie sportive) "Le sport est le
culte volontaire et habituel de l'effort musculaire intensif appuyé sur le désir de
progrès et pouvant aller jusqu'au risque". ... "Il doit être pratiqué avec ardeur, je dirai
même avec violence."
Le sport n'est donc pas l'exercice physique bon pour tous, mais le plaisir des forts ou de
ceux qui veulent le devenir. L'énona évidemment une fonction polémique de prise de
distance avec la notion de modération de la gymnastique. Les règlements sportifs émergent,
s'imposeront aux adhérents et souligneront ainsi le cadre compétitif et les groupements
établis.
Les sociologues ont montré l'existence de modèles concurrents jusqu'au milieu du 20e
siècle :
. le modèle des sports joués issus d'Angleterre (football, athlétisme, tennis,)
. le modèle des gymnastiques enseignées issues d'Europe occidentale (Allemagne,
Suède Danemark , France, etc).
C'est pour finir, le modèle sportif compétitif qui s'imposera au plan international aux dépens
des gymnastiques (nettement dès les années cinquante.)
Au plan politique le sport sera un enjeu dès les années trente. Rappelons
l'organisation des JO de Berlin en 36 et la mise en scène nazie avec Leni Riefenstahl. Sous la
forme des compétitions sportives ou de la gymnastique, l'activité physique intéresse de
nombreuses institutions, armée école médecine. Mais Yonnet (2004) le souligne, la politique
utilise le sport, se sert du sport, va parfois jusqu’à « le transformer en accessoire de la
diplomatie ». Le sport dit-il n’est qu’un « écho du monde, non un instrument ni une matrice
de changement du monde ».
La production sportive deviendra un secteur économique non négligeable (en 1990, 1 à 2%
du PIB selon les pays, et 30 000 emplois d'animation, gestion, entretien des équipements en
France en 94 (estimation Jeunesse et Sports).
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