Revue Comment évaluer le retentissement cardiaque d`une sténose

Revue
Comment évaluer
le retentissement cardiaque
d’une sténose artérielle
rénale athéromateuse chez
le patient hypertendu ?
Frédéric Biausque
1
, Christophe Lions
2
, Thierry Letourneau
3
,
Stéphanie Duquenoy
1
, Pierre Vladimir Ennezat
3
, Jean-Paul Beregi
2
,
Claire Mounier-Vehier
1
1
Service de médecine vasculaire et HTA, hôpital cardiologique, 59037 Lille Cedex, France
2
Service de radiologie vasculaire, hôpital cardiologique, 59037 Lille Cedex, France
3
Service d’explorations fonctionnelles cardiovasculaires, hôpital cardiologique,
59037 Lille Cedex, France
Résumé
La sténose artérielle rénale (SAR) est une des localisations de la maladie vasculaire athéroma-
teuse ; sa prévalence est en progression constante en raison du vieillissement de la population.
Elle est fréquemment associée à des lésions intrarénales complexes ischémiques et athéroma-
teuses, entrant ainsi dans le cadre nosologique plus complexe de la maladie vasculorénale. La
SAR athéromateuse survient sur un terrain particulier : sujet âgé, hypertendu de longue date,
insuffisant rénal, diabétique, ou encore polyvasculaire. Elle est un marqueur de risque de
mortalité cardiovasculaire (CV) indépendant. Trois tableaux cliniques peuvent révéler la SAR :
l’hypertension artérielle, l’insuffisance rénale, et la symptomatologie cardiaque (œdèmes
pulmonaires flash ; angor). Toutefois, l’HTA réellement secondaire à la sténose artérielle
rénale, encore qualifiée par certains d’« HTA rénovasculaire », est une pathologie très rare
puisqu’elle concerne moins de 0,5 % de l’ensemble des hypertendus. L’HTA entraîne des
modifications structurales et fonctionnelles du ventricule gauche (VG) et des artères coronai-
res, l’ensemble de ces anomalies définissant la cardiopathie hypertensive. Les modifications
structurales associent le remodelage et l’hypertrophie ventriculaires gauches. L’échocardio-
graphie transthoracique (ETT) et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) permettent
d’étudier la taille des cavités cardiaques, la fonction ventriculaire, la masse et le remodelage
ventriculaires gauches ainsi que la viabilité myocardique. L’IRM évalue aussi la compliance
aortique, la vitesse de propagation de l’onde de pouls et le couplage ventriculoartériel. Cette
nouvelle technique d’imagerie devrait permettre de mieux appréhender les mécanismes
physiopathologiques de la cardiopathie hypertensive et le rôle aggravant que pourrait jouer la
maladie vasculorénale. Si l’angioplastie des SAR athéromateuses est relativement décevante
sur la réduction tensionnelle, elle est efficace sur les symptômes cardiaques, en particulier les
œdèmes pulmonaires flash. Le bénéfice de l’angioplastie rénale sur la protection néphronique
est en cours d’évaluation.
Mots clés : sténose de l’artère rénale athéromateuse, hypertrophie ventriculaire gauche,
fonction ventriculaire gauche, couplage ventriculoartériel, imagerie par résonance
magnétique, échocardiographie
Abstract. How to evaluate cardiac consequences due to atherosclerotic renal
artery stenosis in hypertensive patients
Renal artery stenosis (RAS) is one of the main location of the atheromatous disease; its
prevalence is increasing because of the increase in life expectancy. The stenosis is often
associated with complex ischemic and atheromatous intrarenal lesions (ischemic nephropa-
thy). Atherosclerotic RAS is frequently present in elderly patient, in patient with long history of
hypertension, renal failure, diabetes or diffuse vascular disease. RAS is an independent
cardiovascular risk factor. RAS should be suspected in 3 clinical situations: hypertension, renal
failure and cardiac symptoms (sudden pulmonary oedema, pectoris angina). Hypertension
directly due to RAS (renovascular hypertension) is rare, concerning around 0.5% of all
hypertensive patients. Hypertension induces morphological and functional modifications of
m
t
c
Tirés à part : C. Mounier-Vehier
mt cardio 2005 ; 1 : 126-34
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the left ventricle and coronary arteries, inducing the hypertensive cardiopathy. Morphologi-
cal involvement includes remodelling and left ventricular hypertrophy. Trans-thoracic echo-
graphy and magnetic resonance imaging (MRI) give the possibility to evaluate the morpho-
logy and remodelling, function, and viability of the left ventricle. MRI can also evaluate aortic
compliance, pulsating wave propagation and ventriculo-arterial coupling. MRI should be
interesting in the understanding of the physiopathology of the hypertensive cardiopathy and
the role of the ischemic nephropathy. If angioplasty of RAS can be indicated in case of severe
hypertension, benefit of angioplasty on cardiac symptoms, specifically acute pulmonary
oedema, is increasing. Efficacy on renal function of angioplasty is still controversial. To select
patients who are most likely to benefit from vascular intervention, clinicians should unders-
tand the pathophysiology of developing ischemic nephropathy and the potential hazards of
revascularization in the setting of diffuse atherosclerotic disease. Lastly, angioplasty should
be indicated in patients with chronic heart failure and, in diabetic patients with microabu-
minuria in order to initiate a treatment by a blocker of the renin angiotensin system.
Key words: renal artery stenosis, left ventricular hypertrophy, left ventricular function,
ventriculo-arterial coupling, echocardiography, MRI-imaging
Épidémiologie
La sténose artérielle rénale (SAR) est une des localisa-
tions de la maladie vasculaire athéromateuse [1]. Elle est
fréquemment associée à des lésions intrarénales comple-
xes ischémiques et athéromateuses. Cette atteinte distale,
encore appelée néphropathie vasculaire athéromateuse
(NVA), est un problème de santé publique de plus en plus
préoccupant puisque, si l’on se réfère à la base de données
américaines, concernant la période 1991-1995 (URSDS),
cette pathologie est décrite chez 12 à 14 % des nouveaux
patients entrant dans un programme de dialyse, soit 14 %
des insuffisances rénales chroniques [2]. Ces chiffres sont
comparables à ceux publiés par Mailloux et al. en 1988
[3]. La SAR et la NVA s’intègrent dans le cadre nosologi-
que complexe de la maladie vasculorénale athéromateuse
(figure 1). La prévalence de la SAR athéromateuse est très
variable dans la littérature étant donnée la prise en charge
très hétérogène des SAR d’un centre à l’autre. La préva-
lence dépend de la population étudiée, variant de 0,5 % à
4 % pour les hypertendus non sélectionnés à 26 % pour
les hypertendus suspects d’hypertension artérielle secon-
daire [1]. Ces chiffres peuvent encore s’élever à 30 % dans
les situations d’HTA maligne [1]. La prévalence des SAR
athéromateuses est en progression constante en raison du
vieillissement de la population parallèlement aux facteurs
de risque cardiovasculaire. Toutefois, l’HTA strictement
secondaire à la sténose artérielle rénale, encore qualifiée
par certains d’« HTA rénovasculaire », est une pathologie
très rare puisqu’elle concerne moins de 0,5 % de l’ensem-
ble des hypertendus [1, 2]. Son diagnostic est le plus
souvent rétrospectif, l’HTA rétrocédant alors totalement
au décours de la revascularisation. La normalisation ten-
sionnelle est rare dans les formes athéromateuses où des
lésions intrarénales irréversibles concourent à la pérenni-
sation de l’HTA [1, 2].
L’HTA purement « rénovasculaire » traduit l’activation
du système rénine angiotensine induite par l’hypoperfu-
sion rénale en aval de la SAR et qui est nécessaire au
maintien de la filtration glomérulaire [1, 2]. L’HTA « réno-
vasculaire » est en réalité le fait essentiellement des lé-
sions de type dysplasique.
La SAR athéromateuse est un marqueur de risque de
mortalité cardiovasculaire indépendant [4, 5]. Les travaux
de Conlon [4] ont ainsi rapporté une diminution significa-
tive de la courbe actuarielle de survie chez les coronariens
ayant une SAR athéromateuse ; dans cette étude, la SAR
était le facteur prédictif le plus puissant de mortalité car-
diovasculaire, supérieur aux autres facteurs tels que l’in-
suffisance cardiaque congestive, la baisse de la fraction
d’éjection ventriculaire gauche ou la créatininémie. Une
étude suédoise a aussi rapporté que le risque relatif de
mortalité totale des patients hypertendus était multiplié
par 3,3 et le risque relatif de mortalité CV par 5,7 en
présence d’une SAR athéromateuse [5].
Liste des abréviations :
BNP peptide natriurétique de type B
CV cardiovasculaire
E max élastance ventriculaire
Ea élastance artérielle effective
ECG électrocardiogramme
ETT échocardiographie transthoracique
HTA hypertension artérielle
HVG hypertrophie ventriculaire gauche
IRM imagerie par résonance magnétique
NO monoxyde d’azote
NVA néphropathie vasculaire athéromateuse
OAP œdème aigu pulmonaire
PAD pression artérielle diastolique
PAS pression artérielle systolique
SAR sténose artérielle rénale
SRA système rénine-angiotensine
SRAA système rénine-angiotensine-aldostérone
VG ventricule gauche
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Enfin, dans ce contexte de maladie vasculaire diffuse,
la localisation rénale peut être de découverte fortuite, lors
de la réalisation d’une artériographie des membres infé-
rieurs (36,2 % [6] à 50 % des cas [7]) ou d’une angioco-
ronarographie (30 % des cas) [8]. De plus en plus, de
lésions rénales sont découvertes lors de la réalisation
d’angio-IRM ou d’angioscanner hélicoïdal, demandés
dans le cadre d’une exploration vasculaire.
Expressions cliniques de la sténose
artérielle rénale athéromateuse
La SAR athéromateuse survient sur un terrain particu-
lier : sujet âgé, hypertendu de longue date, insuffisant
rénal, diabétique, ou encore polyvasculaire.
Trois présentations cliniques peuvent révéler la SAR et
d’une manière plus générale la maladie vasculorénale
athéromateuse (tableau 1) [1, 2, 9-12].
- L’HTA, est la circonstance de découverte la plus
fréquente et aussi la mieux connue. Dans ce contexte,
l’HTA est le plus souvent sévère et résistante à une poly-
thérapie comportant un diurétique à pleine dose ; cette
forme d’HTA est plutôt volodépendante, la réninodépen-
dance étant plus rare. Elle peut être classée dans le cadre
nosologique des HTA dites « vasculaires » à prédomi-
nance systolique qui sont associées à une rigidité arté-
rielle. L’HTA est le plus souvent d’origine multifactorielle
et complique l’évolution d’une HTA chronique ancienne
(> 2 ans) chez des patients par ailleurs porteurs de lésions
de néphroangiosclérose, d’athérome intrarénal et de lé-
sions rénales ischémiques. Elle peut être aussi d’apparition
ou d’aggravation récente chez un sujet de plus 50 ans. Ces
données physiopathologiques permettent de comprendre
pourquoi les examens fonctionnels tels que la scintigra-
phie rénale avec test au captopril ou encore les dosages de
rénine-aldostérone sont souvent pris en défaut [1, 2].
L’insuffisance rénale est autre situation de plus en
plus observée et qui peut révéler la SAR athéromateuse.
Une cause vasculaire est d’autant plus évocatrice que
l’insuffisance rénale est rapidement évolutive et sans pro-
Maladie vasculo-rénale athéromateuse
Lésions fixées ? Lésions fixées
Anomalies fonctionnelles
Bénéfice
Néphroangiosclérose
Nécrose ischémique de
groupes de glomérules
Fibrose interstitielle
Embols de cholestérol
Embols fibrino-
cruoriques
Atrophie tubulo-
interstitielle
Atrophie
glomérulaire
Turbulences post-
sténotiques
Hypoperfusion
Auto régulation DSR
Maintien DFG
Athérome intrarénal
SRAA
HTA IRC
Infarctus segmentaire ou
total
Néphropathie
ischémique
Sténose artère rénale
Figure 1.Éléments physiopathologiques de la maladie vasculorénale athéromateuse. DFG = débit de filtration glomérulaire ; DSR = débit
sanguin rénal ; IRC = insuffisance rénale chronique ; HTA = hypertension artérielle ; SRAA = système rénine–angiotensine aldostérone.
Tableau 1.Présentations cliniques
de la sténose artérielle rénale athéromateuse
1- HTA d’apparition tardive (> 55 ans).
2- Aggravation récente d’une HTA.
3- Résistance à une trithérapie.
4- Rétinopathie hypertensive sévère (3-4).
5- « Trop bonne » réponse tensionnelle aux IEC/ARA2.
6- HTA avec hypokaliémie.
7- Souffle abdominal ou lombaire.
8- Terrain polyathéromateux.
9- Insuffisance rénale inexpliquée sans protéinurie abondante.
10- Atrophie rénale ou asymétrie de taille.
11- Insuffisance rénale sous traitement anti-HTA.
12- Œdèmes aigus poumons « flash » récidivants, surtout si la fonction VG
systolique est conservée.
13- Angor déstabilisé.
HTA = hypertension artérielle ; IEC = inhibiteurs de l’enzyme de conversion ;
ARA2 = antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II ; VG = ventricule gauche.
Complications cardiaques de la sténose artérielle rénale athéromateuse
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téinurie. De même, l’aggravation datée d’une insuffisance
rénale lors de l’introduction d’un agent bloqueur du sys-
tème rénine angiotensine, ou encore une « trop bonne »
réponse tensionnelle à l’introduction de ces classes phar-
macologiques doivent faire rechercher une SAR.
La SAR athéromateuse peut enfin se révéler par une
symptomatologie cardiaque. Ces formes cardiaques, bien
que classiques, sont moins bien connues car plus rares et
peu étudiées. Il peut s’agir de l’apparition ou de l’aggra-
vation d’un angor préexistant, d’une insuffisance cardia-
que congestive, dont la forme la plus caractéristique est
celle d’œdèmes aigus pulmonaires (OAP) « flash » à répé-
tition chez un sujet hypertendu âgé dont la fonction sys-
tolique ventriculaire gauche est conservée et le BNP (pep-
tide natriurétique de type B) non évalué.La prévalence de
la SAR athéromateuse chez les personnes de plus de
65 ans et présentant une insuffisance cardiaque à fonction
systolique ou diastolique conservée serait d’environ 34 %
[11]. Cette relation entre décompensations cardiaques et
SAR a été suspectée la première fois par Pickering et al.
[10]. Elle serait attribuée à une rétention hydrosodée et à
une augmentation de la perméabilité de la microcircula-
tion pulmonaire induite par l’angiotensine II, entraînant
une augmentation de la charge pressive et du travail
cardiaque. Les OAP « flash », dénommés ainsi en raison
de leur survenue rapide, sont d’autant plus fréquents
quand les SAR sont bilatérales et/ou associées à une
néphropathie [12]. Le rôle joué par la SAR comme facteur
déclenchant d’épisodes de décompensations cardiaques,
a été étayé a posteriori par la démonstration de l’efficacité
remarquable de l’angioplastie rénale sur la prévention des
récidives [9-12].
Indications actuelles
de la revascularisation rénale
L’apparition de l’angioplastie rénale, il y a déjà plus de
15 ans, a simplifé l’attitude thérapeutique. L’angioplastie
rénale peut ainsi avoir des effets bénéfiques sur le cœur,
l’hypertension artérielle et sur la fonction rénale.
Dans 30 % des cas d’insuffisance rénale, l’angioplastie
l’aggrave [13, 14]. Les résultats de l’angioplastie sont
parallèlement très décevants, en ce qui concerne l’HTA,
au vu de la méta-analyse de Nordmann et al. [15] qui a
inclus les études DRASTIC, EMMA et SNRASCG. Elle a
montré que l’angioplastie diminuait de façon significative
la PAS de 7 mmHg et la PAD de 3 mmHg, comparative-
ment au traitement médical, avec une réduction moyenne
de 1,5 traitements antihypertenseurs. L’étude du bénéfice
de l’angioplastie sur la protection néphronique est en
cours. Il existe peu de données sur le bénéfice de la
revascularisation rénale sur la symptomatologie cardia-
que [9-12].
Gray et al. [9] ont récemment montré une diminution
de la fréquence des OAP « flash », des épisodes de dé-
compensation cardiaque et une diminution du nombre
d’hospitalisations des patients au décours d’une angio-
plastie rénale, en particulier en cas de sténose artérielle
rénale bilatérale. Il semblerait que la revascularisation
rénale apporte un bénéfice chez ces patients, en amélio-
rant l’hypertension artérielle et en diminuant la post-
charge. De plus, en stabilisant ou en améliorant la fonc-
tion rénale, le rein interviendrait plus efficacement dans la
régulation de la balance hydrosodée et de la volémie.
Cœur et hypertension artérielle
Mécanismes physiopathologiques
L’HTA entraîne des modifications structurales et fonc-
tionnelles du ventricule gauche (VG) et des artères coro-
naires, l’ensemble de ces anomalies définissant la cardio-
pathie hypertensive. Les modifications structurales du VG
sont de deux types : remodelage du VG et hypertrophie
ventriculaire gauche (HVG), concentrique ou excentri-
que. L’HVG est une complication fréquente et grave de
l’HTA. Le remodelage concentrique du VG correspond à
une augmentation de l’épaisseur pariétale relative asso-
ciée à une diminution du diamètre, ceci sans élévation de
la masse ventriculaire gauche indexée tel que : [épaisseur
diastolique du septum + épaisseur de la paroi postérieure]/
diamètre télédiastolique VG > 0,45. L’HVG concentrique
implique une augmentation de la masse myocardique
avec un rapport épaisseur pariétale/diamètre télédiastoli-
que du VG > 0,45. L’HVG excentrique correspond à une
majoration de la masse ventriculaire gauche avec un
rapport épaisseur pariétale diastolique/diamètre du
VG < 0,45. Le seuil retenu pour la masse ventriculaire
gauche indexée est généralement de 111 g/m
2
pour
l’homme et de 106 g/m
2
pour la femme [16]. La fréquence
de l’HVG est variable selon la méthode de dépistage
(électrocardiographique, ETT, IRM), la population étudiée
et le seuil retenu.
Ainsi, une méta-analyse de 18 études a évalué la
prévalence à l’ECG à plus de 15 % et sa prévalence en
échographie entre 14 et 44 % [17]. En présence d’une
HVG électrique, la morbidité et la mortalité cardiovascu-
laires sont doublées par rapport aux hypertendus sans
HVG. La méta-analyse de Gueyffier et al. [18] a souligné
que l’HVG électrique est un des facteurs de risque les plus
forts de décès CV, devant le niveau de PAS et PAD, l’âge et
le sexe. Le risque CV augmente avec l’importance des
modifications structurelles : faible en cas de remodelage
concentrique, il s’accroît en cas d’HVG excentrique et
davantage encore en présence d’HVG concentrique [17,
19]. L’HVG est induite par des stimulus mécaniques (élé-
vation de la post-charge), des facteurs hormonaux (sys-
tème sympathique, système rénine-angiotensine-
aldostérone), humoraux (chlorure de sodium) et
génétiques. L’HVG traduit l’augmentation du volume des
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myocytes associée à une prolifération de la matrice extra-
cellulaire. La prolifération du collagène est une des carac-
téristiques de l’HVG hypertensive ; elle joue un rôle ma-
jeur dans la fibrose myocardique, qui est elle-même
responsable d’une diminution de la compliance et de
troubles du rythme. L’âge, l’ancienneté et la sévérité de
l’HTA ainsi que l’absence de contrôle thérapeutique de
l’HTA [20] concourent au développement de l’HVG et de
la fibrose myocardique. L’angiotensine II et l’aldostérone
ont un rôle majeur dans le développement de la fibrose
myocardique [22]. Les conséquences cliniques de l’HVG
sont l’altération progressive de la fonction systolique ven-
triculaire gauche et la survenue de troubles du rythme
favorisés par la fibrose et l’anoxie tissulaire. L’HVG peut
aboutir au développement d’une ischémie myocardique
par plusieurs mécanismes : diminution de la réserve coro-
naire, augmentation des besoins métaboliques en oxy-
gène du myocarde ; augmentation des résistances vascu-
laires coronaires, rôle direct de l’angiotensine II sur la
microcirculation coronaire et troubles du remplissage co-
ronaire par altération de la diastole.
L’évolution peut se faire à terme vers l’insuffisance
cardiaque plutôt de type diastolique. La régression de
l’HVG sous traitement antihypertenseur variable d’une
classe de médicaments à l’autre, a été établie [21, 22]. La
régression de l’HVG est cependant peu corrélée à la baisse
de la pression artérielle, certains médicaments (inhibiteurs
du SRAA) jouant un rôle probablement plus spécifique
[17]. Le bénéfice de la régression de l’HVG chez des
hypertendus traités par losartan a ainsi été récemment
confirmé dans le sous-groupe « échographie » de l’étude
LIFE comparant le losartan à l’aténolol [23]. L’HVG doit
donc être considérée comme un facteur, et non plus
comme un marqueur, de risque cardiovasculaire indépen-
dant des autres marqueurs [23]. La dysfonction diastolique
correspond à des anomalies de la relaxation et/ou de la
compliance ventriculaire gauche, la fonction systolique
étant normale ou altérée [24, 25]. La relaxation anormale
est la conséquence d’une diminution de la décroissance
de la pression ventriculaire gauche avec une prolongation
du temps de relaxation et une augmentation du temps de
relaxation isovolumique ; il en résulte une diminution du
remplissage précoce, compensée par une augmentation
du remplissage tardif, contemporain de la systole auricu-
laire. Le métabolisme énergétique myocardique est altéré
dans la dysfonction diastolique de la cardiopathie hyper-
tensive [25]. L’évolution peut se faire vers l’insuffisance
cardiaque diastolique [24] qui se caractérise par la pré-
sence de symptômes d’insuffisance cardiaque alors que la
fraction d’éjection ventriculaire gauche est préservée.
L’HVG favorise la dysfonction diastolique ; celle-ci est
présente chez 25 % des hypertendus sans HVG, et 90 %
des hypertendus avec HVG [24]. Une dysfonction diasto-
lique est aussi fréquemment observée chez le sujet âgé de
plus de 70 ans. La mortalité dans l’insuffisance cardiaque
diastolique variable d’une série à l’autre est estimée entre
5 et 8 % par an, comparativement aux 10-15 % de l’insuf-
fisance cardiaque systolique [24].
La maladie coronaire représente la cause la plus fré-
quente de morbimortalité cardiovasculaire chez le patient
hypertendu. L’augmentation de la PAS et de la pression
pulsée (PAS-PAD) est des facteurs de risque plus puissants
de la coronaropathie que la PAD et la pression artérielle
moyenne. L’HTA peut favoriser l’ischémie myocardique
en accélérant les lésions athéromateuses coronaires, en
favorisant le développement d’une hypertrophie ventricu-
laire gauche, en induisant des anomalies de la microcir-
culation et une dysfonction endothéliale. Les anomalies
de la microcirculation comportent des modifications
structurelles des artérioles (hypertrophie de la média et
fibrose périvasculaire) et une raréfaction vasculaire. La
dysfonction endothéliale est responsable d’anomalies de
la vasomotricité artériolaire ; l’endothélium est en effet
orienté vers la vasoconstriction, la thrombogenèse, et
l’activation de substances prolifératives. La NO synthase
et l’inactivation du NO par les radicaux libres sont mises
en cause. Chez l’hypertendu, les tests de vasomotricité au
froid ainsi que les tests à l’acétylcholine ou à la papavérine
sont perturbés, traduisant la perte de la vasodilatation
coronaire, flux-dépendante. Toutes ces anomalies
concourent à l’altération de la réserve coronaire, qui est
fréquemment observée chez l’hypertendu, indépendam-
ment des lésions des gros troncs coronaires. L’HTA est,
enfin, souvent associée à une activation sympathique qui
est délétère sur la consommation myocardique en oxy-
gène [26-29].
Comment évaluer le retentissement
cardiaque de l’hypertension artérielle ?
L’échocardiographie transthoracique (ETT), technique
la plus ancienne et la mieux validée dans les études
cliniques, et beaucoup plus récemment, l’imagerie par
résonance magnétique (IRM) cardiaque permettent une
évaluation non invasive de la taille des cavités cardiaques,
de la fonction ventriculaire gauche ainsi que de la géomé-
trie ventriculaire gauche. Ces techniques non invasives
étudient également la viabilité myocardique et la fonction
ventriculaire droite [14, 30-32].
Elles permettent également l’étude de la compliance
aortique, de la vitesse de propagation de l’onde de pouls et
du couplage ventriculo-artériel (figures 2 et 3).
Le couplage ventriculo-artériel est une notion physio-
logique développée à partir de la fin des années 1970 par
Saga et al. [33] et Sunagawa et al. [34]. Le couplage
ventriculo-artériel exprime l’interdépendance étroite qui
lie le cœur et le système artériel, placés en série : la
modification de l’un entraîne l’adaptation de l’autre, de
manière à assurer la stabilité et la continuité de la perfu-
sion des organes périphériques, quelque soit les condi-
tions physiologiques ou pathologiques ; il s’agit d’un fac-
Complications cardiaques de la sténose artérielle rénale athéromateuse
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