FAIT CLINIQUE FIBROSE ENDOMYOCARDIQUE: APPORT DIAGNOSTIC DU REHAUSSEMENT TARDIF EN IRM Salami FA1, Croisille P1, Séka AR2, N’Zi KP2, Diabaté AS3 1 Service de Radiologie, Hôpital Cardio-vasculaire et Pneumologique Louis Pradel de (Lyon France) 2 Service de Radiologie, Institut de Cardiologie d’Abidjan (Côte d’Ivoire) 3 de Radiologie, CHU de Treichville Abidjan (Côte d’Ivoire) Service Abréviations : IRM = Imagerie par résonance magnétique MDCT = Multidetector computed tomography (scanner multidétecteur) FEVG = Fraction d’éjection du ventricule gauche FEM = Fibrose endomyocardique RESUME : Nous rapportons l’observation d’un patient de 40 ans, de type caucasien, ayant une intoxication tabagique à 5 paquets /années mais sans notion de séjour en zone d’endémie parasitaire ni atopie. Il présentait une asthénie depuis 12 mois associée à une hyperéosinophilie à 25.200 /mm3. Huit mois plus tard sont apparus une dyspnée Stade II fort de la NYHA et des signes de toxicité multiviscérale avec syndrome myéloprolifératif. À l’échographie trans-thoracique, il a été observé une FEVG à 60 % avec des signes restrictifs et un thrombus ventriculaire gauche. Au scanner multidétecteur synchronisé à l’ECG, les coronaires étaient d’aspect normal; une calcification bi-ventriculaire massive et un comblement apical ont été mis en évidence. Les séquences ciné-SSFP en IRM ont montré une hypokinésie bi-ventriculaire, une dilatation du massif atrial associées à une insuffisance mitrale et une insuffisance tricuspide. Après injection de Gadolinium, la séquence de rehaussement tardif a mis en évidence une amputation biapicale avec rétention de contraste à prédominance sous-endocardique de distribution non vasculaire signant la fibrose et le thrombus. L’IRM est un examen performant dans le diagnostic non invasif de la fibrose endomyocardique grâce à l’analyse ciné-morphologique cardiaque. La séquence de rehaussement tardif en améliorant la caractérisation du tissu myocardique notamment de la fibrosepermet de diagnostiquer la FEM et envisagerune meilleure priseen charge. Mots clés :Syndrome hyperéosinophilique - Fibrose endomyocardique – Endocardite De Löeffler IRM - Rehaussement tardif Correspondance et tiré à part: Dr Salami Fatima Service de Radiologie, Hôpital Cardio-vasculaire et Pneumologique Louis Pradel de (Lyon France) E-mail: [email protected] J Afr Imag Méd 2011; (4), 7: 405-411 F Salami et al SUMMARY: We report a case of a Caucasian 40 years old man, with a tobacco intoxication (5 packs/year) but not living in endemic areas or atopy, describing a weakness for 12 months. Biology showed hypereosinophilia to 25,200/mm3. Eight months later appeared dyspnea Stadium II high (NYHA) and signs of multiple organ toxicity with myeloproliferative disorder. A transthoracic ultrasound found an ejection fraction to 60% with restrictive signs and a left ventricular thrombus. A 64 – slice multidetector computed tomography found normal coronary arteries, bi-ventricular calcification and an apical filling. A cardiac MRI (Avanto 1.5 T) with cine-SSFP sequences showed a bi-ventricular hypokinesia, dilation of the atrial mass associated with mitral and tricuspid insufficiency. Delayed enhancement sequences showed a bi-apical amputation with a subendocardial hyperenhancement non vascular repartition signing fibrosis and thrombus. MRI is a powerful examination in the noninvasive diagnosis of endomyocardial fibrosis with cine-morphological sequences. The sequence of delayed enhancement with inversion-recovery improves the characterization of myocardial tissue including fibrosis in the endomyocardial fibrosis .It allows a better management of endomyocardial fibrosis. Key-words:Hypeosinophilic syndrome - Endomyocardial fibrosis - Löeffler endocarditis - MRI Delayed enhancement INTRODUCTION : Le syndrome hyperéosinophilique est un diagnostic d’élimination défini par Chusid (1) par la présence d’une hyperéosinophilie > 1, 5 G/l (ou 1500 éléments / mm3) persistant plus de six mois, l’atteinte d’organes spécifiques et l’absence d’autres causes d’hyperéosinophilie. La fibrose endomyocardique en est la conséquence cardiaque par toxicité des polynucléaires éosinophiles. Le diagnostic non invasif de la FEM constitue un challenge car la biopsie endomyocardique qui est un geste lourd est la technique de référence de ce diagnostic. L’avènement de nouvelles séquences IRM permet de mieux détecter et caractériser cette pathologie rarissime en France et au pronostic sombre (75 % de décès dans les 2 ans suivant le diagnostic). Le but de notre étude était de décrire une évaluation diagnostique non invasive et pronostique d’un cas de FEM par la séquence de rehaussement tardif en IRM. OBSERVATION : M. T.F, 40 ans, de type caucasien ayant comme facteur de risque cardiovasculaire une intoxication tabagique (5 paquets/ année) a présenté une asthénie progressivement croissante depuis 12 mois. Il n’avait ni atopie ni antécédent de séjour en zone d’endémie parasitaire. L’examen clinique et l’ECG étaient normaux. Il avait une hyperéosinophilie à 25.200 /mm3. Les causes infectieuses parasitaires classiques ont été éliminées. Au bout de huit mois est apparue une dyspnée stade II fort de la NYHA associée à une cyanose aux changements de position et une toxicité multiviscérale (hépato-splénomégalie et anasarque)avec syndrome myéloprolifératif. À l’échographie trans-thoracique, une masse tissulaire apicale fibro-calcifiée associée à des résidus thrombotiques ; une FEVG à 60 % avec des signes restrictifs et un thrombus ventriculaire gauche ont été observés. Le scanner 64 détecteurs synchronisé à l’ECG a montré des coronaires d’aspect normal, une calcification bi-ventriculaire massive et un comblement apical avec un épanchement pleural liquidien droit. Les séquences ciné- J Afr Imag Méd 2011; (4), 7: 405-411 F Salami et al SSFP (Fig.1) en IRM (Avanto 1,5 T avec antenne cardiaque dédiée) ont mis en évidence une hypokinésie bi-ventriculaire, une dilatation du massif atrial associées à une insuffisance mitrale et tricuspide. Après injection de Gadolinium (Fig. 2 à 4), nous avons observé une amputation bi-apicale avec épaississement myocardique de 16 mm et une rétention de contraste à prédominance sous-endocardique de distribution non vasculaire et le thrombus de quatre centimètres à la pointe du ventricule gauche.Le diagnostic d’hyperéosinophilie idiopathique avec fibrose endomyocardique a été évoqué devant le faisceau d’arguments clinicobiologiques et le rehaussement de contraste tardif sous endocardique en IRM. Deux mois plus tard, une endocardectomie biventriculaire avec remplacement valvulaire mitral par une prothèse mécanique à double ailette Saint Jude ®a étéréalisée avec succès. La cartographie précise de la fibrose et l’aspect des valves obtenues par ciné-IRM a permis de réaliser une résection complète du tissu fibreux et d’envisager la sauvegarde de la valve tricuspide. Le patient est cependant décédé en post-opératoire immédiat. La gravité de son atteinte était liée au syndrome paranéoplasique du à la myéloprolifération et responsable de l’hyperéosinophilie et de la toxicité multiviscérale. Fig.1:IRM cardiaque, séquence ciné long axe quatre cavités en écho de gradient à l’équilibre – balanced SSFP (Steady State Free Precession):Comblement de l'apex du VG et du VD par un matériel tissulaire en quasi isosignal au myocarde (flèches blanches), avec infiltration de l'appareil valvulaire (tête de flèche) mieux vu en petit axe. Fuites mitrale et tricuspide en hyposignal dans les atriums gauche et droit (flèches noires) .A noter un épanchement pleural liquidien droit apparaissant en hypersignal ( ). Fig.1: Cardiac Cine MRI, long-axis cine sequence four chamber view, balanced gradient-echo with SSPP (Steady State Free Precession): Fillingthe apex of theLV and RV by a tissue materialquasiisointenseto the myocardium (white arrows), with infiltrationof thevalvular apparatus (arrowhead)best viewedinshort axis. Mitral and tricuspid regurgitationsappearing hypointense in the left atriumand right atriums(black arrows). A right pleural effusion appearing hyperintense is noted ( ). J Afr Imag Méd 2011; (4), 7: 405-411 F Salami et al Fig.2 a) Fig. 2 c) Fig.2 b) Fig.2 d) Fig.2 a-d: IRM cardiaque, séquences ciné petit axe pré (a) et post gadolinium (b) et long axe deux cavités, pré (c) et post gadolinium (d):Thrombus intraventriculaire gauche (flèche blanche) séparé du myocarde adjacent isointense par une zone de rehaussement mince correspondant à l’endocarde fibrosé en hypersignal (flèches noires). Fig. 2 a-d : Cardiac Cine MRI, long-axis cine sequence two chamber view left ventricular thrombus (white arrow) separated from nearly isointense myocardium by thin zone of endomyocardium with increased signal intensity (black arrows). Fig.3: IRM cardiaque,deux cavités, séquence de rehaussement précoce avec signal intense de l’endocarde du ventricule gauche (flèches). L’intérêt de l’imagerie précoce après injection est de montrer la cinétique de rehaussement. Fig.3: Cardiac MRI, two chamber view: Early enhancement with high signal intensity involving endomyocardium of the left ventricle (arrows).The interest ofearlyimagingafter injectionis to show thekineticenhancement. J Afr Imag Méd 2011; (4), 7: 405-411 F Salami et al DISCUSSION : La fibrose endomyocardique est une cardiomyopathie restrictive d’étiologie inconnue caractérisée par une fibrose de l’endocarde suite à l’agression de l’endocarde et à un moindre degré du myocarde par les produits de dégradation de polynucléaires éosinophiles cytopathogènes. L’endocardite fibroplastique de Löeffler (EF) est aussi une cardiomyopathie restrictive; elle se rapproche de la fibrose endomyocardique (FEM) de Davies. L’EF est surtout retrouvée dans les régions tempérées et est associée à une hyperéosinophilie importante; elle correspond au syndrome d’hyperéosinophilie essentielle (SHE) ou syndrome de Chusid. La FEM est plutôt rencontrée dans la population pauvre de certains pays tropicaux qui constituent des zones endémiques où elle représente 20 % des défaillances cardiaques (2); le taux d’éosinophilie y est en général normal. Il existe une controverse quant aux dénominations FEM et EL: Certaines équipes regroupent ces 2 entités sous le même vocable de FEM en soulignant l’extrême rareté de la FEM en Europe (3). Le débat demeure car des hyperéosinophilies ont été décrites dans la FEM (4).L’association américaine du cœur (American Heart Association) a classé la FEM et l’EL en cardiomyopathies restrictives secondaires par atteinte endomyocardique (5). La formation de nécrose suivie de fibrose et de thrombi muraux est à la base de la défaillance cardiaque. Le tissufibreux endocardique atteignant les valves, l’appareil sousvalvulaire ainsi que l’apex de l'unoules deuxventricules est pathognomonique de la fibrose endomyocardique. Elle est responsable d’une rigiditéendocardique avec uneinsuffisance valvulaireauriculo ventriculairepar lésion des musclespapillaireset une réduction progressivedelacavitéventriculaire avec restriction du remplissage et dilatation auriculaire. La biopsie endomyocardique demeure la technique de référence de ce diagnostic (6). Le geste est lourd mais les complications sont rares (1 à 6%) entre des mains expérimentées : pour 546 procédures, 6% de complications ont été observées (6), dont 2,7 % lors de l’introduction du guide et 3,3 % lors de la biopsie proprement dite. L’idéal est cependant de diagnostiquer la FEM par des méthodes non invasives. Dans une étude rétrospective portant sur 25 ans (1979 à 2004), Hassan (7) a rapporté 21 erreurs diagnostiquescliniques et paracliniques (échocardiographie, hémodynamique et angiographie). L’échocardiographie bidimensionnelle aurait pu redresser le diagnostic : la présence d’un petit ventricule avec oblitération de l’apex et un grand atrium étant évocatrice de FEM. L’échocardiographie est en première ligne mais est opérateur dépendant; elle connait des limites d’où l’avènement de l’imagerie en coupes, en particulier l’IRM cardiaque avec sa séquence de rehaussement tardif qui visualise la FEM. L’IRM possède une excellente résolution en contraste et distingue le myocarde sain, de la fibrose et de l’inflammation ainsi que les thrombi sur les séquences cinémorphologiques (8). La séquence de rehaussement tardif (9) initialement utilisée pour l’étude de la viabilité myocardique, est une séquence pondérée en T1suivi par un kernel de lecture écho de gradient (2D ou 3D) ou en écho de gradient stimulé (« Steady State Free Precession » (SSFP)). L’acquisition des images est différée de 10 à 15 minutes après injection intraveineuse de 0,1 à 0,2 mmol/ kg de produit de contraste gadoliné (gadopentetate diméglumine). La détermination optimale du temps d’inversion (TI) est cruciale pour obtenir une acquisition correcte des images (10) .Un TI trop court peut annuler le signal du tissu pathologique et rehausser le tissu normal alors qu’un temps allongé peut dégrader le contraste entre tissu normal et pathologique. Cette technique détecte les anomalies tissulaires à l’origine d’une augmentation du volume de distribution et augmentation du délai de clearance du gadolinium (fibrose ou nécrose). Par sa meilleure définition du siège et de l’étendue de la fibrose, cette séquence permet de guider le chirurgien ou de maximiser les résultats de la J Afr Imag Méd 2011; (4), 7: 405-411 F Salami et al biopsie endomyocardique (11).Les thrombi sont également bien visualisés apparaissant en hyposignal en l’absence de rehaussement. Dans l’évaluation comparative des biopsies endomyocardiques des ventricules droit et gauche, les biopsies préférentielles réalisées sur les zones de rehaussement tardif à l’IRM n’ont pas augmenté le nombre de diagnostic positif (12). Notre cas corrobore la supériorité de la séquence de rehaussement tardif. La ciné-évaluation préopératoire en IRM facilite l’endomyocardectomie et le suivi des résultats chirurgicaux (13).La séquence de rehaussement tardif permet le diagnostic précoce de la fibrose et sa cartographie précise. La résection du tissu fibreux au début de l’évolution clinique permet de préserver les valves et éviter la pose de prothèses. La rechute de la fibrose n’a pas été observée après résection endomyocardique totale, les réinterventions chirurgicales étaient dues à des complications des prothèses valvulaires (14). La séquence de rehaussement tardif est aussi un examen prometteur dans le pronostic par la quantification de la fibrose: selon Salemi (15), les patients présentant une quantité de tissu fibreux par rapport à la surface corporelle >19 ml/m2 avaient un taux de mortalité plus élevé avec un risque relatif de 10.8. CONCLUSION : L’IRM est un examen performant dans le diagnostic non invasif des cardiomyopathies par son analyse cinémorphologique cardiaque. Les séquences de rehaussement tardif constituent un élément déterminant pour le diagnostic et la caractérisation du tissu myocardique, permettant une meilleure prise en charge de la FEM. REFERENCES : 1- Chusid MJ, Dale DC, West BC, Wolff SM. The hypereosinophilic syndrome: analysis of fourteen cases with review of the literature. Medicine 1975;54:1-27. 2- Mocumbi AO, Yacoub S, Yacoub MH. Neglected tropical cardiomyopathies: II. Endomyocardial fibrosis. Myocardial disease. Heart 2008;94:384-90. 3- Peyrol M, Bernard Y, Metras D. 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