Traitement de la défaillance cardiaque S. Marqué et A. Cariou Introduction Éléments de physiopathologie L’existence d’une dysfonction myocardique transitoire au cours du sepsis sévère et du choc septique est désormais un fait établi et non contesté. Le tableau hémodynamique observé dans cette situation est complexe et évolutif : caractérisé initialement par une vasoplégie et un débit cardiaque élevé, il peut évoluer vers une défaillance cardiaque associant dysfonctions systolique et diastolique. La dysfonction myocardique observée au cours du sepsis est classiquement maximale au cours des vingt-quatre premières heures. Sa réversion complète est habituellement observée en sept à dix jours chez les survivants (1). Chez les non-survivants, la fonction ventriculaire gauche continue de s’altérer, malgré le support inotrope, et contribue fréquemment au décès du patient. Les mécanismes concourant à la survenue de cette dysfonction myocardique ne sont pas univoques et font intervenir de nombreux éléments de la réponse inflammatoire systémique. À l’échelon cellulaire, le monoxyde d’azote semble jouer un rôle particulièrement important dans la transmission du signal conduisant à l’apparition de ces anomalies contractiles. Éléments d’appréciation de la défaillance cardiaque Les anomalies circulatoires observées au cours du choc septique rendent difficile l’individualisation d’une dysfonction myocardique indépendamment d’une anomalie des conditions de charge (2). La plupart des indices couramment employés pour évaluer la fonction systolique ventriculaire gauche ne sont pas exclusivement le reflet de la performance myocardique, mais sont également sous la dépendance de la pré- et/ou de la post-charge ventriculaire. Une interprétation correcte des données de la littérature nécessite une bonne connaissance de ces indices et de leurs limitations d’interprétation. 240 Sepsis sévère et choc septique Débit cardiaque et fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) Au cours du choc septique, la tachycardie et la réduction de la post-charge contribuent conjointement au maintien ou à l’augmentation du débit cardiaque. À l’inverse, l’hypovolémie engendre une diminution du débit cardiaque par réduction de la précharge. Le débit cardiaque n’est donc pas un bon indice de contractilité cardiaque, sa normalité n’excluant en rien l’existence d’une altération des performances systoliques ventriculaires (3). La FEVG n’est pas non plus un bon reflet de la contractilité cardiaque, car elle dépend également de la compliance myocardique et des conditions de charge. Les mêmes remarques s’appliquent aux indices échographiques tendant à estimer la FRDS (fraction de raccourcissement de diamètre et de surface) (4). Indices indépendants des conditions de charge du ventricule gauche Ces indices, peu nombreux, ont cependant permis de démontrer l’existence d’une altération des propriétés contractiles ventriculaires, dans des modèles expérimentaux, mais aussi au cours d’études cliniques. Les plus utilisés demeurent l’indice systolique de travail ventriculaire gauche indexé (ISWVG) et la pente de la relation qui lie cet indice à la précharge du ventricule gauche (VG), appréciée par la mesure de la pression télédiastolique ventriculaire gauche (PTDVG) chez l’animal et par la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) chez l’homme. L’élastance ventriculaire est plus intéressante, mais plus difficile à mesurer. Sur les boucles pression-volume ventriculaires tracées pour différents niveaux de post-charge, les points télé-systoliques forment une droite stigmatisant la relation pressionvolume télé-systolique du ventricule gauche. Cette relation est un bon reflet de la fonction ventriculaire car elle ne dépend pas de la pré-charge et tient compte dans son calcul du niveau de post-charge. La pente de cette droite, appelée élastance maximale (Emax), est un bon indice de contractilité ventriculaire. Dans le choc septique, Emax est diminuée, témoignant d’une contractilité altérée. Restauration d’une pré-charge adéquate Optimisation du remplissage Un des premiers objectifs du traitement de la défaillance myocardique observée dans le choc septique demeure la restauration d’une volémie correcte (5). Il existe en effet, dans cette situation, une hypovolémie absolue ou relative multifactorielle (vasoplégie, fuite capillaire, fièvre) mais constante. Une expansion volémique adéquate, en augmentant le retour veineux, permet d’améliorer la pré-charge ventriculaire gauche et, de ce fait, d’augmenter le débit cardiaque. Chez les patients en choc septique, le remplissage augmente la survie, en Traitement de la défaillance cardiaque 241 augmentant le débit cardiaque et en redistribuant les débits régionaux vers les territoires initialement hypoperfusés (6). Indices cliniques et biologiques Si la nécessité d’un remplissage initial dans le choc septique ne fait plus aucun doute, les objectifs à atteindre et les indices de monitorage à employer restent plus controversés. En effet, poursuivre le remplissage tant que le débit cardiaque augmente pourrait être susceptible d’induire un œdème pulmonaire, en particulier chez les patients dont la sévérité de la dysfonction myocardique limite la tolérance à l’expansion volémique (7). Dans un premier temps, le remplissage est guidé par des indices cliniques classiques tels que la fréquence cardiaque, la pression artérielle et la diurèse horaire. Chez les patients qui ne corrigent pas ces paramètres rapidement, un monitorage plus complet s’impose (8). En dehors des patients chez qui l’atteinte respiratoire est au premier plan, le remplissage vasculaire doit donc viser à maximaliser le débit cardiaque. L’altération des échanges gazeux peut être détectée de façon simple par l’oxymétrie de pouls ou la mesure de la pression artérielle en oxygène (PaO2) (8). Le paramètre classiquement recommandé en pratique clinique pour guider le remplissage est la PAPO : une valeur comprise entre 12 et 15 mmHg témoignerait chez la plupart des patients d’un débit cardiaque maximal (9). Cependant, plusieurs études ont récemment souligné la faible valeur de la PAPO pour prédire un bénéfice au remplissage vasculaire (10) : en effet, la PAPO n’est pas un bon indicateur de pré-charge ventriculaire gauche lorsque la compliance ventriculaire gauche est diminuée, comme c’est le cas dans le choc septique (11). Afin de prédire la réponse au remplissage en termes de débit cardiaque, d’autres méthodes moins invasives ont fait la preuve de leur efficacité. C’est le cas en particulier pour la mesure des variations respiratoires de la pression pulsée (12). Catécholamines Dopamine La dopamine a souvent été proposée en première intention dans le traitement du choc septique, dans le but d’agir à la fois sur la dysfonction myocardique et la vasoplégie. Classiquement, à des posologies de 5 à 10 µg/kg/min, elle induit une augmentation de la fréquence cardiaque, du volume d’éjection systolique et du débit cardiaque, par stimulation des récepteurs β1. À des posologies plus élevées, supérieures à 10 µg/kg/min, apparaissent des effets vasoconstricteurs α-mimétiques. Toutefois, ce seuil n’est qu’indicatif : les effets inotrope et vasoconstricteur de la dopamine sont peu prédictibles chez les patients en état de 242 Sepsis sévère et choc septique choc, même à faible posologie. Ainsi, dans une étude menée chez dix patients en choc septique, Schreuder et al. (13) notaient une augmentation du débit cardiaque sous dopamine à la posologie de 20 µg/kg/min, mais sans augmentation significative des résistances vasculaires systémiques. Ces résultats ont été plus récemment confirmés pour des posologies plus élevées, suggérant que les effets hémodynamiques de la dopamine résultent presque exclusivement de son action sur le myocarde. La dopamine reste actuellement recommandée en première intention dans le choc septique, en particulier dans les cas où la contractilité myocardique est altérée sans baisse importante des résistances systémiques (5). En pratique, sa faible efficacité dans cette situation lui fait le plus souvent préférer une catécholamine plus puissante. Dobutamine (voir Annexe 1) Par ses propriétés β1-adrénergiques, la dobutamine augmente la contractilité cardiaque. Elle agit aussi sur les récepteurs β2-adrénergiques, entraînant une vasodilatation périphérique partiellement compensée par une faible activité α-adrénergique. L’administration de dobutamine est justifiée et recommandée dans une situation de bas débit cardiaque, en pratique pour un index cardiaque inférieur à 2,5 l/min (8). Cependant, ses indications ont progressivement été élargies depuis les années 1990. C’est, en effet, durant cette période qu’est apparu le concept de supranormalisation systématique du transport en oxygène, concept qui a pour but in fine d’augmenter la consommation globale d’oxygène (VO2) et de corriger la dette tissulaire en oxygène observée dans le choc septique (14). La dobutamine faisait partie des moyens à mettre en œuvre pour parvenir à cet objectif, en augmentant systématiquement le débit cardiaque pour atteindre des valeurs supra-physiologiques (15). Plusieurs essais randomisés ont comparé l’administration de dobutamine dans le but d’augmenter le transport en oxygène à un traitement classique du choc septique, mais aucun n’a démontré la supériorité d’une majoration systématique du débit cardiaque au-delà des valeurs physiologiques (16). Dans une étude regroupant 109 patients de réanimation, Hayes et al. (17) ont étudié l’influence sur la mortalité d’un traitement par dobutamine à des posologies permettant d’atteindre un index cardiaque supérieur à 4,5 l/min, une valeur de transport en oxygène supérieure à 600 ml/min et une valeur de VO2 supérieure à 170 ml/min. Dans le groupe contrôle, les patients n’étaient traités par dobutamine que s’ils présentaient un index cardiaque inférieur à 2,8 l/min. Un remplissage adéquat était assuré dans les deux groupes avant toute administration de catécholamines. La mortalité s’est avérée supérieure dans le groupe traité par dobutamine (54 % vs 34 % dans le groupe contrôle). L’hypothèse avancée pour expliquer cette surmortalité est celle d’une incapacité à faire face à l’augmentation des besoins énergétiques médiée par l’administration de catécholamines à de telles posologies (18). Traitement de la défaillance cardiaque 243 Si la dobutamine ne doit pas être utilisée à titre systématique, elle reste cependant utile chez les patients présentant une défaillance cardiaque sévère, d’autant plus que la vasodilatation induite par l’activation des récepteurs β2 pourrait être bénéfique pour certains organes comme le myocarde et le tube digestif (19). Il est cependant nécessaire de lui adjoindre un vasoconstricteur périphérique. Noradrénaline La noradrénaline est avant tout un puissant agent vasopresseur par le biais de son action sur les récepteurs α1. Elle possède cependant une action β1adrénergique à l’origine d’une augmentation (modeste) de la contractilité myocardique. Il est à présent démontré que la noradrénaline est plus efficace que la dopamine pour améliorer la pression artérielle moyenne (PAM) chez des patients en état de choc septique hyperkinétique. Le rétablissement d’une pression de perfusion satisfaisante permet, dans la majorité des cas, d’améliorer la fonction rénale et la diurèse de ces patients (20). L’impact de la noradrénaline sur le débit cardiaque au cours du choc septique reste controversé. Dans une majorité d’études, le débit cardiaque n’augmente pas de façon significative, voire diminue de façon marquée (21, 22). Dans une étude récente portant sur un faible collectif de patients présentant un index cardiaque de 4,7 l/min/m2 pour une PAM à 65 mmHg, l’administration de noradrénaline permettait, en atteignant l’objectif d’une PAM à 85 mmHg, de majorer l’index cardiaque de près de 20 % (23). La noradrénaline est recommandée chez les patients en choc septique sans atteinte importante de la contractilité myocardique. Dans le cas contraire, il est nécessaire de recourir à l’association dobutamine-noradrénaline ou à l’adrénaline en monothérapie (5). Adrénaline L’adrénaline combine des effets α-, β1- et β2-mimétiques. À faible dose, elle est avant tout un agent β1- et β2-agoniste, entraînant une augmentation du débit cardiaque ainsi qu’une vasodilatation périphérique. À plus forte dose, ses propriétés vasopressives prédominent et se traduisent par une élévation des résistances vasculaires périphériques. L’adrénaline présente un intérêt dans les états de choc septique réfractaires aux autres catécholamines, en augmentant de façon significative l’index cardiaque et le volume d’éjection systolique, avec une action plus modeste sur la fréquence cardiaque et les résistances vasculaires systémiques (24). Elle permet également d’améliorer la contractilité ventriculaire droite chez les 244 Sepsis sévère et choc septique patients présentant une insuffisance ventriculaire droite (25). Toutefois, l’altération de la pression de perfusion splanchnique et la majoration de l’hyperlactatémie qu’elle induit en limitent l’emploi aux chocs septiques ne répondant pas aux thérapies conventionnelles (8). Dopexamine Catécholamine de synthèse β2-adrénergique, la dopexamine a été initialement proposée dans le traitement de l’état de choc cardiogénique (26). Son intérêt dans le choc septique résiderait dans sa capacité à optimiser les pressions de perfusion rénale et splanchnique. Elle pourrait ainsi, en association avec les vasoconstricteurs majeurs, contrebalancer les effets néfastes de l’adrénaline et de la noradrénaline sur la perfusion périphérique. Elle améliorerait la fonction cardiaque par stimulation de récepteurs β2, DA1 et DA2 (26). Toutefois, les études menées à ce jour restent trop peu nombreuses pour pouvoir recommander son utilisation dans le traitement du choc septique. Substances non adrénergiques Inhibiteurs des phosphodiestérases Les inhibiteurs des phosphodiestérases (milrinone, amrinone, enoximone) ont un effet inotrope positif lié à l’augmentation de l’AMP cyclique intracellulaire. Ils inhibent, en effet, son hydrolyse par la phosphodiestérase III. Ce sont également des inhibiteurs du TNFα et d’autres cytokines impliquées dans la défaillance cardiaque observée au cours du sepsis. In vitro et dans certains modèles animaux, les inhibiteurs des phosphodiestérases augmentent la contractilité et la compliance myocardique. Ces propriétés semblent se confirmer chez l’enfant, chez qui ils entraînent une diminution significative de la PAM par chute des résistances vasculaires systémiques. Leur évaluation chez l’adulte est encore trop parcellaire pour pouvoir en tirer des conclusions définitives. Ils pourraient présenter un intérêt en association avec un puissant vasopresseur, dans les chocs septiques non hyperkinétiques. Leur maniement reste cependant délicat du fait d’une demivie longue. Arginine-vasopressine (AVP) Cette hormone excrétée par la neuro-hypophyse est un puissant agent vasopresseur. Elle agit directement sur les cellules musculaires lisses artérielles en Traitement de la défaillance cardiaque 245 provoquant une augmentation de calcium intracellulaire, à l’origine d’une vasoconstriction. Son mode d’action sur les cellules myocardiques est, en revanche, mal connu. Expérimentalement, lors de son administration en monothérapie chez l’animal septique, elle entraîne une chute de la fréquence et du débit cardiaque. Le mécanisme invoqué est celui d’une sympatholyse associée à une hypertonicité vagale. Plusieurs auteurs (27) lui ont attribué un effet inotrope négatif sur le ventricule droit, avec notamment une chute de l’index systolique de travail ventriculaire droit, sans modification significative de l’index systolique de travail ventriculaire gauche. En revanche, administrée en association à la noradrénaline, elle permet, chez l’animal, d’optimiser la contractilité ventriculaire gauche. Chez l’homme, elle pourrait avoir un intérêt en association à la noradrénaline pour restaurer la contractilité cardiaque, en particulier dans les états de choc réfractaires. Dans une étude récente (28), Dünser et al. ont comparé l’AVP à l’association AVP + noradrénaline chez 48 patients présentant un choc à résistances vasculaires systémiques basses. Les patients du groupe AVP + noradrénaline ont vu leur performance myocardique améliorée, comme en témoignent les différences significatives d’index cardiaque, de SVI et de LVSWI entre les deux groupes. Les effets indésirables de l’AVP restent mal connus. Il semblerait qu’elle aggrave les phénomènes d’hypoperfusion périphérique, notamment splanchnique, rénale et cutanée, par vasoconstriction et diminution du transport en oxygène (29). Il faut noter que des résultats inverses ont été observés (diminution des résistances vasculaires systémiques et augmentation du transport en oxygène) en cas d’utilisation concomitante de noradrénaline, sans que le mécanisme impliqué ne soit éclairci (22). Ainsi, l’AVP n’a pas encore définitivement fait la démonstration de son utilité dans le traitement du choc septique. Elle pourrait présenter un intérêt en association avec une catécholamine, mais les études sont trop peu nombreuses pour pouvoir recommander dès maintenant son utilisation en pratique courante. Inhibiteurs du monoxyde d’azote Le monoxyde d’azote (NO), incriminé dans la défaillance hémodynamique observée au cours du choc septique, est avant tout un puissant vasodilatateur : sa surproduction, reflétée par le rapport des taux de nitrites/taux de nitrates sériques, est constante dans le sepsis et est bien corrélée à la baisse des résistances vasculaires systémiques (30). Son influence sur la contractilité myocardique est complexe : à faibles concentrations, le NO serait inotrope positif, mais posséderait des effets inotropes négatifs à plus fortes concentrations (31), sans que les mécanismes impliqués ne soient parfaitement élucidés. Deux voies pharmacologiques ont été testées pour antagoniser les effets délétères du NO : les inhibiteurs de la NO synthase (NOS) dont le substrat est la L-arginine, et le bleu de méthylène. 246 Sepsis sévère et choc septique Inhibiteurs de la NO synthase (NOS) Plusieurs analogues antagonistes de la L-arginine (L-NMMA, L-NAME, LNNA) ont été testés. Chez l’animal septique, ils permettent de restaurer la PAM par augmentation des résistances vasculaires systémiques, mais n’ont pas d’effet bénéfique sur les performances myocardiques : volume d’éjection systolique et index cardiaque sont, au mieux, comparables à ceux mesurés chez les sujets témoins (32). La vasoconstriction pulmonaire, dangereuse par son retentissement sur la fonction cardiaque droite, constitue de plus l’un des effets indésirables majeurs des inhibiteurs de NOS. Chez l’homme, plusieurs auteurs ont étudié le retentissement cardio-vasculaire des inhibiteurs non sélectifs de NOS, avec des résultats peu encourageants. Dans une étude ouverte portant sur 11 patients présentant un choc septique réfractaire aux catécholamines, Avontuur et al. (33) constatent après douze heures de traitement par L-NAME, une augmentation de la PAM accompagnée d’une chute de l’index cardiaque par diminution du volume d’éjection. Cette dernière est attribuée à une élévation de la post-charge et non à une altération de la contractilité cardiaque, puisque l’index de travail systolique du ventricule gauche est conservé. L’index de travail ventriculaire droit ne varie pas de façon significative, de même que les résistances vasculaires pulmonaires. Plus récemment, une étude multicentrique randomisée comparant la L-NMMA à un traitement conventionnel a dû être interrompue précocement du fait de la surmortalité constatée dans le groupe L-NMMA. Arguant du fait que seule la NOS inductible devait être inhibée pour obtenir un effet thérapeutique (au contraire de l’inhibition des formes constitutives qui, par une production physiologique de NO, modulent la perméabilité capillaire, l’agrégation plaquettaire et donc la micro-circulation), certains auteurs se sont intéressés aux inhibiteurs sélectifs de NOSi. Les études sont encore trop peu nombreuses pour pouvoir dresser des conclusions. Bleu de méthylène La cible cellulaire du NO est la guanylate cyclase, qui synthétise le GMP intracellulaire. Le bleu de méthylène inhibe l’action du NO sur la guanylate cyclase. Preiser et al. ont testé l’effet du bleu de méthylène chez 14 patients présentant un choc septique, et ont mis en évidence sa capacité à corriger la PAM sans altérer la contractilité cardiaque (index cardiaque non modifié, index de travail systolique augmenté) (34). Cependant, les effets observés n’étaient que transitoires, le bleu de méthylène étant délivré sous forme de bolus. Ces résultats ont été confirmés par une étude randomisée contrôlée (35), menée chez 20 patients : l’infusion continue de bleu de méthylène durant quatre heures permet de réduire les posologies de catécholamines de façon significative (de 40 à 90 %) et durable, en augmentant la PAM sans modifier le volume d’éjection systolique ou la performance ventriculaire. Le nombre de Traitement de la défaillance cardiaque 247 défaillance d’organes et la mortalité à vingt-huit jours ne différaient pas de façon significative. Le seul effet indésirable attribuable au bleu de méthylène était une tendance à l’hypothermie. Le bleu de méthylène pourrait donc constituer une alternative thérapeutique dans les situations telles que les chocs septiques réfractaires aux catécholamines. Toutefois, le bénéfice d’un tel traitement en terme de mortalité n’est pas démontré. Prostaglandines Les deux principaux représentants de cette classe sont la PGI2 et la PGE1, qui sont synthétisées par la cyclo-oxygénase à partir de l’acide arachidonique dans l’endothélium vasculaire. Vasodilatateurs aussi bien artériels que veineux, ils ont été testés dans le choc septique en vue d’améliorer la micro-circulation et l’oxygénation tissulaire (36). Ils ne semblent pas avoir d’impact majeur en terme de fonction cardiaque dans le sepsis, sauf lorsqu’il existe une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) associée : dans ce dernier cas, ils permettent, en diminuant les résistances artérielles pulmonaires, d’augmenter l’index de travail ventriculaire droit (37). Ici encore, les données cliniques concernant ces agents restent trop parcellaires pour juger de leur intérêt dans le choc septique. Procédés d’hémofiltration La défaillance myocardique observée dans le sepsis est en partie attribuée aux médiateurs de l’inflammation circulants. Ces molécules étant de faible poids moléculaire, plusieurs auteurs ont proposé l’hémofiltration comme traitement adjuvant du choc septique. De nombreuses techniques d’hémofiltration ont déjà été testées avec succès chez l’animal. Dans une étude canine contrôlée, une hémofiltration de 1,5 à 2 litres en deux à trois heures permettait de doubler l’index de contractilité (Emax) chez des chiens soumis à une infusion continue de colonies d’Escherichia coli (38). Grootendorst et al. ont, de façon parallèle, montrer l’impact positif de l’hémofiltration à haut volume sur la fraction d’éjection du ventricule droit de porcs, trente minutes après l’injection d’endotoxine (39). Aucune étude humaine n’a pu cependant jusqu’à présent démontrer l’intérêt de l’hémofiltration, qu’elle soit utilisée de façon conventionnelle ou à haut volume, dans le traitement de la défaillance myocardique observée dans le sepsis. 248 Sepsis sévère et choc septique Conclusion La défaillance myocardique est un phénomène fréquent au cours du sepsis et elle nécessite d’être prise en considération dans les choix thérapeutiques. Une connaissance plus précise de sa physiopathologie devrait permettre, dans un avenir proche, d’améliorer la prise en charge thérapeutique de cette atteinte spécifique. Références 1. Parker MM, Natanson C, Ognibene FP et al. (1989) Responses of left ventricule function in survivors and non survivors of septic shock. J Crit Care 4: 19-25 2. Grocott-Mason RM, Shah AM (1998) Cardiac dysfunction in sepsis: new theories and clinical implications. Intensive Care Med 24(4): 286-95 3. Parker MM, Shelhamer JH, Bacharach SL et al. 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