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Spectrométrie de masse à transformée de Fourier : notions de base et
quelques applications.
Ecole de Printemps SFSM – CJSM Mars 2003.
Guillaume van der Rest
Laboratoire des Mécanismes Réactionnels, CNRS UMR 7651
Ecole Polytechnique, Palaiseau.
1. Introduction
2. Bases de FT-ICR
2.1. Un peu de physique.
r
Une particule chargée animée d’une vitesse v se déplaçant dans un champ magnétique uniforme
subit une force de Lorentz (Eq. 1). Cette force ne dépend que de la composante du vecteur vitesse
r
orthogonale au champ magnétique. Si on définit l’axe z parallèle au champ magnétique et v xy la
projection du vecteur vitesse dans le plan xy, on obtient que quelle que soit la vitesse, la force
r
résultante est dans le plan xy et perpendiculaire à v xy . En se restreignant à la projection dans le plan
xy, la résolution des équations du mouvement en considérant uniquement l’action du champ
magnétique conduit à déduire que la trajectoire de la charge est circulaire, autour d’un axe parallèle à
z. Un premier résultat important est que la vitesse angulaire ω de rotation autour de cet axe est
indépendante de la vitesse initiale (Eq. 2 et 3).
r
r r
F = qv ∧ B (1)
ω=
νc =
qB
eB
=
m (m / z )
(2)
ω 1.535611 × 10 7 B
=
Hz (m/z en u.m.a.) (3)
2π
m/ z
Ce mouvement de rotation est appelé mouvement cyclotronique et sa fréquence ne dépend que du
champ magnétique et du rapport masse sur charge. On conçoit dès lors qu’une mesure de cette
fréquence de rotation permet une détermination du rapport m/z de l’espèce considérée. Pour donner
un ordre de grandeur, dans un champ magnétique de 7 T, cette fréquence vaut 1,1 MHz pour un ion
de m/z 100, 215 kHz pour un ion de m/z 500 et 54 kHz pour un ion de m/z 2000.
Bien que la fréquence soit indépendante de la vitesse initiale, le rayon de la trajectoire circulaire en
dépend. Les équations 4 et 5 permettent de relier rayon, vitesse et énergie cinétique.
r=
E cin =
mv xy
qB
q2 B2r 2
2m
(4)
(5)
2.2. Piège de Penning.
Jusqu’ici seul le mouvement dans le plan xy a été considéré. En l’absence d’autres champs, la vitesse
suivant l’axe z reste constante et la trajectoire résultante est un mouvement hélicoïdal autour d’un
axe parallèle à z, qui se poursuivra indéfiniment. Pour construire un piège, une possibilité est de
« fermer » le mouvement suivant z par deux plaques de piégeage perpendiculaires à l’axe z portées à
un potentiel répulsif. La cellule ICR (que les physiciens appellent piège de Penning) est née et le
premier modèle est la cellule cubique (Figure 1).
Figure 1 : Cellule cubique simple.
S’il était possible d’appliquer un champ électrique homogène parallèle au champ magnétique avec
des plaques de longueurs infinies, le mouvement d’un ion serait hélicoïdal avec des oscillations
périodiques suivant l’axe z dans le puits de potentiel électrique. On obtient alors une seconde
fréquence, dite fréquence de piégeage νt (Eq. 6). On peut encore noter ici aussi que cette fréquence
ne dépend pas de l’énergie cinétique initiale des ions. Dans des conditions typiques (Vtrap 1 V ; B
7 T ; a : 6 cm), νT vaut 1650 Hz pour un ion de m/z 1000.
νT =
1
2π
2qVtrapα
ma 2
(6)
(a : distance entre les plaques ; Vtrap : potentiel de piégeage ;
α : facteur géométrique [2.0 dans le cas harmonique infini])
Comme on ne peut pas être dans le cas idéal avec des plaques infinies, le champ électrique ne peut
pas être parallèle au champ magnétique et il y a donc également une composante radiale à ce champ
électrique. Cette composante radiale tend à entraîner les ions vers l’extérieur du piège, car au centre
du piège le champ électrique est minimal suivant l’axe z mais maximal dans le plan xy. Cette force
s’oppose donc à la force de Lorentz créée par le champ magnétique.
En conséquence il se superpose aux deux mouvements précédents un troisième mouvement de
déplacement des charges piégées lequel se traduit par un abaissement de la fréquence cyclotronique
et l’apparition d’une troisième fréquence propre des ions piégés, qui elle aussi est indépendante de la
vitesse initiale des ions (Equations 7 et 8, Figure 2).
νc
2
ν  ν
ν + = +  c  − T (Fréquence cyclotron réduite)
2
2
 2
νc
2
2
ν  ν
ν− = −  c  − T
2
2
 2
(7)
2
(Fréquence magnétron)
(8)
Aux basses masses ν+ ≈ νc, mais pour des masses plus élevées (ou des fréquences plus basses), il
existe une région pour laquelle cette approximation n’est plus valable. Ce point sera atteint d’autant
plus rapidement que le potentiel de piégeage est élevé, d’où l’intérêt d’utiliser un potentiel le plus
faible possible (typiquement 0.5 à 2 V) même si l’efficacité de piégeage en est amoindrie.
Figure 2 : Mouvement des ions piégés dans un piège de Penning cubique.
2.3. Mesure de la fréquence cyclotronique.
Une fois générés, la mesure directe de la fréquence cyclotronique des ions n’est pas possible. Ceuxci ont en effet été produits à des temps différents et avec des énergies cinétiques variables, ce qui se
traduit par une phase (position initiale sur l’orbite) et un rayon variables. Il sera donc nécessaire de
faire passer la population d’ions de même m/z d’un mouvement d’ensemble incohérent à un
mouvement d’ensemble cohérent i.e. sur une même orbite et avec une même phase. Comme nous le
verrons, une procédure d’excitation-détection permet de résoudre ce problème.
Figure 3 : Les différentes étapes menant à la mesure de masse.
2.3.1. Etat initial
Nous supposerons ici que les ions ont pu être produits et piégés dans une région située à proximité de
l’axe central de la cellule. Une méthode pour y arriver serait par exemple d’avoir introduit un gaz
dans la cellule puis d’avoir envoyé un faisceau d’électrons de 70 eV d’énergie suivant l’axe de la
cellule. L’ionisation des molécules neutres aura alors lieu à proximité de l’axe et les ions posséderont
une énergie cinétique initiale égale à l’énergie thermique. En considérant une distribution thermique
des vitesses (Equation 9) et en la combinant avec l’équation 4, on trouve (Equation 10) :
m v xy2
2
r=
≈ kT (9)
2mkT
qB
(10)
Cette formule permet de voir qu’à température ambiante, pour un champ magnétique de 7 T, on
trouve pour un ion monochargé de 100 u.m.a. un rayon de 0.03 mm ; pour un ion monochargé de
1000 u.m.a : 0.1 mm ; pour un monochargé de 100 000 u.m.a. : 1.0 mm. Les ions multichargés seront
encore mieux confinés.
2.3.2. Excitation des ions
Cette phase utilise deux plaques opposées de la cellule dites plaques d’excitation pour créer un
champ électrique sinusoïdal dipolaire. Lorsque l’irradiation a lieu à la fréquence cyclotronique de
l’ion (excitation résonante), le rayon de l’orbite atteinte est donné par l’équation 11.
r=
β dipoleV p − p t exc
(11)
2dB
(βdipole : facteur géométrique [1.0 dans le cas idéal] ; Vp-p tension d’excitation ;
texc : durée de l’irradiation ; d : distance entre les plaques d’excitation.)
On constate que le rayon de l’orbite ne dépend que de la tension d’excitation et de la durée de
l’excitation, et que le rapport m/z n’intervient pas non plus dans cette étape. Idéalement, pour obtenir
un signal le plus intense possible, il conviendrait d’exciter les ions sur une orbite de rayon le plus
élevé possible. Cependant, cette orbite ne doit pas être trop grande, car l’inhomogénéité radiale du
champ électrique peut conduire à l’éjection des ions. En pratique, on travaille avec r < 0.4 d.
L’utilisateur contrôle donc deux paramètres importants pour l’acquisition du spectre de masse :
l’intensité d’excitation (de l’ordre de 300 V peak-to-peak) et la durée d’irradiation de l’ordre de
60 µs. L’utilisation de durées d’irradiation plus importantes permet d’amener les ions sur une orbite
de rayon supérieur à celui de la cellule et donc à une éjection des ions par neutralisation sur les
parois de la cellule.
1.0
12
10
(a)
0.5
3
8
x 10
0.0
6
4
-0.5
2
-1.0
0
0
5
10
15
3
x10
20
25
30
140
160
180
200
220
240
260
280
1200
1.0
1000
(b)
0.5
800
0.0
600
400
-0.5
200
0
-1.0
0
5
10
15
3
x10
20
25
-3
x 10
100
200
300
400
1.0
1.0
(c)
0
30
0.5
0.8
0.0
0.6
-0.5
0.4
-1.0
0.2
0
10
20
30
40
ks
50
60
0.0
0
100
200
300
400
Figure 4 : Quelques types d’excitation classiques (à gauche, échelle en temps) et leurs composantes
en fréquence obtenues par transformée de Fourier (à droite, échelle en fréquence). (a) sinusoïde
monofréquence tronquée (b) balayage de fréquence (chirp) (c) balayage par SWIFT.
L’excitation à une seule fréquence est peu utile lorsque l’on souhaite détecter l’ensemble des ions
piégés dans la cellule. Pour cela il faudrait exciter successivement chacune des fréquences des ions
présents. A cela, on préfère utiliser une seule impulsion d’excitation qui balaye la gamme de
fréquence d’intérêt (Figure 4-b). Lorsque l’électronique permet la génération de fonction arbitraire,
une autre méthode d’excitation est le SWIFT (stored-waveform inverse Fourier transform) où le
domaine de fréquence d’excitation est défini a priori et l’onde d’excitation calculée en conséquence.
2.3.4. Détection du courant induit.
La rotation cohérente des ions sur une orbite large crée un courant induit sur les deux plaques de
détection. Le changement de la tension sur les plaques de détection peut être mesuré par une
électronique adaptée.
Le courant induit est proportionnel au rayon cyclotron post-excitation et à la charge totale du paquet
d’ions ayant un mouvement cohérent. Ce courant induit ne dépend ni de l’intensité du champ
magnétique, ni de la fréquence cyclotron des ions. Ceci a des conséquences analytiques
importantes : si tous les ions sont excités à la même intensité, leurs orbites auront le même rayon
d’après l’équation 11, donc l’intensité du courant induit sera proportionnelle au nombre de charges.
Il est donc possible, en théorie, de relier l’intensité du signal mesuré et le nombre de charges (égales
au nombre d’ions multiplié par leur état de charge) présentes dans le paquet d’ions, donc d’obtenir
une mesure quantitative. Cependant, comme l’intensité d’excitation est difficilement constante sur
toute la gamme de fréquences (voir Figure 4), cet aspect quantitatif est difficile à mettre en œuvre et
on considère généralement que la FT-ICR est peu adaptée à des méthodes où l’on souhaite faire de la
quantification.
2.3.5. Forme du signal mesuré
La collision des ions avec des molécules de gaz neutre pendant le temps de mesure a pour
conséquence de déplacer les ions de leur orbite. Comme ces collisions sont aléatoires, il se produit
une perte de la cohérence du paquet d’ion, qui s’étale et finit par ne plus induire de courant dans les
plaques de détection.
Il existe plusieurs modélisations de ce phénomène mais toutes ont pour résultat que le signal mesuré
correspond à une sinusoïde amortie exponentiellement (Figure 5). Cette composante exponentielle
mène à un élargissement des pics et à une limitation de la durée d’acquisition pendant laquelle un
signal est détectable. Ceci concoure à limiter la résolution de l’instrument. Voilà pourquoi il convient
d’avoir une pression aussi faible que possible dans la cellule de mesure.
1.0
4000
0.5
3000
0.0
2000
-0.5
1000
0
0
5
10
15
3
x10
20
25
30
20
25
30
35
40
Figure 5 : Signal sinusoïdal amorti exponentiellement (à gauche, échelle en temps) et le résultat
après transformation de Fourier (à droite, échelle en fréquence).
2.3.6. Digitalisation et transformation de Fourier
Il est possible d’exciter simultanément l’ensemble des ions présents dans la cellule. Il est également
possible de mesurer en une seule expérience l’ensemble des fréquences de rotation de ces ions. C’est
l’apport de la transformée de Fourier à la FT-ICR. Le courant induit mesuré sur les plaques de
détection est digitalisé, ce qui conduit à un interférogramme où les sinusoïdes amorties de
l’ensemble des ions présents dans la cellule sont additionnées les unes aux autres.
La transformée de Fourier permet de transformer cet interférogramme en un spectre de magnitude
des fréquences présentes dans celui-ci, qui représente l’intensité du signal mesuré aux différentes
fréquences. Elle permet aussi d’utiliser sur le signal avant transformation toutes les méthodes de
traitement du signal : apodisation pour affiner les pics, zero-filling pour augmenter le nombre de
points (et donc diminuer l’intervalle de fréquence) et également la possibilité d’accumuler plusieurs
spectres successifs (le signal croit en n = nombre d’accumulations alors que le bruit croit en √n.)
La conversion de ce spectre de fréquence en spectre de masse peut alors se faire facilement en se
basant sur l’équation 7. On utilise en général une équation à deux paramètres (A et B) :
ν=
A
B
+
m / z (m / z ) 2
(12)
2.4. Séquence menant à un spectre de masse.
Ionisation
Excitation
Détection
Début
Quench
En conséquence de ce qu’on a vu précédemment, l’acquisition d’un spectre de masse en FT-ICR se
fait en plusieurs étapes successives dans le temps telles que résumées sur la Figure 6. Cette séquence
peut être reprise plusieurs fois afin d’accumuler plusieurs acquisitions successives.
50 ms
100 ms
1 ms
250 ms
Total : 500 à 1000 ms
Fin
Figure 6 : Une séquence typique en FT-ICR et les délais associés.
Dans un modèle simplifié de l’instrument, l’ionisation est supposée avoir lieu dans la cellule de
piégeage. Cela s’applique essentiellement à deux modes d’ionisation : l’ionisation par courant
d’électrons, ceux-ci étant introduits par un trou percé dans l’axe de la cellule et l’ionisation laser
MALDI sur une cible placée à une des extrémités de la cellule. D’autres méthodes d’ionisation sont
développées dans la section 3.2.
2.5. Comment ajouter de la (MS)n ?
2.5.1. Ejection sélective
On a vu au paragraphe 2.3.2. que l’excitation par radio-fréquence résonantes permet d’augmenter le
rayon de l’orbite d’ions initialement au repos. Il est possible de la même manière et avec les mêmes
méthodes (balayage ou mono-fréquence) d’exciter les ions sur un rayon supérieur à la taille de la
cellule. Ceux-ci sont alors neutralisés sur les parois. Comme cette excitation peut être sélective, il est
possible de sélectionner la fréquence d’un ion particulier qui ne sera pas éjecté tout en éliminant tous
les autres ions présents dans la cellule.
Il reste néanmoins un problème à la mise en pratique de telles méthodes. L’observation de la figure 4
montre qu’en irradiation mono-fréquence de l’énergie est distribuée autour de la fréquence
d’irradiation à cause du caractère fini de celle-ci. On observe le même phénomène pour les
balayages, qui ne s’arrêtent pas exactement aux bornes fixées a priori. La présence de ces side-bands,
dont l’intensité et la position dépendent de la durée de l’irradiation, oblige à certaines précautions
pour éviter d’exciter l’ion sélectionné par excitation non-résonante : on choisira typiquement des
durées d’éjection plus longues (qui diminuent la largeur du pic d’excitation) et on se gardera une
fenêtre autour de l’ion sélectionné.
Des méthodes permettent d’être plus spécifiques : on peut citer le SWIFT (voir figure 4) ou encore le
CHEF où l’on calcule les fréquences et durées pour positionner l’ion à sélectionner dans les trous des
side-bands.
2.5.2. Excitation sélective : CID en résonance.
La méthode la plus simple d’excitation pour une dissociation est d’introduire un gaz de collision et
d’exciter cinétiquement l’ion par irradiation résonante. On peut calculer l’énergie cinétique apportée
à l’ion par les équations 11 et 5 :
E kin ,lab =
2
q 2V p2− p t exc
8d 2 m
(13)
Pour apporter 2 eV d’énergie cinétique (référentiel du centre de masse) par une collision avec de
l’argon, il faut pour un ion monochargé de masse 100, 7 eV d’énergie cinétique soit une orbite de
rayon de 0.5 mm dans un aimant de 7 T. Pour un ion monochargé de masse 1000, il faudra 77 eV
d’énergie cinétique, soit une orbite de 5,7 mm. Ceci constitue à peu près une limite, car le rayon
post-excitation atteint près de 20% du rayon d’une cellule de 6 cm de diamètre. Pour des masses plus
importantes, il sera nécessaire soit de changer le gaz de collision soit de changer de méthode
d’excitation (voir paragraphe 3.3).
En combinant plusieurs étapes successives d’éjection/excitation il est possible de construire une
séquence permettant de la (MS)n avec n en théorie infini, mais en pratique limité à 4 ou 5.
2.6. Comparaison avec d’autres spectromètres de masse.
2.6.1. Résolution et précision en masse
L’avantage du spectromètre de masse FT-ICR provient de la grande précision avec laquelle il est
possible de mesurer une fréquence par des techniques classiques de digitalisation et de
transformation de Fourier. La fréquence la plus élevée mesurable est donc limitée par la fréquence de
digitalisation, et l’intervalle entre deux fréquences dépend du nombre de points mesurés et donc de la
durée du signal mesuré. Or cette durée est limitée par l’amortissement du signal lié aux collisions
ion-neutre. La qualité du vide sera donc un paramètre crucial pour obtenir une durée d’acquisition et
donc une résolution la plus élevée possible.
Dans des conditions de très bon vide, la largeur du pic en fréquence ne dépend pas de la fréquence,
donc du rapport m/z. En conséquence, comme le rapport m/z est inversement proportionnel à la
fréquence, le rapport ∆(m/z)/(m/z) augmente lorsque m/z augmente. La résolution dépend donc du
rapport m/z. En pratique, dans un appareil avec un vide très correct (10-10 mbar), pour m/z 1000 on
peut atteindre des résolutions supérieures à 600 000. Cependant elles correspondent à des
enregistrements sur des fenêtres de fréquences réduites (mode hétérodyne). En mode large bande, on
peut atteindre avec 4 méga-points digitalisés à 500 kHz (soit 8 s d’enregistrement), une résolution de
200 000.
La précision en masse dépendra de la résolution mais également de la qualité de la calibration. Un
paramètre important pour la qualité de cette calibration est la charge d’espace dont il n’a pas encore
été question. La présence d’ions dans la cellule va en effet modifier le champ électrique dans la
cellule à la fois pour le piégeage, mais également lors de l’excitation et de la détection des ions. Or
cet effet dépend du nombre et des masses des espèces présentes dans la cellule, qui ne sont pas pris
en compte dans l’équation de calibration (Eq. 12).
La calibration interne s’affranchit partiellement de ces problèmes, puisque l’étalon est présent dans la
cellule avec la masse des ions à mesurer. Dans des conditions correctes on peut atteindre une
précision de l’ordre de 1-2 ppm sur une gamme de masse de 500 à 1500. En calibration externe, la
qualité de la mesure va dépendre du nombre d’ions piégés dans la cellule, paradoxalement il vaut
mieux travailler avec le minimum d’ions possibles pour chaque balayage pour obtenir une précision
maximale. Dans de telles conditions on peut atteindre une précision de 5-10 ppm sur la même
gamme de masse.
2.6.2. Sensibilité et gamme dynamique.
Des calculs théoriques ont montré que le nombre de charges minimum ayant un mouvement cohérent
nécessaire pour détecter un signal était de l’ordre de 200. Ceci constitue une limite ultime de la
sensibilité d’un tel instrument. En pratique il faut tenir compte de l’efficacité de chacune des étapes
permettant de passer de l’analyte neutre aux ions piégés et excités dans la cellule. Il faut également
tenir compte des états de charge et de l’existence de massifs isotopiques qui augmentent le nombre
de fréquences sur lesquelles se répartissent les ions. Les sensibilités records atteintes actuellement
sur des peptides de masse 1000 sont de l’ordre de 10 atomoles injectées (soit 6 000 000 de
molécules). Dans un instrument commercial avec les protocoles standard, on peut atteindre environ
100 femtomoles de produit injecté.
Un point sur lequel la FT-ICR n’est pas très efficace est la gamme dynamique : elle représente la
capacité à discriminer des ions d’abondances différentes dans un même spectre. Le problème est ici
lié à celui de la charge d’espace : lorsque trop d’ions d’une masse donnée sont présents, ils vont
affecter les mouvements d’ions de plus faible abondance présents dans la cellule. On s’entend
généralement pour fixer cette limite vers 10 000 ions. Il existe une limite à partir de laquelle une
population d’ions abondants en mouvement cohérent va modifier le mouvement (et donc la
fréquence) d’ions de plus faible abondance. On admet qu’il est difficile de mesurer avec une bonne
précision la masse d’un ion dont l’abondance est inférieure à 1% de l’ion le plus abondant. La
géométrie de la cellule et notamment sa longueur peut avoir une grande influence sur cette gamme
dynamique.
2.6.3. Gamme de masse
Limite inférieure. Elle est liée aux capacités du digitaliseur et du générateur de fréquence. Pour un
aimant de 7.0 T équipé d’un digitaliseur à 8 MHz, cela donne une limite inférieure de m/z 29.
Limite supérieure. Elle dépend de la capacité de la cellule à piéger les ions. A cause de
l’inhomogénéité radiale du champ électrique, il existe une valeur de m/z pour laquelle ν+=ν-. Pour un
champ de 7 T, cette limite apparaît à m/z 274 000. Au-delà de cette limite la trajectoire des ions n’est
plus stable. Cependant des problèmes apparaissent avant cette limite, notamment àcause des limites
sur les durées d’acquisition de signal. Ceci élargit énormément le signal pour les signaux de très
basses fréquences. (m/z 274 000 correspond à mesurer une fréquence de 393 Hz.) La limite
expérimentale couramment admise se situe au dixième de cette valeur, soit 27 000 pour un aimant de
7 T.
3. Modifications instrumentales.
Sur les bases présentées dans la partie précédente, plusieurs améliorations ont été apportées aux
instruments de FT-ICR pour approcher l’instrument des conditions idéales, pour l’adapter à d’autres
modes d’ionisation et pour lui apporter d’autres capacités d’activation des ions.
3.1. Types de cellules de piégeage.
Figure 7 : Différents types de cellule décrits dans la littérature. (a) Cellule cubique simple
(b) Cellule cylindrique fermée (c) Infinity Cell™ (d) Cellule cylindrique ouverte et (e) à couplage
capacitif (f) Double cellule cubique (g) Cellule matrix shimmed (purement théorique).
L’objectif commun à toutes ces formes de cellule (Figure 7) est de tenter de concilier les impératifs
du piégeage (champ électrique radial le plus faible possible pour limiter le mouvement magnétron)
avec ceux de l’excitation et de la détection (plaques de longueur infinies, sans effets de bords qui
vont perturber l’impulsion d’excitation et la trajectoire des ions lors de la détection). Les paramètres
géométriques de ces différents types de cellule sont donnés dans le Tableau 1.
Géométrie
Idéale
(a) Cubique
(b) Cylindrique
(c) Infinity™
(d) Ouverte
(e) Couplée
(g) matrix shimmed
Distance
électrodes de
piégeage
Distance
électrodes
d’excitation
γ
α
βdipole
NA
a
a
a
a
a
a
NA
d=a
d
d
d
d
a
0.50000
0.333333
0.2787
0.2787
0.14527
0.14527
0.50000
4.000000
2.77373
2.8404
2.8404
3.86798
3.86798
3.9254
1.00000
0.72167
0.80818
≈ 0.900
0.86738
0.89699
≈1
Tableau 1 : Caractéristiques géométriques de différents types de cellules de FT-ICR.
3.2. Sources d’ionisation externe.
Jusqu’ici la formation des ions analysés par FT-ICR n’a pas été discutée. Il faut noter que
l’ionisation par courant d’électrons (IE) ou MALDI dans la cellule ne va pas sans poser des
problèmes. Pour l’ionisation IE, il faut introduire un gaz neutre, volatil dans la cellule, ce qui
augmente la pression résiduelle lors de la mesure de masse et diminue la qualité de cette mesure.
L’ionisation MALDI pose le même genre de problèmes, avec la surpression de gaz éjectés lors des
tirs laser. Une solution partielle a été trouvée pour ces deux cas par le développement de doubles
cellules ((f) dans la figure 7) pompées différentiellement. L’ionisation se fait dans une des deux
cellules (à pression plus élevée) et les ions sont transportés à travers une restriction dans une seconde
cellule où le vide est meilleur pour y être analysés.
Cette solution ne permet pas de changer de modes d’ionisation et notamment de séparer dans
l’espace la production des ions et leur analyse. Les sources d’ionisation externe permettent ce mode
de fonctionnement : une source d’ionisation est située à l’extérieur du champ magnétique, offrant
une grande flexibilité sur le mode de production des ions (EI, CI, MALDI, ESI, …) Le transport des
ions est assuré par un système de guidage à base de champs électriques (qui profite de plus de la
focalisation en xy par le champ magnétique à l’approche de la cellule). Il se pose néanmoins le
problème de l’adéquation de modes d’ionisation en continu (EI, CI, ESI) à un mode de détection
pulsé.
3.2.1. Transport des ions
Deux méthodes sont principalement utilisées :
Multipoles : Des systèmes de guidage multipolaires (hexapoles ou octopoles typiquement) pour
lesquels la fréquence et l’intensité de la radio-fréquence sont réglées pour laisser passer tous les ions,
servent à guider les ions suivant l’axe z depuis la source d’ionisation jusqu’à la cellule. En utilisant
des plaques placées aux extrémités d’un de ces multipoles, il est même possible de les utiliser pour
stocker les ions produits, ce qui permet de pré-accumuler les ions avant de les transmettre en groupe
vers la cellule de mesure.
Accélérations typiques des ions : 20 – 30 V suivant l’axe z.
Principal inconvénient : il y a une discrimination en masse qui dépend des réglages de la radiofréquence. Il est notamment difficile de transporter simultanément des ions de basses masses et de
hautes masses.
Guides électrostatiques : Un système de lentilles électrostatiques assure l’accélération, la focalisation
puis la décélération des ions pour les transporter de la source à la cellule.
Accélérations typiques : 3000 V suivant l’axe z.
Avantage : pas d’électronique compliquée ni de générateurs rf, on se contente d’appliquer des
tensions constantes.
Inconvénients : sensibilité du réglage de la trajectoire des ions et pas de stockage possible dans un
des multipoles.
Les instruments actuels sont basés soit sur du transport multipolaire soit sur un guide électrostatique
mais avec une hexapole de stockage en aval de la source d’ionisation.
3.2.2. Piégeage des ions formés à l’extérieur de la cellule
Au niveau de la cellule il se pose un problème pour réaliser le piégeage des ions formés à l’extérieur.
Même en admettant qu’il soit possible de contrôler très finement l’énergie cinétique des ions arrivant
vers la cellule, les lois de conservation de l’énergie veulent que si un ion possède une énergie
cinétique suffisante pour franchir la barrière de potentiel pour entrer dans la cellule, il possédera une
énergie suffisante pour en ressortir. Voici quelques solutions pour réussir à piéger les ions.
Piégeage statique avec gaz de collision : on ne change rien à la cellule décrite dans la partie 2. On se
contente d’injecter du gaz à pression relativement élevée lors de l’injection des ions dans la cellule.
Les collisions des ions avec le gaz pendant le trajet dans la cellule permettent d’enlever juste assez
d’énergie cinétique aux ions pour leur empêcher de repasser la barrière de potentiel. Avantage
supplémentaire, ce gaz de collision va continuer à leur enlever leur excès d’énergie cinétique et va
les relaxer axialement vers le centre du puits de potentiel de la cellule. Cependant si l’on souhaite
conserver la résolution de l’instrument il est nécessaire d’introduire le gaz par bouffées
synchronisées avec l’ionisation et de pomper celui-ci avant la détection, ce qui allonge les durées
d’acquisition du spectre de masse.
Piégeage statique avec Sidekick™ : On applique une différence de potentiel orthogonale à l’axe z
juste avant l’entrée des ions dans la cellule. Ceci va convertir une partie de l’énergie cinétique axiale
en énergie radiale qui se retrouvera dans les oscillations magnétron au lieu des oscillations de
piégeage. Ce qui reste d’énergie cinétique axiale est insuffisant pour refranchir la barrière de
potentiel.
Piégeage dynamique : Au lieu d’appliquer des tensions continues sur les plaques de piégeage, on va
jouer sur des variations de tensions pour s’assurer du piégeage des ions. On synchronise les tensions
sur les plaques de la cellule avec le mouvement des ions (Figure 8). Cette technique introduit
néanmoins une discrimination en masse par la différence de temps de vol des espèces.
− 1.0 V
+ 1.0 V
+ 1.0 V
− 1.0 V
+ 1.0 V
+ 1.0 V
Figure 8 : Principe du piégeage dynamique des ions.
3.3. Méthodes d’activation des ions.
En plus de l’excitation résonante décrite en 2.5.2. de nombreuses autres méthodes d’activation des
ions peuvent être utilisées en FT-ICR. Voici une liste des méthodes les plus connues et les plus
couramment utilisées.
SORI-CAD (pour Sustained Off-Resonnance Irradiation – Collision Activation Dissociation). Au lieu
d’irradier de façon résonante, ce qui conduit à augmenter la taille de l’orbite suivant le carré de la
durée d’excitation, il est possible d’irradier en utilisant l’excitation non-résonante. Lorsque la
fréquence d’irradiation est suffisamment proche mais pas égale à la fréquence cyclotron du paquet
d’ions il se produit un phénomène de déphasage. Initialement, la phase entre l’irradiation et le
mouvement des ions est proche de zéro et les ions sont entraînés par l’irradiation. Mais la différence
de phase s’accroît progressivement, jusqu’à ce qu’elle s’inverse et ralentisse le mouvement du paquet
d’ion et le ramène finalement avec une vitesse nulle à sa position de départ.
Il est donc possible d’irradier pendant des durées longues et d’accumuler ainsi de l’énergie
correspondant à plusieurs collisions successives. Par ailleurs le rayon maximal de l’orbite est limité,
ce qui limite l’éjection non désirée des ions. Pour des systèmes de taille importante cette méthode
contourne les problèmes liés à l’irradiation résonante.
BIRD (Black-body Infrared Dissociation) et IRMPD (Infra-Red MultiPhoton Dissociation). Ces deux
méthodes sont assez proches : il s’agit dans les deux cas d’accumuler de l’énergie transmise par des
rayonnements infra-rouge dans les ions piégés dans la cellule. Dans le premier cas on utilise le
rayonnement large émis par les parois de la cellule, et le contrôle de celles-ci se fait en faisant varier
la température de la cellule. Dans le second cas, un laser infra-rouge (ou une source accordable
comme CLIO) est dirigé dans l’axe du champ magnétique. L’absorption de plusieurs photons infrarouge qui se répartissent dans les différents modes de vibration de l’ion peut conduire à accumuler
suffisamment d’énergie pour mener à une fragmentation.
ECD (Electron Capture Dissociation). La source d’énergie est ici la capture d’un électron par une
molécule multi-chargée positivement. L’énergie de recombinaison apporte l’énergie nécessaire à la
fragmentation. Pour une section efficace de capture suffisante il est nécessaire que cet électron soit
de faible énergie. Dans les premières versions, les électrons étaient fournis par le filament
d’ionisation interne dans la cellule. Des versions améliorées ont été proposées qui utilisent soit une
cathode chauffée indirectement (ce qui permet d’augmenter le flux d’électrons) soit des cellules
modifiées pour piéger simultanément ions et électrons.
4. Exemples d’applications.
4.1. Mesure de masses exactes.
4.2. Mélanges complexes.
4.3. Dissociation par capture d’électrons (ECD).
4.4. Réactions ion-molécule.
Références bibliographiques.
A.G. Marshall, C.L. Hendrickson, G.S. Jackson “Fourier Transform Ion Cyclotron Resonance Mass
Spectrometry: a Primer” Mass Spectrom. Rev. 17, 1 (1998).
M.V. Buchanan (Ed.) “Fourier Transform Mass Spectrometry: Evolution, Innovation and
Applications, ACS Symp. Series” 359, 205 pages (1987).
A.G. Marshall, S. Guan “Advantages of High Magnetic Field for Fourier Transform Ion Cyclotron
Resonance Mass Spectrometry” Rapid Comm. Mass Spectrom. 10, 1819 (1996).
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