Entretien avec Véronique Nahoum-Grappe : Figures modernes de l

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Figures modernes de
l’addiction
Un entretien avec Véronique Nahoum-Grappe*
Propos recueillis par Didier Touzeau et
Patricia Depostis
Ivresse, vertige, nuit, ennui... Comment et pourquoi ces expérimentations ontologiques, éternelles, et en même temps tellement inscrites
dans la modernité ? Véronique NahoumGrappe, anthropologue des mondes contemporains, met en perspective certains aspects de
notre imaginaire liés à la culture de l’ivresse, du
vertige, les différences d’habitus entre le féminin
et le masculin, et celles qui séparent le rire du
buveur du rictus du toxicomane. Un point de
vue essentiellement phénoménologique.
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Le Courrier : Vous avez
écrit en 1993 dans la revue
Communications : “Le gouvernement du corps, l’ingouvernable gratuité : les
conduites
de
vertige”.
Comment définissez-vous ces
dernières, d’une part ? En
quoi vous paraissent-elles
authentiquement gratuites,
d’autre part ?
Véronique Nahoum-Grappe :
Lorsque j’ai étudié le phénomène de l’ivresse pour mener le
travail de phénoménologie,
donc de descriptions littérales
et métaphoriques, que j’avais
entrepris, il m’a semblé que
l’ivresse supposait toujours un
moment de vertige, au sens où
Merleau-Ponty aurait pu le
décrire. Roger Caillois a décrit
le vertige dans ses travaux sur
les jeux comme une catégorie
spécifique de conduites et de
perception. Il me semble que la
plupart des états dits psychoactifs sont fondés au minimum
sur l’expérimentation d’un ver-
tige corporel. Dans de nombreux textes hétérogènes, médicaux ou littéraires, le vertige est
décrit. Je ne prétends pas m’appuyer sur les travaux de la neurologie cognitive, ni sur ceux
d’une sociologie du vertige si
elle existe, mais je tente de poser
la question des conduites de vertige à savoir une mise en péril de
la verticalité fondée sur l’anticipation de la chute. Il y a une production technique du vertige
dans la plupart des sociétés
connues : soit le vertige est obtenu par des objets ou des pratiques particulières (balançoire,
danse), soit on utilise la définition chimique de certaines substances (éthanol, “drogues”, etc.)
pour produire un état psychoactif (6).
Sans ce désir social d’ivresse,
on n’aurait jamais inventé la
technologie moderne des
manèges ou l’accélération gratuite, non utile socialement, des
moteurs modernes (la façon de
conduire les motos le samedi
soir dans nos provinces françaises n’est pas seulement un
choix de performance sportive,
mais c’est aussi une tentative
de production de vertige grâce
à la vitesse).
Le vertige comme
premier désennui
Le Courrier : Qu’est-ce qui
fait que le vertige soit, éventuellement, une expérience
nécessaire (lmanèges des
plus petits, “grand huit“
après, danses-transes d’aujourd’hui, ivresse ?)
V. N.-G. : Le vertige et le
besoin physiologique que l’on a
de l’expérimenter – il me donne
l’impression que je peux tomber, donc que je suis debout –
sont un moyen de prendre
conscience de soi, de lutter
contre l’ennui ordinaire (7),
expérience du présent social
(*) Véronique Nahoum-Grappe, chercheur en sciences sociales, travaille à
l’École des hautes-études en sciences
sociales (EHESS), CETSAH-CNRS, 22, rue
d’Athènes, 75009 Paris.
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constitutive de toute vie en
société, mais qui ne produit
rien de visible, donc que les
sciences sociales ont peu traitée :
c’est là une évidence brumeuse à
la consistance météorologique
presque insaisissable : c’est le
stéréotype de la “vie ordinaire”
(les abords du périphérique, les
toits délavés, les murs gris...),
les objets laids, sans originalité,
mesquins, le temps toujours
identique à lui-même, ou tout
du moins le croit-on, qui laisse
la “Vraie Vie” en suspens.
L’ennui, c’est avant tout le sentiment de perdre son temps,
d’échouer sur le quai, tandis
que le navire file au large.
L’expérience du vertige est toujours perçue comme une aventure même minuscule ; en ce
sens le vertige est un premier
facteur qui délivre de l’ennui.
Jouer à tomber, sauter sur
place, s’approcher du vide au
bord de la falaise, sont des
conduites enfantines.
Même les daims ont besoin de
faire des parties de glisse sur la
neige glacée, nous disent les
ethnologues ! Le petit de
l’homme invente très vite pour
son compte ces techniques du
corps qui procurent un effet
psychotrope puissant. L’adolescent contemporain qui fixe le
fond de l’écran dans ses jeux
vidéo est bien en train d’expérimenter la violence du vertige de
la vitesse, sans bouger. Et c’est
pourquoi le vertige me semble au
cœur de l’ivresse. Toutefois, si le
vertige est l’un des premiers
“désennuis”, il entre de ce point
de vue en contradiction avec l’habitude de l’alcool, qui abrase le
temps et l’espace. L’ivresse vertigineuse ne peut être qu’un événement jamais une habitude.
L’alcoolique en proie à l’exigence
de sa propre dépendance ne
connaît plus de jour, réhabilite le
présent : plus de jour, plus de
nuit, plus de lundi, ni de mardi,
mais seulement un verre vide ou
un verre plein...
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Le Courrier : Le vertige, c’est
bien la peur du vide, d’où le
sentiment de tournis (vertere
en latin = tourner), avec perte
d’équilibre. C’est aussi le
synonyme d’impressionnant,
de très important – à donner le
vertige veut dire “à faire tourner la tête”. Qu’est-ce qui peut
fasciner un homme dans la
recherche du vertige ? En finir
avec le “trouble” en se précipitant dans le vide ? Mettre en
jeu son corps (conduite ordalique) ? Conduite suicidaire ?
Fuir le rectiligne, le tout-tracé... ?
S’adonner à la sensation extrême pour fuir le vide “vertigineux” des émotions, de la
confrontation à l’autre (comme
le petit enfant carencé qui tourne sa tête des heures durant
dans son lit) ?
comme si la clôture carcérale
empêchait tout jeu de vertige.
On peut faire l’hypothèse que
ce sont dans ces circonstances
“d’ennui mortel”, réel ou imaginé, que le risque d’entrer
dans la dépendance toxicomaniaque est le plus fort.
De la transe à la
“bourre”, un gouffre
Le Courrier : En quoi la nuit
constitue-t-elle un cadre particulier de l’expérience sociale ?
(voir “Le Monde de la nuit”,
dont toutes les dimensions
temps espace sont transformées, les conduites horsmesures, transgressives, ordaliques, etc.) (8).
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V. N.-G. : C’est peut-être tout
cela à la fois, mais je ne veux
pas tomber dans l’interprétation psychologique qui n’est
pas mon domaine. J’ai simplement analysé le phénomène de
l’ivresse comme mise en péril
de l’humain dans l’homme –
c’est l’homme debout, un pied
levé, figure étudiée par l’anthropologue Françoise HéritierAugé, qui définit la virilité. Il
me semble que ce vertige
cénesthésique, transculturel,
que cette recherche de la vitesse ne sont pas suicidaires, puisqu’il s’agit avant tout de se
prouver que l’on ne tombe pas.
En revanche, l’ivresse est bien
jubilatoire, une jubilation différente d’un plaisir comme celui
de l’orgasme, point abstrait et
invisible d’une radicale modification intérieure. L’ivresse est
un moment d’intenses expérimentations, qui permet d’atteindre des sensations auxquelles on n’a pas accès “dans
l’ordinaire”.
Dans une prison, l’ennui mortel
cloue au sol le corps du détenu ;
il est frappant de constater qu’il
ne balance plus les bras,
V. N.-G. : Le rapport au temps
et à l’espace subit certaines
variations la nuit qui présentent
des homologies avec celles que
l’ivresse produit. La nuit est
enivrante d’emblée. Ainsi, les
antinomies entre l’avant et
l’après, le haut et le bas, le voir
et le sentir, entre le monde
socialisé, le monde cosmique et
l’espace intime ont tendance à
se réduire alors pour un sujet
enivré et insomniaque qui “vit
la nuit”. La problématique de la
vitesse et des conduites ordaliques, celle des “inventions”
risibles ou inquiétantes du
groupe en pleine dérive noctambule et alcoolisée doivent
tenir compte de leur contexte
“naturel”, à savoir dans un
décor nocturne, une imprégnation alcoolique. Ce contexte est
perçu comme naturel, puisque
sa construction imaginaire est
culturellement investie.
Le Courrier : Les sociétés
humaines n’ont-elles pas toujours été en recherche du
“vertige”, contrôlé, maîtrisé,
médiatisé par des prêtres,
chamans, soufis, chefs spirituels divers... ?
Le Courrier des addictions (2), n° 3, septembre 2000
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V. N.-G. : Oui, bien sûr, lorsque
l’ivresse, la transe s’inscrivent
dans le sacré, ce qui se passe
dans d’autres cultures non occidentales, l’épreuve du vertige
est à la fois légitime et collective, codée par les règles du groupe. Nos expériences de “défonce” et d’ivresse, fussent-elles
dans des fêtes d’un nouveau
“rite” (les raves), ne mettent en
jeu que la santé de l’individu
apparemment.
Il me semble qu’aujourd’hui, la
recherches d’état psychoactif
s’inscrit dans une culture de la
jeunesse et de la virilité
contemporaine et de la
construction de l’individualisme. Les performances nocturnes où toutes les ivresses
sont recherchées par le groupe
de jeunes “qui s’amusent” mettent en scène les modèles
sociaux d’inconduites comme
par jeu. L’ivresse permet le jeu.
Le rire du buveur
et le rictus
du toxicomane (3)
Le Courrier : Nous avons
parlé des conduites d’excès,
de l’ivresse, mais non des
conduites de dépendance
avérées, de l’alcoolisme et
de la toxicomanie. Peut-on
mettre les deux sur le même
plan ?
V. N.-G. : Peut-être en termes
médicaux, psychiatriques, mais
sûrement pas si on analyse l’un
et l’autre d’un point de vue
phénoménologique. Ainsi, ce
n’est pas un hasard si les alcoologues désignent comme socialisé l’abus de boissons alcoolisées, l’opposant ainsi, sans le
dire, à celui des drogues, forcément anomique, qui provoque
le désenclavement social du
sujet. Dans nos images culturelles, le drogué semble plus
solitaire, plus froid et pâle,
plus maigre et “dur”, plus
silencieux que l’ivrogne reconnaissable à sa trogne fleurie, à
ses gestes de clown (3). Il est
plus jeune, moins “viril”,
moins rassurant que le beauf de
comptoir dessiné par Cabu.
D’ailleurs, on n’imagine pas
un lieu de convivialité “autour
de la drogue”, au contraire le
toxicomane est perçu comme
zonant dans les parkings, les
squares, les caves, et n’est
jamais amical. Aux confins de
ce stéréotype négatif, on trouve
la figure de la délinquance. En
revanche, l’ivrogne est imaginé
dans notre société comme un
“clown social” qui fait rire,
même s’il dégoûte un peu, qui
fait tout à l’envers et porte
l’image en miroir du groupe
social, rassurant parce qu’il
draine l’absurdité du monde.
Le toxicomane semble plus
seul, il est “à côté” et non “à
l’envers”. Bref, le buveur fait
rire, le toxicomane fait peur.
En France, la tolérance culturelle en face de l’alcool et de
l’ivresse est liée à une histoire
longue de la consommation de
ce toxique licite.
Féminin, masculin :
façons de s’inconduire
Le Courrier : Les femmes
peuvent-elles boire et fumer
de la “même façon” ? Avec
la même recherche ? Les
mêmes significations ?
V. N.-G. : Il est vrai que les
révolutions techniques concernant le monde du travail ménager, la maîtrise de la conception, l’accession massive des
femmes au travail, et cela
depuis un demi-siècle, contribuent, entre autre, à libérer le
corps de la femme de son
propre décor domestique et, à
la dégager d’une partie des
représentations de la féminité
dans lesquelles elle était enfermée (1). Du coup, les jeunes
femmes ont tendance aujourd’hui à fumer plus que les
hommes et, bien sûr, elles boivent de plus en plus. En un mot,
elles accèdent, non seulement à
l’égalité relative (en droit) des
statuts, mais encore elles partagent mimétiquement les gestes
et les habitudes masculines.
Néanmoins, elles ne “collent”
pas avec les figures masculinisées, viriles, du boire, de
l’ivresse. Une femme “ne
siffle” pas un cognac au comptoir, sinon elle “serait comme
un mec”. Et le ferait-elle, sombrant comme lui dans l’inconduite sociale, dans l’excès,
qu’elle mettrait en péril la filiation, livrant son corps en spectacle de débauche, menaçant, si
elle est enceinte, sa descendance (2, 3). Bien des campagnes
d’éducation pour la santé lancées par les pouvoirs publics
tablent précisément sur l’identité de génitrice des femmes,
les motivant à cesser de fumer
et de boire en raison de leur
espoir d’enfants, de leur beauté
potentiellement altérée par la
fumée et l’alcool, et aussi sur
leur rôle irremplaçable de gardienne de la santé de leur foyer
et donc de la collectivité. Il faut
avoir bien chevillé à l’esprit
que la “nature” féminine, ou
plus justement la formation
d’un habitus particulier lié à la
position originale des femmes,
aux problèmes de la reproduction et à leur spécificité, leur
interdit de verser dans les
mêmes débauches aux allures
de cirque et de démonstrations
conjuratoires contre la peur et
l’ennui que leurs homologues
masculins (4). Il n’existe pas de
“Mères Nickelées” comme les
trois “Pieds” de la BD qui
lèvent plus souvent qu’à leur
tour le pied et le goulot, pas
non plus de Madame le Capitaine
Haddock sifflant dans la bonne
humeur
clownesque
des
flasques de whisky. Quant à
Falbala ou Bonnemine, elles ne
sèchent pas des brocs de cervoise de conserve avec Obélix
(3). C’est, en effet, aux femmes
qu’est traditionnellement dévolu l’entretien journalier des
objets et des corps à l’intérieur
du foyer. Même encore, elles
sont vouées aux soins de proximité avec la petite enfance, à
l’accompagnement débonnaire
des leurs dans toutes les étapes
de leur vie, à la nutrition, à la
santé, à la modération. Elles
sont les héroïnes sans histoire
d’une culture du souci sécrétée
par une persistance de l’assignation au foyer, même si les
femmes en sortent, physiquement, de plus en plus souvent
(2). L’eau, l’hiver, la vieillesse,
la mort, la salade, les fruits, les
soupes, les tisanes, les fleurs,
les parfums, le froid et l’humide
sont du côté du féminin. La vie,
au besoin débordante, l’été, la
chaleur, voire le feu et donc
l’alcool, les viandes rôties, épicées, sont du côté du masculin
(5). Aussi, le spectacle de
l’ivresse est-il chez la femme,
non seulement gênant mais
franchement dégoûtant : elle
n’est jamais drôle, mais toujours inquiétante ; lorsqu’elle
met en péril, à coup d’alcool, sa
verticalité d’être humain, elle
risque bien plus que trébucher
comme son compagnon : on
anticipe chez elle ses immanquables débordements d’ivresses
sexuelles auxquels la portent ses
ivresses alcooliques. S’il s’agit
d’une buveuse plus âgée, elle
est forcément un Untermensch,
un sous-être humain qui ne
pourra pas déclencher la compassion ni même le rire. Dans
le stéréotype, la clocharde est
pire encore que le clochard (3).
Mais dans la réalité, tous les
individus, hommes, femmes,
détruits par leurs propres
conduites de dépendance, quelles
qu’elles soient, se ressemblent
(2).
La figure de la masculinité
implique un déni de la faiblesse
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et de l’émotion sauf en ce qui
concerne le sport.
Pour enfin pouvoir pleurer,
“l’Homme”, le vrai, doit boire,
pas la femme
Le Courrier : Du fait même
de son habitus, la femme
n’est-elle pas aussi acculée à
d’autres “démesures” alimentaires (comme l’anorexie, la
boulimie...) ?
V. N.-G. : Hommes et femmes
n’ont pas le même rapport aux
consommations. Peut-on faire
l’hypothèse que l’anorexie,
majoritairement féminine, est
le pendant de la pathologie
symétrique de l’alcoolisme
masculin ? Cette hypothèse
pour le moment suppose une
analyse pluridisciplinaire (sociologie, psychiatrie) qui n’a pas
encore donné de résultat.
Le Courrier : Le boire
“raide” et le fumer “comme
un pompier” seraient-ils de
même des vertus exclusivement “viriles”, “fonctionnant”
de conserve avec le viol, la
violence ? Dans ces conditions, que boivent les femmes
et comment ?
V. N.-G. : Les femmes ont, bien
sûr, leur façon de boire, et
contribuent d’ailleurs à promouvoir une esthétique des
goûts et des pratiques, sinon
féminisées, du moins plus raffinées.
Si l’alcoolisme féminin existe
de façon moins visible culturellement que celui des hommes,
les femmes “modernes et libérées” fument et boivent comme
les hommes apparemment.
Néanmoins, on constate que le
choix de consommation n’est
pas le même. Par exemple, le
succès économique mondial du
champagne est tout à fait lié au
fait que les femmes l’ont choisi
comme boisson “féminine”,
contrairement au cognac.
Comme s’il s’agissait pour
elles d’éviter toute infraction
identitaire qui trahissait leur
“féminité”. Fumer des cigarettes blondes et boire du champagne sont des consommations
féminisées. Fumer des gros
cigares et boire des alcools
forts restent des choix “virils”.
Les différences entre le boire
féminin et le boire masculin
sont liées à toutes les différences qui séparent les stéréotypes de la féminité et ceux de
la masculinité. Devant la peur
de la mort et l’ennui de l’attente, la menace que pourraient
constituer les excès de consommation d’alcool perd totalement de sa légitimité. En face
du danger, le guerrier boit.
Jean-Pierre Castelain décrit
bien, lui aussi, dans L’Île et la
peur (4), comment et pourquoi
les pêcheurs d’une île de
Bretagne buvaient comme des
trous en groupe, avant d’embarquer et au retour des longs
séjours en mer. Une façon
d’exorciser la peur, d’affronter
le large et de ménager, comme
en témoigne le chapelet des
cafés entre le port et le village,
un sas de transition entre la
terre et la mer, l’univers viril du
risque, de l’aventure et le foyer
dans lequel l’attendent la
femme et les enfants. C’est
aussi pour vaincre l’effroi de la
rencontre avec lui, ou plutôt
amadouer le gardien des
ténèbres, que les mineurs de la
Cordillère des Andes, une
chique de piccho (boule de
feuilles de coca enroulées
autour d’un morceau de chaux)
coincée dans la joue, aspergent
le sol d’alcool ou de bière avant
d’en consommer collectivement de grandes quantités
(Carmen Salazar-Soler, Le gardien des Ténèbres : rites miniers
dans les Andes, Autrement
n° 191, Désirs d’ivresse). C’est
aussi pour consommer chaque
jour les transgressions de la
métamorphose du sexe et de la
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prostitution, que les travestis
algériens du periph parisien
versent force “rosé dans leur
verre à thé” (Annie Garnier, Du
rosé dans un verre à thé, travestis algériens avec contrepoint, Id.).
Le lien entre violence et virilité
passe par l’alcool dans les imaginaires et dans les pratiques.
Cela signifie-t-il que la
femme ne soit que douce et
pacifique ? Certes non, mais
sa violence, elle la retourne
surtout contre elle-même,
commettant fort rarement des
violences sexuelles et des
crimes de sang, si ce n’est...
contre son corps, c’est-à-dire
le plus souvent contre ses
enfants, rarement contre
d’autres hommes. Une femme
n’est (presque) jamais serial
killer (2). Décidément, hommes
et femmes n’ont pas les
mêmes inconduites d’excès,
en tous les cas vis-à-vis de
l’alcool.
Références bibliographiques
1. Corps de femmes. In : Le siècle rebelle. Dictionnaire de la contestation au XXe siècle, Larousse,
1999.
2. Le féminin. Hachette-Livre 1996.
3. Le rire du buveur, le rictus du toxicomane. Individus sous influence. Drogues, alcools, médicaments psychotropes. Alain Ehrenberg, Éditions Esprit Mai 1991.
4. Alcool et guerre en ex-Yougoslavie, 1991-1993. Autrement sur désirs d’ivresse, alcools, titres
et dérives, coll. Mutations 2000 ; n°191.
5. Fillaut T, Tsikounas Histoire et alcool. Logiques sociales. L’Harmattan 1999.
6. L’ingouvernable gratuité : les conduites de vertige. Cahiers de l’IREB, 1993.
7. L’ennui ordinaire. Austral 1995.
8. Ivresse, nuit, quelques aspects phénoménologiques. Revue alcoologie, SFA 1993.
– Conduites extrêmes et rêve d’intensité. Dépendance et conduites de consommation, Inserm
Paris, Questions en santé publique, 1997.
– Remettre à demain, in sociétés et représentations, CREDHESS 1997.
– Histoire et anthropologie des conduites d’alcoolisation en France. Après-demain 1994 ; n° 368.
– Une scène d’ivresse. Psychotropes, Revue internationale des toxicomanies, 1995.
– Boire un coup. Terrain 1989 ; n° 13.
– VotIfrah C, Mathelin M. De l’ivresse à l’alcoolisme. Études ethnopsychanalytiques. Inconscient
et Culture, Dunod 1989.
– Le boire dans les milieux de grande pauvreté en France. Cahiers de l’IREB 1990, 1991, 1993.
– La culture de l’ivresse. Essai de phénoménologie historique. Paris : Quai Voltaire 1991.
– Alcoolisme et toxicomanie : deux figures de l’excès, Cahiers de sociologie économique et culturelle, ethnopsychologie 1990.
– Alcool et Sciences sociales en France : un champ roturier In Bulletin du CREDHESS 1993.
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Le Courrier : Les femmes
fument-elles différemment des
hommes ?
V. N.-G. : Elles fument de
moins en moins différemment
des hommes. Le tabac ne per-
met pas de transgressions particulières, il ne produit pas
d’ivresse visible. Il ne donne
pas de rêves, ne désinhibe pas
les timides... Il intoxique, purement et simplement, si l’on
peut dire, “accrochant” l’un et
l’autre sexe, par un mélange
aux ressorts puissants encore
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Des documents d’aide au sevrage tabagique pour les professionnels
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La Caisse nationale d’assurance maladie et le Comité français d’éducation pour la santé ont réalisé plusieurs documents à l’usage des professionnels de la santé : un guide, avec l’Ordre des pharmaciens, pour
aider les professionnels à aborder, avec leurs patients, la question de
leur consommation de tabac, un dossier de suivi des consultations de
tabacologie, validé par la Société française de tabacologie, pour les
médecins exerçant dans le cadre des consultations de sevrage tabagique, deux brochures : Tabac, ouvrons le dialogue, et Hôpital sans tabac.
Comité Français d’éducation pour la santé, [email protected]
Le Courrier des addictions (2), n° 3, septembre 2000
bien peu élucidés, d’arômes
très complexes, de substances
innombrables (plus de 400, diton), dominés par la molécule
produisant entre toutes de la
dépendance : la nicotine. Tout
au plus peut-on (les femmes
surtout) lui trouver l’avantage
d’être un anorexigène, donc de
favoriser le contrôle du poids et
considérer l’arrêt comme négatif en regard de cette même
perte de contrôle. Fumer, pour
les femmes, est lié à l’histoire
de leur libération.
Patricia Depostis
Plus de consultations de tabacologie
Une circulaire Martine Aubry-Dominique Gillot en
date du 3 avril, destinée aux agences régionales d’hospitalisation, renforce
les moyens d’accès au sevrage tabagique.Ainsi, la loi de Finances 2000 inscrit un budget de 25 millions de francs pour porter de 250 à 450 le nombre
des consultations de tabacologie dans les hôpitaux de plus de 500 lits.
Parallèlement seront mises en place des unités de coordination de
tabacologie (dotées d’une infirmière à temps plein et de six vacations médicales hebdomadaires de 3 h 30) dont la mission sera de
promouvoir le sevrage tabagique en milieu hospitalier, en organisant
F. A.R.
des formations pour le personnel soignant.
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