Introduction aux thérapies cognitivo-comportementales V. Pomini, PhD Unité d’Enseignement des Thérapies Cognitivo-comportementales Institut de Psychothérapie Département de Psychiatrie Université de Lausanne Malévoz 2007-08 Plan du cours 1. La thérapie comportementale et cognitive: aperçu général 1. 2. 3. 4. 2. Définitions et caractéristiques des TCC Des théories de l’apprentissage à l’intervention clinique Les modèles cognitifs La démarche d’analyse d’un trouble en TCC L’entretien motivationnel 1. Les principes de base 2. L’empathie 3. La gestion des résistances 3. Interventions cognitives et comportementales dans le traitement de l’anxiété 1. Modèles de l’anxiété 2. Les techniques de gestion de l’anxiété 3. Les thérapies d’exposition 1 1. La thérapie comportementale et cognitive : aperçu général 1.1 Définitions & caractéristiques des TCC Que sont les thérapies comportementales et cognitives? • La TCC est une forme scientifiquement reconnue de psychothérapie adaptée au traitement de problèmes psychiques. • Elle part du fait que les pensées, les réactions corporelles et les raisonnements sont en grande partie des réactions apprises. • La TCC est centrée sur la problématique. • Elle est axée vers des objectifs. • Elle implique une collaboration. • Elle est transparente. 4 • Elle est une aide à l’auto-assistance. D’après la définition de la Société suisse de thérapie comportementale et cognitive Définition de la TCC • Axe théorique – Les TCC se caractérisent par l’application des théories scientifiques de la psychologie clinique, sociale et expérimentale • Axe pratique – Les TCC se caractérisent par l’utilisation de certaines techniques d’intervention qui lui sont associées historiquement : désensibilisation systématique, exposition, restructuration cognitive, l’entraînement des compétences sociales, etc. • Axe méthodologique – Les TCC se caractérisent par un souci constant d’évaluer au mieux leur efficacité sur la plan clinique et psychosocial : études contrôlées et études de cas unique La définition de la TCC ne peut pas être figée car cette approche évolue au rythme de l’évolution des sciences fondamentales et appliquées auxquelles elle fait référence. 5 1 Références théoriques principales • Théories de l’apprentissage Modèles pavlovien et skinnérien Î conditionnements classique et opérant Apprentissage vicariant Î – – méthodes d’exposition, de contre-conditionnement jeux de rôles, entraînement des compétences sociales • Psychologie cognitive – Traitement de l’information Î restructuration cognitive, résolution de problèmes • Psychologie sociale Théories de l’attribution, Î de l’inférence sociale Cognition sociale Î – – 6 réattribution modification des schémas, autorégulation Pomini, Neis & Perrez (2002) Autres références théoriques actuelles • Dynamique des systèmes – Modèles de l’autorégulation • Psychologie du développement – Théories de l’attachement • Psychologie des émotions – Modèles cognitifs • Théories de la personnalité – Tempérament, traits et troubles de personnalité • Neurosciences – Psychophysiologie, neurobiologie, etc. 7 Pomini, Neis & Perrez (2002) Caractéristiques générales de la thérapie comportementale et cognitive • Structurée – Limitée dans le temps – Basée sur un plan de thérapie et des agendas de séance • Orientée sur les problèmes actuels – Peu de référence au passé + focalisée sur les conduites problématiques • Active et plutôt directive • Collaborative et transparente • Orientée sur la mesure de son efficacité – Etudes de cas uniques + études contrôlées 8 Blackburn & Davidson (1990) 2 Quelques idées préconçues erronées sur la TCC • La TCC ne s’intéresse qu’à réduire les symptômes, elle ne s’attaque jamais aux vraies causes. • La TCC est une thérapie terre-à-terre et simpliste. • La TCC n’est qu’un ensemble de techniques et de recettes. • La TCC guérit en quelques séances. • La TCC ne s’intéresse pas à la relation thérapeutique. 9 Les étapes d’une TCC • Phase d’indication – Analyse et évaluation des problèmes – Hypothèse de travail – Proposition de traitement • Phase de traitement – Mise en œuvre des techniques d’intervention – Evaluation de leur efficacité • Phase de fin d’intervention et de suivi – Prévention de la rechute – Travail sur l’autogestion – Fin de la thérapie 10 Eventuellement nouvelles cibles thérapeutiques Pomini, Neis & Perrez (2002) Etapes générales d’une TCC Phase 1 : indication Développement d’une relation thérapeutique favorable 11 • Présentation du problème et formulation initiale des buts (méthode centrée sur le client) • Informations générales sur la thérapie (modèle adopté, investissement et efforts attendus de la part du client, etc.) • Analyse de la motivation • Analyse fonctionnelle des problèmes • Recueil et évaluation de données (auto-observation, questionnaires, tests, etc.) • Elaboration d’hypothèse (conceptualisation du cas) • Redéfinition des buts • Explications précises des méthodes d’intervention envisageables et discussion sur leur indication Pomini, Neis & Perrez (2002) 3 Etapes générales d’une TCC Phase 2 : traitement Maintien de la relation thérapeutique favorable • Mise au point commune du plan de la thérapie • Réalisation de la thérapie conjointement à l’analyse continue des comportements, des cognitions et du vécu affectif : application des méthodes d’intervention selon le plan stratégique imaginé. • Tâches à domicile • Evaluation continue de la thérapie avec, si nécessaire, reformulation des hypothèses et modification de la stratégie et des méthodes d’intervention. 12 Pomini, Neis & Perrez (2002) Etapes générales d’une TCC Phase 3 : fin de traitement Maintien de la relation thérapeutique favorable Fin de la relation thérapeutique, séparation • Evaluation finale de la thérapie : bienfaits et limites du traitement, niveau d’acquisition et maintien de conduites appropriées de gestion des problèmes dans les situations réelles • Travail sur la prévention des rechutes • Travail sur l’autonomisation du patient : le patient devient son propre thérapeute. • Résumé de l’ensemble des facteurs considérés efficaces par le client et feedbacks au thérapeute • FIN (avec ou sans suivi catamnestique régulier ou sessions de rappel). 13 Pomini, Neis & Perrez (2002) Structure classique d’une séance en thérapie comportementale et cognitive • Accueil • Agenda de séance • Révisions des tâches à domicile • Travail sur l’objectif-clé de la séance • Assignation de tâches • Synthèse de la séance, commentaires 14 Hautzinger (2000) 4 Les rôles du thérapeute et du client THERAPEUTE Attitude professionnelle Expertise dans le domaine d’activité CLIENT Collaboration et coopération avec le thérapeute Authenticité, honnêteté Capacités d’écoute active empathique et de directivité Réalisation des tâches prescrites hors séance Objectivité, neutralité Acceptation des limites interpersonnelles imposées par le cadre thérapeutique Flexibilité, souplesse et tolérance Catalyseur, guide Coach, motivateur Transparence Autocontrôle Attribution d’une priorité élevée à la thérapie Attitude expérimentale et orientée vers le changement Droit à la résistance, au refus 15 L’empirisme collaboratif Ensemble et côte à côte client et thérapeute mettent à jour les processus psychologiques sousjacents aux difficultés sur lesquelles le client souhaite travailler, …le client en tant qu’expert de lui-même et de son vécu, …le thérapeute comme guide, spécialiste et garant de la méthode de travail. 16 Le travail sur la relation thérapeutique • Réflexion en supervision sur le respect plus ou moins total des rôles préétablis du thérapeute et du patient : quel sens donner à un manque de respect et comment y réagir? • Travail personnel du thérapeute sur ses propres cognitions, émotions et conduites comme thérapeute. • Importance de l’alliance thérapeutique et de la collaboration pour la réussite du traitement : travail actif pour le maintien de cette alliance. • Travail direct sur la relation thérapeutique quand cette dernière représente un obstacle à la poursuite du traitement. • Travail direct sur la relation thérapeutique comme exemple ici et maintenant d’une problématique du patient. 17 5 1.2 Des théories de l’apprentissage à l’intervention clinique Les deux conditionnements • Conditionnement classique (pavlovien, répondant) – Association Stimulus – Réponse (S – R) – C’est l’environnement qui détermine les réactions de l’individu. • Conditionnement opérant (skinnérien) – Association Réponse – Conséquence (S – R – C) – Les conséquences positives augmentent la probabilité du comportement – Les conséquences négatives diminuent la probabilité d’appartition du comportement – Ce sont les conséquences de ses conduites qui influent sur le choix de comportemental l’individu. Les conséquences sélectionnent les conduites. – Le stimulus joue le rôle de signal discriminatif pour le choix comportemental et non plus de déterminant des réponses. 19 Le chien de Pavlov 1. Réflexe = salivation - stimulus = nourriture 2. Stimulus neutre à conditionner : son de clochette 3. Répétition de l’association : clochette Î nourriture (Î salivation). 4. Conditionnement : clochette Î salivation. 5. Extinction : clochette Î pas de salivation. 20 Doré (1983) 6 Avant le conditionnement SI RI Stimulus Inconditionnel Réponse Inconditionnelle - SN Aucune réponse particulière Stimulus Neutre (non conditionnel) Forget et al. (1988) 21 Premier essai d’association SN Stimulus Neutre SI RI Stimulus Inconditionnel Réponse Inconditionnelle Rattention 22 Forget et al. (1988) Conditionnement par répétition de l’association SC(N) Stimulus Conditionnel (Neutre) SI Stimulus Inconditionnel RI = RC Réponse conditionnée R attention 23 Forget et al. (1988) Parfois, une seule association suffit à créer le conditionnement. 7 Résultat SC Stimulus Conditionnel RC (SI) Réponse conditionnée Stimulus Inconditionnel (RI) Réponse Inconditionnelle 24 Forget et al. (1988) Conditionnement classique SC SI Berger allemand Absence du maître Grognements Os à ronger Niche Morsure 1 2 RI Douleur, anxiété SC RC Chien Anxiété Phobie apprise par conditionnement classique. 25 Avant le conditionnement : les réponses aléatoires Sd Stimulus discriminatif 26 R1 R2 R3 R4 CC0 C+ CDoré (1983) 8 Renforcement et sélection progressive d’une réponse Sd Stimulus discriminatif R1 R3 R3 R5 C0 C+ C+ C- 27 Doré (1983) Issue : ancrage de la réponse sélectionnée Sd Stimulus discriminatif R3 R3 R3 R3 C+ C+ C+ C+ 28 Doré (1983) Schéma général du conditionnement opérant Sd Stimulus Discriminatif R C Réponse renforcée Conséquence renforçante K Contingence de renforcement 29 Forget et al. (1988) 9 Exemple : je sympathise Sd R Une femme me regarde et me sourit C Je l’approche et entame la conversation Elle me répond et nous sympathisons K Contingence élevée : chaque fois qu’une femme me regarde, me sourit et que je l’aborde, nous sympathisons. Contingence faible : c’est très rare que la femme qui m’a regardé et souri sympathise avec moi une fois que je l’ai abordée. 30 Conditionnement opérant : les « bienfaits » de l’alcool Sd « J’ai un peu le cafard et ne me sens pas à l’aise dans cette soirée où je connais peu de monde et où les gens ne m’ont pas l’air très accueillants » R C Je bois plusieurs verres de vin Je me sens plus détendu et ouvert. Je rencontre de nouvelles personnes sympathiques. K Contingence élevée : chaque fois que je bois de l’alcool, je me sens mieux et le contact avec les autres est bien plus simple. Contingence faible : quand je bois de l’alcool, je fais rarement des rencontres intéressantes, au contraire je me renferme encore plus. 31 32 Conséquences pour le sujet Défavorables augmente Favorables Renforcement positif Renforcement négatif diminue Probabilité d’apparition du comportement Les contingences de renforcement Punition Aversion Neutres Extinction Doré (1983) 10 Renforcement positif 1. Robert joue au casino à une machine à sous. 2. Il gagne une belle somme d’argent sur cette machine. 3. Il continue à jouer au casino (voire uniquement sur cette machine). 33 Renforcement négatif 1. Juliette ressent une vive angoisse particulièrement désagréable devant son assiette de spaghetti (elle craint que ce repas ne la fasse trop grossir). 2. Elle écarte l’assiette, décide de ne pas la manger et retourne dans sa chambre. Elle se sent soulagée de ne pas avoir mangé. 3. Elle refuse de manger des spaghetti, dit ne plus les aimer. Elle évite les repas. 34 Punition 1. Albert roule à une vitesse excessive sur l’autoroute quand un radar le flashe juste à la sortie d’un tunnel. 2. Albert se voit signifier un retrait de permis de deux mois. 3. Albert évite les excès de vitesse dans les tunnels sur l’autoroute. 35 11 Aversion 1. Gérard se promène de nuit dans un quartier peu recommandable de la ville. 2. Il est attaqué par une bande de jeunes mal famés fréquentant le quartier. 3. Gérard évite de se promener dans ce quartier la nuit (puis même le jour). Il change de trottoir quand il voit un groupe de jeunes sur sa route. 36 Extinction 1. Carlos parle avec ses amis du championnat de football régional. 2. Ses amis n’en font pas cas et orientent toujours la discussion sur un autre thème. 3. Carlos ne parle plus avec ses amis du championnat de foot régional. 37 Le modèle comportemental général Schéma SORC Situation Organisme Conséquence Réaction 38 12 1.3 Les modèles cognitifs La cognition CONTENUS PROCESSUS éléments Pensées Images mentales Sons mentaux Opérations cognitives dimensions pathologiques Distorsions, erreurs cognitives Problèmes d’attention, de concentration, de planification, etc. Pensées / images dysfonctionnelles, perturbatrices, obsessionnelles, croyances erronées, etc. 40 La cognition : opérations cognitives • Processus attentionnels – Attention sélective, soutenue • Processus mnémoniques – Encodage, stockage, rappel, reconnaissance • Fonctions exécutives – Planification, anticipation, contrôle, intention, métacognition • Inférences, raisonnement – Déduction, induction, assimilation, accommodation 13 Les cognitions : contenus • Pensées • Attentes, expectatives • Dialogue interne, autoinstructions – Anticipations, exigences, attentes d’efficacité et de résultat • Concept de soi – Image de soi, estime de soi, identité • Explications, interprétations – Explications, interprétation, assignation de sens • Souvenirs – Evaluations, jugements • Images mentales – Attribution de causalité – Superstitions, croyances McMullin (2000) Processus du traitement de l’information Observable Situation Comportement Perception Choix de la réponse Sélection Elaboration des objectifs Couvert Fonctions cognitives simples Identification Fonctions cognitives complexes Définition de la situation Mémoire de travail Mémoire à long terme 43 Brenner (1986) La mémoire • Mémoire déclarative (explicite, consciente) – – – – Encodage Stockage Récupération Oubli • Mémoire non déclarative (implicite, inconsciente) – Processus d’habituation, de sensibilisation – Conditionnements – Apprentissages procéduraux implicites (habiletés, règles) 44 Squire & Kandel (2002) 14 Les trois systèmes de la mémoire déclarative Répétition Stimuli perception Mémoire sensorielle attention Mémoire à court terme encodage Mémoire à long terme rappel Oubli Oubli Atkinson & Shiffrin (1968) 45 La cognition humaine : pensée automatique et contrôlée Schémas (filtres d’interprétation) 1. Opérations cognitives automatiques Situation Ces droites sontelles de même longueur? Processus de vérification 2. Attention c’est une illusion d’optique! Pensée automatique « Non, elles le sont pas. Celle du bas paraît plus longue » 3. Pensée contrôlée « Oui, elles le sont. » 46 L’apprentissage par observation PROCESSUS ATTENTIONNELS Encodage symbolique Organisation cognitive Modèle Distinctivité Stimuli modèles PROCESSUS DE RETENTION Complexité Rappel symbolique Rappel moteur Valeur affective Valeur fonctionnelle Observateur Capacités sensorielles Niveau d’éveil PROCESSUS DE REPRODUCTION Capacités physiques Répertoire comportemental Auto-observation Précision et correction du feedback Attentes PROCESSUS MOTIVATIONNEL 47 Bandura (1976) Performance Comportement imitatif Renforcement des conduites modèles : bénéfices attendus de la performance Auto-incitation 15 Modèle ABC A B C Activating event Belief Emotional Consequence Ce ne sont pas les événements en soi qui troublent les personnes mais les pensées qu’elles ont à leur sujet. Ellis & Harper (1994) 48 Quelques exemples d’analyse ABC • Jean est en rage parce que son patron l’a critiqué pour son retard dans le rapport Müller. – A : critique du patron – B : Jean se dit que cette critique n’est pas très juste parce que la secrétaire n’a pas dactylographié à temps le rapport – C : Jean se sent en colère • Géraldine se regarde dans le miroir et s’attriste – A : Géraldine observe son corps dans le miroir – B : Elle a l’impression d’être grosse – C : Elle se sent triste 49 McMullin (2000) Quelques évidences courantes pour le modèle cognitif ABC On peut changer l’émotion sans rien modifier dans l’environnement 50 – Les pensées changent mais pas le lieu où on se trouve. – Les images changent mais pas le contexte réel. – L’interprétation change mais pas la situation. – Les anticipations changent mais pas la situation. McMullin (2000) 16 Quelques autres évidences courantes pour le modèle cognitif ABC Avec les patients on peut rechercher des évidences pour le modèle ABC en empruntant diverses voies : – À partir du vécu « ici et maintenant » du patient – A partir d’un exercice de décentration – A partir d’un essai de changement de pensée – A partir d’exemples tirés de la vie du patient 51 McMullin (2000) A la recherche des évidences pour le modèle ABC : mon propre exemple • Les meilleurs exemples sont ceux que l’on a soimême trouvés – Rechercher une situation où j’ai vécu une émotion intense. – Quel était le déclencheur externe vraisemblable de l’émotion? – Quel était mon discours intérieur à ce moment? RECHERCHEZ VOS PROPRES EXEMPLES ! 52 McMullin (2000) Modèle cognitif de Beck A Situation B Pensée automatique C Affect, émotion, humeur 53 17 Modèle cognitif de Beck Processus de traitement de l’information Croyances Processus d’interprétation Pensée automatique Situation Affect, émotion, humeur 54 Modèle cognitif de Beck Croyances Hypothèses, règles Situation Anxiété, stress Affect, humeur Patron donne une pile de travail et de multiples instructions associées Processus d’interprétation Pensée automatique cf. figure suivante 55 Modèle cognitif : exemple Croyances Hypothèses, règles « Je suis quelqu’un de mauvais, d’incompétent.» Hypothèses : 1) « Si je fais mal mon travail, les autres verront mon incompétence. On va me licencier» Règle : « Je dois toujours réaliser mon travail à la perfection. Je n’ai pas droit à l’erreur. » Processus d’interprétation Pensée automatique Distorsion cognitive : inférence arbitraire « Je ne vais pas y arriver, c’est trop de travail à la fois. » 56 18 Les pensées automatiques Pensées en situation, sur le moment • Spontanées, brusques • Automatiques, involontaires, répétées • Spécifiques, précises, idiosyncrasiques • Non réfléchies mais plausibles • Courtes • Acceptées même si non validées par l’expérience 57 Mirabel-Sarron & Rivière (1993) Les croyances (ou schémas) • Postulats, règles et convictions intimes de la personne relatifs à l’évaluation de soi et aux relations avec les autres. • Filtres d’interprétation de la réalité. • Peu flexibles, s’expriment en termes absolus, simplistes et souvent dichotomiques ou peu différenciés. • Plus ou moins constants dans la vie du patient (peuvent être « dormants »). • Touchent différentes thématiques centrales de la philosophie de vie de la personne : amour, compétence, performance, morale, autonomie, valeur, devoirs et droits. 58 J. Beck (1995) Des croyances aux pensées automatiques Expériences du passé Croyance de base Schéma conditionnel Evénement Pensée automatique J. Beck (1995) Parents critiques et sévères, rarement contents des activités ou des résultats de leur fils. Malmené par ses pairs à l’école. Timidité. « Je ne vaux rien. Il vaudrait mieux que je n’existe pas. » « Si je fais tout parfaitement, on me respectera, on m’aimera. Je n’ai pas le droit de dire non. Je dois toujours être disponible. » Impossibilité de finir ce travail pour demain et d’aider le fils dans ses devoirs. « Je ne vais pas y arriver. Je ne suis pas un bon père, ni un bon employé. Je devrais tout quitter. » 59 19 Le modèle cognitivo- comportemental Schémas, croyances Situation Organisme Conséquence Processus cognitifs Réaction 60 20 1.4 La démarche d’analyse d’un trouble en TCC Indications différentielle et adaptative • Indication différentielle – Choix du traitement en fonction du diagnostic – Se base sur l’efficacité différentielle des traitements • Indication adaptative – Choix du traitement en fonction d’une hypothèse de compréhension : – Choix du traitement en fonction des ressources thérapeutiques à disposition – Choix du traitement en fonction de l’objectif négocié • L’indication adaptative est hiérarchiquement supérieure à l’indication différentielle. Elle doit donc être systématiquement réalisée par le thérapeute et fait partie intégrale du traitement. 62 Pomini, Neis & Perrez (2002) Indication différentielle à la TCC • Troubles anxieux • Troubles alimentaires • Dépression • Gestion du stress, burnout • TOC • Schizophrénies • Troubles de l’adaptation • Troubles de la personnalité • Troubles du contrôle des impulsions 63 • Troubles douloureux et somatoformes • Dysfonctions sexuelles • Prévention des maladies cardio-vasculaires • Dépendances • Promotion de la santé • Retard mental • Problèmes de compliance médicamenteuse Cottraux (1998) 21 Etapes de l’indication adaptative à la thérapie I. Identification des problèmes II. Choix d’un problème cible III. Traduction comportementale du problème cible IV. Observation et mesures V. Analyse fonctionnelle VI. Hypothèse de compréhension du problème VII. Proposition d’intervention 64 Inventaire multimodal des problèmes Niveau d’analyse Types de problèmes Cognitif Î Pensées perturbatrices, obsédantes, difficultés de concentration, rêves / rêveries anxiogènes, etc. Affectif Î Emotions dysfonctionnelles fréquentes Social, relationnel Î Conduites asociales, isolement, déficits en compétences sociales, relations interpersonnelles problématiques... Comportemental instrumental Î Activités domestiques et professionnelles, hygiène et soins personnels, conduites consommatrices, etc. Perceptif, sensoriel Î Perceptions / sensations inhabituelles, exacerbées... 65 Kuehnel & Liberman (1991) Description comportementale : gardez le CAPP! Comportement Î Réaction, conduite, activité, mais aussi évitement, renoncement Affect Î Emotions de base : colère, anxiété, joie, tristesse, dégoût, honte, surprise Î Discours intérieur, images mentales, Pensée Physique pensées, explications personnelles, jugements, etc. Î Sensations et réactions physiques, 66 22 Exercice Traduire les problèmes ci-dessous en comportements observables et analysables. 1. Il a un toc de lavage. 2. Il est insomniaque. 3. C’est un manipulateur 67 Analyse fonctionnelle synchronique : Schéma SORCK Stimuli antécédents discriminatifs S Æ Réponse Réaction Comportement Organisme O R Æ Conséquence Æ C K Contingence 68 Kanfer & Saslow (1969) Analyse fonctionnelle d’un trouble : stimuli déclencheurs et organisme • Stimuli déclencheurs – Circonstances d’apparition du trouble – Déclencheurs externes ou internes • Facteurs de potentialisation ou de facilitation – Facteur augmentant l’impact des stimuli déclencheurs ou facilitant la réaction pathologique • Facteurs modérateurs ou apaisants – Facteurs réduisant la fréquence du trouble, son intensité ou la force des stimuli déclencheurs 69 Emmelkamp, Bouman, & Scholing (1992) 23 Analyse fonctionnelle d’un trouble : conséquences • Conséquences à court terme des comportements adoptés – Conséquences immédiates de la conduite – Réactions de l’entourage • Conséquences à long terme – Conséquences négatives ultérieures : généralisation du trouble, enchaînement à d’autres troubles – Handicaps – Bénéfices du troubles dans la vie du patient – Gains au changement? Emmelkamp, Bouman, & Scholing (1992) 70 Grille SECCA (Cottraux) analyse synchronique Anticipation Cottraux (2004) Situation Emotions (réponses) Système personnel de croyances Pensées automatiques Comportement ouvert Cognition Imagerie Entourage (environnement social) 71 Grille SECCA (Cottraux) analyse diachronique • Données structurales possibles – génétiques – personnalité Cottraux (2004) • Facteurs historiques de maintien • Facteurs déclenchants initiaux invoqués • Evénements précipitants les troubles • Traitements précédents • Maladies physiques 72 24 Grille SECCA : exemple analyse synchronique Anticipation Vérifier soulage l’anxiété Quitter l’appartement, se coucher le soir, quitter le bureau : « Ai-je bien éteint les lumières? » Situation Anxiété Emotions Système personnel de croyances Responsabilité personnelle en cas de malheur Pensées automatiques Rituels de vérification « Je dois vérifier si tout est en ordre » Comportement ouvert Cognition Imagerie Entourage (environnement social) 73 Mari participe aux vérifications et rassure Incendie, vol, saccage, dégâts Grille SECCA : exemple • Données structurales possibles analyse diachronique – Génétiques : père souffrant d’un TOC léger, sœur anxieuse – Personnalité : traits perfectionnistes + dépendance • Facteurs historiques de maintien – Génétiques : père souffrant d’un TOC léger, sœur anxieuse • Facteurs déclenchants initiaux invoqués – Première rupture sentimentale – Examens de fin d’apprentissage – Premier emploi : patron particulièrement sévère et intransigeant, souvent menaçant 74 Apparition progressive des conduites de vérification associée à des conduites de lavage (disparues par la suite) Grille SECCA : exemple analyse diachronique • Evénements précipitant les troubles – Licenciement pour restructuration (interprétée par la patiente comme étant une employée de mauvaise qualité, pas assez consciencieuse, faisant des fautes professionnelles) puis nouvel emploi • Traitements précédents – Traitement médicamenteux SSRI : efficacité modérée, mais dosage insuffisant – Soutien psychothérapeutique non spécifique : conseils : quelques éléments utiles mais insuffisants pour s’en sortir • Maladies physiques – Nihil 75 25 Références bibliographiques Atkinson, R. C., & Shiffrin, R. M. (1968). Human memory : a proposed system and its control processes. In K. W. Spence & J. T. Spence (Eds.), The psychology of learning and motivation (Vol. 2). New York: Academic Press. Bandura, A. (1976). L'apprentissage social. Bruxelles: Pierre Mardaga. Beck, J. S. (1995). Cognitive therapy : basics and beyond. New York: The Guilford Press. Brenner, H. D. (1986). Zur Bedeutung von Basisstörungen für Behandlung und Rehabilitation. In W. Böker & H. D. Brenner (Eds.), Bewältigung der Schizophrenie. Multidimensionale Konzepte, psychosoziale und kognitive Therapien, Angehörigenarbeit und autoprotektive Anstrengungen (pp. 142-158). Bern: Hans Huber. 76 Cottraux, J. (2004). Les thérapies comportementales et cognitives. Paris : Masson (4e éd). Références bibliographiques Doré, F. Y. (1983). L'apprentissage. Une approche psycho-éthologique. Montréal / Paris: Chenelière & Stanké / Maloine Editeur. Ellis, A., & Harper, A. (1994). L'approche émotivo-rationnelle. Montréal: Editions de l'Homme.Blackburn, I.-M., & Davidson, K. (1990). Cognitive therapy for depression and anxiety. Oxford: Blackwell Scientific Publications. Emmelkamp, P. M. G., Bouman, T. K., & Scholing, A. (1992). Anxiety disorders. A practitioner's guide. Chichester: John Wiley & Sons. Forget, J., Otis, R., & Leduc, A. (1988). Psychologie de l'apprentissage : théories et applications. Brossard, QC: Editions Behaviora.Hautzinger, M. (2000). Kognitive Verhaltenstherapie bei Depressionen. Weinheim: Psychologie Verlags Union, Beltz. 77 Kanfer, F. H., & Saslow, G. (1969). Behavioral diagnosis. In C. M. Franks (Ed.), Behavior therapy : appraisal and status (pp. 417-444). New York: MacGraw Hill. Références bibliographiques Kuehnel, T., & Liberman, R. P. (1991). Evaluation fonctionnelle (F. Lelord, Trans.). In R. P. Liberman (Ed.), Réhabilitation psychiatrique des malades mentaux chroniques (pp. 50-100). Paris: Masson. McMullin, R. E. (2000). The new handbook of cognitive therapy techniques. New York: W.W. Norton & Company. Mirabel-Sarron, C., & Rivière, B. (1993). Précis de thérapie cognitive. Paris: Dunod. Pomini, V., Neis, L., & Perrez, M. (2002). L'approche cognitive et comportementale en psychothérapie. In N. Duruz (Ed.), Traité psychothérapie comparée (pp. 285-312). Chêne-Bourg/Genève: Médecine & Hygiène. Squire, L. R., & Kandel, E. R. (2002). La mémoire. De l'esprit aux molécules (B. Desgranges & F. Eustache, Trans.). Bruxelles: DeBoeck Université. 78 26