Virus Ebola : « Sans moyens humains, la situation restera hors de

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Virus Ebola : « Sans moyens humains, la
situation restera hors de contrôle »
PAR THOMAS SAINT-CRICQ
ARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 5 AOÛT 2014
Le virus Ebola a fait 887 morts en Afrique de
l’Ouest depuis mars dernier et l’épidémie continue
de se propager. Face à la défiance des populations
locales, Médecins sans frontières appelle l’OMS, qui
se réunit demain en urgence, à déployer davantage de
personnels de terrain.
Le virus Ebola continue de faire des ravages. Hier soir
lundi 4 août 2014, l’OMS faisait état de 887 morts en
Afrique de l’Ouest, principalement en Guinée, Sierra
Leone et Liberia, les trois foyers où l’on a identifié le
virus en mars dernier.
Depuis le dernier bilan daté du 30 juillet, 61
cas mortels de plus ont été recensés, signe d’une
propagation ahurissante dans cette zone à cheval sur
les trois pays désormais nommée “triangle Ebola”.
Le virus, baptisé Ebola depuis son identification sur
les bords de la rivière éponyme au Zaïre (actuelle
République démocratique du Congo) en 1976, a causé
presque autant de décès ces six derniers mois qu’au
cours des quarante années précédentes.
Le 23 juillet dernier, l’ONG Médecins sans
frontières, installée en Guinée puis sur toute la
zone depuis mars dernier, avait déclaré la situation
« incontrôlable ». Contacté par Mediapart, le
responsable des programmes MSF Pierre Mendiharat,
a appelé hier l’OMS et les pays occidentaux à
s’impliquer davantage dans la région : « Nous avons
déjà 600 personnes sur place, mais on assiste à une
multiplication des zones contaminées. Pour arrêter
la propagation, il faudrait suivre Ebola à la trace
en localisant chaque porteur du virus, puis ouvrir un
centre de traitement dans chaque zone l’on observe
des transmissions. Aujourd’hui, c’est devenu hors de
contrôle, nos capacités sont dépassées. »
La lutte contre la progression d’Ebola dans cette zone
grande comme les trois quarts de la France réclame des
moyens humains considérables. Ebola ne se transmet
que par contact direct avec les fluides (salives, selles,
vomi) d’une personne infectée. Dans ces zones rurales
et pauvres de la forêt tropicale, où les conditions
d’hygiène restent faibles, le virus se propage très
facilement au sein d’une même famille ou d’une
communauté. Il suffit parfois de dormir dans les draps
d’une personne infectée ou de rester trop près au
chevet d’un malade pour être contaminé à son tour.
Mais alors que par le passé, les dernières épidémies en
Ouganda ou au Congo s’étaient cantonnées le temps
de quelques mois à des villages reculés, le virus apparu
l’hiver dernier en Guinée s’est propagé cette année
jusque dans les capitales des trois pays. « Même
lors des fortes épidémies observées en République
démocratique du Congo, vu l’état des routes du pays,
on arrivait à mieux limiter les déplacements des gens
et donc du virus. C’est beaucoup plus compliqué en
Guinée le réseau rend les gens plus mobiles et
le virus n’était jamais apparu auparavant. L’épidémie
a été diagnostiquée deux mois après l’apparition
du virus, le foyer était déjà important », explique
Sylvain Baize du Centre national de référence des
fièvres hémorragiques virales qui, avec les équipes du
laboratoire P4-Inserm de Lyon, ont été les premiers à
identifier le virus en mars dernier.
L’impossibilité d'arrêter Ebola est catastrophique
quand on connaît les caractéristiques du virus : Ebola
présente un taux de mortalité entre 60 et 70 %,
équivalent à celui de la variole ou de la peste en
d’autres temps en Europe. La période d’incubation
relativement longue – entre 6 et 12 jours, jusqu’à
21 pour certains peut conduire une personne à
contaminer tout son entourage sans même se rendre
compte de la maladie.
Après une période d'une à deux semaines de
fièvres, ponctuées d’hémorragie et de saignement
de toutes parts (bouches, yeux, nez), le porteur du
virus finit généralement par succomber. Il n’existe
aucun traitement spécifique, et sans soins secondaires
pour traiter la fièvre et les hémorragies, le patient
atteint peut mourir par hémorragie ou choc cardio-
respiratoire.
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Et c’est toute la difficulté pour les autorités
sanitaires et les ONG sur place. Dans cette zone
jusque-là vierge de toute épidémie de ce type, les
autorités sanitaires se sont heurtées à une forte
défiance de la population. Défiance naturelle d’abord
vis-à-vis de l’autorité politique dans des pays marqués
par la guerre civile. Puis rejet également des pratiques
des autorités sanitaires et des ONG, par coutumes
culturelles ou simplement par compassion, l’envie de
rester avec ses proches jusque dans ces derniers jours.
« La parole des politiciens est plus qu’émoussée dans
cette zone. Celle des autorités sanitaires sur place
aussi. Si vous êtes allé plusieurs fois à l’hôpital et
que vous en êtes revenu malade, vous n’avez plus
confiance », raconte Pierre Mendiharat.
Ainsi certaines familles refusent de livrer les corps
des dépouilles des défunts aux ONG et se contaminent
elles-mêmes lors des funérailles les mesures
de protections sont absentes. D’autres acceptent
au bout de plusieurs jours de négociations qu'un
proche contaminé soit soigné dans un centre de
soins, mais il est souvent trop tard pour éviter la
transmission. Et dans la panique, les ONG sont
parfois accusées par les populations locales de venir
disséminer volontairement le virus pour « faire des
tests », les étranges combinaisons de leurs personnels,
semblables à celles d’astronautes n’arrangeant rien à
la rumeur, rapporte M. Mendiharat.
Les personnels sanitaires dans les zones infectées. © Reuters
Pour rétablir la confiance, condition nécessaire pour
ralentir la progression, MSF explique collaborer avec
des anthropologues qui se rendent en urgence dans les
villages depuis mars, et travailler essentiellement avec
du personnel local (sur les 600 personnes envoyées en
mission, seules 80 viennent de l’étranger).
Mais ces précautions aujourd’hui sont insuffisantes, le
virus ayant largement débordé les équipes sur place.
Face à ce constat, les autorités ont pris des mesures
radicales la dernière semaine de juillet. Les trois pays
du “triangle Ebola” ont clos leurs frontières, le Liberia
a fermé ses écoles, et le gouvernement guinéen a
annoncé organiser un blocus des zones touchées en les
contrôlant au moyen de la police et de l’armée. Cette
dernière mesure pourrait « produire l’effet inverse, en
renforçant la défiance des populations contrôlées »,
explique le responsable de MSF, qui prône surtout
un renforcement des moyens humains et la formation
de personnels locaux qualifiés pour lutter contre le
fléau. « Avec plus de moyens humains, on peut stopper
le virus en quelques mois, sinon ça restera hors de
contrôle. »
Hier, lors du sommet africain à Washington, Margaret
Chan, directrice de l’Organisation mondiale de la
santé, a annoncé « qu’il était possible de contrôler
les flambées d’Ebola ». L’OMS se réunira demain,
mercredi, en comité d’urgence pour organiser une
réponse internationale à la propagation du virus. Si par
son mode de transmission Ebola semble maîtrisable
dans les pays occidentaux deux patients américains
et des personnels d’ONG ont été mis en quarantaine
dans un hôpital d’Altanta –, le virus se propage
désormais au Nigeria quatre cas, dont un mortel,
ont été recensés.
Le virus devra donc être chassé sans relâche, et tous
ses porteurs identifiés pour en venir à bout. C’est la
condition sine qua non pour contenir sa propagation.
En mai, l'effort de coordination entre les pouvoirs
locaux et les ONG avait presque permis d’y parvenir.
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