L E S P O R T C H E Z L ’ E N F A N T Le sport chez l’enfant ● L. Auriacombe*, F. Marçon**, E. Pedroni*** P O I N T S P O I N T S F O R T S F O R T S ■ Dans la très grande majorité des cas, un interrogatoire, un examen clinique et un ECG de repos suffisent pour se prononcer sur l’aptitude au sport d’un enfant. ■ L’échocardiographie-doppler et l’épreuve d’effort restent les examens complémentaires à proposer en cas de doute. ■ L’autorisation de la pratique du sport chez un enfant porteur d’une cardiopathie est toujours affaire de cas individuel. ■ Dans cette population, le risque de trouble du rythme favorisé par l’exercice doit toujours être présent à l’esprit et doit être prévenu. ■ Les contre-indications totales à la pratique du sport chez l’enfant cardiaque sont exceptionnelles. Il vaut mieux aujourd’hui parler d’aptitude sélective à certains sports que de contre-indications. D ès que l’enfant commence à marcher et à courir, le besoin de mouvement et de dépense physique devient une nécessité physiologique qu’il vit dans ses activités ludiques, indispensables à son équilibre et qui représentent souvent un effort maximal supérieur à celui de la pratique sportive. Puis, rapidement, se fait sentir le besoin de pratiquer le sport, poussé en cela soit par l’entourage, soit par l’importante médiatisation qui fait du sport, aujourd’hui, un phénomène de société. Dans le cadre scolaire, les enfants et adolescents sont d’ailleurs tous amenés à pratiquer une activité physique et sportive et à participer à une activité de groupe. Pour tous les enfants, l’activité physique est enrichissante, tant sur le plan physique que psychique et social. C’est ainsi que les médecins scolaires, les pédiatres, les généralistes, les médecins du sport et enfin les cardiologues sont confrontés à des problèmes d’aptitude au sport souvent délicats à résoudre. * Institut Cœur-Effort-Santé, Paris. ** Hôpital Brabois, Nancy. *** Chaire de cardiologie pédiatrique, université de Pavie, Italie. La Lettre du Cardiologue - n° 308 - mars 1999 Malheureusement, certains praticiens, peu familiarisés avec les aspects physiopathologiques des cardiopathies de l’enfant et avec les contraintes cardiovasculaires de chaque discipline sportive, préfèrent prononcer des interdits parfois abusifs plutôt que d’engager leur responsabilité dans un éventuel accident. Ils sont en cela volontiers poussés par les parents, généralement surprotecteurs, privant même ainsi les enfants des bienfaits du sport sur le pronostic de leur cardiopathie. Il faut savoir qu’interdire le sport à un enfant qui peut le pratiquer est une décision grave, qui doit être médicalement justifiée, comme d’ailleurs celle d’autoriser le sport à un enfant à risque. Il est toutefois impossible de systématiser l’attitude, car il ne s’agit que de cas particuliers pour lesquels entrent en jeu, dans la décision, non seulement la cardiopathie et le sport pratiqué, mais aussi tout un contexte physique, psychique, familial, scolaire et même géographique. Cette décision repose sur un bilan cardiologique, celui-ci ayant surtout pour but de ne pas passer à côté d’un trouble du rythme soutenu ou grave ou d’une myocardiopathie qui exposerait l’enfant au risque de mort subite (1). MÉTHODES D’INVESTIGATION Après avoir pris connaissance de l’anamnèse personnelle et familiale et de l’état fonctionnel de l’enfant, l’examen clinique comprend l’analyse de la morphologie, la mesure de la tension artérielle (2), la palpation des pouls et l’auscultation cardiaque. Seul l’électrocardiogramme de repos (ECG) nous paraît indispensable. Ce premier bilan suffit en général à prononcer l’aptitude d’un enfant apparemment sain et asymptomatique à la pratique sportive courante. En cas de doute, chez un enfant symptomatique ou atteint de cardiopathie, l’enquête se poursuit alors par un échodoppler. Malheureusement, les ultrasons ne peuvent être appliqués à tous, pour des raisons évidentes de matériel technique, humain, et de coût économique. En l’absence de contre-indication, l’épreuve d’effort (EE) est l’examen de référence. On utilise pour cela le tapis roulant ou le cyclo-ergomètre. Habituellement, on pratique l’EE dite “triangulaire” à puissance croissante, maximale, c’est-à-dire jusqu’à épuisement physique ou obtention de la fréquence cardiaque maximale théorique (FMT), qui se situe entre 190 et 200/min chez l’enfant. Les accidents sont exceptionnels, si l’on prend soin de bien poser les indications et de faire un écho préalable. On peut retenir trois grands types d’indication de l’épreuve d’effort : – l’enfant sportif de haut niveau, pour déterminer le niveau d’entraînement et les capacités de récupération ; 29 L E S P O R T C H E Z – l’enfant sain chez lequel on dépiste des anomalies “cardiaques” lors d’un examen systématique, ou se plaignant de manifestations fonctionnelles d’effort ; – l’enfant qui a une cardiopathie. L’EE fait alors partie de la surveillance périodique et peut éventuellement être sensibilisée par scintigraphie isotopique. Lorsque l’on suspecte un trouble du rythme, il est indispensable de pratiquer un enregistrement holter ECG sur 24 heures. Ce n’est que dans un second temps que la recherche de potentiels tardifs et/ou une étude électrophysiologique endo-œsophagienne ou endocavitaire seront envisagées. En cas d’hypertension artérielle (HTA) labile ou limite, il est intéressant de pratiquer une mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA), qui évalue la charge tensionnelle moyenne, détecte d’éventuelles poussées, et surtout permet d’éliminer l’effet “blouse blanche”. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet, si besoin, de préciser l’anatomie des gros vaisseaux intrathoraciques. Enfin, le cathétérisme cardiaque n’est plus pratiqué dans un but diagnostique, mais essentiellement dans l’optique d’un geste thérapeutique interventionnel. Au terme de ce bilan, on est donc en mesure d’évaluer le risque cardiologique ; il convient de le rapporter au risque de chaque sport en particulier, car la contrainte cardiaque impliquée est variable, non seulement en fonction du type d’activité, mais aussi en fonction de nombreux paramètres (âge, niveau technique, modalité d’entraînement, intensité de la pratique), ce qui rend difficile une classification. La plus couramment admise est celle de la Task Force (3), qui envisage les sports sous l’angle de l’effort requis et du risque de collision ou de syncope (tableau II, p. 26). Bien que l’attitude la plus permissive possible soit recommandée, il peut exister néanmoins des contre-indications, en général partielles, à la pratique du sport, tant chez les enfants sans cardiopathie que chez ceux qui ont une cardiopathie connue. C’est sans doute pour cela que les cas de mort subite sur les terrains de sport ou aux vestiaires deviennent de plus en plus exceptionnels. CARDIOPATHIES ORGANIQUES Envisageons donc le cas des enfants qui ont une cardiopathie connue pour laquelle ils sont suivis, ayant parfois bénéficié d’une ou plusieurs intervention(s) curatrice(s) ou palliative(s). Il s’agit presque toujours de cardiopathies malformatives. Avant d’aborder les problèmes d’aptitude cardiopathie par cardiopathie, précisons avant tout que la mort subite, même si elle est rarissime, doit être notre hantise et qu’elle survient presque toujours par trouble du rythme. Les sports dynamiques sont toujours préférables aux sports statiques, car l’effort est progressif, dosable, et ils favorisent le ralentissement de la fréquence cardiaque (FC) ainsi que l’abaissement de la TA (4). Cardiopathies contre-indiquant formellement le sport Elles sont rares : – Certaines cardiopathies cyanogènes complexes ne peuvent bénéficier d’une correction complète chirurgicale. La cyanose est 30 L ’ E N F A N T permanente et s’accentue très rapidement à l’effort. Ces enfants limitent d’ailleurs spontanément leurs activités ludiques. – Les myocardiopathies peuvent faire courir des risques de grave dysrythmie ventriculaire ou de bas débit d’effort ; la cardiomyopathie obstructive fait donc courir le plus grand danger de mort subite. – Plus généralement, toutes les cardiopathies qui comportent un risque de dysrythmie ventriculaire sévère font courir un risque de mort subite. – Les enfants qui ont une hypertension artérielle pulmonaire de repos supérieure à 60 mmHg ne doivent pas être autorisés à pratiquer une activité sportive. Cardiopathies ne contre-indiquant pas le sport Toutes les pratiques sportives et même la compétition sont autorisées dans bon nombre de cardiopathies : – Les shunts gauche-droite opérés ou non, à condition qu’il n’y ait ni HTAP, ni trouble du rythme ou de la conduction postopératoire. – Les sténoses valvulaires pulmonaires bénéficient maintenant de la valvuloplastie interventionnelle par ballonnet. On doit exiger un gradient VD-AP inférieur à 30 mmHg. – Les formes “échographiques” de prolapsus mitral sans trouble du rythme et les cardiopathies valvulaires “acoustiques” dont le retentissement hémodynamique est nul. – Les enfants porteurs d’extrasystoles auriculaires non répétitives et qui disparaissent à l’effort. Il en est de même des tachycardies de Bouveret si l’effort ne les favorise pas. Il est en revanche plus difficile d’affirmer la bénignité des extrasystoles ventriculaires, pour lesquelles un bilan rythmique complet, comprenant notamment la recherche de potentiels tardifs, est nécessaire. Les autres cardiopathies Entre ces deux extrêmes, se situent les cardiopathies les plus fréquemment rencontrées. ❏ Les sténoses aortiques posent les problèmes les plus délicats, car elles peuvent exposer au risque de mort subite d’effort dans les formes serrées. C’est pourquoi un contrôle annuel échographique et ergométrique est indispensable (5, 6). L’EE n’est pratiquée que pour des gradients < 80 mmHg ; sinon, il y a indication formelle à lever l’obstacle. D’une façon générale, la compétition sportive est toujours interdite, mais on peut autoriser la pratique de certains sports en fonction du résultat de l’EE, qui étudie le profil tensionnel et surtout recherche des signes de souffrance myocardique. Si l’épreuve est normale, le sport sera autorisé, en excluant toutefois la compétition. On déconseille les sports à environnement dangereux comme l’alpinisme, la plongée ou la piscine en collectivité, ainsi que les sports à risque de traumatisme thoracique. Les enfants atteints de coarctation isthmique aortique, qu’elle soit pure ou associée à d’autres malformations, sont maintenant opérés en période néonatale en cas de mauvaise tolérance (VG inadapté, HTA), soit de principe avant un an, sauf en cas de diagnostic tardif, ce qui n’est pas exceptionnel encore maintenant. Après l’intervention, les enfants sont régulièrement suivis de façon clinique, par écho-doppler. Finalement, arrive l’âge de pratiquer une activité physique ou sportive. L’examen de référence .../... La Lettre du Cardiologue - n° 308 - mars 1999 L E S P O R T C H E Z .../... est alors l’EE, avec mesure de la PAS d’effort, pratiquée annuellement chez tous ces enfants à partir de 4 ans, sur tapis roulant mais plus volontiers sur cyclo-ergomètre (à partir d’une taille de 1,30 m), compte tenu des difficultés d’évaluation de la pression artérielle sur tapis. On arrête l’épreuve si la pression artérielle systolique (PAS) atteint 250 mmHg chez l’enfant et 280 mmHg chez l’adolescent ou l’adulte. Dans notre expérience (7), 60 % des enfants ont un profil tensionnel d’effort (PTE) anormal par rapport à une population témoin, d’autant plus volontiers qu’ils ont été opérés tard et qu’il y a interposition de matériel synthétique. Certains enfants atteignent à l’effort une HTA critique malgré une réparation chirurgicale parfaite. Pour mieux comprendre ce phénomène, nous pratiquons dorénavant une étude de la fonction endothéliale, de la réactivité artérielle et de l’onde de réflexion du pouls par tonométrie d’aplanation. La fonction endothéliale est étudiée par écho-doppler “computérisé” en mesurant les diamètres artériels et l’épaisseur intima-média aux membres supérieurs et inférieurs. La réactivité artérielle est déterminée par des tests pharmacologiques (TNT) et par le test d’hyperhémie (8). Les risques théoriques encourus par ces patients lors de la pratique du sport sont directement liés aux poussées hypertensives d’effort sur des artères potentiellement anormales (9). En effet, 50 à 70 % des coarctations ont une bicuspidie aortique associée responsable d’une dilatation de l’aorte initiale ; 3 % ont des anévrismes du polygone de Willis, et la zone isthmique reste fragile. On peut alors concevoir que des poussées hypertensives ou des traumatismes thoraciques puissent favoriser des dissections aortiques ou des ruptures d’anévrisme. Il apparaît donc logique d’interdire toute pratique de sports à forte contrainte statique, dont l’haltérophilie est l’archétype, mais également les sports à haut risque de traumatisme thoracique comme le rugby, la boxe, le hockey sur glace ou le football américain, etc. De même, nous déconseillons les sports qui comportent des efforts statiques importants comme les sports de combat, les arts martiaux, la gymnastique et l’athlétisme hors piste. D’une manière générale, il faut toujours privilégier les sports d’endurance. En cas de coarctation aortique opérée, on peut donc proposer le schéma d’attitude suivant : une fois exclus les sports précités, l’aptitude au sport est fonction du PTE. Si le PTE est normal, on peut autoriser tous les sports, y compris en compétition. Si le PTE est anormal, mais que la PAS reste inférieure à 200 mmHg chez l’enfant et 230 mmHg chez l’adolescent, il faut interdire la compétition et conseiller la pratique exclusive de l’endurance. Si la PAS d’effort dépasse 200 mmHg chez l’enfant et 230 mmHg chez l’adolescent, il faut préconiser uniquement les sports à faible contrainte statique et dynamique. On recherche alors une coarctation redux, notamment par IRM, et on étudie la réactivité artérielle. On est parfois amené à prescrire un traitement hypotenseur par les vasodilatateurs. Insistons, pour terminer, sur l’intérêt du cardiofréquencemètre, en préconisant de ne pas dépasser une certaine fréquence cardiaque, sachant que la pression artérielle est bien corrélée à la fréquence. 32 L ’ E N F A N T ❏ Parmi les cardiopathies cyanogènes opérées, la tétralogie de Fallot est la plus fréquemment rencontrée. Il ne s’agit pas d’une malformation stéréotypée, et tous les intermédiaires existent entre la forme anatomique idéale, opérée de principe vers un an, et la forme sévère, ayant parfois nécessité une chirurgie palliative avant la cure complète. L’aptitude au sport dépend du résultat hémodynamique. L’étude de la réponse à l’effort de 105 enfants (10) nous permet de conclure qu’il existe une insuffisance chronotrope d’effort par défaillance sinusale, probablement secondaire au geste chirurgical. Pour délivrer l’aptitude au sport, nous exigeons donc : – absence de dysrythmie ventriculaire, – absence de trouble de la conduction, – RCT 0,55, – gradient VD-AP 30 mmHg, – pas de shunt résiduel (QP/QS 1,5), – pas d’insuffisance pulmonaire importante (PTDVD 10 mmHg). Il est bien sûr difficile de schématiser rigoureusement l’attitude, car tous les critères cités ne sont pas toujours réunis, et il s’agit la plupart du temps de cas particuliers (11, 12). Les transpositions des gros vaisseaux peuvent bénéficier de deux types de correction chirurgicale : la correction “physiologique” à l’étage auriculaire par l’intervention de Mustard ou Senning, ou la correction anatomique avec détransposition artérielle et réimplantation des ostia coronaires (Switch), plus couramment pratiquée aujourd’hui en période néonatale. Après correction atriale, l’adaptation à l’effort, déjà mauvaise, car c’est le VD qui assure la fonction systémique (13, 14), est souvent aggravée par une défaillance sinusale responsable d’une insuffisance chronotrope d’effort, incomplètement compensée par une augmentation de l’extraction tissulaire musculaire due à une élévation de la PAS (15, 16). Il en résulte donc une capacité physique en général moyenne, et il est recommandé une activité physique réduite aux sports d’adresse ou à l’endurance de faible niveau comme la bicyclette sur terrain plat ou la natation (sous surveillance). Les enfants opérés de Switch ont en général une fonction cardiaque normale et tous les sports sont autorisés, sauf s’il existe des anomalies coronaires. Après intervention de Fontan (anastomose atriopulmonaire) ou anastomose cavopulmonaire totale, le débit pulmonaire n’est plus assuré par le VD, qui est court-circuité ou inexistant (17). ❏ Quand on parle de pathologie coronarienne, on évoque habituellement les lésions ischémiques athéromateuses de l’adulte. Toutefois, les cardiopédiatres sont de plus en plus confrontés aux anomalies coronaires des enfants, congénitales ou acquises, heureusement exceptionnelles, mais souvent responsables de complications très graves et parfois mortelles (18). Il peut s’agir de fistules coronarocardiaques, d’une anomalie de naissance de la coronaire gauche, d’une anomalie de trajet de la coronaire gauche, de dilatations anévrismales de la maladie de Kawasaki (19), des coronaropathies des transplantés, des ponts ou trajets intramyocardiques, mais aussi des lésions coronariennes athéromateuses en cas d’hypercholestérolémie familiale. Les douleurs thoraciques des enfants, bien que rares dans cette pathologie, ne sont donc pas La Lettre du Cardiologue - n° 308 - mars 1999 L E S P O R T toujours anorganiques. L’aptitude dépend alors du retentissement ischémique des lésions, évalué à l’EE ou par scintigraphie. ❏ Le prolapsus valvulaire mitral représente une entité particulière, d’abord par sa fréquence, mais surtout par le risque de dysrythmie ventriculaire. C’est dire l’importance de l’enquête rythmique par holter et EE. Certains critères doivent inciter à la plus grande prudence et faire contre-indiquer la compétition. Ce sont : la notion de mort subite dans la famille, une insuffisance mitrale importante, un QT long, et surtout l’apparition d’ESV à l’effort. ❏ Les myocardiopathies (MCP) représentent un groupe très hétéroclite de cardiopathies. Lorsqu’elles sont secondaires à une autre cardiopathie, elles constituent une contre-indication au sport. La MCP obstructive peut être redoutable, surtout dans sa forme familiale, et fait courir le risque de mort subite. Les MCP dilatées hypokinétiques n’autorisent qu’une activité ludique limitée en l’attente de la transplantation cardiaque, qui sanctionne presque toujours cette cardiopathie. Les troubles du rythme ou de la conduction Les syndromes de Wolff-Parkinson-White (WPW) posent des problèmes d’aptitude parfois délicats à résoudre. En effet, ils peuvent mettre la vie en jeu pour peu que la période réfractaire antérograde de la voie accessoire soit courte ( 200 ms). Le problème de fond du syndrome de WPW est le risque vital par dégradation en fibrillation ventriculaire d’un trouble du rythme auriculaire grave, transmis au ventricule par un faisceau de Kent pouvant accepter des fréquences très rapides par voie antérograde. Le pronostic fonctionnel dépend de la survenue de crises répétées de tachycardie par rythme réciproque, qui perturbent ou menacent la vie de l’enfant et encore plus de l’enfant sportif (20, 21). Malheureusement, on sait que, chez l’enfant, la mort subite peut être la première manifestation de la maladie, surtout chez l’enfant sportif. Les enfants sont toutefois, a priori, protégés de la fibrillation auriculaire (FA) jusqu’à l’âge de 9 ou 10 ans. La période réfractaire est évaluée par stimulation œsophagienne au repos, à l’effort et sous isoprénaline, ou en mesurant l’espace RR le plus court au cours d’un passage en FA. Il importe avant tout de cibler les sujets à risque de mort subite. Outre une période réfractaire courte, déterminée par étude électrophysiologique, certains critères sont défavorables : – le caractère permanent de la préexcitation au holter, – la persistance de la préexcitation lors de l’EE, – la mauvaise tolérance de la FA, lorsqu’elle a pu être déclenchée. La fréquence est très rapide, les espaces RR sont très courts. En pratique, après écho-doppler, holter, épreuve d’effort (si l’âge le permet) et étude électrophysiologique (surtout après 10 ans), notre attitude est la suivante. En cas de période réfractaire longue : : sport autorisé, même en compétition. ● WPW avec crise de tachycardie : – si tachycardie bien tolérée, brève, documentée (QRS fins), non déclenchée par l’effort : autorisation au sport sans restriction ; ● WPW sans crise de tachycardie La Lettre du Cardiologue - n° 308 - mars 1999 C H E Z L ’ E N F A N T – si tachycardie mal tolérée : traitement antiarythmique (AA) par flécaïnide ou amiodarone ; – ablation en cas d’échec du traitement ou si pratique du sport de haut niveau. En cas de période réfractaire courte : – symptômes graves (syncopes) : ablation par radiofréquence (RF) ; – pas de symptôme et pas de vulnérabilité atriale : AA + sport sans compétition ; – pas de symptôme et vulnérabilité atriale (sujets à haut risque) : sport contre-indiqué + AA ou ablation suivant l’âge, la localisation du faisceau accessoire ou le désir de compétition ; – en cas de succès des méthodes ablatives, la compétition est autorisée. Il faut garder à l’esprit que la préexcitation peut disparaître avec le temps et que l’ablation par RF permet de traiter définitivement l’enfant ; toutefois, cette intervention n’est pas toujours sans risque, surtout chez le jeune enfant (22) et quand la voie accessoire est près du faisceau de His. Les blocs auriculo-ventriculaires (BAV) se présentent sous deux aspects différents. Ou bien il s’agit d’un BAV du premier ou du deuxième degré purement vagal, car le PR se raccourcit à l’effort : le sport est alors autorisé sans réserve. Ou bien il s’agit d’un BAV congénital : le BAV est en général complet, et la fréquence ventriculaire est variable. À l’effort, la FC ne dépasse que rarement 110/min, ce qui limite la performance et, par là, la capacité physique et sportive (23). Chez un enfant appareillé d’un stimulateur cardiaque, l’aptitude au sport dépend du type de stimulation. Bien sûr, tout risque traumatique doit être évité pour ne pas favoriser un déplacement de sonde. Le stimulateur double chambre fonctionnant sur le mode DDD permet une bonne adaptation rythmique à l’effort jusqu’à une fréquence limite programmable. Les troubles du rythme ventriculaires soutenus représentent une contre-indication formelle au sport. Les tachycardies ventriculaires (TV) catécholergiques sont déclenchées par l’effort et peuvent dégénérer en fibrillation ventriculaire mortelle. Une activité ludique et/ou sportive modérée ne peut être autorisée que si le traitement bêtabloquant prouve sa complète efficacité à l’EE. Le syndrome du QT long congénital isolé ou familial peut être responsable de torsades de pointe de repos ou d’effort. Tout sport est interdit, même sous traitement. CONCLUSION Il existe encore d’exceptionnelles contre-indications totales au sport, mais la plupart sont en définitive rares, même pour les enfants atteints de cardiopathie, et le deviennent de plus en plus avec les progrès de la chirurgie et la précocité du diagnostic et du traitement. Bien que nous recommandions l’attitude la plus permissive possible au terme d’un bilan cardiovasculaire adapté, il peut exister néanmoins des contre-indications, en général partielles, à la pratique du sport. Aujourd’hui, il faut parler d’aptitude sélective à certains sports plus que de contre-indications. C’est sans doute 33 L E S P O R T C H E Z grâce à cela que les cas de mort subite sur les terrains de sport ou aux vestiaires sont devenus de plus en plus exceptionnels. Les médecins traitants, les pédiatres, les médecins du sport et les cardiologues ont un rôle capital dans le dépistage et l’évaluation des risques vitaux. Ceux-ci doivent se compléter par l’information, l’orientation, la surveillance et la prévention des accidents, en collaboration étroite avec les parents et les enseignants, de façon à prendre en charge tous les enfants cardiaques, afin qu’ils s’épanouissent aujourd’hui dans l’activité sportive et plus tard dans leur vie socioprofessionnelle. ■ R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Maron B.J., Roberts W.C., Mc Allister H.A. et coll. Sudden death in young athletes. Circulation 1980 ; 62 : 218-29. 2. André J.L., Deschamps J.P., Gueguen R. La tension artérielle chez l’enfant et l’adolescent. Valeurs rapportées à l’âge et à la taille chez 17 067 sujets. Arch Fr Pediatr 1980 ; 37 : 477-82. 3. Mitchell J.H., Haskell W.L., Raven P.B. Medicine and science in sport and exercise. Official Journal of the American College of Sports Medicine. Classification of Sports 1994 ; 26, 10 (Suppl.) : 242-6. 4. Auriacombe L., Pedroni E. 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