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LE SPORT CHEZ L’ENFANT
La Lettre du Cardiologue - n° 308 - mars 1999
est alors l’EE, avec mesure de la PAS d’effort, pratiquée annuel-
lement chez tous ces enfants à partir de 4 ans, sur tapis roulant
mais plus volontiers sur cyclo-ergomètre (à partir d’une taille de
1,30 m), compte tenu des difficultés d’évaluation de la pression
artérielle sur tapis. On arrête l’épreuve si la pression artérielle
systolique (PAS) atteint 250 mmHg chez l’enfant et 280 mmHg
chez l’adolescent ou l’adulte. Dans notre expérience (7), 60 %
des enfants ont un profil tensionnel d’effort (PTE) anormal par
rapport à une population témoin, d’autant plus volontiers qu’ils
ont été opérés tard et qu’il y a interposition de matériel synthé-
tique. Certains enfants atteignent à l’effort une HTA critique mal-
gré une réparation chirurgicale parfaite.
Pour mieux comprendre ce phénomène, nous pratiquons doré-
navant une étude de la fonction endothéliale, de la réactivité arté-
rielle et de l’onde de réflexion du pouls par tonométrie d’apla-
nation. La fonction endothéliale est étudiée par écho-doppler
“computérisé” en mesurant les diamètres artériels et l’épaisseur
intima-média aux membres supérieurs et inférieurs. La réactivité
artérielle est déterminée par des tests pharmacologiques (TNT)
et par le test d’hyperhémie (8).
Les risques théoriques encourus par ces patients lors de la pra-
tique du sport sont directement liés aux poussées hypertensives
d’effort sur des artères potentiellement anormales (9). En effet,
50 à 70 % des coarctations ont une bicuspidie aortique associée
responsable d’une dilatation de l’aorte initiale ; 3 % ont des ané-
vrismes du polygone de Willis, et la zone isthmique reste fragile.
On peut alors concevoir que des poussées hypertensives ou des
traumatismes thoraciques puissent favoriser des dissections aor-
tiques ou des ruptures d’anévrisme.
Il apparaît donc logique d’interdire toute pratique de sports à
forte contrainte statique,dont l’haltérophilie est l’archétype, mais
également les sports à haut risque de traumatisme thoracique
comme le rugby, la boxe, le hockey sur glace ou le football amé-
ricain, etc. De même, nous déconseillons les sports qui compor-
tent des efforts statiques importants comme les sports de combat,
les arts martiaux, la gymnastique et l’athlétisme hors piste. D’une
manière générale, il faut toujours privilégier les sports d’endu-
rance.
En cas de coarctation aortique opérée, on peut donc proposer le
schéma d’attitude suivant : une fois exclus les sports précités,
l’aptitude au sport est fonction du PTE. Si le PTE est normal, on
peut autoriser tous les sports, y compris en compétition. Si le PTE
est anormal, mais que la PAS reste inférieure à 200 mmHg chez
l’enfant et 230 mmHg chez l’adolescent, il faut interdire la com-
pétition et conseiller la pratique exclusive de l’endurance. Si la
PAS d’effort dépasse 200 mmHg chez l’enfant et 230 mmHg chez
l’adolescent, il faut préconiser uniquement les sports à faible
contrainte statique et dynamique. On recherche alors une coarc-
tation redux, notamment par IRM, et on étudie la réactivité arté-
rielle. On est parfois amené à prescrire un traitement hypoten-
seur par les vasodilatateurs. Insistons, pour terminer, sur l’intérêt
du cardiofréquencemètre, en préconisant de ne pas dépasser une
certaine fréquence cardiaque, sachant que la pression artérielle
est bien corrélée à la fréquence.
❏Parmi les cardiopathies cyanogènes opérées, la tétralogie
de Fallot est la plus fréquemment rencontrée. Il ne s’agit pas
d’une malformation stéréotypée, et tous les intermédiaires exis-
tent entre la forme anatomique idéale, opérée de principe vers un
an, et la forme sévère, ayant parfois nécessité une chirurgie pal-
liative avant la cure complète. L’aptitude au sport dépend du résul-
tat hémodynamique. L’étude de la réponse à l’effort de
105 enfants (10) nous permet de conclure qu’il existe une insuf-
fisance chronotrope d’effort par défaillance sinusale, probable-
ment secondaire au geste chirurgical. Pour délivrer l’aptitude au
sport, nous exigeons donc :
–absence de dysrythmie ventriculaire,
–absence de trouble de la conduction,
–RCT 0,55,
–gradient VD-AP 30 mmHg,
–pas de shunt résiduel (QP/QS 1,5),
–pas d’insuffisance pulmonaire importante (PTDVD 10 mmHg).
Il est bien sûr difficile de schématiser rigoureusement l’attitude,
car tous les critères cités ne sont pas toujours réunis, et il s’agit
la plupart du temps de cas particuliers (11, 12).
Les transpositions des gros vaisseaux peuvent bénéficier de deux
types de correction chirurgicale : la correction “physiologique”
à l’étage auriculaire par l’intervention de Mustard ou Senning,
ou la correction anatomique avec détransposition artérielle et
réimplantation des ostia coronaires (Switch), plus couramment
pratiquée aujourd’hui en période néonatale.
Après correction atriale, l’adaptation à l’effort, déjà mauvaise,
car c’est le VD qui assure la fonction systémique (13, 14), est
souvent aggravée par une défaillance sinusale responsable d’une
insuffisance chronotrope d’effort, incomplètement compensée
par une augmentation de l’extraction tissulaire musculaire due à
une élévation de la PAS (15, 16). Il en résulte donc une capacité
physique en général moyenne, et il est recommandé une activité
physique réduite aux sports d’adresse ou à l’endurance de faible
niveau comme la bicyclette sur terrain plat ou la natation (sous
surveillance).
Les enfants opérés de Switch ont en général une fonction car-
diaque normale et tous les sports sont autorisés, sauf s’il existe
des anomalies coronaires.
Après intervention de Fontan (anastomose atriopulmonaire) ou
anastomose cavopulmonaire totale, le débit pulmonaire n’est plus
assuré par le VD, qui est court-circuité ou inexistant (17).
❏Quand on parle de pathologie coronarienne, on évoque habi-
tuellement les lésions ischémiques athéromateuses de l’adulte.
Toutefois, les cardiopédiatres sont de plus en plus confrontés aux
anomalies coronaires des enfants, congénitales ou acquises, heu-
reusement exceptionnelles, mais souvent responsables de com-
plications très graves et parfois mortelles (18). Il peut s’agir de
fistules coronarocardiaques, d’une anomalie de naissance de la
coronaire gauche, d’une anomalie de trajet de la coronaire gauche,
de dilatations anévrismales de la maladie de Kawasaki (19), des
coronaropathies des transplantés, des ponts ou trajets intramyo-
cardiques, mais aussi des lésions coronariennes athéromateuses
en cas d’hypercholestérolémie familiale. Les douleurs thoraciques
des enfants, bien que rares dans cette pathologie, ne sont donc pas
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