LUDWIG VAN BEETHOVEN – UN COMPOSITEUR « LIBRE » AU

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LUDWIG VAN BEETHOVEN – UN COMPOSITEUR « LIBRE »
AU SOMMET DE SON ART
II – Une route jalonnée de chefs-d’œuvre
De la musique sur fond de guerre
La guerre fait rage en Europe. En 1793, quelque 23 000 soldats français sont assiégés
dans la ville de Mayence qu'ils occupaient ; l'année suivante les jeunes troupes
révolutionnaires ont atteint la rive gauche du Rhin à hauteur de Coblence. Pour gagner Vienne,
il faut traverser les lignes françaises. La capitale autrichienne s'est allégée d'une partie de ses
habitants et les activités industrielles ont cessé. Léopold II, menaçant, s'est déclaré prêt à
intervenir en France si les autres puissances l'en priaient. Bref, il règne un peu partout un
climat délétère. Malgré ces préoccupations, des spectacles sont cependant régulièrement
organisés.
Vienne
BEETHOVEN effectue des voyages à l'étranger pour y donner des concerts. A Vienne,
il continue de se faire remarquer par des mécènes appartenant à l'aristocratie. Après le prince
Karl LICHNOWSKY déjà cité (cf. compte-rendu précédent), le prince Joseph von
LOBKOWITZ, Generalmajor (général de brigade) dans l'armée autrichienne et Rodolphe
d'AUTRICHE, frère de l'empereur, le prennent sous leur protection.
Les temps ont bien changé. Pendant longtemps, les compositeurs, les musiciens en
général étaient au service d'un grand seigneur ou d'une communauté religieuse et ne
jouissaient pas nécessairement d'une grande considération. J-S BACH à Weimar sera jeté en
prison pour avoir désobéi et le poste de Kantor pourtant prestigieux et convoité à Leizig sera
la cause d'une très grande servitude. HAYDN devait porter la livrée des domestiques. Quant
à MOZART, il prend ses repas à l'office, un office hiérarchisé où la place qui lui était assignée
se situait entre les valets et les cuisiniers. BEETHOVEN, lui, reçoit une pension sans être
soumis à une quelconque obligation, sinon celle d'assumer son métier de musicien.
Malheureusement le montant de cette pension est aléatoire car à l'époque des guerres dans
lesquelles l'Autriche est engagée (Bataille de Jemappes en 1792, bataille de Fleurus en 1794)
la nécessité d'entretenir l'armée est prioritaire, ce qui a pour conséquence la réduction voire
la suppression des subventions. BEETHOVEN, va donc devoir s'accommoder des leçons
particulières, de l'édition de ses œuvres, du produit de ses récitals. Heureusement sa
renommée grandit vite. Il est déjà considéré comme le plus grand virtuose de Vienne. Il se
distingue par sa virtuosité, la facilité qu'il montre à improviser, son inspiration si particulière
et sa fougue. C'est un musicien très apprécié. Pourtant une catégorie de détracteurs, ceux qui
avaient été capables de rejeter MOZART et les inévitables acrimonieux trouveront qu’« il
saisit les oreilles, ne touche pas le cœur » Étrange critique pour un compositeur qui, justement,
vise surtout à l'émotion ! Malheureusement cette caractéristique lui « collera longtemps à la
peau »
Prince Lichnowsky
Prince Lobkowitz
BEETHOVEN à ce stade de son évolution explore toutes les formes musicales, une
prédilection étant toutefois marquée pour son instrument le piano-forte. Il écrit des pièces de
diverse nature dont nombre de Variations sur un thème donné, des pièces de fantaisie dont
les Bagatelles et surtout ce monument des 33 Sonates. Celles-ci contiennent de nombreuses
références au langage de HAYDN mais portent, dès les premières, des marques typiquement
beethovéniennes à commencer par la recherche des contrastes. Ainsi, à la 1ere Sonate
tourmentée, ombrageuse, s'opposer à la seconde limpide et joyeuse, véritable hommage à
HAYDN, la troisième brillante et virtuose ou la quatrième relevant de l'écriture de piano
« symphonique », très dense, etc.
Morceau choisi
Les Sonates pour piano-forte
Sonate pour piano n° 8 en ut mineur op. 12 dite « Pathétique »
C'est une œuvre qui date de 1798-1799, écrite pour le piano-forte ou encore le clavecin
(qui jette ses derniers feux). Elle est dédiée au prince LICHNOWSKY. Il s'agit du premier
chef-d’œuvre pour piano compose par l'auteur, bien au-dessus des meilleures
compositions répertoriées WoO.
Fragment
1er mouvement : Allegro
Après un grave (c'est le nom d'un mouvement lent) introductif, très tendu, très
pathétique caractérisé par des accords avec notes altérées, des retards 1de longs silences
expressifs, le premier thème de l'exposition se veut virtuose, tumultueux. Le second très
contrasté – beaucoup plus que chez HAYDN et MOZART – revêt un caractère primesautier,
presque malicieux.
Le développement, ordinaire, est introduit par un retour du grave et la réexposition
s'autorise quelque liberté. Le grave, de nouveau, précède une brève coda.
Les Concertos pour le piano
Le grand modèle ¨ : plus que HAYDN, les 27 Concertos pour piano de MOZART.
Le concerto est une œuvre où un ou plusieurs instruments « concertants », dialoguent
avec un orchestre
BEETHOVEN entend préserver la forme traditionnelle (avec quelques entorses
cependant). Mais au genre soliste accompagné, il tend à privilégier le dialogue souvent
poétique ou en forme d'affrontement parfois entre l'orchestre et le soliste traité
symphoniquement. L'évolution sera surtout sensible à partir du 3e Concerto.
Morceaux choisis
Concerto pour piano N° 1 en ut majeur op 15
Il est vraisemblablement postérieur au 2e Concerto, mais ce dernier remanié en 1798
a permis à l'un et à l'autre de reprendre la place actuellement assignée à chacun.
Fragment
1er mouvement : Allegro con brio
Cette entrée en matière est encore très tributaire de HAYDN et de MOZART et s'inscrit
dans la lignée des concertos classiques.
3e mouvement : Rondo
C'est une œuvre brillante qui se démarque déjà de ses modèles car il s'en dégage une
énergie exceptionnelle et use d'une rythmique peu coutumière à cette époque.
Les Quatuors à cordes
BEETHOVEN assume l'héritage important de HAYDN créateur du genre. (68 Quatuors
écrits de 1757 à 1803 en quelque cinquante ans) et de MOZART qui perfectionne l'écriture,
sans jamais cesser de se référer à l'exemple de ses devanciers, notamment Joseph HAYDN.
La composition des 16 Quatuors de BEETHOVEN a déterminé un mode de classement
devenu quasi officiel. On distingue en effet
- Les 6 premiers Quatuors de l'op. 18 (1798-1800) très influencés par HAYDN
- Les Quatuors du n° 7 au n° 11, dits « médians » (1805-1510). Ils marquent
une grande évolution. La qualité qui les caractérise les a rendus particulièrement populaires.
On retient plus particulièrement les trois premiers (N° 7 8 9) dédié au comte Razumovski,
ambassadeur de Russie à Vienne
1
Retard : note provenant de l'accord précédent et volontairement maintenue pour créer en général une dissonance
expressive qui se résoudra un peu plus tard.
- Les derniers Quatuors (N° 12 à 16). Ils ont été écrits après que quinze années
se sont écoulées. Ils sont postérieurs à la IXe Symphonie et se révèlent d'une exceptionnelle
qualité. Ils témoignent des souffrances, des interrogations, des moments de paix intérieure de
rémission. Techniquement, ils portent trace des conquêtes que l'auteur ne cesse d'accomplir.
Un quatuor à cordes
De gauche à droite : 1er violon, 2e violon, alto, violoncelle
Morceaux choisis
Quatuor n° 6 en si b majeur op 18 n° 6
Après deux mouvements des plus conventionnels (nécessité d'un modèle où amende
honorable vis-à-vis de son vieux maître HAYDN?), l'auteur laisse éclater son besoin de
liberté dans les deux derniers mouvements.
Fragment
3e mouvement : Scherzo
Il s'agit d'un mouvement plein d'espièglerie caractérisé par sa fantaisie rythmique,
comme la syncope (décalage volontaire dû à l'attaque d'une note sur la partie faible du
temps renforcée par une accentuation à contre-temps.
4e mouvement : Adagio- Allegretto quasi allegro
Ce mouvement est sous-titré La Malinconia (La Mélancolie). Une phrase plaintive est
introduite par chacun des instruments à tour de rôle avant que n'éclate de façon
inattendue un thème d'allure populaire d'une franche gaîté. La Malinconia semble
vouloir de nouveau s'imposer, hésite entre tristesse et gaîté puis laisse place à la joie qui
explose en une coda débridée.
Un nouveau chapitre vient de s'ouvrir dans l'histoire du quatuor.
Les Symphonies
Comment se fait-il que l'un des plus grands compositeurs de symphonies – 9, dont la
grandiose dernière avec solistes et chœur – ait tant tardé à aborder un genre pourtant
particulièrement prisé en Allemagne ? Même WEBER et WAGNER, plus connus comme
auteurs d'opéras, ont laissé au moins une symphonie. A 30 ans, HAYDN en avait écrit une
vingtaine, soit 5 % de sa production de ce genre. MOZART avec ses 38 symphonie sur 41
avait presque achevé son œuvre symphonique. BEETHOVEN pour sa part abordera tout juste
cette forme musicale.
Lorsqu'en 1789 ou 1800 il crée sa 1ere Symphonie, l'influence du HAYDN tardif est
manifeste, comme elle sera d'ailleurs pour la 2e Symphonie. Pourtant une idée nouvelle circule,
qui sera largement exploitée : la tonalité - et parfois des tonalités rares - doit être choisie en
fonction de la couleur à donner à chaque œuvre. Ainsi, do majeur traduit l'éclat, la majesté, la
pompe, la luminosité. Fa mineur exprime la langueur ou exhale la plainte. Ré mineur convient
au calme ou à la douleur (Requiem). Sol majeur offre une fraîcheur toute pastorale, comme
fa majeur d'ailleurs, etc. Nous avons déjà évoqué l'attirance de l'auteur pour la tonalité d'ut
mineur.
Morceau choisi
Symphonie n°1 en ut majeur op. 21
Évidemment les détracteurs de BEETHOVEN y entendront une « musique militaire (!) »,
qui « déchire bruyamment l'oreille sans jamais parler au cœur » Peut-être auraient-ils
plus avisés d'écouter les innovations. Après les deux premiers mouvements, assez
traditionnels, il est vrai, le compositeur place un menuetto (sic ; l'appellation exacte est
minuetto) à jouer dans un tempo qui l'apparente déjà au scherzo appelé à se substituer
définitivement au menuet suranné
Fragment
4e mouvement : Final Adagio Allegro molto
Après une gamme en train de se construire en forme de faux départs (2, puis 3, puis 4
notes la joie un peu espiègle se libère dans un allegro classique à deux thèmes respirant
la parfaite allégresse
Un virage ?
Un virage serait-il en cours ?
BEETHOVEN a été introduit dans la famille du comte Anton von Brunswick pour
donner des leçons de piano à ses filles Thérèse et Joséphine, ainsi qu'à sa nièce Giulietta
Guicciardi. Au terme d'une idylle sans espoir, il dédie à cette dernière sa Sonate n° 14 en ut #
mineur op 27 n°2 sous-titrée l'auteur Sonata « quasi una fantasia » et que l'on désigne plus
volontiers sous son appellation apocryphe de « Clair de lune ».
L’œuvre librement construite comme une improvisation est dépourvue de l'allegro initial
et commence par un adagio méditatif, de toute évidence confidence douloureuse dont la cause
reste inconnue (la Sonate a été écrite avant la rupture avec Giulietta). Ce serait en tout cas un
contresens que d'y percevoir un quelconque clair de lune qui n'existait à l'époque que dans
l'imagination fertile du poète Ludwig RELLSTAB. Le commentateur situait même la scène
sur les bords du lac des Quatre-Cantons ! D'autre préféraient y voir le compositeur se
recueillant sur la dépouille d'un ami déposée, on ne sait pourquoi, sous une tonnelle.
Giulietta Guicciardi
Morceau choisi
Sonate n° 14 en ut # mineur op 27 n°2 « quasi una fantasia »
Fragment
1e mouvement Adagio
Une série immuable de triolets installe un climat obsessionnel qui se perpétuera jusqu'
à la fin de l'adagio. Des profondeurs du piano s'élève bientôt une mélodie douloureuse.
Vers le milieu de la pièce un épisode modulant introduit une diversion dont la couleur
reste tragique. La reprise de la partie initiale rétablit le caractère obsessionnel de ce
mouvement.
C'est la première fois qu'un compositeur use du support de la musique pour livrer des
sentiments aussi intimes. N'oublions pas cependant que la littérature allemande a été
touchée depuis 1770 par la première phase du romantisme désignée par l'expression
« Sturm und Drang » (tempête et passion). La musique ne pouvait pas ne pas amorcer à
sa manière cette inévitable mutation.
Références :
- clichés Wikipedia
- documentation : sites sur le Web et sources diverses personnelles sur le compositeur
- Sonates pour piano n°8 et n° 14 par Wilhelm Kempf in « Die Klavier Sonaten ».Enregistrement
intégral (DEUTSCHE GRAMOPHON)
- Concerto pour piano n°1 par Emile Guilels, Kurt Mazur et l'Orchestre symphonique d’État
d'URSS in « La discothèque idéale de Diapason » (Ed. DIAPASON)
- Quatuor n° 6 par les Végh Quartet (MUSIC & ARTS)
- Symphonie n° 1 par Bruno Walter et le Columbia Symphony Orchestra in « La discothèque idéale
de Diapason » (Ed. DIAPASON)
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