Université de Rennes 1 – UMR 6118 CNRS Géosciences Rennes – Master 2 Sciences de la Terre option Géologie 2005/2006 QUANTIFICATION ET ORIGINE DES MOUVEMENTS VERTICAUX HOLOCENE DE LA COTE SUD DE L’ISLANDE Guillaume BIESSY Encadrant : Olivier DAUTEUIL Avec la participation de Brigitte Van Vliet-Lanöe et de Jean Braun Résumé A cause de sa position sur la dorsale médio-atlantique et sur un point chaud mantellique, l’Islande est soumise à des activités tectoniques et volcaniques très intenses, qui engendrent une déformation importante sous la forme de mouvements horizontaux et verticaux. De plus, le retrait de la calotte Weichsélienne il y a environ 10000 ans a provoqué un rebond glacio-isostatique sur l’ensemble de l’Islande. En concentrant notre étude sur la côte sud de l’île, depuis la péninsule de Reykjanes jusqu’à Vík, et grâce à l’acquisition de données topographiques GPS sur le terrain, nous avons pu déterminer des mouvements verticaux avec une origine isostatique, compris entre 67,5 et 157,5 m en 1500 ans, correspondant à une vitesse d’uplift comprise entre 4,5 et 10,5 cm/an, et des mouvements verticaux avec une origine tectonique, un à deux ordres de grandeurs inférieurs. Ces quantités d’uplift permettent également de déterminer des viscosités pour un ensemble croûte inférieure – manteau supérieur de l’ordre de 1019 Pa.s, soit deux à trois ordres de grandeurs de moins que pour des zones glaciaires en contexte continental. Mots-clés : Islande, Holocène, mouvements verticaux, glacio-isostasie. Abstract Because of its position on the mid-atlantic ridge and on a mantellic hot plume, Iceland is subject of intense tectonic and seismic activities, which create an important deformation with horizontal and vertical motions. The melting of the Weichselian ice cap 10,000 years ago allows a post-glacial isostatic rebound for the whole Iceland. Thanks to the acquisition of topographic GPS profiles on the field, from the Reykjanes peninsula to Vík, we determine two types of vertical motions : the first with a isostatic origin, between 67,5 et 157,5 m during 1,500 years, giving uplift rates between 4,5 and 10,5 cm/yr ; the second one with a tectonic origin, with rates one to two orders less. Thoses uplift amounts allows us to determine a viscosity for the lower crust and the upper mantle of 1019 Pa.s, two or three orders less than for glacial areas in continental context. Keywords : Iceland, Holocene, vertical motions, glacio-isostasy. 1 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY 1. Introduction 1.1. Problématique et objectifs A cause de sa position sur la dorsale médio-atlantique et sur un point chaud mantellique, l’Islande connaît une déformation intense avec des origines tectoniques et volcaniques. Les mouvements horizontaux sont importants, de par la divergence des plaques nord-américaine et eurasienne (demi-taux d’environ 1 cm/an dans une direction N105°E-N285°E). Par ailleurs, de précédentes études ont montré l’existence de mouvements verticaux non négligeables d’origines assez diverses. De plus, l’Islande et son plateau ont subi plusieurs glaciations durant l’ère Quaternaire, dont la dernière, la glaciation Weichsélienne, qui a commencé il y a 110000 ans BP et s’est terminée entre 13000 ans BP et 9000 ans BP (Ingolfsson et Norddahl, 1994). La mise en place d’une surcharge glaciaire perturbe le champ de contraintes dans la lithosphère et entraîne une subsidence de la surface du sol qui met en jeu l’élasticité de la lithosphère ainsi que la viscosité de l’asthénosphère. A la déglaciation, le retrait des glaces entraîne une surrection de l’île en réponse à la décharge, réponse élastique, instantanée, et visqueuse, plus lente et différée (Stewart et al., 2000). Soumise à un fort gradient géothermique en raison de sa position sur l’axe de la dorsale médio-atlantique et sur un point chaud mantellique, la lithosphère islandaise est très peu résistante et peut engendrer une amplification des mouvements (Bourgeois, 2000). L’histoire géologique récente de l’Islande repose donc principalement sur des processus de rifting et des processus de charge et décharge glaciaire. Les déformations ont été largement étudiées en Islande, et bien qu’il existe quelques études sur le sujet, la contribution verticale de cette déformation reste un champ d’investigation encore peu exploré. On peut alors se poser plusieurs questions : • quels sont les mouvements verticaux qui ont affecté l’Islande ? • quelle est la contribution isostatique ? quelle est la contribution tectonique ? • comment varient-ils en fonction des zones considérées (zone de rifting, zone de fort gradient géothermique, zone encore englacée…) ? Contrairement à de nombreuses études qui prennent en compte des échelles de temps de l’ordre de la dizaine d’années, nous nous placerons dans cette étude à plus long terme, en considérant la période Holocène. En nous concentrant sur la côte sud de l’Islande, depuis la péninsule de Reykjanes jusqu’à Vík, nous allons tenter de : • caractériser la nature des plaines côtières (surface de dépôt type sandur ou surface d’érosion marine ou glaciaire), grâce à de la géologie de surface et de la topographie GPS ; • calculer des mouvements verticaux en utilisant l’altitude de ces surfaces comme référence ; • calculer des taux d’uplift pour les différentes parties de la zone d’étude ; • calculer une viscosité moyenne pour l’Islande. 2 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY 1.2. Situation géographique et contexte géologique de l’Islande L’Islande est une île de 103000 km2 située au milieu de l’Océan Atlantique, entre le Groenland et la Norvège, entre 63°23’N et 66°30’N d’une part, et entre 13°30’W et 24°30’W d’autre part. Cette île constitue la partie émergée d’un vaste ensemble situé à la jonction de deux structures physiographiques importantes (Figure 1): • la dorsale médio-atlantique, avec la ride de Reykjanes au sud et la ride de Kolbeinsey au nord, qui sépare les plaques nord-américaine eurasienne selon une et direction d’expansion de 105°E et 285°W et un demi taux d’expansion d’environ 1 cm/an, • et les rides Groenland-Islande à l’ouest et Islande-Iles Féroé à l’est. Figure 1 : Localisation de l'Islande dans l'Océan Atlantique La construction du plateau islandais s’est faite il y a environ 25 Ma, grâce à l’interaction de la dorsale médio atlantique et d’un point chaud mantellique qui se trouvait à l’époque à l’intersection des rides de Reykjanes et de Kolbeinsey. Néanmoins les roches affleurantes les plus vieilles datent de 14-16 Ma (Þordarson et Hoskuldsson, 2002). La construction et l’architecture morphologique et géologique générale de l’Islande résultent donc de cette interaction et de son développement dans le temps. La dorsale médio-atlantique traverse donc l’Islande du sud-ouest depuis la péninsule de Reykjanes au nordest jusqu’à la Zone de Fracture de Tjörnes (TFZ). La région couverte de formations volcaniques d’âge inférieur à 0,8 Ma est communément appelée Zone Néovolcanique (Saemundsson, 1979). Elle est composée de trois segments principaux (Figure 2) : la Zone Volcanique Ouest (WRZ), qui s’étend de la péninsule de Reykjanes au glacier Langjökull ; la Zone Volcanique Est (ERZ), depuis les îles Vestmann au glacier Vatnajökull ; et la Zone Volcanique Nord (NRZ), depuis le nord du Vatnajökull jusqu’à la côte nord de l’Islande. A ces trois segments principaux s’ajoutent les zones actives du Höfsjökull au centre de l’île (HVFZ), d’Öraefajökull-Snaefell au sud-est (OSnVFZ)et de Snaefellsnes à l’ouest (SnVFZ). On considère généralement que la Zone Volcanique Ouest et la Zone Volcanique Nord forment la Zone Volcanique Axiale, correspondant à l’axe de divergence supposé. La péninsule de Snaefellsnes, la zone d’Öraefajökull-Snaefell et la partie sud de la Zone Volcanique Est sont considérées comme des zones volcaniques hors-axe (off-rift flanck zones) (Saemundsson, 1979). Les zones d’accrétion en Islande sont 3 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY décalées vers l’est par rapport à la ride de Reykjanes au sud (par la Zone Sismique Sud-Islandaise) et à la ride de Kolbeinsey au nord (par la Zone de Fracture de Tjörnes). Figure 2 : Carte géologique simplifiée de l’Islande, avec les faisceaux éruptifs et les volcans associés (d’après Bourgeois, 2000 ; Sturkell et al., 2006) L’activité volcanique actuelle est localisée dans des systèmes composés d’un volcan central et d’un faisceau de fissures (Figure 2) (Saemundsson, 1978). Les volcans centraux sont composés de nombreux centres éruptifs adjacents et sont des lieux de production magmatique importants. Les faisceaux de fissures sont composés de failles normales, de fissures ouvertes et de fissures éruptives. Ils sont séparés par des zones inactives de quelques kilomètres à quelques dizaines de kilomètres de large. 2. Mouvements verticaux en Islande Les processus responsables de mouvements verticaux en Islande sont variés : ils peuvent entraîner une déformation de toute l’Islande ou impliquer des processus locaux. Nous allons nous baser sur Dauteuil et al. (2005) pour décrire ces différents processus (Figure 3). (a) Les mouvements verticaux peuvent être induits pas des ajustements glacio-isostatiques. Lors d’une phase de déglaciation, la calotte glaciaire commence à fondre depuis la côte : les effets de charge/décharge provoquent donc des mouvements plus importants et plus rapides sur la côte qu’à l’intérieur des terres (pouvant atteindre plusieurs cm/an en vertical). Ceci entraîne un pendage différentiel vers les zones internes. (b) Un bombement thermique généré par le point chaud peut également être à l’origine des mouvements verticaux. Le maximum d’uplift se situe au dessus du centre du point chaud et entraîne une morphologie topographique en dôme. Des uplifts de 1000 m sur des longueurs d’onde de plusieurs centaines de kilomètres ont été décrits. Dans ce contexte, un pendage inférieur à 1° affecte les coulées de laves : elles sont inclinées vers l’extérieur depuis le centre du bombement. 4 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY Figure 3 : Différents modèles de déformation verticale en Islande (d’après Dauteuil et al., 2005) (c) Les processus de rifting génèrent le basculement de blocs ou plus largement un basculement à grande échelle, comme sur les marges passives ou sur les rifts continentaux. En Islande, les coulées basaltiques pendent vers la zone active du rift. (d) Les zones transformantes créent des mouvements verticaux, fréquemment décrits en contexte océanique. Ces déplacements verticaux peuvent atteindre plusieurs centaines de mètres, aussi bien dans la partie interne de la zone transformante qu’au sein des rides localisées sur les flancs de la vallée transformante. Ils sont généralement localisés le long de grandes failles parallèles au fossé. (e) Les mouvements verticaux engendrés par des intrusions sont étudiés à des échelles très locales. Une intrusion de matériel magmatique chaud déforme les couches volcaniques supérieures, entraînant un bombement local de la topographie. De nombreuses études ont été menées, notamment dans la zone du volcan Krafla, au sein de la zone de rift nord, afin de quantifier l’amplitude des mouvements verticaux post-rifting (Heki et al., 1993 ; Hofton et Foulger, 1996 ; Henriot et al., 2001 ; Dauteuil et al., 2005). Les déplacements verticaux ne dépassent pas 1 à 2 cm/an. Nous essaierons dans cette étude de distinguer, grâce à leur amplitude, l’origine des mouvements verticaux observés le long de la côte sud de l’Islande. 3. Présentation de la zone d’étude : de Reykjanes à Vík Nous avons concentré notre étude sur la côte sud de l’Islande, depuis la péninsule de Reykjanes jusqu’à Vík. Cette vaste zone d’étude peut se diviser en trois parties bien distinctes : la péninsule de Reykjanes, une partie centrale depuis Hveragerði jusqu’à Hvolsvöllur, et une partie orientale autour Vík1. En dépit d’une apparence inhospitalière, la péninsule de Reykjanes est un paradis tectonique et volcanologique. L’absence de végétation permet une observation à chaque instant de la roche affleurante. 1 Les descriptions des différentes parties de la zone d’étude sont largement inspirées de Þordarson et Hoskuldsson (2002). 5 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY La ceinture volcanique de Reykjanes consiste en quatre systèmes orientés nord-est à travers la péninsule. La région montagneuse au centre de la péninsule délimite approximativement l’axe de cette ceinture. La diminution progressive d’altitude entre Hengill (803 m) et le système de Reykjanes (243 m) montre une influence décroissante du point chaud. La zone montagneuse est composée de structures volcaniques sousglaciaires ou sous-marines, comme des rides de móbergs et des montagnes tabulaires, avec sur leurs flancs (ou recouvertes par) des laves aériennes formées durant l’Holocène et dans une moindre mesure au cours des temps historiques (Figure 4). Figure 4 : Carte géologique de la péninsule de Reykjanes La partie centrale de notre zone d’étude s’étend depuis Hveragerði à l’ouest jusqu’à Hvolsvöllur à l’est (Figure 5). Une vaste zone sismique (SISZ) traverse ces plaines depuis le système volcanique de l’Hekla à l’est jusqu’au nord de Þingvallavatn à l’ouest. C’est dans cette région que les plus violents séismes ont lieu, avec des évènements séculaires qui peuvent attendre des magnitudes comprises enter 6 et 8 sur l’échelle de Richter. En surface, cette zone est caractérisée par la présence de nombreuses failles décrochantes orientées nord-sud ; elle est considérée comme une zone majeure de décrochement orientée est-ouest reliant les zones volcaniques actives ouest (WVZ) et est (EVZ). La topographie de cette zone est très contrastée, entre les faibles altitudes des grandes plaines côtières au sud, recouvertes de laves post-glaciaires à l’ouest (Þjorsárhraun, une des plus anciennes coulées issues des fissures du système de Veiðivötn, au nord-est, et l’une des plus importantes jamais émises en Islande, avec un volume de 22 km3) et de sédiments fluvio-glaciaires Holocène de type sandur à l’est, et celles plus importantes des montagnes environnantes (1000-1500 m) formées de roches Pliocène supérieur – Pléistocène inférieur, de rides de hyaloclastites et de laves post-glaciaires issues du système fissural de l’Hekla. 6 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY Figure 5 : Carte géologique de la partie centrale de notre zone d’étude Le centre sud, partie orientale de notre zone d’étude, s’étend de la rivière Márkarfljót à l’ouest jusqu’aux coulées postglaciaires historiques du Laki, à l’est de Vík (Figure 6). Dominée par la plus grande calotte glaciaire d’Europe (le Vatnajökull), et tapissée par le plus grand sandur du monde (Skeiðarársandur), cette région est le haut lieu des noces de la glace et du feu. Sous la masse imposante des glaciers se cachent des volcans en activité (Grimsvötn, Katla, etc…) dont les soubresauts emportent des régions entières dans d’énormes coulées de glace fondue. Les ravages causés par ces violentes crues glaciaires (jökulhaup) ont rendu la côte impraticable pendant plusieurs siècles. Nous nous sommes particulièrement intéressés à la zone située au sud des glaciers Eyjafjallajökull et Mýrdalsjökull, et dont la géométrie est relativement simple : de vastes plaines d’épandage de sédiments fluvio-glaciaires de type sandur depuis la ligne de rivage actuelle, jusqu’à de grandes falaises marines de hyaloclastites et de laves interglaciaires. Figure 6 : Carte géologique de la partie est de notre zone d’étude 4. La glaciation Weichsélienne D’un point de vue chronologique, l’enregistrement de la dernière glaciation (nommée Weichsélienne) en Islande a démarré après la dernière période chaude, l’interglaciaire Eémien, il y a 130000-110000 ans (Einarsson et Albertsson, 1988 ; Norddahl, 1990 ; Van Vliet-Lanoë, 2005). L’âge du maximum glaciaire (LGM) est au centre d’un débat passionné. La plupart des paléocartes dressées ces dernières années montrent 7 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY une extension maximale à 20000 ans BP, pendant la période la plus aride de la glaciation. Ce maximum d’aridité est donné à 25000 ans par l’étude des carottes glaciaires et entre 25000 et 17000 ans grâce à l’enregistrement dans les loess d’Europe occidentale (Van Vliet-Lanoë, 2005). De nombreuses études en Islande ont montré que le maximum glaciaire se situait à 21000 ans (Norddahl, 1981 ; Einarsson et Albertsson, 1998 ; Norddahl, 1990). La chronologie de la déglaciation est elle aussi très discutée : elle s’est produite entre 13000 et 9000 ans, avec plusieurs épisodes d’avancée et de recul de la calotte (Norddahl, 1990 ; Ingolfsson, 1991 ; Ingolfsson et Norddahl, 1994 ; Ingolfsson et al., 1997), comprenant notamment deux avancées tardives, d’extension similaire pour la plus ancienne à 15000 ans et plus restreinte pour la seconde au Dryas récent à 11000-10000 ans (Norddahl 1990 ; Ingolfsson et Norddahl, 1994 ; Ingolfsson et al., 1995 ; Van Vliet-Lanoë, 2005). Figure 7 : Etendue de la dernière calotte glaciaire sur l’Islande à différentes époques (d’après Bourgeois, 2000) et au Dryas récent (Ingolfsson et al., 1997). L’extension latérale de la calotte Weichsélienne au dernier maximum glaciaire peut être estimée par l’observation de différents objets géomorphologiques. Lors de la déglaciation, des moraines marginales se sont déposées le long des côtes à une altitude inférieure à 100 m (Einarsson et Albertsson, 1988 ; Norddahl, 1990 ; Ingolfsson, 1991 ; Geirsdottir et al., 1997). De plus, il existe des stries glaciaires tout le long de la côte de l’Islande, ainsi que sur les îles de Börgarfjorður, à l’ouest, et sur l’île de Grimsey, à 30 km au nord (Hoppe, 1968 ; Hoppe, 1982 ; Norddahl, 1991 ; Norddahl, 1990). Vogt et al. (1980) ont également observé des vallées glaciaires qui incisent le plateau océanique autour l’Islande, et dans lesquelles se sont déposées d’importantes quantités de sédiments glaciaires. Tous ces indices indiquent qu’au moment du dernier maximum glaciaire, la calotte recouvrait l’ensemble du plateau océanique islandais (Figure 7). 8 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY L’épaisseur de la calotte Weichsélienne est elle aussi très discutée. En se basant sur l’étendue maximale de la calotte islandaise et sur le profil théorique d’une calotte glaciaire : h= 2τ ( L − x) , ρg avec h l’épaisseur de glace, τ la contrainte cisaillante à la base de la calotte (de 50 à 100 kPa, 72 kPa pour le Vatnajökull, choisie ici à 50 kPa), L la demi-largeur de la calotte, x la distance depuis la ligne de partage, ρ la densité de la glace (910 g.cm-3) et g la constante de la gravité, nous avons déterminé une épaisseur au centre de l’île de 1500 m (Figure 8); avec la même méthode, Jull et McKenzie (1996) ont obtenu une épaisseur centrale maximale de 2000 m. Epaisseur de glace - Altitude (m) 3500 1 : Fagradalfjall 2 : Geitafell 3 : Ingolsfjall 4 : Hloðufell 5 : Bláfell 6 : Hrutfell 7 : Kjalfell 8 : Tungnafell 9 : Herðubreið 10 : Bláfjall 11 : Gæsafjóll Profil théorique de la partie nord Profil théorique de la partie sud Epaisseur de glace déterminée avec les volcanes sous-glaciaires Altitude des volcans sous-glaciaires 3000 2500 2000 1500 1000 500 8 0 0 1 2 4 3 50 100 5 150 6 9 7 200 10 250 300 11 350 400 450 500 Distance (km) Figure 8 : Profils théoriques et mesurées (à partir des volcans sous-glaciaires) de la calotte glaciaire Les barres d’erreurs sur l’épaisseur de glace, égales à 50 m, sont plus petites que les symboles. Les profils théoriques ont été calculés avec une contrainte cisaillante à la base de la calotte égale à 50 kPa. Cette épaisseur est incompatible avec celle déterminée à partir de l’altitude des plus hauts indices d’érosion ou de dépôt glaciaire sur les reliefs côtiers, ou à partir de la hauteur des volcans sous-glaciaires (Einarsson et Albertsson, 1988 ; Norddahl, 1991). Ces études montrent que l’épaisseur de glace était maximale dans la région du Vatnajökull (1000 à 1500 m) et qu’elle diminuait vers le Nord et vers l’Ouest pour atteindre 300 à 500 m le long de la côte actuelle. La détermination de l’épaisseur de glace à partir de la morphologie des volcans sous-glaciaires nous a permis dans cette étude d’observer la même tendance avec des valeurs d’épaisseur de glace inférieures, à savoir une épaisseur maximale au nord-ouest du Vatnajökull (700-800 m) et une diminution vers le nord et le sud-ouest pour atteindre une centaine de mètres le long des côtes. La glaciation Weichsélienne en Islande est donc un objet d’étude très débattu, tant du point de vue de sa chronologie, de son extension latérale et de son épaisseur. 9 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY 5. Observations géologiques et géomorphologiques Durant la mission effectuée sur le terrain en septembre 2005, nous avons caractérisé la nature des plaines côtières : dépôt type sandur, surface d’érosion marine ou surface d’érosion glaciaire. Nous avons également repéré et relevé différents indices géologiques et géomorphologiques. Figure 9 : a) Falaise marine avec couverture sédimentaire de type sandur près de Vík ; b) Surface de plage marine au sud de Hveragerði en pied de falaise Nous avons tout d’abord relevé deux sortes de falaises marines : dans la péninsule de Reykjanes et dans le région de Vík, la falaise marine classique, avec un pied de falaise bien marqué, recouvertes par des anciennes surfaces de plage (Reykjanes) ou par des sédiments récents de type sandur (Vík), et des escarpements peu importants (environ 150 m entre le pied de la falaise et le sommet à Reykjanes) à très importants (300 à 350 m à Vík) (Figure 9a) ; le second type de falaise a été observé dans la partie centrale de notre zone d’étude : des falaises très peu marquées, d’environ 20-25 m de haut, construites dans des laves supraglaciaires ou interglaciaires ou dans des roches extrusives (0,8-3,3 Ma). Des plages marines typiques ont été observées autour Hveragerði (Figure 9b) et à l’extrême ouest de la péninsule de Reykjanes : des surfaces plus ou moins planes, recouvertes par des galets très arrondis, illustrant un constant va-et-vient des vagues à ces endroits. Arc morainique Figure 10 : Arc morainique du système de Buðí au nord de Hella 10 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY Au nord de Hella, nous avons observé de longs ensembles d’arcs morainiques (Figure 10), qui montrent l’avancée de la calotte glaciaire, maximale si ce sont des moraines terminales, intermédiaire si ce sont des moraines marginales. Ces arcs appartiennent au système morainique de Buðí qui forme un ensemble de collines de 10 à 20 m de haut à travers les plaines du sud de l’Islande. Ce système se serait déposé lors de l’extension tardive du Dryas récent (11-10 ka), avec un retrait au Préboréal (10-9,3 ka) (Geirsdóttir et al., 1997). Figure 11 : a) Stries glaciaires à Hveragerði ; b) Coulée post-glaciaire réennoyée et déferlantes à Eyrarbakki Dans la région de Hveragerði, nous avons noté la présence de stries glaciaires sur des laves interglaciaires (Figure 11a), créées par le frottement sur ces roches de débris pris en charge à la base de la calotte. Enfin, au large de Þorlakshöfn et de Hafnir, nous avons observé des coulées post-glaciaires réennoyées par la mer, avec au large des déferlantes (Figure 11b). Celles-ci illustrent la probable présence d’une rupture de pente au niveau du plancher sous-marin, construite par un niveau marin passé atteint au moment de la déglaciation lors de la chute du niveau marin relatif. Les coulées post-glaciaires se seraient mises en place lors de ce niveau marin bas dans des conditions aériennes, puis une fois le rebond isostatique effectué, le niveau marin relatif serait remonté et aurait ennoyé le système. 6. Construction des coupes géologiques Holocène La cartographie des surfaces planes a été réalisée par GPS cinématique, en corrigeant la précision des positions avec des corrections différentielles effectuées après le levé topographique. Cette méthode nécessite donc au moins deux récepteurs : l’un servant pour la cartographie sensu stricto, l’autre servant de base fixe pour déterminer les corrections. Durant la mission, nous avons utilisé trois récepteurs : • un modèle TRIMBLE 600 LS monofréquence avec la phase, pour la base fixe ; • deux modèles TRIMBLE PROXRS pour la cartographie. La base était installée de façon quotidienne, sur un trépied, à peu près au centre de la zone d’étude, et les récepteurs étaient installés soit sur le véhicule de location lors de grands profils acquis de façon motorisée, soit dans un sac à dos pour la cartographie acquise à pied. 11 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY Nous avons levé, tout au long de la côte sud de l’Islande, environ 375 km de profils topographiques répartis sur 35 profils. Les plus longs d’entre eux couvrent des distances d’environ 55-60 km. En règle générale, les profils ont été acquis depuis la ligne de rivage actuelle et se poursuivent vers l’intérieur des terres jusqu’à la première falaise qui limite les surfaces glaciaires et marines, ou jusqu’à la transition de faciès sédimentologiques entre des marqueurs marins et des marqueurs aériens. Dans le cadre de notre travail, et après une première étude succincte de ces profils, nous en avons choisi douze caractéristiques de la zone sud (Figure 12). Les profils topographiques GPS choisis dans cette étude ont été traités à l’aide du logiciel GPS Pathfinder Office 2.90. Figure 12 : Localisation des profils topographiques sélectionnés pour notre étude Les profils topographiques prof3-3bis-3ter, prof6, prof7 et prof23 seront présentés et commentés en partie 7. La première étape consiste à effectuer sur les données une correction différentielle. Cette opération permet d’augmenter la précision des données, comprises entre 1 et 5 m après correction. Une antenne réceptrice appelée base est placée à une position de référence connue et fixe. Elle reçoit des données GPS de différents satellites, tandis qu’un autre appareil récepteur mobile servant à la cartographie collecte des données GPS à des positions imprécises en utilisant les satellites vues par la base. Les erreurs de mesures proviennent principalement des horloges des satellites et des récepteurs GPS, des erreurs sur les orbites des satellites, de la propagation du signal à travers l’ionosphère et la troposphère et de différents bruits électroniques. Ces différentes erreurs induisent des variations de positions de la station de référence. Celle-ci étant fixe, les fluctuations de positions sont utilisées pour calculer des corrections qui sont intégrées pour estimer les positions des points de mesures. Ces corrections peuvent être effectuées en temps réel ou après l’acquisition. Cette dernière méthode a été choisie au cours de cette étude. 12 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY La deuxième étape consiste à construire des profils topographiques synthétiques, rectilignes, à peu près perpendiculaires à la côte. Les données du profil réel sont projetées sur un profil synthétique suivant un azimut moyen déterminé pour chaque profil. Certains profils ont été rallongés vers le large, afin de prendre en compte les observations effectuées sur la côte (déferlantes illustrant la possible présence d’une falaise sous-marine) ; les cartes munies de contours bathymétriques et les modèles numériques de terrain nous ont fourni ces informations. La troisième étape est la construction et l’habillage des coupes géologiques proprement dites, à partir des nos profils synthétiques, des observations géologiques et géomorphologiques que l’on a effectuées sur le terrain et des cartes géologiques de la zone d’étude au 1/250000 et au 1/500000. 7. Résultats 7.1. Profils topographiques habillés Une fois le traitement complet effectué, nous obtenons des profils topographiques habillés avec les informations géologiques et géomorphologiques. Nous présentons quatre profils qui illustrent bien les différentes observations faites sur le terrain et les différentes géométries : d’ouest en est, prof7, acquis dans la région de Krisuvík ; prof6, de Hveragerði à Þorlakshöfn ; l’ensemble prof3-3bis-3ter, acquis le long de la rivière Þjorsá, entre Selfoss et Hella ; et prof23, acquis à l’ouest de Vík, au pied de Pétursey (Figure 12). Les profils topographiques prof6 et prof7 ont été acquis respectivement à l’est et au centre de la péninsule de Reykjanes montrent des géométries aux similitudes importantes. Le profil prof7 a été acquis dans la région de Krisuvík, à travers des laves interglaciaires et des hyaloclastites. A l’extrême sud du profil, une paléofalaise marine d’environ 25 m de haut contraint une zone de dépôt marin au sud, avec une surface de plage à une altitude de +50 m, et une surface d’abrasion glaciaire au nord à une altitude d’environ +90-100 m (Figure 13). Le profil prof6 a été acquis depuis le nord de Hveragerði jusqu’à Þorlakshöfn, à travers la vaste coulée post-glaciaire Heiðin há (Figure 14). Une falaise marine d’une hauteur d’environ 125 m a pu être clairement identifiée. Son pied, situé à une altitude de +56 m, est recouvert par les laves post-glaciaires, mais nous avons pu observé un peu plus au nord une surface de plage très caractéristique (Figure 9b) : la coulée surmonte probablement ce dépôt marin au niveau du profil prof6. Une surface de plage est donc présente au pied de cette falaise, à une altitude maximale de +50 m. De plus, à l’extrémité sud du profil, la coulée postglaciaire est ennoyée par le niveau marin actuel : celle-ci s’est mise en place dans des conditions aériennes lors d’un bas niveau marin, puis a été réennoyée lors d’une remontée du niveau marin relatif. Nous avons enfin prolongé le profil au large, grâce au MNT dont nous disposions. Nous observons une rupture de pente assez nette, à une profondeur de -40m, qui est présente tout autour de la péninsule de Reykjanes ; cette remontée du fond marin est illustrée au large de Hafnir et de Keflavík par des déferlantes. Nous avons donc pour la péninsule de Reykjanes deux niveaux marins (à +50 m et à -40 m) et une limite d’avancée des glaces au sommet des falaises marines (aujourd’hui à l’air libre) à une altitude supérieure à +90 m. 13 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY Figure 13 : Profil topographique prof7 – Krisuvík (pour la localisation, voir Figure 12) Figure 14 : Profil topographique prof6 – de Hveragerði à Þorlakshöfn (pour la localisation, voir Figure 12) Figure 15 : Profil topographique prof3-3bis-3ter – Acquis sur le rive gauche de Þjorsá (pour la localisation, voir Figure 12) Figure 16 : Profil topographique prof23 – Ouest de Vík, au pied de Pétursey (pour la localisation, voir Figure 12) La falaise d’Alftagrof et Pétursey ont été ajoutés au profil topographique grâce à la carte topographique de la région. 14 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY L’ensemble prof3-3bis-3ter a été acquis le long de la rive gauche de la rivière Þjorsá, entre Selfoss et Hella, à travers, du sud au nord, une surface de sandur, des laves interglaciaires et les laves postglaciaires de Þjorsarhraun (8,5 ka BP) et Tungnaahraun (6,7 ka BP)(Þordarson et Hoskuldsson, 2002)(Figure 15). Nous avons identifié une paléofalaise marine d’environ +20 m, avec à son pied des sédiments Holocène de type sandur à une altitude de +10 m. On retrouve ce niveau marin à une altitude de +10-20 m sur les profils prof22bis et prof4-4bis qui encadrent prof3-3bis-3ter. Des rivières actuelles à subactuelles incisent les laves interglaciaires. Un peu plus au nord, nous avons également identifié deux arcs morainiques de 25-30 m de haut appartenant au système morainique de Buðí (Geirsdottir et al, 1997). Le profil prof23, enfin, a été acquis à l’ouest de Vík, au pied de Pétursey, à travers Sólheimasandur (Figure 16). Pétursey est, au même titre que Dyrhólaey et Hjörleifshöfði un peu plus à l’est, un rocher escarpé isolé, à bonne distance de la côte actuelle. Ce sont des restes de volcans sous-marins émergeants formés lorsque les plaines côtières peu pentées étaient entièrement submergées ; depuis, la position actuelle de la ligne de rivage et l’important volume de sédiments transportés par les rivières actuelles à subactuelles ont permis à ces anciennes îles d’être reliées à la partie « continentale » de l’Islande (Þordarson et Hoskuldsson, 2002). Les profils topographiques acquis dans la région montrent des géométries similaires à celle de prof23 : une falaise marine très escarpée, d’une hauteur de plus de 300 m, avec à son pied et jusqu’à la ligne de côte, une couverture sédimentaire fluvio-glaciaire peu pentée de type sandur, dont nous ignorons l’épaisseur. Des études sur le vaste sandur Skeiðarársandur, au sud-ouest du Vatnajökull, ont permis grâce à des enregistrements sismiques de déterminer des épaisseurs de sédiments comprises entre 70-80 m au nord de la plaine alluviale (au pied du glacier Skeiðarárjökull) et 200-250 m au sud, près de la ligne de côte actuelle (Guðmundsson et al., 2002). Les langues glaciaires et les rivières subactuelles étant moins importantes dans la zone où nous avons acquis nos profils topographiques, nous pouvons attendre des épaisseurs inférieures, mais qui pourraient néanmoins atteindre la centaine de mètres. 7.2. Intégration de données complémentaires et spatialisation des observations Pour compléter notre étude, nous avons également pris en compte des échantillons de coquilles marines datés, des âges de coulées post-glaciaires et des stries glaciaires. Un grand nombre d’échantillons de coquilles marines a été découvert dans la zone centrale de notre étude (Hjartarson et Ingolfsson, 1988) (Tableau 1), de Hveragerði à Hella et depuis la ligne de rivage actuel jusqu’au complexe morainique de Buði (Geirsdóttir et al., 1997, 2000). Nous avons également intégré les âges des coulées post-glaciaires, qui sont d’excellents marqueurs temporels, principalement dans la péninsule de Reykjanes et dans la région de Selfoss: connaissant leur âge et sachant qu’elles se sont mises en place dans des conditions aériennes, on sait que la surface de coulée n’était ni ennoyée par la mer ni englacée au moment de la mise en place. La littérature étant dépourvue d’études détaillées sur les âges de ces coulées, nous nous sommes basés sur Þordarson et Hoskuldsson (2002). Nous avons reporté nos observations et les données complémentaires sur une même carte (Figure 17). L’altitude a été mentionnée pour chacune des observations. 15 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY N° Localisation Altitude (m a.s.l.) Age 14C BP corrigé (années) Lu 2399 Sog at Bíldsfell 20 9055±80 Lu 2600 Hróarsholtslækur 35 9695±70 Lu 2401 Hrepphólar A 65-70 9745±140 Lu 2402 Hrepphólar C 65 9595±160 Lu 2403 Þrándarholt - Miðhús 60 9995±90 Lu 2404 Pjórsá at Minnahof 65 9855±90 Lu 2405 Efri-Rauðalækur 20 9825±130 Lu 2406 Ytri Rangá et Bjarg 30-35 10015±90 Tableau 1 : Ages des coquilles marines dans la région de Hveragerði et de Hella (d’après Hjartarson et Ingolfsson (1988) a.s.l = above sea level Figure 17 : Localisation des différentes observations effectuées sur le terrain, sur les profils topographiques et des données complémentaires (coquilles marines datées, âge des coulées post-glaciaires et localisation du système morainique de Buðí) 7.3. Repérage des différents niveaux marins et de la limite atteinte par les glaces Cette carte (Figure 18) localise les différents niveaux marins et une limite d’extension atteinte par la calotte glaciaire tout le long de la côte sud de l’Islande, grâce aux différentes observations que nous avons faites sur nos profils topographiques, à la position et à la datation des coquilles marines et des nombreuses coulées post-glaciaires. Il en ressort trois compartiments présentant des caractéristiques différentes. La péninsule de Reykjanes présente deux niveaux marins : un aérien à une altitude de 50 m, observé en deux points sous la forme de surface de plage marine et des falaises marines assez nettes, et un sous-marin à une 16 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY profondeur de -40 m, déduit des coulées post-glaciaires réennoyées et de la rupture de pente accompagnée par les déferlantes au large. Nous avons interprété une limite des glaces à une altitude de 90 m grâce à la position des stries glaciaires et à la nature des édifices montagneux de hyaloclastites. Figure 18 : Repérage de différents niveaux marins estimés grâce à la carte d’observation Figure 17 Les traits pleins indiquent des limites bien contraintes, les traits en pointillés indiquent des limites hypothétiques. Les valeurs indiquées représentent l’altitude des différentes limites marines ou glaciaires. La partie centrale de notre zone d’étude présente des limites beaucoup moins bien contraintes par nos observations. Néanmoins, nous disposons de la localisation et de la datation sur des coquilles marines. Nous avons interprété un niveau marin haut à une altitude de 70 m (altitude maximale des coquilles), localement 100 m, avec une limite atteinte par les glaces à une altitude de 90-105 m, bien contrainte par la présence du système morainique de Buðí. Le niveau marin bas à -40 m est nettement moins bien visible sur le MNT, mais sa position est contrainte au niveau de Eyrarbakki avec la coulée Þjórsarhraun, datée à 8,5 ka. Nos observations nous montrent un niveau marin intermédiaire à une altitude de 15 m. La partie est de notre zone d’étude possède une géométrie assez simple : des falaises très nettes, un pied à des altitudes variant de 15 à 75 m et des surfaces de dépôt fluvio-glaciaire de type sandur dont nous ignorons l’épaisseur. La limite atteinte par les glaces se trouve au sommet des falaises (présence de stries glaciaires), à une altitude supérieure à 400 m. On retrouve sur le MNT le niveau marin à -40 m, qui ceinture également les îles Vestmann. 17 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY Les datations sur les coquilles marines et les âges des coulées post-glaciaires nous ont permis de donner des âges à nos limites marines et glaciaires. Nous avons attribué un âge de 10000 ans à notre niveau marin haut, en cohérence avec les valeurs données par Ingolfsson et al. (1995). En effet, les coquilles marines ont des âges compris entre 9000 et 10000 ans ; leurs positions nous indiquent qu’à cette période une vaste zone allant de Hveragerði à Hvolsvöllur était ennoyée par la mer. De plus les coulées post-glaciaires de la péninsule de Reykjanes sont toutes datées à environ 9000-10000 ans, ce qui nous a permis de tracer le contour de la limite marine haute et de la limite glaciaire. Nous avons attribué le même âge de 10000 ans à la limite glaciaire de la zone centrale, ce qui est cohérent avec l’âge du complexe morainique de Buðí (Geirsdóttir et al., 1997). Nous avons enfin placé notre limite marine basse à 8500 ans : cet âge correspond à l’âge de la coulée Þjórsarhraun, qui s’est mise en place dans des conditions aériennes au niveau de Eyrarbakki. Il faut noter que les âges que nous avons attribué à nos différentes limites ne sont peut être pas tout à fait synchrones tout le long de la côte sud de l’Islande, mais ils reflètent une cohérence au vu des observations et des données complémentaires. D’un point de vue chronologique, nous avons donc une avancée tardive au Dryas récent à 10000 ans (Norddahl 1990 ; Ingolfsson et Norddahl, 1994 ; Ingolfsson et al., 1995 ; Van Vliet-Lanoë, 2005), avec une calotte glaciaire qui dépose le complexe morainique de Buðí (Geirsdóttir et al., 1997). Le niveau marin relatif est haut et est atteint à 10000 ans ; les coquilles marines peuvent se déposer dans la région de Hveragerði-Hella. Puis la déglaciation s’amorce, entraînant un rebond isostatique de l’Islande et par conséquent une chute du niveau marin relatif, qui atteint, à 8500 ans, la limite que nous avons déterminée. Ce niveau marin relatif bas construit les falaises aujourd’hui sous-marines au sud de la péninsule de Reykjanes. Les coulées post-glaciaires de cette même péninsule et de la région de Selfoss (surtout Þjórsarhraun) peuvent se mettre en place dans des conditions aériennes, sur des sols libres de glace et d’eau marine. Il y a enfin un réennoyement partiel du système, comme le montrent les coulées réennoyées à Þorlakshöfn et Hafnir, probablement dû à une remontée du niveau marin relatif. Une fois la chronologie des évènements et les âges de nos limites marines et glaciaires établis, nous devons intégrer les variations eustatiques absolues afin de calculer des quantités et des vitesses d’uplift. 7.4. Intégration des variations eustatiques absolues et calcul de quantités et de vitesses d’uplift Les variations eustatiques absolues font l’objet de nombreuses études depuis un grand nombre d’années. Nous allons nous servir d’une compilation effectuée par G. Jouët (pers. com. F. Guillocheau), qui regroupe douze courbes eustatiques. Elles retracent l’évolution, par rapport au niveau marin actuel, du niveau marin depuis 20000 ans : les deux courbes historiques de Labeyrie (1987) et Fairbanks (1989), qui sont respectivement un peu trop lissée et un peu trop précise pour notre étude, mais aussi Bard et al. (1990), Lambeck et Bard (2000), Shackleton (2000), Clark et Mix (2002), et Sidall et al. (2003). Parmi ces différentes courbes, nous avons utilisé les courbes Coral Reef et SPECMAP (Figure 19). La courbe Coral Reef est basée sur une compilation de mesures sur des coraux de l’Océan Pacifique, parfaitement datés avec 18 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY des méthodes U/Th/He. La courbe SPECMAP est théorique : elle prend en compte un contrôle uniquement astronomique basé sur les cycles de Milankovitch. Le niveau marin était environ 120 m sous le niveau marin actuel, comme nous le montre les deux courbes. Il varie peu jusqu’à 16000 ans, moment à partir duquel il remonte progressivement avec un taux d’environ 1 cm/an ; enfin, une période entre 6000 ans et l’actuel voit le niveau marin remonter plus lentement avec un taux d’environ 0,3 cm/an (courbe SPECMAP) ou rester stable, au niveau du niveau marin actuel (Coral Reef). Figure 19 : Variations eustatiques depuis 20000 ans relativement au niveau marin actuel (pers. com. G. Jouët) On observe un écart d’environ 15-20 m entre ces deux courbes. Nous avons donc pris en compte ces deux courbes pour calculer des quantités et des valeurs d’uplift. Nous rappelons que le niveau bas est daté à 8500 ans et commun aux trois parties de la zone d’étude. Le niveau marin haut est daté à 10000 ans et diffère selon les régions : +50-56 m pour la péninsule de Reykjanes, +70100 m pour la partie Hveragerði-Hvolsvöllur, +15-75 m pour la région de Vík. Pour cette dernière, nous pensons que les pieds de falaises construits par le niveau marin haut ont une altitude de l’ordre de +15-30 m ; les mesures sont faussées à l’actuel à cause de cette épaisseur de sandur au pied des falaises marines dont nous ignorons la valeur. Pour expliquer la méthode de calcul déterminant les quantités d’uplift, nous nous baserons sur un cas général (Figure 20), puis nous l’appliquerons à nos données. A l’actuel, nous avons trois marqueurs du niveau marin (datés d’après notre carte des niveaux marins) : un aérien à une altitude zF0 qui s’est construit à 10 ka, l’actuel niveau marin à zF’0 = 0 m, et un sous-marin à une altitude zF’’0 qui s’est construit à 8,5 ka. A t2 = 10 ka, le niveau marin relatif se trouve à une quantité z2 sous le niveau marin actuel (-35 m pour Coral Reef, -55 m pour SPECMAP). Nous parlons d’altitude relativement au niveau marin actuel ; les altitudes positives se trouvent au dessus de ce niveau, les altitudes négatives se trouvent en dessous. 19 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY Figure 20 : Méthode générale de calcul pour déterminer les quantités d’uplift On se place à t1 = 8,5 ka. Le niveau marin relatif se trouve à une altitude z1 sous le niveau marin actuel (-22,5 m pour Coral Reef, -37,5 m pour SPECMAP). La variation du niveau marin relatif est la différence entre l’altitude du niveau marin à 8,5 ka et celle du niveau à 10 ka : ∆z(NMR)21 = z1 – z2 > 0 puisque le niveau marin remonte. Pour déterminer la quantité d’uplift ou de subsidence de l’Islande, il faut ajouter à cette variation du niveau marin la différence d’altitude au temps t1 entre l’ancien marqueur marin et le nouveau : δz21 = zF1 – zF’’1. Pour l’Islande, nous obtenons donc : ∆z(Islande)21 = ∆z(NMR)21 + δz21. Trois cas alors se présentent : • si δz21 > 0, alors il y a un uplift de l’Islande qui se fait plus vite que la remontée du niveau marin relatif. • si δz21 < 0 et |δz21| < |∆z(NMR)21|, alors il y a un uplift de l’Islande qui se fait moins vite que la remontée du niveau marin relatif. • si δz21 < 0 et |δz21| > |∆z(NMR)21|, alors il y a une subsidence de l’Islande. On se place à l’actuel t0. La variation du niveau marin relatif est la différence entre l’altitude du niveau marin actuel et celle du niveau marin à 8,5 ka : ∆z(NMR)10 = z0 – z1 > 0 puisque le niveau marin remonte. Pour déterminer la quantité d’uplift ou de subsidence de l’Islande, il faut ajouter à cette variation du niveau marin la différence d’altitude au temps t0 entre l’ancien marqueur marin et le nouveau : δz10 = zF’’0 – zF’0. Pour l’Islande, nous obtenons donc : ∆z(Islande)10 = ∆z(NMR)10 + δz10. Les trois cas précédemment cités se représentent alors. Cette méthode nous a donc permis de calculer des quantités et des vitesses d’uplift pour les trois parties de notre zone d’étude, résultats que nous résumons dans le Tableau 2. Nous observons une dynamique bien particulière pour la côte sud de l’Islande. Entre 10 et 8,5 ka, une surrection importante se produit, en réponse au retrait de la calotte glaciaire. Les mouvements verticaux sont plus ou moins importants selon les régions concernées. Les vitesses d’uplift sont d’environ 7 cm/an pour la péninsule de Reykjanes et comprises entre 8 et 10 cm/an pour la partie Hveragerði-Hvolsvöllur. Pour la 20 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY région de Vík, les calculs ont été effectués avec les altitudes mesurées au pied des falaises : nous n’avons pas soustrait l’épaisseur de sédiments Holocène, que nous ignorons. Mais si on fait l’hypothèse de pieds de falaise à environ 15-30 m, nous trouvons des vitesses comprises entre 4,5 et 6 cm/an. Pendant cette période, la vitesse de remontée de l’Islande est supérieure à celle du niveau marin absolu : il y a donc une chute du niveau marin relatif, ce qui permet la construction à 8500 ans d’une nouvelle falaise marine, à une altitude inférieure à la première construite à 10000 ans. Depuis 8500 ans, l’Islande subside légérement, avec des vitesses de l’ordre du mm/an. Le niveau marin absolu continue de monter : on a donc un ennoiement du système, que l’on a observé grâce aux coulées post-glaciaires à Þorlakshöfn et à Hafnir. Variations du niveau marin absolu ∆z CR entre 10 et v 8,5 ka ∆z S v ∆z entre 8,5 CR v ka et ∆z l’actuel S v Islande ∆z entre 10 et v 8,5 ka ∆z S v ∆z entre 8,5 CR v ka et ∆z l’actuel S v CR Péninsule de Reykjanes 102,5 - 108,5 m 6,8 - 7,2 cm/an 107,5 - 113,5 m 7,2 - 7,6 cm/an 12,5 ± 5 m 0,8 ± 0,3 cm/an 17,5 m 1,26 cm/an 22,5 ± 5 m 0,3 ± 0,05 cm/an 37,5 m 0,4 cm/an HveragerðiHvolsvöllur 122,5 - 152,5 m 8,2 - 10,2 cm/an 127,5 - 157,5 m 8,5 - 10,5 cm/an -17,5 ± 5 m -0,2 ± 0,05 cm/an -2,5 ± 5 m -0,03 ± 0,05 cm/an Vík 67,5 - 127,5 4,5 - 8,5 cm/an 72,5 - 132,5 m 4,8 - 8,8 cm/an Tableau 2 : Quantités et vitesses d’uplift le long de la côte sud de l’Islande Les périodes de temps correspondent à celles que nous avons choisies pour nos limites marines. Les courbes eustatiques utilisées sont : CR = Coral Reef et S = SPECMAP. ∆z = quantité d’uplift ou de subsidence, v= vitesse d’uplift ou de subsidence. Nos mesures nous ont donc permis de calculer des vitesses d’uplift relativement importantes tout au long de la côte sud de l’Islande, comprises entre 5 et 10 cm/an, et ce pour une période courte (1500 ans) qui a immédiatement suivi la déglaciation. Nous avons également observé des différences de comportement selon les régions concernées. 8. Discussion A la vue de nos différents résultats, il est possible de distinguer deux types de mouvements le long de la côte sud de l’Islande : un mouvement rapide (1500 ans) et de forte amplitude (compris entre 5 et 10 cm/an), qui correspond à un rebond post-glaciaire isostatique, et un mouvement plus lent et d’un à deux ordres de 21 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY grandeur inférieur, qui a probablement une origine tectonique (rifting). Ingolfsson et al. (1995) ont déterminé, en utilisant la même méthode que celle utilisée dans cette étude, une vitesse d’uplift de 6,9 cm/an pour la période 10300-9400 ans dans la région de Reykjavík. Les vitesses que nous avons déterminées sont environ deux fois supérieures à celles calculées dans d’autres régions glaciaires : 3,3 cm/an à Jameson Land, à l’est du Groenland (Björk et al., 1994), 3,3 cm/an au nord du Spitzberg (Boulton, 1979), 4,5 cm/an au sud de la Norvège (Anundsen, 1985). Ces valeurs ont été calculées avec des méthodes très similaires à la nôtre, pour des périodes qui ont immédiatement suivi la déglaciation dans ces régions. Les plus hauts taux d’uplift post-glaciaires dans l’hémisphère nord sont de l’ordre de 3-4 cm/an (Ingolfsson et al., 1995). Nos résultats nous permettent également d’observer un compartimentage de la côte sud de l’Islande en trois zones bien distinctes. La partie centrale Hveragerði-Hvolsvöllur connaît les plus fortes vitesses d’uplift, atteignant localement 10 cm/an. Elle représente une majeure partie de la zone sismique sud-islandaise. Ces plaines au relief très peu marqué ont été largement ennoyées par la mer au Dryas récent. Cette zone est également sujette à une activité géothermique relativement importante : le flux de chaleur en surface est compris entre 150 mW.m-2 près de la côte actuelle jusqu’à 200 mW.m-2 au sud de Langjökull (Flovenz et Sæmundsson, 1993), valeurs supérieures à celles des zones voisines. D’après Bourgeois (2000), il existe une très bonne corrélation entre la localisation des anomalies géothermiques et l’emplacement des courants de glace. La dynamique de la calotte glaciaire serait donc quelque peu différente dans cette zone. La péninsule de Reykjanes, avec ses quatre faisceaux éruptifs qui ont émis de nombreuses laves post-glaciaires durant l’Holocène, est une zone de rift très active. Elle n’a probablement pas été complètement englacée lors de l’évènement tardif du Dryas récent ; de plus les mouvements verticaux engendrés par le rift ont pu faire diminuer ceux provoqués par le rebond isostatique. Enfin, la région de Vík est une zone encore englacée, avec les glaciers Eyjafjajökull (80 km2) et Mýrdalsjökull (600 km2). C’est une vaste zone d’épandage de sédiments fluvio-glaciaires, avec de nombreux sandur (Skogasandur, Solheimasandur, Mýrdalssandur). C’est la région qui connaît les plus faibles vitesses d’uplift (entre 4,5 et 6 cm/an) : la surrection plus faible s’est faite moins rapidement en raison d’une charge glaciaire persistante au niveau des deux glaciers. Ces vitesses d’uplift très supérieures à celles qui ont été calculées dans d’autres zones glaciaires (Norvège, Groenland) peuvent s’expliquer par le fait que l’Islande a une double particularité : elle se trouve à la fois sur une dorsale médio océanique et sur un point chaud, sur une croûte océanique mince. Les effets d’une charge glaciaire dans ce contexte océanique chaud sont plus prononcés que pour un schéma continental (Ingolfsson et al., 1995). La partie élastique de la croûte semble être comprise entre 10 et 15 km, et se trouve sur un matériel visqueux ou visco-élastique qui comprend la croûte inférieure et le manteau supérieure (Einarsson et al., 2006). Grâce aux calculs d’uplift effectués sur les coquilles marines et sur le bord maritime de la coulée Þjórsarhraun, nous avons pu déterminer le temps de relaxation du rebond post-glaciaire et en déduire des viscosités pour un ensemble croûte inférieur/manteau supérieur (Figure 21). On a : 1 τ = 0,0007 ans −1 . Le temps de relaxation est donc d’environ 1430 ans, compatible avec notre hypothèse d’un rebond post-glaciaire qui s’est fait en 1500 ans, entre 10000 et 8500 ans. Nous avons utilisé différentes formules qui relie le temps de relaxation et la viscosité : 22 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY 4πµ , ρgλ • Turcotte et Schubert (2002) : τ = • Haskel (1937) dans Watts (2001) : τ = • Peltier (1974) et Cathles (1975) dans Watts (2001) : τ = 20µ , ρgw µ (2n 2 + 4n + 3) , ρgnRT avec τ le temps de relaxation du rebond post-glaciaire, µ la viscosité de l’ensemble croûte inférieure/manteau supérieur, ρ la densité du matériel basaltique (ici choisi à 2950 g.cm-3), g la constante de la gravité (choisie à 9,81 m.s-2), λ la longueur d’onde de la déformation (comprise entre 300 et 500 km), w la demi-longueur d’onde de la déformation, n un entier égal à 16 pour une longueur d’onde de 500 km et RT le rayon terrestre (6371 km). Uplift (m) 150 Coquilles marines 125 100 u= 0,1238 e-0,0007 t R2 = 0,7538 75 50 25 Coulée Þjórsarhraun 0 -12000 -11000 -10000 -9000 -8000 -7000 -6000 -5000 -4000 -3000 -2000 -1000 0 Temps avant l'actuel (années) Figure 21 : Uplift des coquilles marines de la région de Hveragerði et calcul du temps de relaxation pour le rebond post-glaciaire Nous obtenons des viscosités comprises entre 3,1.1019 et 5,2.1019 Pa.s avec la formule de Turcotte et Schubert, entre 9,7.1018 et 1,6.1019 Pa.s avec la formule de Haskel et entre 2,1.1020 et 2,3.1020 Pa.s avec la formule de Peltier et Cathles. Ces valeurs sont du même ordre de grandeur ou légèrement supérieures à celles calculées sur des échelles pluriannuelles ou décennales à l’aide de méthodes différentes : 1019 Pa.s (Sigmundsson, 1991), 7.1016-3.1018 Pa.s avec des mesures de niveau du lac Langisjór entre 1959 et 1991 (Thoma et Wolf, 2001), 1018 Pa.s avec des mesures de champs gravifiques entre 1991 et 2000 (Jacoby et al., 2001), 1017 Pa.s avec des mesures GPS en 1992, 1996 et 1999 (Sjóberg et al., 2004), 3-8.1018 Pa.s avec des mesures GPS autour du Vatnajökull entre 1996 et 2003 (Pagli et al., 2005 in prep.), 0,3-30.1018 Pa.s en utilisant les mouvements post-rifting après l’évènement du Kafla (Einarsson et al., 2006). Ces valeurs de viscosité sont un à deux ordres de grandeurs inférieures à celles déterminées pour des contextes 23 Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY continentaux : par exemple, 1021 Pa.s pour la Fenno-Scandinavie (Fjeldskaar, 1994 et 2000), 4.1020 Pa.s pour le sud de l’Alaska (Larsen et al., 2004). Les faibles valeurs de viscosité de la lithosphère islandaise, imputables à la présence du point chaud, expliquent donc le rééquilibrage isostatique rapide en réponse au retrait de la calotte glaciaire Weichsélienne et par conséquent les taux d’uplift rapides que nous avons calculé pour la côte sud. Conclusions L’étude des plaines côtières du sud ouest de l’Islande, depuis la péninsule de Reykjanes jusqu’à Vík, nous a permis de quantifier et de caractériser les mouvements verticaux qui ont affecté cette zone durant l’Holocène. Des mouvements de forte amplitude (jusqu’à 8 à 10 cm/an) et sur une courte période de temps (1500 ans) ont pu être identifié : ils illustrent le rebond isostatique post-glaciaire qui a fait suite au retrait de la calotte Weichsélienne il y a 10000 ans environ. Nous avons pu observer un compartimentage de la côte sud avec des vitesses d’uplift isostatique assez variées, entre une zone centrale, sismiquement très active et sujette à une flux de chaleur en surface très élevée (150 à 200 mW.m-2) possédant les plus fortes vitesses (8 à 10 cm/an), la péninsule de Reykjanes (environ 7 cm/an) moins englacée et probablement victime des mouvements verticaux contraires dus au rift, et la région de Vík (4,5-6 cm/an) qui est encore englacée de façon importante. Nous avons identifié également des mouvements de faible amplitude (< 1 cm/an) et sur une plus longue échelle de temps (de 8500 ans à l’actuel), conséquence probable de l’action du rift. Ces vitesses nous ont permis de calculer des valeurs de viscosités comprises entre 9,7.1018 et 2,3.1020 Pa.s selon les formules utilisées, soit un à deux ordres de grandeurs inférieures à celles qui ont été déterminées pour des zones glaciaires en contexte continental. Cette étude a pu donner ces résultats car la zone d’étude présente des géométries relativement simples et d’excellents marqueurs temporels avec les nombreuses coulées postglaciaires. Il serait intéressant de pouvoir entreprendre ce type d’étude dans d’autres régions de l’Islande, afin de quantifier et de caractériser les mouvements verticaux Holocène et d’essayer de comprendre la globalité du rebond post-glaciaire. Références bibliographiques Anundsen K. – Changes in shore-level and ice-front position in Late Weichsel and Holocene, southern Norway, Norsk Geografisk Tidsskrift, 39, 205-225, 1985. Bard E., Hamelin B., Fairbanks R.G. – U-Th ages obtained by mass spectroscopy in coral from Barbados : sea level during the past 130,000 years, Nature, 346, 456-458, 1990. Björk S., Bennike O., Ingolfsson O., Barnekow L., Penney D. – Lake Boksehandsken’s earliest postglacial sediments and their palaeoenvironmental implications, Jameson Land, East Greenland, Boreas, 23, 459-472, 1994. 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