quantification et origine des mouvements verticaux holocene de la

Université de Rennes 1 UMR 6118 CNRS Géosciences Rennes – Master 2 Sciences de la Terre option Géologie
2005/2006
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QUANTIFICATION ET ORIGINE DES MOUVEMENTS VERTICAUX
HOLOCENE DE LA COTE SUD DE L’ISLANDE
Guillaume BIESSY
Encadrant : Olivier DAUTEUIL
Avec la participation de Brigitte Van Vliet-Lanöe et de Jean Braun
Résumé
A cause de sa position sur la dorsale médio-atlantique et sur un point chaud mantellique, l’Islande est
soumise à des activités tectoniques et volcaniques très intenses, qui engendrent une déformation importante
sous la forme de mouvements horizontaux et verticaux. De plus, le retrait de la calotte Weichsélienne il y a
environ 10000 ans a provoqué un rebond glacio-isostatique sur l’ensemble de l’Islande. En concentrant notre
étude sur la côte sud de l’île, depuis la péninsule de Reykjanes jusqu’à Vík, et grâce à l’acquisition de
données topographiques GPS sur le terrain, nous avons pu déterminer des mouvements verticaux avec une
origine isostatique, compris entre 67,5 et 157,5 m en 1500 ans, correspondant à une vitesse d’uplift comprise
entre 4,5 et 10,5 cm/an, et des mouvements verticaux avec une origine tectonique, un à deux ordres de
grandeurs inférieurs. Ces quantités d’uplift permettent également de déterminer des viscosités pour un
ensemble croûte inrieure – manteau supérieur de l’ordre de 1019 Pa.s, soit deux à trois ordres de grandeurs
de moins que pour des zones glaciaires en contexte continental.
Mots-clés : Islande, Holocène, mouvements verticaux, glacio-isostasie.
Abstract
Because of its position on the mid-atlantic ridge and on a mantellic hot plume, Iceland is subject of intense
tectonic and seismic activities, which create an important deformation with horizontal and vertical motions.
The melting of the Weichselian ice cap 10,000 years ago allows a post-glacial isostatic rebound for the
whole Iceland. Thanks to the acquisition of topographic GPS profiles on the field, from the Reykjanes
peninsula to Vík, we determine two types of vertical motions : the first with a isostatic origin, between 67,5
et 157,5 m during 1,500 years, giving uplift rates between 4,5 and 10,5 cm/yr ; the second one with a tectonic
origin, with rates one to two orders less. Thoses uplift amounts allows us to determine a viscosity for the
lower crust and the upper mantle of 1019 Pa.s, two or three orders less than for glacial areas in continental
context.
Keywords : Iceland, Holocene, vertical motions, glacio-isostasy.
Quantification et origine des mouvements verticaux Holocène de la côte sud de l’Islande – G. BIESSY
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1. Introduction
1.1. Problématique et objectifs
A cause de sa position sur la dorsale médio-atlantique et sur un point chaud mantellique, l’Islande connaît
une déformation intense avec des origines tectoniques et volcaniques. Les mouvements horizontaux sont
importants, de par la divergence des plaques nord-américaine et eurasienne (demi-taux d’environ 1 cm/an
dans une direction N105°E-N285°E). Par ailleurs, de précédentes études ont montré l’existence de
mouvements verticaux non négligeables d’origines assez diverses.
De plus, l’Islande et son plateau ont subi plusieurs glaciations durant l’ère Quaternaire, dont la dernière, la
glaciation Weichsélienne, qui a commencé il y a 110000 ans BP et s’est terminée entre 13000 ans BP et 9000
ans BP (Ingolfsson et Norddahl, 1994).
La mise en place d’une surcharge glaciaire perturbe le champ de contraintes dans la lithosphère et entraîne
une subsidence de la surface du sol qui met en jeu lélasticité de la lithosphère ainsi que la viscosité de
l’asthénosphère. A la déglaciation, le retrait des glaces entraîne une surrection de l’île en réponse à la
décharge, réponse élastique, instantanée, et visqueuse, plus lente et différée (Stewart et al., 2000).
Soumise à un fort gradient géothermique en raison de sa position sur l’axe de la dorsale médio-atlantique et
sur un point chaud mantellique, la lithosphère islandaise est très peu résistante et peut engendrer une
amplification des mouvements (Bourgeois, 2000).
L’histoire géologique récente de l’Islande repose donc principalement sur des processus de rifting et des
processus de charge et décharge glaciaire. Les déformations ont été largement étudiées en Islande, et bien
qu’il existe quelques études sur le sujet, la contribution verticale de cette déformation reste un champ
d’investigation encore peu exploré.
On peut alors se poser plusieurs questions :
quels sont les mouvements verticaux qui ont affecté l’Islande ?
quelle est la contribution isostatique ? quelle est la contribution tectonique ?
comment varient-ils en fonction des zones considérées (zone de rifting, zone de fort gradient
géothermique, zone encore englacée…) ?
Contrairement à de nombreuses études qui prennent en compte des échelles de temps de l’ordre de la dizaine
d’années, nous nous placerons dans cette étude à plus long terme, en considérant la période Holocène.
En nous concentrant sur la côte sud de l’Islande, depuis la péninsule de Reykjanes jusqu’à Vík, nous allons
tenter de :
caractériser la nature des plaines côtières (surface de dépôt type sandur ou surface d’érosion marine
ou glaciaire), grâce à de la géologie de surface et de la topographie GPS ;
calculer des mouvements verticaux en utilisant l’altitude de ces surfaces comme référence ;
calculer des taux d’uplift pour les différentes parties de la zone d’étude ;
calculer une viscosité moyenne pour l’Islande.
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1.2. Situation géographique et contexte géologique de l’Islande
L’Islande est une île de 103000 km2 située au
milieu de l’Océan Atlantique, entre le
Groenland et la Norvège, entre 63°23’N et
66°30’N d’une part, et entre 13°30’W et
24°30’W d’autre part. Cette île constitue la
partie émergée d’un vaste ensemble situé à la
jonction de deux structures physiographiques
importantes (Figure 1):
la dorsale médio-atlantique, avec la
ride de Reykjanes au sud et la ride de
Kolbeinsey au nord, qui sépare les
plaques nord-américaine et
eurasienne selon une direction
d’expansion de 105°E et 285°W et un
demi taux d’expansion d’environ 1
cm/an,
et les rides Groenland-Islande à
l’ouest et Islande-Iles Féroé à l’est. Figure 1 : Localisation de l'Islande dans l'Océan
Atlantique
La construction du plateau islandais s’est faite il y a environ 25 Ma, grâce à l’interaction de la dorsale médio
atlantique et d’un point chaud mantellique qui se trouvait à l’époque à l’intersection des rides de Reykjanes
et de Kolbeinsey. Néanmoins les roches affleurantes les plus vieilles datent de 14-16 Ma (Þordarson et
Hoskuldsson, 2002). La construction et l’architecture morphologique et géologique générale de l’Islande
résultent donc de cette interaction et de son développement dans le temps.
La dorsale médio-atlantique traverse donc l’Islande du sud-ouest depuis la péninsule de Reykjanes au nord-
est jusqu’à la Zone de Fracture de Tjörnes (TFZ). La région couverte de formations volcaniques d’âge
inférieur à 0,8 Ma est communément appelée Zone Néovolcanique (Saemundsson, 1979). Elle est compoe
de trois segments principaux (Figure 2) : la Zone Volcanique Ouest (WRZ), qui s’étend de la péninsule de
Reykjanes au glacier Langjökull ; la Zone Volcanique Est (ERZ), depuis les îles Vestmann au glacier
Vatnajökull ; et la Zone Volcanique Nord (NRZ), depuis le nord du Vatnakull jusqu’à la côte nord de
l’Islande. A ces trois segments principaux s’ajoutent les zones actives du Höfsjökull au centre de l’île
(HVFZ), d’Öraefajökull-Snaefell au sud-est (OSnVFZ)et de Snaefellsnes à l’ouest (SnVFZ).
On considère généralement que la Zone Volcanique Ouest et la Zone Volcanique Nord forment la Zone
Volcanique Axiale, correspondant à l’axe de divergence supposé. La péninsule de Snaefellsnes, la zone
d’Öraefajökull-Snaefell et la partie sud de la Zone Volcanique Est sont considérées comme des zones
volcaniques hors-axe (off-rift flanck zones) (Saemundsson, 1979). Les zones d’accrétion en Islande sont
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décalées vers l’est par rapport à la ride de Reykjanes au sud (par la Zone Sismique Sud-Islandaise) et à la
ride de Kolbeinsey au nord (par la Zone de Fracture de Trnes).
Figure 2 : Carte géologique simplifiée de l’Islande, avec les faisceaux éruptifs et les volcans associés
(d’après Bourgeois, 2000 ; Sturkell et al., 2006)
L’activité volcanique actuelle est localisée dans des systèmes composés d’un volcan central et d’un faisceau
de fissures (Figure 2) (Saemundsson, 1978). Les volcans centraux sont composés de nombreux centres
éruptifs adjacents et sont des lieux de production magmatique importants. Les faisceaux de fissures sont
composés de failles normales, de fissures ouvertes et de fissures éruptives. Ils sont séparés par des zones
inactives de quelques kilomètres à quelques dizaines de kilomètres de large.
2. Mouvements verticaux en Islande
Les processus responsables de mouvements verticaux en Islande sont variés : ils peuvent entraîner une
formation de toute l’Islande ou impliquer des processus locaux. Nous allons nous baser sur Dauteuil et al.
(2005) pour décrire ces différents processus (Figure 3).
(a) Les mouvements verticaux peuvent être induits pas des ajustements glacio-isostatiques. Lors d’une phase
de déglaciation, la calotte glaciaire commence à fondre depuis la côte : les effets de charge/décharge
provoquent donc des mouvements plus importants et plus rapides sur la côte qu’à l’intérieur des terres
(pouvant atteindre plusieurs cm/an en vertical). Ceci entraîne un pendage différentiel vers les zones internes.
(b) Un bombement thermique généré par le point chaud peut également être à l’origine des mouvements
verticaux. Le maximum d’uplift se situe au dessus du centre du point chaud et entraîne une morphologie
topographique en dôme. Des uplifts de 1000 m sur des longueurs d’onde de plusieurs centaines de kilomètres
ont été décrits. Dans ce contexte, un pendage inférieur à 1° affecte les coulées de laves : elles sont inclinées
vers l’extérieur depuis le centre du bombement.
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Figure 3 : Différents modèles de déformation verticale en Islande (d’après Dauteuil et al., 2005)
(c) Les processus de rifting génèrent le basculement de blocs ou plus largement un basculement à grande
échelle, comme sur les marges passives ou sur les rifts continentaux. En Islande, les coulées basaltiques
pendent vers la zone active du rift.
(d) Les zones transformantes créent des mouvements verticaux, fréquemment décrits en contexte océanique.
Ces déplacements verticaux peuvent atteindre plusieurs centaines de mètres, aussi bien dans la partie interne
de la zone transformante qu’au sein des rides localisées sur les flancs de la vallée transformante. Ils sont
généralement localisés le long de grandes failles parallèles au fossé.
(e) Les mouvements verticaux engendrés par des intrusions sont étudiés à des échelles très locales. Une
intrusion de matériel magmatique chaud déforme les couches volcaniques supérieures, entraînant un
bombement local de la topographie.
De nombreuses études ont été menées, notamment dans la zone du volcan Krafla, au sein de la zone de rift
nord, afin de quantifier l’amplitude des mouvements verticaux post-rifting (Heki et al., 1993 ; Hofton et
Foulger, 1996 ; Henriot et al., 2001 ; Dauteuil et al., 2005). Les placements verticaux ne dépassent pas 1 à
2 cm/an. Nous essaierons dans cette étude de distinguer, grâce à leur amplitude, l’origine des mouvements
verticaux observés le long de la côte sud de l’Islande.
3. Présentation de la zone d’étude : de Reykjanes à Vík
Nous avons concentré notre étude sur la côte sud de l’Islande, depuis la péninsule de Reykjanes jusqu’à k.
Cette vaste zone d’étude peut se diviser en trois parties bien distinctes : la péninsule de Reykjanes, une partie
centrale depuis Hveragerði jusqu’à Hvolsvöllur, et une partie orientale autour Vík1.
En dépit d’une apparence inhospitalière, la péninsule de Reykjanes est un paradis tectonique et
volcanologique. L’absence de végétation permet une observation à chaque instant de la roche affleurante.
1 Les descriptions des différentes parties de la zone d’étude sont largement inspirées de Þordarson et Hoskuldsson
(2002).
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