Science politique générale. Introduction. La science politique, telle quʼelle est définie dans le dictionnaire, est la discipline qui a pour vocation dʼétudier et mettre en relation les différentes dimensions de la vie politique : idéologies, théories, valeurs, institutions, organisations, comportements politiques... La science politique a fait son entrée dans les facs de droit en 1954. Cʼest une matière qui diffère de ce quʼon peut trouver dans ces fac. Lʼobjet de la discipline peut poser problème, dans le sens où cet objet, lʼétudiant a lʼimpression de déjà le connaître. Cʼest ce quʼon appelle lʼillusion du savoir immédiat. 1. Lʼillusion du savoir immédiat. Ce quʼon appelle aussi les prénotions (Durkheim), que dʼautres ont pu également appeler la connaissance vulgaire, le sens commun (opposition entre savoir savant et savoir spontané (Bourdieu). Il suffirait dʼobserver avec attention un phénomène pour faire oeuvre scientifique. Or ce nʼest pas lʼobjet qui fait la science, mais le choix des méthodes. Pour faire de la science politique il faut être en mesure de distinguer lʼobservation scientifique de lʼobservation intuitive. Il faut aussi être en mesure de distinguer la science politique du journalisme politique (attention : pas de jugement de valeur), même si il y a aujourdʼhui une confusion certaine entre les deux (Alain Duhamel, Olivier Duhamel). Nous avons des convictions héritées de notre histoire familiale, personnelle : nous avons été socialisés. Nous partageons tous, de façon plus ou moins consciente, une certaine idéologie, nous sommes détenteurs dʼune certaine culture politique. 2. La socialisation politique. Processus dʼinculcation de normes et de valeurs qui va permettre à une société dʼintégrer ses membres. Braud : Sociologie politique (plutôt ouvert à lʼécole bourdieusienne) Jean Baudouin : Introduction à la sociologie politique (plutôt hostile) A consulter en parallèle. Deux points de vue différents. Braud : «Processus dʼinculcation de normes et de valeurs qui organise les perceptions par les agents sociaux du pouvoir politique (dimension verticale) et du groupe (dimension horizontale).» En France, Annick Percheron et Anne Muxel ont travaillé sur la socialisation politique. Cette socialisation permet lʼintériorisation de normes et de croyances collectives. Elle est utile aux gouvernants et aux gouvernés. Aux gouvernants, pour légitimer leur pouvoir auprès des gouvernés. Ce qui signifie obtenir leur consentement à lʼobéissance. Elle est utile également aux gouvernés, dʼun point de vue psychologique. Parce quʼelle leur donne lʼimpression quʼen obéissant aux gouvernants ils conservent leur liberté. Parce quʼen définitive par ce mécanisme ils ont lʼimpression dʼobéir non pas à la personne des gouvernants mais à un principe supérieur. Selon les régimes, obéir à la volonté générale, à la Loi, au principe de la Justice, à la Nation, à la Patrie, bref quelque chose qui les dépasse. Ce travail de socialisation politique est effectué par divers vecteurs quʼon divise en deux : des milieux, et des agents de socialisation. Les milieux. La famille (voir Percheron et Muxel). On a une identité dans le choix électoral enfant-parent de 50%. Cette identité est encore plus forte que 50% si lʼaccord sur le choix électoral est exprimé devant lʼenfant. Les amis, les groupes dʼamis, les voisins aussi (surtout dans les pays anglo-saxons, en France cʼest moins vrai sauf peut-être en banlieue). Lʼécole est un milieu important de socialisation aussi, la classe sociale également (même si le concept nʼest plus très tendance...), les associations, les syndicats, les Eglises, et les communautés locales et nationales via le discours porté par les médias. Les agents. A lʼintérieur de chacun de ces milieux sociaux, on trouve des agents de socialisation. A lʼécole, lʼinstituteur va être un agent de socialisation. Il relaie, consciemment ou non un certain discours qui va être plus ou moins représentatif de lʼautorité. Quelle autorité? La sienne, celle des parents, des ministres qui ont défini le programme? On sait pas mais en tout cas il représente une autorité. Mais ce nʼest pas le seul : il est en présence dʼélèves leaders qui vont plus ou moins contester son discours. On peut aussi citer le rôle des leaders dʼopinion à lʼintérieur des associations, y compris celles qui nʼont a priori aucune vocation politique. Et à fortiori dans les partis, qui sont des associations (en France). Dans la famille, il y a aussi des leaders dʼopinion. Dans la famille «traditionnelle», le père et la mère, ou juste le père, ou juste la mère. Ou un oncle ou une tante, si on est en relation de confiance avec lui et quʼil y a des problèmes avec les parents. Ensemble de croyances et de valeurs qui influences nos comportements individuels : idéologie et comportements politiques. 3. Le concept dʼidéologie Il y a autant de concepts dʼidéologie que dʼauteurs. Trois grands types de définitions. • Dʼabord, les définitions péjoratives ou non basées sur les critères du vrai ou du faux. On trouve de type dʼapproche chez Marx, le jeune Marx : cʼest la vision déformée, inversée de la réalité. Lʼidéologie nʼest pas la réalité. Cʼest la camera obscura, qui donne une image renversée. Marx appelle ça la conscience fausse de la réalité. Raymond Aron (voir Les étapes de la pensée sociologique) appelle idéologie «les idées de mon adversaire». • Deuxièmes définitions : les définitions instrumentales, de sens commun. Lʼidéologie est dans ce cas lʼensemble des idées, doctrines ,croyances propres à une époque, une classe, ou à une société. Bref : cʼest un système de croyances (les croyances sont organisées dans un ensemble cohérent). • Troisièmes définitions : les définitions savantes. Définition de Raymond Boudon : les idéologies sont des doctrines plus ou moins cohérentes qui combinent à dose variable des proposition prescriptives et des propositions descriptives. Ex : socialisme, libéralisme, écologisme... Exemple de lʼidéologie marxiste. Proposition descriptive : le capitalisme organise la domination dʼune classe. Proposition prescriptive : il faut faire la révolution. Autre définition Braud : ensemble structuré de représentations du monde social qui fonctionne à la croyance politique et à la violence symbolique (à distinguer de la violence visible ; il sʼagit des rapports de domination etc...) 4. La notion de culture politique. Cʼest un terme qui peut prêter à confusion. En science politique, la culture politique ce nʼest pas la masse de connaissances que lʼon accumule sur la chose politique. Ce nʼest pas le fait de connaître la liste des présidents de la Ve république, ou les membres du conseil constitutionnel... Ca, cʼest la dimension cognitive de la culture. Tout le monde véhicule une certaine culture politique. Nous avons tous, consciemment ou non, un certain système de représentation qui filtre notre perception du réel, notre rapport au champ politique. Par culture politique, les spécialistes entendent généralement «lʼensemble des attitudes, croyances et sentiments qui donnent un ordre et un sens à un processus politique». (Lucian Pye). (voir le chapitre sur la culture politique dans le traité de Grawitz et Lecas). Seconde définition, celle de Philippe Braud. «Lʼhéritage de savoirs, croyances et valeurs qui donnent sens à lʼexpérience routinière que les individus ont de leurs rapports au pouvoir qui les régit, et aux groupes qui leur servent de références identitaires». Que signifie «référence identitaire»? En sociologie, il y a une distinction entre le groupe dʼappartenance et le groupe de référence. Appartenance : lʼâge, le sexe, la profession, la religion, la nationalité, lʼethnie. Référence : les jeunes, les seniors, le centre, la droite, la gauche en politique, travailleur, wasp, afro américain, latino aux Etats Unis. En France, les classes moyennes. Pourquoi toutes ces définitions avant de rentrer dans le vif du sujet? Dʼabord parce que la politique, c'est le domaine des émotions, de la violence, domaine qui rime avec rapport de force. On peut donc difficilement se comporter, en science politique, comme un géologue face à ses pierres. Ca nécessite donc de savoir de quoi on parle, et de ne pas confondre deux logiques : la logique du savant, et la logique du militant (voir Weber, le savant et le politique). Deux logiques qui sont incompatibles. La logique du savant est le dévoilement de la vérité, alors que la vocation du militant cʼest le dévouement à la cause. Dans les deux cas, on retrouve lʼobjet politique, quʼon a tous lʼimpression de connaître plus ou moins a priori. 5. La notion de politique. BURDEAU : la politique a cessé dʼêtre un domaine spécialisé car elle englobe toute la vie humaine. LECOMTE & DENI : caractère POLYMORPHE de cette notion & POLYSEMIQUE du terme. Notion chargée et surchargée sémantiquement. « Equivoque et instable, la pol fait partie de ces notions à la fois singulières et familières qui, saturées de sens, brillent mais nʼéclairent pas. » Réalités différentes pour « pol » # Etymologie : cité # Approche aristotélicienne : art de gouverner les hommes en société # Mais autres significations moins neutres. # P. Valéry : art dʼempêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde. # Puis + : art de décider les gens sur ce quʼils nʼentendent pas. # Puis conceptions péjoratives de la politique. # Mensonges # Débat stérile # Profit # Magouille # Trahisons # Démagogie # Corruption « mains sales » Sartre Les professionnels de la politique & leur langage. # « Administration, gestion des intérêts de la cité. # Et ceux qui font de la politique, ce sont les adversaires, car idéologie. » # = contradiction avec eux-mêmes, antipolitisme « un fin politique » = stratège, diplomate = qualité - LES politiques = acteurs Couleur politique, sensibilité, La politique « africaine » = domaine Politique réactionnaire, libérale, = orientation Prisonnier politique = x de droit commun, solution politique = x militaire = option Politique du gouvernement = stratégie Politique de protection de lʼenvironnement = politiques publiques POLICY : produits de lʼaction gouv. Càd les programmes, les décisions, les lois, les règlements Càd différentes politiques publiques Càd OUT PUT (en analyse systémique) = politiques produites POLITICS : processus liés à lʼexercice et à la conquête du pouvoir politique. = LA politique Pour localiser la sphère politique, les auteurs ont joué sur le genre du mot. BRAUD : • Le politique : «champ social de contradictions dʼintérêts (réels ou imaginaires), matériels ou symboliques. Mais aussi de convergences et dʼagrégations partielles et régulé par un pouvoir disposant du monopole de la coercition légitime. » • La politique : «la scène où sʼaffronte les individus et les groupes en compétition pour conquérir le pouvoir dʼEtat (et ses démembrements) ou pour lʼinfluencer directement. » Jean LECA :# • La politique : «ensemble des normes, mécanismes et institutions attribuant lʼautorité, désignant les leaders, réglant les conflits qui menacent la cohésion de lʼensemble intérieur et faisant la guerre à lʼextérieur ; ou encore lʼinstance où sʼarticule depuis le début les rapports de commandement-obéissance (le droit) et de domination-soumission (la force)». • Le politique : «le politique se repère essentiellement par sa fonction qui est la régulation sociale, fonction elle-même née de la tension entre le conflit et lʼintégration dans une société.» >>>>>>> Monarchomaques /////// Il y a autant de définition du politique que dʼauteur. Définir cʼest toujours un moyen de sʼapproprier. Lagroye (Sociologie politique) définit le politique phénomènes tenus pour politique. Plus loin, il politique ce que chacun reconnaît comme domaine politique. Il donne pour mission sociologie politique la mission dʼanalyser est politique. La sociologie politique doit expliquer tous les phénomènes sociaux q u e l c o n q u e i n fl u e n c e s u r l e comme lʼensemble des nous dit quʼest relevant du à la tout ce qui «saisir et ayant une politique». Vaste programme La politique nʼest pas une essence. Certains auteurs refusent la différenciation la/le politique. Tous les politistes sont dʼaccord pour dire que la politique nʼest pas une essence, et quʼemployer cette distinction signifierait quʼil y a le politique, dans sa pureté, et la politique qui serait un avatar, une forme dégradée et corrompue. Cʼest une vision idéaliste. Le politique, cela relève de lʼanalyse des faits sociaux. Pour le politiste il va sʼagir de montrer comment le politique est produit, déterminé par la société et comment le politique impose en retour sa marque sur la société. Le politique constitue cette société, il la structure, il lʼinstitue (livre célèbre : lʼinstitution imaginaire de la société). La société produit le politique, le politique institue la société, il lʼinfluence. Pour le politiste il va sʼagir dʼétudier les interactions entre politique et société. Certains auteurs, lecomte et denis, insistent sur le fait que le champ politique «nʼa pas dʼautre frontières que celles que lui donne lʼorganisation collective des groupes humains qui le déterminent». Pas de frontière rigide entre la sociologie générale et la sociologie politique. On peut dire que cʼest une façon de nier la spécificité du politique. Cʼest une négation complète de la science du politique. Ceci pour dire quʼon trouve beaucoup dʼexpressions synonymes qui montrent quʼon est dans un domaine imprécis. Les sociologues sʼen occupent, les historiens, les juristes. Il nʼy a pas dʼaccord sur les appellations, sur les frontières, sinon pour les transgresser. On est confronté à différents vocables, tous révélateurs dʼun parti pris, conscient ou non. Dʼabord, le fait de mettre «les» sciences politiques au pluriel. Cʼest très symptomatique. Cʼest une façon de nier un domaine, une spécialité académique. Ca veut dire quʼil y a une sociologie politique, une histoire politique, une histoire politique etc.. On dit aussi sociologie politique. Certes cʼest une grosse partie de la science politique mais ça nʼen est quʼune partie. Il y a aussi la sociologie DU politique, pratiquée par des sociologues qui nient la spécificité du politique. Il y a aussi science du politique. Voilà. Lʼhomme est un animal social, pour le meilleur et pour le pire. Titre 1 : Une approche sociologique des phénomènes politiques. # On a dit a juste titre que la science politique était la petite dernière des sciences sociales. On a dit que cʼétait la plus imprécise des sciences de lʼimprécis. Sa jeunesse relative nʼa pas empêché à la science politique de sʼimposer comme une science à part entière. (scientificité de la science politique : voir Pierre Fabre). Scientificité, cela signifie que la science politique va imposer son territoire. Lʼétablir. Cʼest jamais fini, la concurrence est permanente. Soucieuse aussi de se spécialiser : revues, laboratoires... Soucieuse de se professionnaliser (parcours spécifiques, diplômes. Voire, pour certains, volonté de rivaliser en rigueur, en précision, avec les sciences de la nature (chapitre entier dans le Traité de science politique sur des trucs mathématiques avec des diagrammes). Comme toute science, elle suppose des concepts, des méthodes spécifiques. Chapitre 1 Les ambitions dʼune science sociale. On verra ce que nʼest pas la science politique. Ce nʼest pas la science de la politique. Puis on verra ce quʼelle est. Section 1 La science politique nʼest pas la science de la politique La science politique nʼest pas destinée à expliquer la meilleure façon de conquérir le pouvoir politique, de lʼexercer et de le conserver. La bonne gouvernance, expression technocratique et passe partout. Elle nʼa pas pour vocation de fournir aux acteurs politiques des techniques, recettes pour conserver le pouvoir. Les ouvrages quʼon appelait des Traités, des manuels de conduite politique, tels quʼon pouvait les trouver chez les grecs anciens (Plutarque, les Préceptes du politique, 1er siècle ; Machiavel, Le Prince, 1513), ne relève pas de la science politique au sens actuel du terme. Une science qui permettrait aux acteurs politiques dʼinscrire leur action dans un cadre scientifique NʼEXISTE PAS. Si cette science existait Machiavel aurait pu échapper au destin quʼil a connu. Quelquʼun dʼautre avait cette conception, Thomas Hobbes (Le Léviathan). Dans sa pensée, lʼhomme est considéré comme un mécanisme quʼil conviendrait de régler pour que la société fonctionne bien. Cela procède dʼune vision à la fois positiviste, mathématique et mécaniste de la société. Mais cʼest illusoire. On retrouve enfin cette idée chez Saint Simon (entre le XVIIIe et le XIXe siècle). Cʻest le précurseur de la pensée technocratique. Il dit « la politique est la science qui a pour objet lʼordre des choses le plus favorable à tous les genres de production économique». Pour lui lʼéconomie est prioritaire par rapport à la question des institutions. Lui plaide en faveur dʼun gouvernement de techniciens. Chez Saint Simon il y a cette idée quʼil faut trouver un régime où, selon la formule célèbre à une époque, «lʼadministration des choses remplacerait le gouvernement des hommes». En réalité cʼest une vision scientiste, technocratique. (question de la filiation avec le totalitarisme. La réponse est non, pas de filiation) Section 2 La science politique ne se résume pas à la sociologie politique On a pu dire (des politistes) que la science politique était la fille incestueuse de lʼhistoire et du droit. On peut lui donner dʼautres parents putatifs. Lagroye dit que la sociologie politique est une tentative de mise en perspective (des interprétations données par toutes les sciences qui étudient la dimension politique des faits sociaux). La philosophie politique, lʼanthropologie (Balandier, Clastres), lʼéconomie, la géographie. Avec cette approche là, on voit mal ce qui pourrait différencier la sociologie politique de la science politique. Mais Lagroye dit : si on élargit trop le champ de la sociologie politique on risque dʼoublier quʼelle nʼest pas TOUTE la science politique. Certains auteurs emploient de manière délibérée le terme de sociologie politique en lieu et place de «science politique». Lʼopération nʼest pas innocente, il sʼagit de montrer que le politique nʼest quʼun aspect de la société globale que la science politique nʼest pas une science carrefour mais bien une branche de la sociologie. Il sʼagit surtout de montrer que le premier devoir du sociologue cʼest de rattacher les faits sociaux (et les faits politiques sont des faits sociaux) à la totalité sociale. Le message implicite, cʼest quʼil est impossible dʼétudier le politique en soi. Dans le même sens, toute la sociologie de Pierre Bourdieu est construite sur le refus dʼune science autonome du champ politique. Les frères ennemis que sont les publicistes et les sociologues, que tout oppose, sont unis dans le rejet dʼune science autonome du politique. Or il y a bien une science autonome, divisée en plusieurs secteurs : théorie politique (histoire des idées, philosophie politique) ; sociologie politique ; politiques publiques ; relations internationales. Selon Jean Baudouin, parler de science politique au lieu de sociologie politique peut signifier que lʼanalyse du politique proprement dite doit être dissociée de lʼanalyse du social. Tout est question de point de vue, au sens de Weber. Braud est le représentant de cette idée quʼil nʼy a pas de spécificité du politique. Chapitre 2 Une science en quête dʼobjectivité Section 1 Le principe de neutralité axiologique (Weber) Neutralité axiologique : neutralité sur le terrain des valeurs. Weber a eu un prof qui passait ses cours à faire de la propagande politique et cʼest de ça que lui est venue sa théorie de la neutralité axiologique. Mais par quel miracle le politiste échapperait aux mécanismes quʼil décrit? Comment ne serait-il pas lui aussi historiquement et socialement situé? Comment nʼaurait-il pas des intérêts pratiques de statut social, dʼargent, de pouvoir? (le travail de toutes ces sciences, cʼest de sʼentendre sur les mots, les définitions ?) Non seulement lʼéquation personnelle du politiste intervient dans son champ de recherche, mais en outre il va élaborer sa théorie explicative sur la base dʼun paradigme particulier quʼil va choisir à lʼintérieur des paradigmes en vigueur dans la communauté scientifique. (le paradigme, cʼest un ensemble de propositions conventionnellement accepté dans tout ou partie de la communauté savante à partir duquel se construit une tradition de recherche. Voir Braud pour ce genre de définitions basiques) Ca ne signifie pas que ces recherches vont être le reflet de ces intérêts pratiques, mais le savant ne peut prétendre échapper par miracle aux déterminations sociales et aux croyances idéologiques qui affectent tous les acteurs sociaux. En dʼautres termes, la validité de la science repose sur le fait que le savant ne va pas projeter dans sa recherche ses jugements de valeur. Le fait que les préférences du chercheur sʼexpriment dans lʼorientation de sa curiosité nʼexclue pas la validité des sciences sociales et historiques. Ce que ces sciences tentent de faire : elles essaient de fournir des réponses universelles à des questions qui sont légitimement orientées par nos centres dʼintérêt et par notre curiosité. Cette difficulté, quelquʼun en science politique a tenté de la surmonté, cʼest Max Weber avec son principe de neutralité axiologique. Cʼest lui qui a pris toute la mesure de cette question. Pour lui les sciences sociales doivent rester neutres au plan éthique. Ce principe de neutralité axiologique peut se comprendre de deux façons. Il peut se comprendre comme la prohibition de tout jugement de valeur. Ou bien essayer dʼopérer une séparation rigoureuse entre dʼun côté les propositions descriptives et de lʼautre des propositions normatives. Des propositions descriptives, ce serait dire : «dans cette salle, il y a plus de filles que de garçons». Proposition normative : les filles sont plus intelligentes que les garçons. Cʼest un jugement de valeur. Sur le plan politique, dire «la droite a gagné les dernières élections» cʼest une proposition descriptive. Dire «la droite est meilleure pour diriger un Etat, la gauche est meilleure pour protéger le social», cʼest normatif. Faire cette distinction, ça relève de la neutralité axiologique. Ces deux interprétations de la neutralité sont acceptées par les politistes. De manière générale la science politique nécessite une certaine prise de distance par rapport à lʼobjet de recherche. Le politiste ne peut pas ignorer les catégories des acteurs sociaux quʼil étudie, et ne pas les ignorer, ça veut dire que si il étudie le militantisme dans un parti, il est bien obligé de connaître les valeurs partagées par ces militants, mais connaître ces valeurs ça veut pas dire les épouser. Or on voit des chercheurs travailler sur le parti socialiste alors quʼils étaient militants au parti socialiste : ça pose problème. De la même façon le politiste nʼa pas à vouloir se substituer aux acteurs sociaux pour leur dicter leurs choix politiques.Lʼobservation participante a été une école (touraine, lapeyronie) active dans les luttes féministes et autres... Avec ce type de méthode, le sociologue est à la fois observateur et acteur. Il faut quand même dire, et cʼest un point de vue communément partagé, ce nʼest pas de dicter aux acteurs sociaux leurs choix politiques. Ca cʼest le rôle de lʼhomme politique, du moraliste. Mais dire cela, cʼest DÉJA un jugement de valeur. Les théoriciens de lʼécole de Frankfort nʼétaient pas dʼaccord avec ça. Adorno, Horkheimer, Marcuse plus tard... Et de manière générale les auteurs marxistes ne seraient pas dʼaccord. Leo Strauss, spécialiste de lʼhistoire de la philosophie politique, également. Il considérait que Weber était le plus grand sociologue du XXe siècle, mais en même temps il était en désaccord avec cette neutralité axiologique. Il considérait que ce dernier avait une phobie des jugements de valeur qui pouvait le conduire, lui et ses lecteurs, au nihilisme. Weber était un pur relativiste. Strauss disait que si on fait comme Weber, si on se prononce pas sur la valeur des valeurs, si il nʼexiste pas en soi de système de valeurs, de hiérarchie, si tout se vaut, alors la science sociale perd toute son utilité selon Strauss. Opinion partagée par Bourdieu et ses disciples, qui avaient adopté le point de vue opposé à celui de Weber. Plus la sociologie devient scientifique, plus elle devient politiquement pertinente, et efficiente. Pour Bourdieu il y a une mission politique du sociologue, qui est de changer la société. Gramsci insistait sur le caractère éminemment politique de la science. Mais la position majoritaire, orthodoxe, chez les politistes, on la trouve exprimée chez Philippe Braud. La science politique doit adopter un point de vue purement clinique : elle doit se contenter dʼobserver, de décrire, de comprendre. Et non pas de dire comment elle devrait fonctionner. A propos du détournement des idées scientifiques. Jacques Ellul qui prônait la non puissance (au delà de la non violence) a inspiré le unabomber. # Section 2 La voix discordante de la théorie politique. Des gens comme Lefort, Castoriadis, Clastres, réhabilitent la notion de régime, disent quʼil faut dire quʼun régime est préférable à un autre. La théorie politique conteste un certain nombre de propositions quʼon a exposées jusquʼà présent. # A lʼintérieur de la science politique dʼautres voix se font entendre pour refuser cette dichotomie qui oppose une science politique normative, à la recherche du meilleur régime politique, à une science politique qui serait purement clinique, qui viendrait décrire seulement le fonctionnement de la machine. La théorie politique va à lʼencontre du théorème dominant. La théorie politique sʼinterdit de dissocier lʼexploration du sens et la détection des mécanismes. Ce quʼon peut dire plus simplement : la théorie politique ne veut pas se limiter à la question du comment, elle sʼintéresse aussi à la question du pourquoi. En science politique il y a un consensus sur un minimum de détachement par rapport à lʼobjet politique, mais il y a désaccord sur le degré de distance. Le point de vue de lʼobservateur qui avec ses catégories construit ses objets de recherche et revendique un degré de connaissance. (on est au niveau de lʼepistèmé). Le point de vue de la théorie qui est celui du participant qui part des problèmes de la cité pour se hisser ensuite à des propositions plus générales. (on est au niveau de la doxa, lʼopinion partagée). Hannah Arendt trouve légitime au départ de partir de notions de sens commun de despotisme, ou tyrannie (nazisme, stalinisme). Elle trouve que ces notions sont impuissantes à rendre compte du caractère inédit de ces deux régimes, elle en vient à créer la notion nouvelle de totalitarisme. La théorie politique nʼa pas pour vocation de rompre avec le sens commun, elle peut lʼéclairer, «lʼhabiller dʼun accoutrement plus rigoureux» (Baudouin). Cette théorie politique avoue explicitement sa dépendance initiale à lʼégard de la cité. Elle dit que les questions quʼelle doit affronter sont celles de ses membres, celles des gouvernés, comme les questions doivent affronter celles des gouvernants. Bref on revendique une posture citoyenne, et donc forcément militante. Aujourdʼhui à quoi sʼintéresse la théorie politique? Aux questions que se posent les gouvernants et les gouvernés. La balance entre égalité et liberté, la question de lʼuniversel et du particulier, la balance sécurité liberté, la relation homme nature... La théorie politique avoue sans rougir sa dépendance initiale à lʼégard des problèmes que se pose la téci. Elle est confrontée aux mêmes problèmes que les gouvernants et les gouvernés. Le discours des acteurs sociaux que tous les citoyens sont nʼest a priori ni mystificateur ni transparent. Cʼest toute la difficulté : la recherche de lʼentre-deux. La théorie politique va essayer dʼavoir la position du traducteur interprète.PAS CONFORTABLE. Cette théorie politique réprouve dʼun côté la neutralité axiologique telle quʼelle est prônée par Weber et ses successeurs, qui considèrent que la science nʼa pas à se prononcer sur le contenu des valeurs, sur la valeur des valeurs. Elle condamne aussi lʼautre position, lʼillusion positiviste qui consisterait à croire que la science peut nous dire ce qui est bien, juste, position dʼEmile Durkheim et, plus récemment, de Pierre Bourdieu. Pour la théorie politique, le Vrai relève uniquement de la science alors que les catégories du bien et du juste relèvent du politique. Ca veut pas dire pour autant que la science politique soit inapte à éclairer la décision politique, mais ce quʼil ne faut pas confondre, insistent les représentants de la théorie politique, ceux qui veulent interpréter le monde, les scientifiques, et ceux qui veulent modestement le rendre viable. Cʼest la tâche des hommes politiques. # Mais le vrai différend entre sociologie politique et théorie politique nʼest pas là. La sociologie politique place le politique à lʼintérieur du social, alors que pour la théorie politique, cʼest au contraire le politique qui va être lʼinstituteur privilégié du social. Pas le seul, mais le plus important. Castoriadis parle de «lʼinstitution imaginaire de la société». A la base, cʼest la religion, les mythes, qui modèlent blabla. Pour Claude Lefort, il faut refuser ce quʼil nomme lʼopération de connaissance qui fait surgir lʼobjet en le séparant dʼautres objets définissables. Il sʼen prend à la sociologie politique dominante qui fait un travail de découpage. Sociologie illustrée par Braud. Pour ces auteurs, la science politique découpe dans la chair du social une classe dʼobjets particuliers, et va les étiqueter comme politiques ou non politiques. Elle sépare, et en même temps elle délimite, circonscrit le politique, le religieux, le domestique, lʼéconomique etc... A chaque fois on a lʼimage dʼune sphère politique qui est située à lʼintérieur du social. Indépendamment de toutes ces écoles. Si on les prend par ordre chronologique : chez Weber le politique va être référé à un ordre de domination légitime, au monopole de la contrainte physique légitime. Une école plus contemporaine, lʼécole fonctionnaliste de Parsons, voit le politique comme un sous système du social, au même titre que lʼéconomique etc... La fonction de ce sous système est de réguler la distribution du pouvoir. Pierre Bourdieu, avec sa théorie du champ, présente un champ politique, qui coexiste avec dʼautres, économique, culturel... Pour la théorie politique, ce qui sépare ces écoles est moins important que ce qui les réunit. Tous sont dʼaccord pour dire que le politique est à lʼintérieur du social. Cette volonté dʼassigner un lieu au politique a une conséquence majeur : ça débouche sur le refus de prendre en compte la notion de régime politique et refus de différencier les régimes. Lefort le dit explicitement : la science politique est née de ce refus de pratiquer une différenciation entre les sociétés, entre les régimes. (le prof dit non, la sociologie politique, une certaine sociologie politique, peut être, mais pas la science politique). # Si on sʼintéresse aux objets de la science politique, on a dʼabord le politique, rapporté au pouvoir. Cʼest lʼapproche dominante dans la sociologie américaine. Vision reprise par un auteur comme Robert Dahl, lʼauteur de la , poids lourd de la sociologie américaine, qui vont définir la politique par lʼexistence de trames persistantes, de rapports de pouvoir dans la société. Le risque de cette approche ; que toute relation sociale soit considérée comme politique. Ce nʼest pas le cas. Autre approche : le politique érigé en système. Cʼest lʼapproche dʼun autre poids lourd, David EASTON (LʼAnalyse Systémique). Ca vient dʼabord de la biologie, de la thermodynamique, de la cybernétique puis ça a atteint la science po dans les 70s. Suppose quʼil y a un ensemble inter-relié dʼéléments qui résistent aux chocs de lʼenvironnement. Dans sa version la plus simplifiée : Input La boite noire Output Lʼexécutif, les assemblées, lʼAdministration etc... Feedback Ignore la structure interne de lʼautorité au profit de la relation quʼelle noue avec son environnement social. Lʼanalyse systémique est considérée comme en progrès car elle prend en compte lʼallocation autoritaire des valeurs (au sens, également, des choses de valeur), et insiste sur la régulation des conflits sociaux, le travail de pacification. Mais, reproche de la théorie politique, elle refuse de hiérarchiser et fait de la politique une simple affaire de gestion. Le reproche plus général cʼest que ce type dʼapproche ignore ce qui fait le caractère spécifique du politique. # Il y a un autre objet, cʼest le politique confondu avec la domination. Weber, ses héritiers, définissent le politique comme la capacité dʼun groupement politique, à concentrer en ses mains les moyens de la coercition physique légitime. Le terme légitime est important. Cette coercition est consentie par les dominés. Weber valorise les procédés de légitimation au détriment des principes générateurs des sociétés politiques. Rappel sur les trois types de domination légitime selon Weber. Le type de domination traditionnel, le type de domination charismatique (charisma, la grâce, un don des dieux, ça ne se travaille pas), le type de domination légal-rationnel. Selon la théorie politique, dans cette approche le politique va être réduit à la domination légitime, puisque on a vu que lʼargument commun cʼétait de trouver un type de domination. Lʼidée cʼest que chaque régime peut avoir un trait de chaque type de domination. Exemple : le régime gaulliste. Il y a un élément charismatique, un élément légal-rationnel. Et un élément traditionnel? Oui, les «barons» du régime, qui ont brillé sous la résistance. Bref? Avec ce type dʼapproche, on réduit tout le politique à une affaire de domination. Avec ce type de démarche, pour la théorie politique, on met dans le même sac tous les régimes. On nʼaccorde pas la place quʼon devrait accorder aux différences entre les régimes. # Selon la théorie politique, le politique nʼest pas un simple secteur à lʼintérieur de la société. Au contraire, cʼest le politique qui va instituer le social (voir Castoriadis). Il y a une sorte de renversement de lʼapproche sociologique. Elle sʼoppose à ce quʼelle appelle la vulgate durkheimienne. Cette approche fait du politique un dérivé de la vie en société. Au contraire pour la théorie politique cʼest le politique qui est le pôle symbolique où la société va se nommer, se représenter et le pôle grâce auquel elle sʼinstitue (on retrouve lʼanalyse de Clastres). A la base de la théorie politique on retrouve le refus de lʼautosuffisance du social. Pour la théorie politique, une société sʼinstitue dʼabord dans lʼordre symbolique de la représentation. Le politique, cʼest bien lʼindice dʼune division originaire de la société. Si il nʼy avait pas de différence, de divisions entre les groupes, il nʼy aurait pas de politique. Le politique cʼest le lieu qui opère la figuration de lʼespace social, et en même temps qui avoue lʼexistence dʼun divorce entre son être empirique et sa représentation symbolique. Lʼêtre empirique, cʼest la pluralité, lʼinégalité entre les groupes. La représentation symbolique est faite dʼunité, grâce à la fiction de lʼégalité des citoyens. Alors que dans la pratique, au plan empirique, on a des individus, une pluralité. Cette ambivalence est encore plus perceptible dans un régime démocratique. Pourquoi? Parce que la démocratie est le régime qui entend donner une forme à tout ce qui divise la société, de façon normale, pas pathologique. Dans un régime démocratique, le politique cʼest ce dialogue public qui peut être conflictuel, bruyant, que la société entretient de façon pacifique avec elle même. Ce dialogue, cʼest ce qui permet aux sociétés de faire leur propre histoire. Autre point que soulève la théorie politique : pour elle, le politique a trait à lʼuniversel. Le politique permet à la société de sʼauto-représenter et lui permet de gérer les tensions entre deux ordres irréductibles, deux pôles, ce qui est de lʼordre du général, et ce qui est de lʼordre du particulier. La théorie politique rappelle sa dette envers la philosophie antique. Cʼest la grande leçon dʼAristote. Celui qui croit pouvoir se passer des autres doit être soit une brute soit un dieu. Vivre politiquement, ça veut dire vivre humainement, vivre avec les autres, et si possible en amitié. Parce que livré à elle même, la société peut favoriser lʼexacerbation de tous les particularismes. Toutes les formes de revendications identitaires, qui vont être à la source de tensions violentes. Cʼest ce que Kant appelait «lʼinsociable sociabilité de lʼhomme». Cʼest au politique de faire en sorte que le droit des individus à exprimer leur singularité puisse se concilier avec la nécessité de vivre ensemble, de faire société. Cʼest ce que Castoriadis appelait lʼinstitution imaginaire de la société. Le politique, cʼest à la fois ce qui permet à une société de représenter, mais il est aussi action, et, surtout, institution de la société. Il permet à la société de se penser, de se constituer. Pour la théorie politique, le politique précède le social. Il nʼest pas à lʼintérieur de la société, car la société nʼadvient à elle même que par le détour de son institution. Il nʼest pas non plus en dehors de la société puisquʼil en est sa condition dʼexistence. Toute société a son origine dans des ordres de représentation qui ne sont pas accessibles à la connaissance scientifique, nous dit Claude Lefort. Pour illustrer son propos il évoque les idées dʼégalité et de liberté, qui sont au coeur des régimes démocratiques. Ce ne sont pas des objets externes quʼil faudrait construire. Ce ne sont pas non plus des hypothèses quʼon peut soumettre au critère de Karl Popper : la falsifiabilité ou réfutabilité. # # La théorie politique nʼest pas liée par un strict devoir de neutralité axiologique. Même si elle ne pose pas au départ une idée du Juste, du meilleur régime, elle est dʼaccord pour accepter un certain relativisme méthodologique. Mais ce relativisme méthodologique doit être quand même combiné avec un certain engagement critique. La théorie politique est dʼaccord avec Socrate pour aller sur la place du marché : à la fois observer les comportements, lʼaction politique, et en même temps les juger. La théorie politique refuser dʼinstaurer des cloisons étanches entre le descriptif, le prescriptif, le normatif. Normatif: ce qui pose un souverain bien. Prescriptif : cʼest le rôle des programmes politiques, et des philosophes, des moralistes. Bref. Mettre des cloisons étanches ne peut aboutir quʼau nihilisme. Cloisons posées et imposées par le positivisme sociologique, qui, avec Durkheim et ses héritiers, pense quʼon peut trouver Le bon régime politique de manière scientifique. Et pourtant les jugements de valeur ne sont pas toujours où on les croit. Quand Braud dit que la majorité des politistes sʼintéressent à comment la machine politique fonctionne (et non au pourquoi), il sous entend que lʼunivers politique est essentiellement un monde de moyens, et accessoirement un monde de fins. Dire ça, cʼest un jugement de valeur implicite. Cʼest un parti pris métaphysique. Si les sciences sociales peuvent parfois paraître sombrer dans le nihilisme, cʼest en partie à cause des mots quʼelle emploie. Dolorisme, blablablabla. En conclusion, il faut surtout distinguer le relativisme dogmatique, qui peut déboucher sur une sorte dʼagnosticisme, et un relativisme méthodologique indispensable pour lʼanalyse politique. Ce relativisme méthodologique ne conduit pas automatiquement au nihilisme. Ce relativisme nʼaura pas la même signification dans toutes les sociétés. Dans un régime démocratique, ce relativisme peut favoriser le déclin de lʼesprit critique. Mais pour un étudiant chinois, ce relativisme sera une chance dʼarriver à prendre une certaine hauteur vis à vis de son régime. Titre II Lʼobjet de la science politique. Chapitre 1 Une science de lʼEtat? # Pour un nombre important de politistes, la science politique cʼest la science de lʼEtat. Olivier Duhamel parle, au sujet de notre régime, de monocratie dʼopinion, et cite Prelot : «nous parlerons de politologie chaque fois que nous viserons la connaissance systématique de lʼEtat». Cette approche a été dominante au sein des premiers travaux de la science politique. Section I Portée de cette approche Avantages : ça donne un cadre simple et précis pour lʼobjet de la science politique. On va étudier le gouvernement, son organisation, son fonctionnement, les différents rouages de la machine étatique, lʼappareil administratif. On a là une statologie. Conception aristotélicienne : étudier lʼEtat aujourdʼhui, cʼétait, hier, étudier la cité, le cadre spatial de la relation gouvernants-gouvernés. Cette approche nʼa pû quʼêtre renforcée par le triomphe de lʼEtat nation. Partout dans le monde on a voulu faire coïncider Etat et Nation. LʼEtat est le cadre majeur de lʼaction politique. Le cadre IMPOSÉ. Il semble donc légitime de le prendre comme objet dʼétude. Section II Limites de cette approche On passe de la statologie à la statolâtrie. LʼEtat est devenu le cadre exclusif, le seul cadre légitime de lʼexercice du pouvoir politique. Et donc, on risque de tomber dans ce quʼon appelle lʼinstitutionnalisme. Priorité donnée à lʼorganisationnel, on va expliquer les phénomènes sociaux et politiques par les normes juridiques, alors quʼil sʼagit précisément de faire lʼinverse. Ce sont les sociétés qui se donnent des règles juridiques, les règles juridiques sont un produit de la société. Ne pas tomber dans lʼillusion juridique. Cette approche est forcément réductrice. Elle nous empêche dʼétudier les sociétés qui nʼont pas encore dʼEtat, ou qui nʼen veulent pas. Les sociétés contre lʼEtat, pour reprendre lʼexpression de Pierre Clastres. LʼEtat nʼest quʼune des manifestations historiques du pouvoir politique. Celle qui correspond au mouvement de rationalisation de la civilisation moderne (Max Weber et Norbert Elias). Mais société sans Etat, cela ne veut pas dire société sans pouvoir politique. Le pouvoir politique a un caractère universel, mais on ne peut en dire autant de lʼEtat. les anthropologues nʼont fait que confirmer ce point de vue. Même dans des sociétés étatiques, lʼEtat nʼest pas le site exclusif du pouvoir politique. Comment prétendre étudier un pays comme le Liban si lʼon sʼen tient à la seule analyse de lʼEtat. Dans ce cas-là, on laisse de côté le poids des familles, des clans, des milices, des partis, des mouvements religieux. De même que dʼétudier le Liban sans étudier lʼinfluence des 2 pays voisins, Israël et la Syrie, ça confine à lʼabsurde. On est en présence dʼun pays à Etat faible. Mais même dans les régimes dotés dʼun Etat puissant, lʼEtat nʼest pas le seul site dʼexercice du pouvoir politique. Dans certains cas ce nʼest pas le site principal. En tout cas, ce nʼest pas le seul qui intervient sur le champ politique. Un Etats fort cʼest un Etat capable dʼassurer la sécurité à lʼintérieur et à lʼextérieur. Même dans ces Etats il y a dʼauteurs acteurs. Il faut étudier les partis politiques, les médias, qui les détient, les Eglises, les lobbies, les ONG, les syndicats, les associations. Cʼest pour répondre à ces insuffisante quʼune grande partie de la science politique a affirmé quʼil fallait un objet dʼétude plus général. Ce quʼil faut étudier, cʼest le pouvoir. Chapitre 2 : Une science du pouvoir ? Un auteur de référence en science politique disait que la sociologie politique est la branche des sciences sociales qui étudie les phénomènes de pouvoir. Cette optique est représentative. Elle a été partagée par des poids lourds de la science politique. Du côté américain, il y a Robert Dahl, Charles Meriam, Harold Lasswell. Côté français, on retrouve tous les poids lourds de la science politique, Maurice Duverger, Raymond Aron, Vedel. Section 1 : Portée de cette approche Lʼensemble de ces auteurs sʼaccorde pour assimiler la politique à lʼexercice du pouvoir. Ils vont définir la science politique comme la science du pouvoir. Ce type dʼorientation, on la retrouve parfaitement chez Robert Dahl. Il dit quʼun système politique consiste en une trame persistante de rapports humains qui implique une mesure significative de pouvoir, de domination ou dʼautorité. Il parle de la notion de système, mais surtout il arrive à parler du politique sans parler dʼEtat. On passe à un courant qui fait disparaître purement et simplement lʼEtat de son champ dʼobservation. Lʼavantage de ce type dʼapproche est de rompre avec la sacralisation de lʼEtat. Cʼest important car, si il a existé dans le passé et encore aujourdʼhui des sociétés sans Etat voire contre lʼEtat, le phénomène de pouvoir est universel. Comme le dit lʼanthropologue français Georges Balandier, toutes les sociétés humaines produisent du politique. Ce point de vue, on le retrouve chez lʼensemble des anthropologues, par exemple chez Lucie Mair quand elle déclare « le pouvoir politique est inhérent à toutes les sociétés ». Avec cette approche, lʼEtat nʼest quʼune des modalités possibles de lʼexercice du pouvoir. Ce nʼest pas la seule, ce nʼest pas nécessairement la plus importante. Lʼintérêt de cette approche est quʼelle a une portée universelle. Prendre pour objet le pouvoir va permettre à la science politique dʼintégrer dans son objet des acteurs ou des secteurs non étatiques qui sont pourtant décisifs en matière de contrôle, dʼexercice du pouvoir politique. Ex : les idéologies. Elles doivent être étudiées par le politiste. Plus généralement, ce quʼon appelle les systèmes de représentation, les systèmes de valeur, de croyance, doivent être analysés. On doit, avec cette approche, intégrer par exemple les phénomènes de communication politique, les politiques publiques (on préfère parler dʼaction publique). Mais si toute politique suppose une lutte pour le pouvoir, toutes les formes de pouvoir ne sont pas nécessairement de nature politique. En dʼautres termes, on peut se demander si cette approche par le pouvoir ne recouvre pas une définition trop large de lʼobjet de la science politique. Est-ce quʼon est pas dans lʼadage « qui trop embrasse mal étreint ». Section 2 : Limites de cette approche Ou bien le pouvoir est compris au sens étroit, cʼest-à-dire que quand on parle de pouvoir, cʼest le pouvoir institutionnalisé, que certains auteurs emploient avec une majuscule. Dans ce cas-là, ça renvoie au gouvernement, à lʼEtat, on retombe dans le premier cas, lʼinstitutionnalisme ou la statologie. Ou bien à lʼinverse le pouvoir est compris au sens large, cʼest-à-dire le pouvoir comme relation. Dans ce cas, la science politique risque de se confondre avec la sociologie générale car elle va être obligée de rendre compte de tous les phénomènes de pouvoir dans la société. Le pouvoir est présent partout : dans la famille, à lʼécole, dans lʼentreprise, dans une relation médicale, dans tous les groupes sociaux. La famille nʼest pas une structure démocratique, cʼest une structure verticale, il y a des relations de pouvoir. Mais ce ne sont pas des relations de pouvoir politique. Dans une relation de patient à médecin, il y a une relation de pouvoir. On va appeler pouvoir la capacité de A de faire faire à B une action quʼil nʼaurait pas faite sans sa relation avec A. Quand on va chez un médecin, on va recevoir un certain nombre de prescription. On va le voir car on lui reconnaît un savoir. Il y a une relation de pouvoir, mais pas de pouvoir politique. Il ne faut pas confondre le pouvoir politique avec les relations dʼautorité. Ces relations dʼautorité sont liées à des rôles sociaux. En prenant pour objet dʼétude lʼétude du pouvoir, on déplace le problème au lieu de le résoudre. Lʼapproche de David Easton : on ne veut plus parler dʼEtat. Il dit « La science politique cʼest la science de lʼallocation autoritaire des valeurs dans une société ». Il faut comprendre valeur au sens dʼobjet de valeur. Ce type de définition, ça risque de nous amener à la confusion. En réalité, lʼidentification de lʼobjet de la science politique bute toujours sur une définition de la notion de politique. La science politique nʼest-elle pas simplement une science du politique. Chapitre 3 : Une science du politique On lʼa vu, ce nʼest pas la science de la politique. En revanche on peut la concevoir comme la science de lʼunivers politique, du champ politique, des phénomènes politiques, bref la science du politique. Si lʼon adopte cette approche, il faut repérer les contours du politique avant de le définir. Section 1 : Repérer le politique On a dit que repérer le politique était une énigme protéiforme, quelque chose qui se transforme sans cesse. On a pu dire aussi que plus quʼune question, cʼest un problème permanent. Plus fondamentalement, on a dit quʼil nʼy avait pas dʼobjet politique théoriquement constitué. Ça veut dire quʼon ne définit pas de façon générique le politique. Mais il nʼy a pas non plus de telle définition du mathématique, du biologique, etc., ce qui nʼempêche pas des spécialistes de travailler dans ces domaines. En revanche, ce quʼon peut faire, cʼest tenter de localiser, de repérer, ce qui relève du politique et ce qui nʼen relève pas. On est dans le domaine des sciences humaines et sociales, on ne peut donc pas avoir la même rigueur que pour les sciences dures. On peut considérer comme politique ce qui est considéré comme politique par une société donnée à un moment donné. Ce nʼest pas la même chose tout le temps. le cas contraire reviendrait à dire que le politique est une essence. Il faut bien avoir en tête que le politique nʼest pas une essence. Cʼest plutôt une propriété caractéristique de la vie en société. Cʼest un produit de la vie en société. Le politique est un effet de la vie en société, mais en retour, le politique détermine lʼorganisation, le fonctionnement de cette société et même il la constitue, il lʼinstitue. Cʼest un phénomène dʼinteraction entre les deux. Les phénomènes politiques sont des faits sociaux. Il nʼy a pas de fait politique par essence. Certaines interactions sociales vont être politiques parce quʼelles vont subir un processus de codage. Le terme politique désigne une qualité que peut revêtir nʼimporte quelle relation sociale et non pas un type particulier de faits sociaux. Ce qui fait que tel fait va devenir politique, cʼest le rapport de force objectif entre des acteurs sociaux ou entre des groupes dʼacteurs sociaux, impliqués dans une relation, relation quʼils vont qualifier subjectivement de politique ou de non politique, qui va permettre à lʼobservateur ensuite dʼen déterminer sa nature. Sont politiques dans une société les phénomènes qui sont tenus pour politiques, les relations sociales qui sont considérées comme politiques par les acteurs. Jean Leca dit « lʼunivers politique relève dʼun type de relations et non de faits ; Le problème fondamental cʼest dʼapprécier la densité de politique dont se charge une relation sociale pour devenir une relation politique ». Cʼest quelque chose de tout à fait relatif dans le temps et dans lʼespace. Une grève dans une entreprise en raison dʼun licenciement, cʼest un fait social. Mais cette grève peut ou non se transformer en question politique. Il y a des grèves qui de bout en bout ont été des grèves politiques. Ça suppose un certain type de revendication, de médiatisation. Exemple : un quartier insalubre dans le Paris du XIXe siècle, cʼest perçu comme une question sociale. Personne ne pense à lʼépoque demander à la puissance politique dʼintervenir sur ce type de question, alors quʼaujourdʼhui, cela relève du politique. Les questions liées à lʼenvironnement : que ce soit la construction de centrales nucléaires, le traitement des déchets, le tracé des autoroutes, cʼest politique. les questions liées à la sécurité et lʼinsécurité, les retraites, la sécurité alimentaire, ce sont des questions politiques. elles ne le sont pas par essence, mais à un moment donné, dans un contexte donné et une société donnée. Les questions liées à lʼIVG. A priori cela relève de la sphère privée. Loi Veil de 1975 : droit à lʼavortement. Lʼopposition à ce droit est devenu politique, à lʼorigine il était religieux. Dans ce débat, rien nʼest neutre. Le choix des mots est politique. On est pour le droit des femmes à disposer librement de leur corps ou on est pour la vie. En Espagne, il y a un projet de libéralisation : ça fait descendre dans la rue 1M de personnes. Cʼest politique. la politisation dépend du contexte économique, social, culturel. Elle dépend dʼun certain nombre de circonstances. Le politique se repère pas sa fonction, qui est la régulation sociale, fonction qui est née de la tension entre le conflit et lʼintégration dans une société. Exemple donné par deux auteurs pour voir comment marche un processus de codage. En 1989, affaire du foulard (Idjab). Les deux auteurs disent 3 cas de figures. 1° si ce foulard est porté par des collégienne nord américaines, cette conduite sera considérée comme une simple fantaisie vestimentaire, un effet de mode. 2° si ce foulard est porté par des élèves de culture islamique, cette conduite va être interprétée comme un fait religieux, y compris par des non musulmans. 3° depuis 1989, si ce foulard est porté dans un établissement public en France et que le directeur du collège lʼinterdit au nom du principe de la laïcité, cette décision dʼinterdiction si elle est relayée par les médias va susciter un débat politique avec la Q du respect de la laïcité de lʼenseignement dʼun côté et de lʼautre le droit dʼexercer sa religion. Cʼest une situation politisée de bout en bout. Dans ce raisonnement il y a le présupposé que les nord américains ne peuvent être musulmans, or aux USA, il y a plus de 5M de musulmans. Il faudrait dire des collégiennes non musulmanes. Dans le 3e cas, processus de politisation. La démarche des collégiennes nʼétait pas strictement religieuse. 3e côté, les associations islamistes. Lʼislamisme, cʼest lʼinstrumentalisation de la religion pour des fins politiques. En 1994, circulaire Bayrou qui prohibe les signes ostentatoires dʼappartenance religieuse. Ce nʼest pas suffisant. En 2004, une commission parlementaire puis une loi qui reprend lʼinterdiction des signes ostentatoires. Cet exemple montre que la politisation dépend du contexte, pas de la chose en soi. Section 2 : Définir le politique Il nʼy a pas de définition faisant lʼunanimité. On peut quand même essayer de repérer les critères communs. Pierre Bourdieu refuse de traiter le politique comme une catégorie à part. Il parle systématiquement de problématique politique ou de champ politique. Lagroye à lʼinverse définit le politique comme ce qui se rapporte directement au gouvernement dʼune société dans son ensemble, gouvernement au sens des actes qui tendent à diriger et organiser la vie en société. Selon Philippe Braud, le politique cʼest le champ social de contradiction dʼintérêts mais aussi de convergence et dʼagrégation partielle et régulée par un pouvoir disposant du monopole de la coercition légitime. Braud précise également lʼobjet de la science politique : cʼest lʼétude des modes de production des injonctions socialement légitimes. On peut donner encore une autre définition, celle proposée par Lecomte et Denni. Ils définissent le politique comme le système de régulation indispensable à la vie dʼune société tissée de relations conflictuelles. Cette notion, cette fonction de médiation, dʼarbitrage est soulignée par nombre dʼauteurs. Idée que cet arbitrage est plus ou moins contraignant. Dʼune certaine façon, on se rend compte quʼil y a une référence implicite mais majeure à Max Weber dans tous les cas de figure. Weber définit la politique comme lʼensemble des efforts accomplis en vue de participer au pouvoir ou dʼinfluencer la répartition du pouvoir soit entre les Etats, soit entre les divers groupes à lʼintérieur dʼun même Etat ». Le politique, il nʼen donne pas une définition stricte. Il définit le politique par son moyen. Ce moyen cʼest la violence physique et pour lʼessentiel la violence physique légitime. On en veut pour preuve ses deux définitions de lʼEtat : « lʼEtat moderne est un groupement de domination de caractère institutionnel qui a cherché, avec succès, à monopoliser, dans les limites dʼun territoire, la violence physique légitime comme moyen de domination et qui dans ce but a réuni dans les mains des dirigeants les moyens matériels de gestion ». Définition dʼEconomie et société « Nous entendons par Etat une entreprise politique de caractère institutionnel dont la direction administrative revendique avec succès dans lʼapplication de ses règlements le monopole de la contrainte physique légitime ». On retrouve un ordre de domination qui renvoie à la différentiation gouvernants/ gouvernés, des injonctions régulatrices, une assise territoriale, une organisation administrative, mais surtout un pouvoir de coercition avec lʼidée de monopole. Enfin, ce pouvoir de coercition est légitime. Ça veut dire que la médiation politique est acceptée par ceux à qui elle sʼapplique. Les gouvernés consentent à obéir aux gouvernants. On peut retenir la définition de Weber comme hypothèse de travail car ses principales caractéristiques ont influencé les définitions modernes. Mais il faut souligner son caractère trop ethnocentrique. Ce critère du monopole de la violence physique légitime, il sʼapplique parfaitement à lʼEtat moderne occidental. Mais il nʼest pas universel. Le pouvoir ne peut pas se limiter à lʼEtat et le politique ne se réduit pas non plus à la coercition. Si on veut chercher une définition universelle, et non pas simplement occidentale, du politique, elle doit pouvoir intégrer les sociétés sans Etat. cʼest pour cette raison quʼon peut compléter Weber par un auteur canadien, Lapierre, quand il propose de nommer secteur politique les décisions régulatrices et directrices dʼaction collective qui assurent une certaine coordination entre les systèmes sociaux dʼune société globale. Référence aux sociétés amérindiennes, sans Etat mais pas sans politique. Titre III : Les méthodes (la tradition sociologique) Il y a une façon dʼéchapper à lʼillusion du savoir immédiat : cʼest dʼutiliser les méthodes. Ce nʼest pas lʼobjet qui fait la science, mais la méthode. Il faut avoir en tête quʼune observation attentive, minutieuse de tous les faits politiques, ne serait jamais suffisante en soi si elle ne passe pas par le choix de méthodes scientifiques parce que le fait scientifique nʼest pas constaté. Il est conquis, il est construit. Parmi ces méthodes dʼobservation scientifique du politique, on peut retenir trois grandes écoles : lʼécole empiriste, lʼécole positiviste et enfin lʼindividualisme sociologique. Ces trois grandes traditions nʼont pas disparues, elles coexistent aujourdʼhui. Chapitre 1 : Empirisme et Behaviorisme Lʼempirisme est la théorie selon laquelle toutes nos connaissances sont issues de lʼexpérience. Le behaviorisme, basé sur le comportement, issu de la psychologie et des sciences comportementalistes. Très vite, cette approche a été utilisée par les politistes américains à partir des années 20 jusquʼaux années 50. Cette tradition a connu son heure de gloire, popularisée par une expérience, lʼexpérience Milgram. Le behaviorisme vise lʼobservation systématique des comportements politiques. Les représentants de ce courant sont Charles Edward Merriam (1874 - 1954), Harold Dwight Lasswell (1902 1978) et Paul Lazarsfeld (1901 - 1976) (école de Chicago). Le mot dʼordre du behaviorisme pourrait être « les faits, rien que les faits, mais tous les faits ». Au point quʼon a pu parler de religion des faits. Section 1 : La religion des faits Pour les behavioristes, tout se ramène à un slogan, alors que si on remonte à ce qui peut être considéré comme le père fondateur de lʼempirisme, Francis Bacon (fin XVIe), on voit quʼil nʼa pas cette obsession. Il compare lʼempirisme à la fourmi en disant que la fourmi se contente dʼamasser les provisions (faits), de les collecter et par la suite. Le philosophe dogmatique, il le compare à une araignée : cʼest quelquʼun qui tourne en circuit fermé, lʼaraignée tire sa toile de sa propre substance. Ni la méthode de la fourmi ni la méthode plus dogmatique ne sont bonnes. Le véritable philosophe va se comporter comme une abeille, qui butine sur des fleurs et par un art qui lui est propre, elle va travailler cette matière première et donner du miel. Bacon dit que le véritable philosophe, le véritable savant cʼest celui qui se comporte comme une abeille. Ça veut dire que chez Bacon, il y a un appel à concilier lʼexpérience, mais aussi la raison. Chez les lointains héritiers de Bacon, cet appel à la conciliation, à mettre un peu de raison dans la collecte des faits, va disparaître. Dans lʼécole empiriste, on va sʼen tenir principalement à cette idée que pour faire œuvre scientifique, il faut, de la façon la plus complète possible, décrire le réel. On va donc tomber dans ce quʼon a pu présenter comme de lʼhyper factualisme. On a, chez les behavioristes, multiplié les études de détail, on a cherché à procéder à lʼaccumulation maximale de données factuelles. On a fait tout cela non seulement sans théorie globale pour interpréter cette collecte des données, mais avec une grande défiance à lʼégard de tout système théorique. Dans cet héritage de lʼempirisme que constitue lʼécole behavioriste, il sʼagit simplement de décrire les faits, de procéder à une observation systématique, minutieuse. Tout ce qui relève du conceptuel, dʼune quelconque théorie générale, cʼest renvoyé dans le registre de la spéculation métaphysique. Cʼest non seulement inutile, mais superflu et dangereux. Lʼambition des behavioristes, cʼest de faire de la science politique une science qui nʼait pas à rougir face aux sciences dites exactes, du point de vue méthodologique. Il sʼagit de rompre avec la conception traditionnelle de la science politique. On est dans la période des années 20-50, la conception traditionnelle de la science politique : la philosophie politique. À la toute fin des années 1950, ça ne signifie pas quʼil nʼy avait pas des empiristes avant, ni quʼil nʼy en ait plus aujourdʼhui. À la fin des années 1950, un auteur américain, Stanley Hofmann, notamment spécialiste des mouvements poujadistes (défense des petits commerçants et artisans, sous la IVe). Poujade ne combat pas la république, il veut la ramener à ses origines. Hofmann résume la science politique de ces années-là en la division entre deux camp. Un qui fonde le raisonnement sur la vérification méthodique des hypothèses, de lʼanalyse quantitative, la chasse de toute préoccupation morale. De lʼautre côté ceux qui restent sceptiques à lʼégard de la possibilité même de créer une science sociale qui soit comparable en rigueur aux sciences physiques et naturelles et qui vont donc refuser dʼopérer une distinction radicale entre ce qui est et ce qui devrait être. Pour les behavioriste, la priorité cʼest la description la plus rigoureuse possible des faits. Pour cela, la priorité va être de trouver des techniques dʼobservation, des méthodes de recherche. Ça a pour conséquence que le moyen qui va être la méthode, va finir par devenir plus important que la fin. Lʼinstrument de la connaissance va finir par dicter le choix de ce qui est et de ce qui nʼest pas à connaître. On eut parler dʼune véritable tyrannie de lʼinstrument. Section 2 : La tyrannie de lʼinstrument « De la méthode avant toute chose ». Pour bien marquer la rupture avec des approches considérées comme philosophico morales, qui sont considérées comme dépassées les behavioristes vont utiliser des méthodes dʼinvestigation réputées scientifiques. Ce qui va être recherché, cʼest des éléments fichés, toutes les dimensions quantifiables du comportement politique. Les behavioristes utilisent les méthodes quantitatives, la statistique. Cette obsession de tout enregistrer, de tout mesurer, de tout calculer, va finir par déterminer les sujets dʼétude. Ça va être le recours systématique aux sondages, aux enquêtes dʼopinion. En 1938, Jean Steuzel fonde lʼIFOP. Aux USA, cʼest Gallop en 1936. Recours aux panels. Panel : on cherche à mesurer le changement, donc on part dʼun échantillon quʼon interroge plusieurs fois et de mesurer lʼimpact de telle ou telle campagne. Cette technique a été utilisée par Lazarsfeld dans la compagne présidentielle américaine de 1940. On utilise aussi les interviews en profondeur, ainsi que les analyses de contenu (qui parle le plus vite, richesse du vocabulaire, etc.). Les behavioristes se sont donc intéressé en priorité à tout ce qui pouvait se mesurer : comportement électoral, lʼimpact des campagnes, structure de lʼélectorat, la participation électorale, lʼopinion publique, les partis politiques, les groupes de pression, les processus de prise de décision. Cʼest notamment ce quʼa pu faire Robert Dahl (qui gouverne). Avec ces behavioristes, on a lʼimpression que tout ce qui compte, cʼest ce qui peut se compter. Toute la réalité politique est réduite à ce qui peut se chiffrer. On va très vite voir apparaître des critiques concernant cette obsession de la classification. On va dénoncer cette véritable quantofrénie, testomanie. Avec ces behavioristes, on voit quʼun objet qui ne se mesure pas nʼa pas dʼexistence scientifique. Inversement, tout ce qui peut se mesurer devient scientifique. En bref, ce sont les questions qui sʼadaptent aux méthodes alors que ce devrait être lʼinverse. Cette approche a des limites, mais elle a fait malgré tout progresser notre connaissance du politique. Apport nécessaire, mais insuffisant. Etude publiée en 1949, « Le soldat américain ». Cette étude a le mérite de nous mettre en garde contre les dangers de la sociologie spontanée, le gros bon sens. Cette étude est dirigée par Lazarsfeld, Merton. Elle a porté sur 500.00 soldats, dont certains étaient stationnés en Allemagne, sur la période 1942-1945. Elle a permis de déboucher sur un certain nombre de propositions. On va assortir de commentaires tirés du gros bon sens : « Les soldats qui avaient un niveau dʼinstruction élevé présentaient plus de troubles de la personnalité que ceux qui avaient fait peu dʼétude ». « Pendant leur service militaire, les soldats qui provenaient dʼun milieu rural avaient généralement un moral meilleur que ceux qui provenaient des villes ». 3e proposition « les soldats originaires du Sud des USA, qui avaient été envoyés dans les îles du pacifique, ont mieux supporté le climat chaud qui régnait dans le pacifique que les soldats issus des Etats du Nord ». « les soldats américains qui étaient stationnés en Europe étaient plus impatients dʼêtre rapatriés pendant quʼils combattaient quʼaprès la défaite de lʼAllemagne ». Aucune de ces propositions nʼest en réalité exacte. Ce quʼa révélé lʼenquête de Lazarsfeld, cʼest quʼau contraire les soldats les moins instruits étaient les plus sujets aux névroses, les soldats citadins avaient un meilleur moral que les ruraux, les soldats du Sud ne sʼadaptaient pas mieux que ceux issus du Nord à la chaleur tropicale, les soldats supportaient encore plus mal lʼinaction, lʼoisiveté, que les dangers de la guerre. De multiples enquêtes dʼopinion et de sociologie électorale sont venus par la suite apporter des démentis cinglants à des propositions fausses, véhiculées soit pour des considérations idéologiques, soit dictées par le sens commun. En France, on a longtemps affirmé que les femmes françaises votaient majoritairement plus souvent à droite que les hommes et on y voyait lʼinfluence de lʼEglise catholique. On a dit et on dit encore quʼen France, les pauvres votent majoritairement à gauche. Or plusieurs travaux de sociologie électorale menées en France ont montré quʼil nʼy avait pas de lien direct entre le niveau de revenu et lʼorientation du vote. On a pu montrer dès le 1e tour de lʼélection présidentielle de 1988 que 51% des pauvres ont voté pour Jacques Chirac ou Raymond Barre. Lʼapport de ces méthodes a été de contraindre les politiques dʼaller sur le terrain. Mais lʼapport du behaviorisme doit être nuancé. Testomanie, au détriment de lʼétude qualitative. En réalité, les critiques qui ont été portées à lʼencontre de lʼécole behaviorisme lʼont été par Charles Wrightmills, dans Lʼimagination sociologique, a fait la synthèse de tous les reproches que lʼon peut faire. Il dit que ces recherches empiriques sont souvent des recherches extrêmement localisées, pour lʼessentiel aux USA, études qui sont très fragmentaires et qui vont donner une image extrêmement réductrice de la réalité politique. Ce sont souvent ce quʼon nomme des monographies. Ex : lʼétude dʼun système de prise de décisions dans une ville américaine. Un des ouvrages typiques, cʼest Qui gouverne, de Robert Dahl, sur New Haven qui correspond à lʼuniversité de Yale est qui est une ville moyenne. Apprend-on quelque chose de portée universelle. Ça peut être lʼétude dʼun scrutin électoral, dʼun parti politique. Wrightmills a une formule sévère : « tout revient à étudier des statistiques par des points de détail et les points de détail par des statistiques ». Il fait également des reproches dʼordre idéologique. Il considère que ce courant méthodologique, mais aussi porté par des auteurs ayant des convictions, nʼest-il pas étonnant ou contradictoire de voir les pionniers dʼune science neutre et objective se convertir en chantres (partisan) de la démocratie américaine et également de les voir se mettre au service des généraux, des assistantes sociales et des directeurs de pénitenciers. En effet, ce sont des éléments dʼintégration sociale. Des études behavioristes ont servi très précisément à constituer des équipes dans des sous-marins. Il y a également des critiques dʼordre épistémologique. Ce qui est reproché à ce courant dʼétude, cʼest de ne pas fournir un véritable cadre conceptuel qui va permettre de donner un sens aux données qui vont être collectées. En réalité, le reproche qui est fait à ce type dʼétude cʼest dʼêtre trop empirique, de ressembler à une somme de données, sans problématique de départ, sans cadre théorique interprétatif. Ces données sont insuffisantes pour comprendre le réel, ce qui veut dire que les faits ne parlent pas dʼeuxmêmes, il faut les faire parler avec un système interprétatif. Quand Wrightmills écrit quʼil faut abandonner le fétichisme de la méthode, cʼest le moment où sont nées toute une série dʼapproches théoriques en sciences politiques, plus sophistiquées les unes que les autres (fin des années 1950). Lʼanalyse systémique (David Easton) issue du modèle de Norbert Winer. Idée de mise en relation dʼun système et de son environnement. Boite noire, input (demandes, soutiens positifs ou négatifs apportés) qui passe par la boite noire, puis output. Processus de feedback, boucle de rétroaction qui fait quʼon va avoir de nouvelles demandes et de nouveaux soutiens. Autorégulation. Les output vont être des décisions, des lois, des règlements, qui vont entraîner de nouvelles demandes, soutiens, oppositions. Lʼanalyse cybernétique. Modèle défendu par Karl Deutsch, plus utilisé en matière de théories internationales. science du pilotage de la machine, des organisations. Extrêmement voisin, plutôt aux RI. Ce qui va être considéré comme système, cʼest le système international. Lʼanalyse fonctionnelle (Parsons). Lʼanalyse structurelle fonctionnelle. Quelles sont les fonctions dʼun parti donné dans un régime politique donné. Fonctions de conversion des demandes : une population exprime un certain nombre de demandes mais pas de façon traitable politiquement par la machine. Le parti va faire en sorte que cette demande puisse déboucher sur une proposition politique. Fonction dʼagrégation des intérêts. Comment le parti politique peut porter des demandes plus ou moins confuses dans lʼopinion, comment il peut réunir différents secteurs de la population. Concourir au jeu électoral, peser sur le système politique, sʼemparer du pouvoir, exercer le pouvoir. Fonctions manifestes des partis politiques, mais au-delà, il existe des fonctions latentes, comme fonctionner comme centre dʼaide, de services sociaux déguisés, pourvoyeur de ressources (symboliques ou matérielles), « un parti ça sert dʼabord à se tenir au chaud » Régis Debray. Parmi tous ces auteurs et courants, il y a Parsons, chef de fil de lʼanalyse fonctionnelle. Il a comme particularité dʼavoir subi lʼinfluence du sociologue français Durkheim. Chapitre 2 : Positivisme et sociologie durkheimienne Lʼambition de Durkheim se situe en droite ligne de celle dʼAuguste Comte (2e moitié du XIXe), apporter aux sciences sociales la même rigueur que celle trouvée dans les sciences exactes, les sciences de la nature. Positivisme juridique : tout se réduit au droit existant à un moment donné dans une société donnée. Ça signifie quʼon sʼen tient à ce qui est écrit, la loi telle quʼelle est écrite, on se préoccupe peu de la façon dont elle est appliquée ni de la façon dont elle a été produite. Le positivisme de Comte, cʼest la croyance quʼen appliquant des méthodes réputées scientifiques, on va parvenir à une connaissance non biaisée du réel, on va pouvoir appréhender la totalité de la réalité sociale, sans biais dû à lʼobservation. La préoccupation de Comte, cʼest de rompre avec toute étude métaphysique des sciences sociales. Cʼest lʼinventeur du mot sociologie. Le terme de sciences sociales date de la Révolution française. Lʼhistorien Ipraldoun, au XIVe, aurait utilisé un terme équivalent à sociologie. Même chez Comte, lʼobservation des faits si elle nʼest pas précédée dʼun cadre théorique, est complètement oiseuse. La science se compose de lois et non pas de faits. Pour lui, il faut prendre en compte les faits pour rechercher des lois, mais il parle toujours de spéculation préliminaire, cʼest donc avoir un cadre théorique. Comte va essayer de concilier cette réflexion théorique avec la recherche dʼélément empiriques. Durkheim sʼinscrit dans la même perspective. Il nʼaime pas quʼon le traite de positiviste, il préfère le terme de rationaliste. Son objectif est de faire en sorte quʼon puisse appliquer à la conduite humaine le même type de démarche quʼon applique pour étudier la nature. La particularité de Durkheim, cʼest cette obsession dʼexpliquer le social par le social, alors que ses contemporains expliquent le social par le psychologique. Section 1 Durkheim et les règles de la méthode Le premier cours de sociologie dispensé dans une Faculté française lʼa été à la faculté de lettre de Bordeaux en 1887. On peut retenir trois aspects essentiels de sa méthode : la définition du fait social et que le fait social doit être considéré comme une chose et enfin les trois règles principales pour étudier le fait social. Quʼest-ce quʼun fait social ? Durkheim « Le tout est différent de la somme des parties ». Méthode holiste. Ça veut dire quʼon ne peut expliquer une société par le comportement individuel de chacun. Cʼest la totalité sociale qui prime. La société préexiste à lʼindividu et non lʼinverse. Cʼest lʼidée que la mentalité des groupes sociaux nʼest pas la même que la mentalité des individus. Les faits sociaux consistent en des manières dʼagir, de penser et de sentir extérieures à lʼindividu et qui sont douées dʼun pouvoir de coercition en vertu duquel il sʼimpose à lui. Les faits sociaux proviennent de la structure matérielle et symbolique de la société et certainement pas de la conscience individuelle de chacun de ces membres. La société est un ensemble autonome dans le sens où cette société est différente de la somme des individus qui la composent. Cette société a des caractères propres, des caractères qui lui sont spécifiques. Ce pouvoir de coercition, de contrainte sont la morale, le droit, les normes, les valeurs quʼune société se donne. Les modes, lʼart sont des faits sociaux. La proposition selon laquelle les faits sociaux doivent être traités comme des choses a beaucoup choqué, au point quʼil a du se justifier dans la seconde préface des Règles de la méthode sociologique. Un fait social nʼest bien sûr pas une chose matérielle, mais on doit adopter vis-à-vis de ces faits sociaux une certaine attitude pour les connaître, de façon distanciée, déconsidérée, non pas comme lʼidée que nous nous faisons de telle ou telle chose, non pas les appréhender sous la forme dʼun concept, mais de les appréhender dans leur organisation concrète, dans leur fonctionnement. Si on veut étudier la justice, du point de vue de Durkheim, ça ne va pas être « quelle est notre représentation de la notion de juste », mais « quelle est lʼorganisation des tribunaux, quel est le fonctionnement de la justice dans tel ou tel pays à un moment donné ». Est chose tout ce qui sʼimpose à lʼobservation. Il faut considérer les phénomènes sociaux en eux-mêmes, détachés des sujets conscients qui se les représentent. Ça veut dire quʼil faut les étudier du dehors. Ces faits sociaux ne sont pas un produit de notre volonté, bien au contraire. Cʼest eux qui la déterminent du dehors. Durkheim nous recommande de respecter trois règles principales pour étudier les faits sociaux. Les règles dʼétude des faits sociaux La première règle consiste à écarter systématiquement toutes les prénotions, les fausses évidences, tout ce qui peut relever de la sociologie spontanée, du sens commun. La deuxième est que le chercheur doit commencer par définir les choses dont il traite. Cʼest la première et la plus indispensable condition de toute preuve et de toute vérification. Il peut sembler superflu de définir des notions aussi évidentes que lʼEtat, le pouvoir, le politique. Nécessité de construire lʼobjet de la recherche. La définition correspond à la construction de lʼobjet. La troisième, le sociologue doit écarter les données sensibles qui risquent de lui être trop personnelles. Cʼest-à-dire que pour Durkheim, on peut faire avec les comportements humains la même chose quʼen météo, cʼest-à-dire remplacer les notions subjectives (il fait froid, il fait chaud) par une notion précise (il fait 15°C). Pour expliquer le comportement humain, on peut utiliser la même démarche, débarrasser lʼanimal humain de toute sa subjectivité. Il y a un souci dʼobjectivité. Cette 3e règle équivaut à cette notion commune à tous les chercheurs en science politique : se méfier de ses propres présupposés si on a la prétention de faire de la science. Le politiste doit se méfier de ses passions, de ses propres intérêts qui risquent de conditionner ses observations. Cʼest lʼexact opposé du point de vue de la théorie politique. Ça va aussi à lʼencontre de lʼélément majeur de la sociologie de Weber qui est une sociologie compréhensive, sociologie pluraliste qui reconnaît la légitimité de la pluralité des points de vue. Il y aura autant de point de vue que de chercheur. Ce nʼest pas le règne de lʼarbitraire. Chez Weber, à la différence de Durkheim, il nʼy a pas de connaissance complète et définitive du réel. Chez les positivistes comme Durkheim, une fois que lʼon a rempli ces trois conditions, on est objectif. Ça nʼexiste pas chez Weber : si on veut arriver à une connaissance approximative du réel, il faut observer en tenant compte des autres points de vue. Le savoir est forcément relatif, approximatif. Chez Durkheim, on peut arriver à la connaissance objective. Sa méthode, il lʼa illustrée dans Le suicide. Dans Les règles de la méthode sociologique il donne le mode dʼemploi. Il fait une typologie du suicide. Il distingue les catégories sociales (couple, célibataire, homme, femme, etc.). Ce qui prémunit du suicide ce nʼest pas le couple cʼest le fait dʼavoir des enfants. Distinction en fonction de la religion (Catholiques se suicident moins que les Protestants). Distinction en fonction de lʼappartenance politique. La courbe des suicides sʼarrête brutalement au moment où la crise se noue (intensité de la vie politique = déclin des taux des suicides). Analyse multi variée. Concomitance ne veut pas forcément dire causalité. Chapitre 3 : Weber La domination charismatique repose sur la personne dʼun chef, dʼun personnage extraordinaire. Par définition provisoire. La domination traditionnelle, repose sur le respect de la coutume, de la tradition. Correspond aux monarchies dʼAnciens Régime. Ex : lʼArabie Saoudite. La domination légale-rationnelle, repose sur des lois, des règlements qui font que les autorités gouvernantes exercent leur pouvoir dans un cadre consenti et elle est rationnelle car repose sur la présence dʼune bureaucratie, une organisation administrative composée de fonctionnaires recrutés par concours et protégés par un statut. Ces trois types de domination sont des types idéaux.