« Le débat entre libéraux et communautariens
– qui a fait rage en philosophie politique ces
dernières années – couvre tout un éventail de
questions, sur lesquelles je ne me situe pas tou-
jours du côté des communautariens » (p. 12).
Sandel va ajouter un dernier chapitre dans le-
quel il accentue sa critique adressée à Rawls
qui a publié en 1993 Libéralisme politique
(PUF, 1995) dans lequel il rectifie, en fonction
des développements du débat, quelques points
exposés dans Théorie de la justice. Nous n’in-
sisterons pas : la critique de Sandel est en gros
toujours orientée vers le libéralisme en général
et celui de Rawls – qui n’est pourtant pas bien
virulent, c’est le moins qu’on puisse dire – en
particulier. Nous retiendrons seulement cette
déclaration significative : « Néanmoins, le mot
“communautarien” est trompeur si on lui fait
dire que les droits devraient se fonder sur les
valeurs ou les préférences dominantes dans
une société donnée à un moment donné.
Parmi ceux qui ont contesté la priorité du juste
sur le bien, peu d’auteurs – à supposer même
qu’il y en ait – sont communautariens en ce
sens » (p. 270).
La préface de la seconde édition semble
tenir compte de certaines critiques ou suspi-
cions reçues par notre auteur, ainsi que nous y
faisions allusion ci-dessus. Il entend se démar-
quer d’un certain communautarisme évoquant
le spectre nationaliste. Cette préface est sous-
titrée : Les limites du Communautarisme.
Chose significative, la question de la préfé-
rence culturelle est tellement brûlante que
Sandel ne s’aperçoit pas que le communauta-
risme auquel il s’en prend n’existe pas : « Si le
communautarisme n’est qu’un autre nom du
majoritarisme, ou s’il désigne l’idée que les
droits devraient être fondés sur les valeurs do-
minantes d’une communauté donnée à un mo-
ment donné, il s’agit alors d’une conception
que je ne défends pas » (p. 12). À notre
connaissance, aucun auteur américain n’a dé-
fendu un tel « communautarisme », pour des
raisons faciles à imaginer. Mais Sandel tient à
écarter expressément toute velléité de soup-
çon. Et, pour se montrer très clair en ce début
de la seconde édition, et se laver de l’oppro-
bre, l’auteur choisit deux exemples, d’intérêt
inégal : « le droit à la liberté religieuse » et « le
droit à la liberté de parole ».
Le droit à la liberté religieuse
Le libéralisme n’accorde pas plus ni moins
de valeur à une religion qu’à une autre, on s’en
doute. Ce point de vue, rejeté par Sandel, est
ainsi décrit : « dans la conception libérale, les
convictions religieuses sont dignes de respect,
non pas en vertu de leur contenu, mais en vertu
du fait qu’elles sont le produit d’un choix libre
et volontaire » (p. 15). Or, l’auteur invoque un
argument difficilement réfutable : les choix re-
ligieux sont motivés par l’observation des de-
voirs religieux considérés comme constitutifs
de l’identité des croyants. De là découle la pos-
sibilité de porter un jugement extérieur sur une
religion donnée : « ce qui fait qu’une croyance
religieuse est digne de respect n’est pas son
mode d’acquisition – choix, révélation, convic-
tion ou habitude – mais la place qu’elle occupe
dans une vie bonne, ou les traits de caractère
qu’elle favorise, ou encore (d’un point de vue
politique) son aptitude à nous faire cultiver les
habitudes et les dispositions qui font les bons
citoyens » (p. 16).
Pourtant bien parti, Sandel freine des quatre
fers ; car il n’ira pas plus loin dans cette direc-
tion : omettant sciemment de rattacher religion
et Histoire communautaire, il laisse à son tour
la porte ouverte au multiculturalisme et au
Classement : 3Cc21 ** cf. le glossaire PaTer version 1.2 •06/ 2011
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