La croissance économique au Maroc : une croissance créatrice d

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Policy Brief
Employment
Royaume du Maroc
Ministère de l’Emploi
et des Affaires 4ociales
International
Labour
Office
Note synthétique de politique
La croissance économique au Maroc : une croissance
créatrice d’emploi ?
Août 2014
Cette note présente une analyse de la situation à travers l’étude des politiques
macroéconomique et sectorielles menée par le Maroc au cours de la dernière décennie
et les principaux effets sur l’emploi ; des pistes sont formulées pour renforcer l’impact des
politiques macroéconomiques et sectorielles sur la création d’emploi.
La croissance relativement soutenue au cours des dernières années n’a pas permis de créer
suffisamment d’emplois durables et productifs. Un constat s’impose : la création d’emploi ne peut
plus être considérée comme un simple effet résiduel de la croissance et des investissements dans
les secteurs sociaux (santé, éducation). Une stratégie volontariste explicite en matière d’emploi
et la mobilisation de tous les acteurs au-delà du seul Ministère en charge de l’emploi, sont
nécessaires pour atteindre les objectifs d’emplois désirés.
Les enjeux de la Stratégie Nationale de l’Emploi
La politique de l’emploi au Maroc doit tenir compte
d’un nouvel environnement :
Le secteur privé reste le principal pourvoyeur
d’emplois dans un environnement de plus en
plus globalisé et orienté vers les technologies de
l’information et du savoir ; la compétitivité des filières
classiques basées sur les bas salaires est mise à mal et le
Maroc doit chercher à se positionner sur de nouvelles
filières créatrices d’emplois productifs et décents.
Il existe une demande croissante d’emplois
décents (croissance démographique, extension de
l’urbanisation, avancées substantielles en matière
d’accès aux services d’éducation et de santé…)
doublée de fortes aspirations à la justice sociale et
à une meilleure qualité de vie (grâce à l’alternance
politique, la rénovation du système de gouvernance,
l’élargissement de l’espace des libertés individuelles et
collectives).
Les caractéristiques de l’offre et de la demande de travail au Maroc
(2013-Enquête Emploi-HCP) :
L’offre de travail : des progrès, mais des faiblesses qui persistent
Un taux d’activité en baisse : 42% dans les villes et
57% dans les campagnes, dû notamment à une baisse
de l’offre de travail des jeunes (scolarisation croissante,
découragement) ;
Une faible participation des jeunes et des femmes
au regard de l’expérience internationale : le taux
d’activité des femmes est un des plus faibles dans
la région MENA, soit 25% (18% dans les villes et 37%
dans les campagnes) alors qu’il est de 65% en Europe.
Seulement un tiers de jeunes (15 à 24 ans) participe au
marché du travail (43% en milieu rural et 23% en milieu
urbain) ; ce qui reste inférieur au taux d’activité des
jeunes en Europe (42% dans la zone euro, avec 51% en
Allemagne) ;
La population active occupée a augmenté (+ 1,4%
par an depuis 2000) avec un taux de féminisation de
l’emploi autour de 26% ;
La part des jeunes dans l’emploi a diminué de 25%
à 15% (entre 2000 et 2013) dû à la prolongation de la
scolarité et la difficulté d’insertion des jeunes entrants
sur le marché du travail ;
Le niveau général de qualification de la population
active s’améliore, mais reste faible : 13% des actifs
ont un diplôme de niveau supérieur, 27% des actifs ont
un diplôme de niveau moyen et 60% des actifs n’ont
aucun diplôme en 2013 ;
Le niveau de qualification est faible parmi les actifs
ruraux : seul 19,5% d’entre eux sont diplômés (58 %
parmi les actifs urbains) ;
Le niveau de qualification est faible parmi les femmes
actives dont seulement un tiers est diplômé contre
41% des hommes actifs en 2012.
Malgré son dynamisme, le Maroc peine à satisfaire la demande en travail décent
La contribution du secteur privé dans l’emploi est de plus en plus prédominante (87% en 1994, 91% en 2013)et celle du secteur public
diminue (8,9% en 2013 contre 10% en 2006), mais les capacités d’absorption du secteur privé restent insuffisantes pour résorber le chômage.
La dynamique de création d’emploi (137 000 postes d’emploi créés par an entre 2000-2013) est insuffisante pour absorber les jeunes entrant
sur le marché du travail).
La répartition sectorielle de l’emploi change, mais l’agriculture demeure le premier employeur du pays : la contribution des activités
primaires à l’emploi diminue depuis 1980 (39.3% en 2013), celle du secteur tertiaire augmente (39.9%) et celle du secteur secondaire reste
stable (20%).
La création d’emploi est en faveur des zones urbaines, trois-quarts des emplois créés sont dans les villes.
La création d’emploi est différenciée selon les secteurs d’activité : le BTP et les services ont contribué à plus de 91% des emplois créés entre
2000 et 2013, l’agriculture a contribué à 7% des emplois créés et l’industrie et l’artisanat à 3% des postes créés.
Les activités ayant enregistré le taux de croissance d’emploi le plus élevé sur la dernière décennie sont celles du BTP (5.5%), transports et
communication (4.1%), services (2,6%) et commerce (2%). La création d’emploi profite surtout aux diplômés de niveaux moyen et supérieur qui
ont bénéficié de plus de 90% des postes d’emploi créés entre 2000 et 2013.
La part des emplois salariés a augmenté, mais représente moins de la moitié des emplois : 38% en 2000, 45% en 2013. Le taux de salariat
est élevé en zones urbaines (65% contre 24% en zones rurales).
Le travail indépendant, c’est un quart des emplois urbains et un tiers des emplois ruraux.
L’emploi non rémunéré a diminué, mais reste très important en milieu rural (4% des emplois urbains et 40% des emplois ruraux).
Flux annuel des sortants des systèmes de l’éducation et de la formation professionnelle (Plus de 15 ans) : Plus de 340.000 actifs potentiels
par an, dont (moyenne annuelle des 4 dernières années, source : MEDFP, MESFCRS) :
Q 46.000 lauréats de l’enseignement supérieur
Q 150.000 lauréats de la formation professionnelle
Q 100.000 abandons scolaires (taux d’abandon niveau qualification 11,2%*)
Q 45.000 abandons de la formation professionnelle (Efficacité interne 67%)
La croissance c’est bien, avec l’emploi c’est mieux ….
Une situation macroéconomique favorable…
Le Maroc enregistre de bonnes performances macroéconomiques :
- Une croissance économique élevée et soutenue : 4,5% par an en moyenne (2000-2012) ;
- Des flux d’investissement en hausse et un faible taux d’inflation ;
- Une croissance économique tirée par la demande intérieure : croissance nette de la consommation des
ménages de 6,7% (2000-2012) et de l’investissement (35% du PIB, 2012).
Mais des fragilités persistent
Une économie vulnérable à la conjoncture internationale et aux aléas climatiques : les activités primaires et
industrielles connaissent des taux de croissance instables ;
Une balance des paiements déficitaire (3,7% du PIB, 2012) ;
Un déficit commercial (24% du PIB, 2012) dû à la baisse des prix des dérivés de phosphate et à la facture
énergétique ; déficit limité par les transferts des Marocains à l’étranger et les flux d’investissement en hausse ;
Un déficit budgétaire (7,6% PIB, 2012) lié à l’augmentation de la masse salariale et à la baisse des recettes ;
la dette publique est en hausse (71% PIB, 2012).
La croissance économique : une condition nécessaire,
mais insuffisante pour générer des emplois en quantité et qualité suffisante
L’analyse des relations entre croissance économique, chômage et productivité au Maroc montre que la croissance
économique est le levier essentiel de la création d’emplois, mais ne s’accompagne pas nécessairement de la
réduction du taux de chômage. Une hausse du PIB d’un point de pourcentage entraine la création d’environ
29.000 postes en moyenne annuelle (2000-2012), avec une contribution plus forte des activités secondaires et
tertiaires. Or, 180 000 jeunes entrent sur le marché du travail tous les ans.
Quels sont les secteurs et régions les plus créateurs d’emplois ?
Les secteurs des services et du BTP tirent la création d’emploi : l’agriculture et l’industrie ont enregistré des pertes d’emploi entre 2007 et
2012.
Dans la majorité des régions, les taux de croissance économique élevés, s’accompagnent de fort taux de croissance de l’emploi. Mais dans
certaines régions, malgré une forte création d’emploi, le taux de chômage demeure élevé.
La contribution des régions à l’emploi est différenciée : certaines régions ont enregistré des gains de productivité du travail, d’autres ont connu
de faibles gains de productivité du travail, mais une création d’emploi plus forte.
Le Secteur primaire : l’emploi a régressé dans les régions qui ont enregistré un taux de croissance du PIB inférieur aux gains de productivité ; trois
régions « Sud, Meknès –Tafilelt et Taza – Al Hoceima » ont des taux de croissance de leurs PIB supérieurs aux gains de productivité avec un effet
positif sur la création d’emplois.
Le Secteur secondaire : malgré de fortes disparités régionales, la plupart des régions ont enregistré des taux de croissance faibles et même
négatifs (régions du Grand Casablanca, Tadla-Azilal, Rabat-salé Zemmour-Zaer et Al Ghareb-Cherarda-Béni-Hssen) ; les gains de productivité ont
baissé dans toutes les régions durant la deuxième moitié de la décennie 2000, sauf les régions de Marrakech Tensift et Chouia Ouardigha.
Le Secteur tertiaire : la création d’emploi est positive dans les régions où le différentiel entre le taux de croissance du PIB et les gains de
productivité est positif alors que des pertes d’emploi sont enregistrées dans les régions où les gains de productivité sont supérieurs à la croissance
du PIB (régions ‘Taza-Al Hoceima-Taounate’ et ‘Tadla-Azila’).
Des efforts dans la prise en compte de l’emploi dans les politiques sectorielles, mais des progrès
sont encore nécessaires
Les plans sectoriels visent la modernisation des
secteurs traditionnels et le développement des
secteurs innovants. Il s’agit du Plan Maroc Vert pour
la relance de l’Agriculture, de la stratégie Halieutis
pour la promotion du secteur de la pêche, de la Vision
2015 pour la dynamisation du secteur de l’artisanat,
du Plan énergétique, de la Stratégie nationale pour le
développement de la compétitivité de la logistique,
du Pacte national pour l’émergence industrielle, de
la Stratégie de développement du Tourisme, du Plan
RAWAJ, de la Stratégie Maroc Export Plus, de la Stratégie
Maroc Numérique et de la Stratégie « Maroc innovation ».
Un effort réel pour intégrer la dimension emploi
dans les politiques sectorielles mais qui reste encore
insuffisant : des objectifs en termes de création
d’emplois sont définis au niveau des politiques
sectorielles, mais les sources de données et les
supports méthodologiques pour mieux estimer la
création d’emplois et suivre les emplois réellement
créés sont très limités (par niveau de qualification et
des métiers, pour l’ensemble des plans sectoriels et
pour l’identification des besoins réels en formations
initiale et continue).
L’impact des plans sectoriels sur l’emploi :
Plan Vert et Pacte Emergence : les créations d’emplois restent limitées (entre 2008 et 2012, des pertes d’emplois
considérables ont été observées dans les deux secteurs, avec les effets de la crise économique mondiale et la
forte dépendance aux conditions climatiques).
Vision tourisme et Plan Rawaj (commerce) : les objectifs en termes de créations d’emploi ont été globalement
atteints, grâce aux efforts consentis pour atténuer l’impact de la crise économique et financière (Comité de Veille
Stratégique de l’emploi crée en 2009).
Plan solaire, Plan Eolien et la Stratégie nationale de la logistique : la création de nouveaux emplois exige des
programmes de formation sur les nouveaux métiers.
Vers une nouvelle étape du modèle de croissance au Maroc ?
La croissance économique, bien que nécessaire, ne suffit pas pour créer des emplois durables et productifs : elle doit
s’accompagner d’une stratégie volontariste explicite de création d’emploi.
Au-delà du maintien d’un environnement stable, la politique macroéconomique doit viser la mise en place d’un
environnement favorable à l’emploi : soutien de la demande, promotion du secteur financier et des investissements
productifs, diversification de l’économie et réallocation des ressources vers des secteurs à haute valeur ajoutée et
à plus forte intensité en emplois, réduction des disparités régionales, promotion des institutions du marché du
travail pour renforcer l’impact de la croissance sur le chômage et la qualité des emplois.
Réaffirmer la place de l’emploi dans les politiques sectorielles et industrielles :
Intégrer l’objectif de création d’emploi de façon
explicite dans les politiques sectorielles et assurer
une vision intégrée et une meilleure coordination/
convergence des plans sectoriels et promouvoir
l’engagement des Ministères sectoriels en faveur de
l’emploi ;
Capitaliser sur l’expérience de l’approche genre au
Maroc (domaine transversal à l’instar de l’emploi) qui est
citée comme bonne pratique sur la scène internationale
pour la prise en compte du genre au cœur du processus
budgétaire des politiques sectorielles ;
Augmenter le contenu en emplois qualifiés des plans
sectoriels ;
Identifier et lever les contraintes à l’expansion de
l’emploi productif au niveau sectoriel : par exemple,
anticiper les effets d’éviction des plans sectoriels sur
l’emploi (avantages accordés par certains secteurs),
anticiper les besoins en qualifications et compétences
(besoins de formation et en compétences et meilleur
ajustement offre de formation/emplois projetés) ;
Intégrer la dimension territoriale dans les plans
sectoriels (filières porteuses, potentialités économiques
et de ressources humaines des régions) ;
Mettre en place un système de suivi-évaluation des
politiques sectorielles et évaluer leur impact sur l’emploi
(effets directs et indirects des plans sectoriels sur l’emploi
par sexe, âge et régions)et un système d’anticipation des
besoins de formation et de compétences.
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