Mise au point Traumatisme crânien et fonction anté-hypophysaire Traumatic brain injury and pituitary function Christine Cortet-Rudelli, Edwige Yollin* Traumatisme crânien : épidémiologie et séquelles neuropsychologiques Épidémiologie Les traumatismes crâniens (TC) constituent un problème de santé publique dans les pays industrialisés. En Europe, 258 personnes sur 100 000 sont admises chaque année à l’hôpital pour TC, soit environ un million d’hospitalisations par an dans l’Union européenne et 100 000 hospitalisations par an en France. Soixantedix pour cent des victimes sont des hommes, et le pic d’incidence concerne des sujets jeunes, de 15 à 25 ans. Dans 10 % des cas, le TC est sévère, nécessitant une prise en charge en soins intensifs. Sur 100 000 personnes, 12 décèdent dans les suites de l’accident. Cinq patients sur mille restent dans un état végétatif, 13 sur 1 000 gardent un handicap sévère et 26 sur 1 000, un handicap modéré. Le pronostic des TC modérés (10 000 cas par an) et des TC légers est plus favorable dans la majorité des cas. Cependant, à l’échelon individuel, un TC, même minime, peut avoir des conséquences significatives sur le patient et son entourage. Devenir fonctionnel Dix pour cent des patients ont une épilepsie posttraumatique. Les séquelles physiques sont importantes : troubles de la marche (40 % des cas 8 ans après TC sévère), troubles de la coordination, troubles sensoriels, troubles urinaires. Les troubles cognitifs et psychologiques concernent jusqu’à 80 % des TC sévères mais également 5 % des TC légers. Les plus fréquents sont les troubles de l’attention et de la concentration (jusqu’à 90 % des patients) associés à une lenteur de l’idéation, des troubles de l’adaptation, des troubles de la mémoire (jusqu’à 70 % des patients), une désorientation temporo-spatiale (jusqu’à 50 % des patients), des troubles phasiques (jusqu’à 30 % des patients). Jusqu’à 70 % des patients avec TC sévère peuvent être concernés par des troubles neurocomportementaux : modification de la personnalité avec labilité émotionnelle, troubles du caractère, irritabilité, réactions violentes et inadaptées, apathie ou indifférence affective, troubles du comportement alimentaire (troubles de la satiété), troubles du sommeil, asthénie, dépression et idées suicidaires. La complexité de ces troubles, associée à l’anosognosie fréquente chez ces patients, rend difficile leur évaluation objective. Au total, le TC représente la première cause de handicap chez l’adolescent et l’adulte jeune, et la prise en charge de ces handicaps physiques et neuropsychologiques constitue le quatrième poste de dépenses de santé. Fréquence de l’insuffisance hypophysaire au décours d’un traumatisme crânien Le premier cas de déficit hypophysaire après TC a été rapporté en 1918. D’autres observations ont ensuite confirmé la possibilité de déficits au décours de TC. En 2000, S. Benvenga et al. (1) ont rapporté, à partir des données de la littérature publiées entre 1970 et 1998, 367 cas de déficits hypophysaires secondaires à un TC. Tous les patients (en majorité des hommes jeunes) avaient un déficit gonadotrope, tandis que les déficits corticotrope et thyréotrope concernaient environ 50 % d’entre eux. Un tiers des patients avaient un diabète insipide. Par ailleurs, les séries autopsiques ont montré l’existence de fréquentes lésions hypothalamo-hypophysaires chez les patients décédés après un TC (2). Le TC était cependant considéré comme une étiologie rare d’hypo­ pituitarisme, et l’exploration de la fonction hypophysaire après un traumatisme crânien n’était pas systématique. Depuis 2000, les études démontrant la fréquence des déficits hypophysaires au décours de TC se sont multipliées. Études rétrospectives (tableaux I et II) Nous avons étudié un groupe de 93 patients (76 hommes) âgés de 20 à 59 ans (36,1 ± 11,6), dont l’indice de masse corporelle (IMC) variait de 18 à 32,7 kg/m2 (24,7 ± 4,9) sélectionnés par la persistance de séquelles neuropsychologiques plus de un an après un TC sévère, modéré et léger dans 70 %, 2 % et 28 % Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 6 - novembre-décembre 2009 * Services d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme Marc-Linquette, hôpital ClaudeHuriez, CHRU de Lille. 239 Mise au point Tableau I. Caractéristiques des patients. Âge moyen (ans) Pourcentage d’hommes Délai d’évaluation (mois) TC léger (%) TC modéré (%) TC sévère (%) Mode de recrutement Kelly et al. (3) n = 22 Lieberman et al. (4) n = 70 Agha et al. (5) n = 102 Bondanelli et al. (6) Leal-Cerro et al. (7) Popovic et al. (8) Klose et al. (9) n = 72 n = 99 n = 67 n = 104 28 ± 10 31,5 ± 1,1 28 (médiane) 37,2 ± 1,8 29,2 ± 1,1 37,5 ± 1,8 41 82 65 83 80 88 58 75 3-276 Moy. : 26 49 ± 8 3-36 Moy. : 17 12-64 ND 45 ± 1,8 10-27 Moy. : 13 – ?/?/84 0/41/56 14/14/72 0/0/100 0/?/? 42,5/19/38,5 Neurochirurgie Rééducation Neurochirurgie ND Neurochirurgie ND Neurochirurgie ND : non déterminé. Tableau II. Prévalence des déficits hypophysaires. Kelly et al. (3) Lieberman et al. (4) n = 22 n = 70 Agha et al. (5) n = 102 Bondanelli et al. (6) Leal-Cerro et al. (7) Popovic et al. (8) Klose et al. (9) n = 72 n = 99 n = 67 n = 104 Corticotrope (%) 4,5 15,7 11,8 4 11 7 5 Somatotrope (%) 18,2 14,6 11 14 10 15 11 Gonadotrope (%) 4,5 0 12 14 29 9 2 Thyréotrope (%) 4,5 11,6 1 4 10 4 2 Hyperprolactinémie (%) 0 1,5 10,8 2,8 – 4,5 10 Diabète insipide (%) 0 0 6,9 0 3 4,5 2 36,3 – 28,4 26,4 42,4 34 16 ≥ 1 déficit (%) Tableau III. Prévalence des déficits hypophysaires 3 ou 6 mois après le traumatisme. Agha et al. (11) n = 48 Aimaretti et al. (12) n = 70 Schneider et al. (13) n = 78 Délai post-traumatisme 6 mois 3 mois 3 mois Âge (ans) 37 ± 14 39,3 ± 2,4 35,7 ± 13,8 Pourcentage d’hommes 76 71 83 ≥ 1 déficit (%) ND 32,8 56 Déficits multiples (%) ND 11,4 10,2 Déficit isolé (%) ND 21,4 45,8 Somatotrope (%) 12,5 22,8 9 Corticotrope (%) 19 8,5 19 Gonadotrope (%) 23 17,1 32 Thyréotrope (%) 2 5,7 8 Hyperprolactinémie (%) 15 4,2 20,5 Diabète insipide (%) 8 4,2 0 des cas respectivement. L’exploration de la fonction hypophysaire a été réalisée 13 à 336 mois (63 ± 56) après le TC. Un déficit somatotrope sévère était présent chez 31,2 % des patients, isolé dans 11,8 % des cas ; 19,4 % des patients avaient une insuffisance corticotrope partielle, 19,4 % des patients avaient un déficit thyréotrope. Aucun patient n’avait de déficit gonadotrope ou d’atteinte de la fonction posthypophysaire. Quatre 240 patients (4,3 %) présentaient une hyperprolactinémie (1 microprolactinome, 1 hyperprolactinémie iatrogène et 2 macroprolactinémies). Au total, 44 % des patients étudiés avaient au moins un déficit anté-hypophysaire justifiant un traitement hormonal substitutif (10). Séries prospectives (tableaux III et IV) Certains auteurs ont évalué de manière prospective la fonction hypophysaire 3 mois, 6 mois, 1 an voire 3 ans après le traumatisme. En conclusion, la prévalence des déficits est globalement stable au cours du suivi réalisé la première année. Il existe cependant des observations avec récupération ou, au contraire, aggravation de la fonction hypo­ physaire un an après le TC, surtout en cas de déficit isolé. Le déficit gonadotrope fréquent lors du bilan réalisé 3 à 6 mois après le TC est volontiers transitoire, non constaté à un an en faveur d’une atteinte plus souvent fonctionnelle qu’organique. Une seule étude a été réalisée avec un suivi prospectif de 3 ans (14) chez des patients présentant dans 60 % des cas un TC léger. Tous les patients présentant un déficit hypophysaire multiple à 3 mois gardent une insuffisance hypophysaire 1 et 3 ans après le TC. En cas de déficit hormonal isolé à un an, la récupération d’une fonction hypophysaire normale peut être constatée à Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 6 - novembre-décembre 2009 Traumatisme crânien et fonction anté-hypophysaire 3 ans. Le déficit somatotrope est le plus fréquent (23 % à 3 ans). Aucun patient n’avait de déficit gonadotrope lors de l’évaluation faite à 3 ans. Au total, ces études témoignent de l’existence fréquente d’un déficit anté-hypophysaire au décours d’un traumatisme crânien, tandis que l’atteinte posthypophysaire est plus inconstante. Les atteintes les plus fréquentes sont celles de la fonction somatotrope (10 à 20 % des patients, déficit isolé dans 43 à 76 % des cas) et de la fonction gonadotrope (2 à 22 %). Une hyperprolactinémie modérée est constatée dans 0 à 14 % des cas. Une cause hypothalamique est évoquée. L’existence d’une macroprolactinémie, fréquente dans la population générale, ne peut cependant pas être écartée, de même qu’une cause iatrogène chez ces patients volontiers polymédicamentés. La fréquence des différents déficits varie cependant significativement d’une étude à l’autre. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées. Les groupes de patients étudiés sont hétérogènes quant à la sévérité initiale du traumatisme ou au mode de recrutement (réalisation d’un bilan systématique chez tous les patients hospitalisés en neurochirurgie ou sélection dans les services de rééducation de patients gardant des troubles neuropsychologiques ou cognitifs à distance du TC) [tableau I]. Le délai plus long entre le traumatisme et l’exploration hormonale peut expliquer la fréquence moindre de l’atteinte gonadotrope dans certaines études (4, 10, 14). Par ailleurs, la variabilité des critères utilisés pour le diagnostic des déficits hypophysaires Tableau IV. Prévalence des déficits hypophysaires 1 an après le traumatisme. Agha et al. (11) n = 48 Aimaretti et al. (12) n = 70 Schneider et al. (13) n = 78 ≥ 1 déficit (%) ND 22,2 36 Déficits multiples (%) ND 9,9 4,2 Déficit isolé (%) ND 12,8 31,8 Somatotrope (%) 10,4 20 10 Gonadotrope (%) 12,5 11,4 21 Corticotrope (%) 18,7 7,1 9 Thyréotrope (%) 2 5,7 3 Hyperprolactinémie (%) 12,5 5,7 14 Diabète insipide (%) 6,2 2,8 0 (bilan hormonal de base, choix des tests dynamiques et des valeurs seuils) explique sans doute également pour une part les différences observées pour la prévalence de l’atteinte somatotrope ou corticotrope (tableau V). Certains auteurs ont montré une relation entre la survenue d’un déficit hypophysaire et le score de Glasgow (6, 9), le sexe, l’âge ou l’IMC (8, 9, 13). Cependant, dans la plupart des études, aucun facteur prédictif n’a été identifié (score de Glasgow, durée du coma, lésions cérébrales associées sur l’imagerie initiale, antécédents d’intervention neurochirurgicale ou d’intubation, association à des atteintes extra­ cérébrales, etc.). Tableau V. Prévalence de l’insuffisance corticotrope ou somatotrope ; tests diagnostiques utilisés. Auteurs Prévalence du déficit corticotrope (%) Critères diagnostiques Prévalence du déficit somatotrope (%) Critères diagnostiques Lieberman et al., 2001 (4) 15,7 Test au Synacthène 250 µg 14,6 Glucagon ± L-dopa Leal-Cerro et al., 2005 (7) 11 Cortisolémie à 8 h < 8 µg/dl ou Hypoglycémie insulinique 10 (GHRH-GHRP6) Test réalisé si IGF I ou autre déficit associé Popovic et al., 2004 (8) 7 Cortisolémie à 8 h 15 GHRH-GHRP6 11,8 Glucagon + hypoglycémie insulinique ou Synacthène 250 µg 11 Glucagon + hypoglycémie insulinique ou arginine-GHRH Bondanelli et al., 2007 (6) 4 Cortisolémie à 8 h 14 Arginine-GHRH Aimaretti et al., 2005 (12) 7,1 Cortisolémie à 8 h < 8 µg/dl 20 Arginine-GHRH Tanriverdi et al., 2006 (14) 19,2 Cortisolémie à 8 h et test au Synacthène 1 µg Hypoglycémie insulinique ou Synacthène 250 µg (x 2) 32,7 GHRH-GHRP-6 11 Hypoglycémie insulinique ou arginine-GHRH (x 2) Agha et al., 2004 (5) Klose et al., 2007 (9) 5 Kelly et al., 2000 (3) 4,5 Hypoglycémie insulinique 18,2 Hypoglycémie insulinique 9 Test au Synacthène 250 µg 10 Arginine-GHRH Schneider et al., 2006 (13) Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 6 - novembre-décembre 2009 241 Mise au point Physiopathologie des déficits hypophysaires au décours d’un traumatisme crânien notre expérience, l’IRM réalisée à distance du TC est normale dans plus de 80 % des cas. Les lésions hémorragiques hypothalamiques concernent moins de 10 % des patients. Les mécanismes physiopathologiques sont mal connus. Des études autopsiques ont montré de fréquentes lésions hypothalamiques hémorragiques ou nécrotiques (23,2 à 59 % des patients). Les atteintes de la tige pituitaire (5,9 à 27,4 %) ou du lobe antérieur de l’hypophyse (3,8 à 22 %) sont plus rares. Cependant 14 à 74 % des patients n’ont pas d’anomalie morphologique hypothalamo-hypophysaire évidente (1). Les données concernant l’IRM hypothalamo-hypo­ physaire sont rares. Dans la revue publiée par S. Benvenga et al. (1), une étude morphologique hypothalamo-hypophysaire (scanner ou IRM) n’a été réalisée que chez 20 % des patients, et était anormale dans 32,9 % des cas seulement. Récemment, H.J. Schneider et al. (15) ont étudié l’IRM ou le scanner hypophysaire réalisé chez 22 patients ayant eu un TC, et ont montré des anomalies morphologiques hypothalamo-hypophysaires chez 80 % des 15 patients avec hypopituitarisme et chez seulement 29 % des patients avec fonction hypophysaire normale. La plupart des patients étudiés avaient cependant des déficits multiples. B. Maiya et al. (16) ont réalisé chez 41 patients avec TC sévère ou modéré une IRM à la phase aiguë. Les IRM ont été comparées à celles réalisées chez 43 sujets témoins sains. Le volume hypophysaire était significativement plus élevé dans le groupe des patients traumatisés crâniens. Trente pour cent de ces patients présentaient des anomalies de signal de la glande hypophysaire compatibles avec des lésions hémorragiques ou nécrotiques. Dans Tableau VI. Symptomatologie comparée des syndromes post-traumatisme crânien et des déficits hypophysaires en hormone de croissance. Syndrome post-TC GHD Troubles de mémoire Symptôme + + Troubles de concentration + + Diminution du QI + + Altération du jugement + – Difficulté d’organisation + – Diminution de la qualité de vie + + Fatigue + + Anxiété + + Dépression + + Isolement social + + Détérioration de la vie sexuelle + + Augmentation du chômage + + 242 Conséquences du déficit hypophysaire chez les patients avec traumatisme crânien Elles restent mal connues. Il existe des similitudes entre certains des symptômes présentés par les patients au décours d’un TC et les troubles rapportés par les patients avec déficit hypophysaire (tableau VI). Les études évaluant le retentissement de l’hypo­ pituitarisme et en particulier du déficit somatotrope chez les patients avec TC sont peu nombreuses. Certaines concernent les séquelles neuropsychologiques. V. Popovic et al. (8) ont étudié 67 patients ayant présenté un TC modéré à sévère l’année précédente. Le pic de GH obtenu lors du test couplé GHRH/GHRP-6 était corrélé positivement à l’apprentissage verbal et à la mémoire verbale à court terme. La mémoire visuelle était corrélée négativement au taux d’IGF1. D. Kelly et al. (3) ont mis en évidence chez des blessés crâniens modérés ou sévères une corrélation significative entre l’existence d’un déficit somatotrope et une altération du score de qualité de vie SF 36 dans différents domaines (limitations physiques, douleur physique, vitalité, perception de l’état de santé, état psychique). M. Klose et al. (17) ont étudié 104 patients avec antécédents de TC. Seize d’entre eux avaient une insuffisance anté-hypophysaire. Ils ont été comparés à 30 sujets contrôles. Le score du questionnaire QoL-AGHDA était significativement plus élevé chez les patients TC que chez les contrôles (témoins d’une altération de la qualité de vie). Dans le groupe TC, le score était plus élevé chez les patients avec déficit hypophysaire que chez ceux sans déficit. De même, les items du questionnaire NHP concernant le sommeil, l’énergie, l’isolement social étaient significativement plus altérés chez les patients avec déficit hypophysaire. Ces résultats non confirmés par tous sont sans doute à interpréter en fonction de la fréquence de l’anosognosie (30 % des patients) dans cette population et à confirmer par l’utilisation de questionnaires remplis par les patients mais également par leur entourage, validés dans la population des patients traumatisés (QoLIBRI ou QoLBI). Une évaluation neuropsychologique complète réalisée par un psychologue est également indispensable. Les données concernant le retentissement de l’hypo­ pituitarisme ou plus spécifiquement du déficit somatotrope sur la composition corporelle et le métabolisme Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 6 - novembre-décembre 2009 Traumatisme crânien et fonction anté-hypophysaire glucidique ou lipidique chez les patients avec TC sont rares. M. Klose et al. (17) ont montré chez les patients présentant un déficit hypophysaire (16 % des 104 patients étudiés, la plupart présentant un déficit somatotrope) une augmentation significative de la masse grasse, du tour de taille et du LDL cholestérol lorsqu’ils étaient comparés aux patients non déficitaires ou aux patients contrôles. Prise en charge thérapeutique des patients présentant un déficit hypophysaire post-traumatique La substitution des déficits corticotrope, thyréotrope ou gonadotrope est recommandée. L’intérêt dans cette population du traitement par hormone de croissance peut susciter des interrogations. Les conséquences du déficit somatotrope dans la population générale sont bien connues (diminution de la masse maigre avec réduction de la force mus­culaire, diminution de l’activité et des performances physiques, augmentation de la masse grasse abdominale, en particulier viscérale, hyperinsulinisme secondaire à l’accumulation viscérale de tissu adipeux, modification du profil lipidique, augmentation de l’épaisseur intima-média, augmentation de la morbidité et de la mortalité cardio- et cérébrovasculaire, diminution du contenu minéral osseux et augmentation du risque fracturaire, altération de la qualité de vie (asthénie, fatigabilité, tendance dépressive, anxiété, irritabilité, émotivité inadaptée, diminution de la confiance en soi, de la motivation et de la prise d’initiative, troubles de la mémoire, de la concentration, isolement social). Certains de ces symptômes sont fréquents chez les patients avec antécédent de TC, mais peuvent être d’origine multifactorielle. Ainsi, les modifications de la composition corporelle peuvent être secondaires au déficit hypophysaire mais également à un handicap physique limitant l’activité, à des lésions hypothalamiques entraînant des troubles du comportement alimentaire et de la dépense énergétique, à un syndrome dépressif réactionnel. Il en est de même pour les séquelles neuropsychologiques qui peuvent être secondaires à l’hypopituitarisme mais également aux lésions cérébrales associées, aux conséquences professionnelles et familiales du TC. Quelques observations de patients présentant au décours d’un TC des troubles neuropsychiques diagnostiqués comme étant des séquelles post-traumatiques, et s’améliorant après traitement substitutif de déficits hypophysaires ont été rapportées (18). Cependant, aucune étude contrôlée évaluant l’efficacité dans cette population particulière du traitement par hormone de croissance sur les séquelles physiques et neuropsychologiques des patients traumatisés crâniens n’est publiée à ce jour. Conclusion En pratique, la prise en charge des patients présentant un TC modéré à sévère est assurée par l’intervention successive de médecins de différentes spécialités (anesthésiste-réanimateur, neurochirurgien, neurologue, rééducateur fonctionnel, médecin généraliste, etc.), à laquelle il semble important d’associer les endocrinologues. Une collaboration étroite entre tous les intervenants médicaux et paramédicaux est indispensable pour une meilleure prise en charge diagnostique et thérapeutique de l’hypopituitarisme post-traumatique. Actuellement, un bilan hypophysaire est recommandé 3 mois puis un an après un TC modéré ou sévère, l’état actuel des connaissances ne permettant pas de conclure pour les traumatismes légers (19). La réalisation d’études prospectives chez des patients traumatisés crâniens pendant la phase aiguë et les mois qui suivent le traumatisme est sans doute encore nécessaire pour définir au mieux la période de réalisation du ou des bilans hypophysaires et la durée du suivi. Les modalités pratiques (choix des tests dynamiques), très variables dans les études de la littérature, restent également à préciser. L’évaluation rétrospective des patients ayant subi quelques années plus tôt un TC, surtout lorsqu’ils présentent des séquelles neuropsychologiques persistantes, quelle que soit la sévérité du traumatisme, permet également d’identifier les patients potentiellement atteints d’un hypopituitarisme posttraumatique. Selon les recommandations internationales, les déficits gonadotrope, corticotrope, thyréotrope ou somatotrope doivent être substitués. L’efficacité du traitement par hormone de croissance dans cette population parti­ culière reste cependant à démontrer. ■ Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 6 - novembre-décembre 2009 243 Mise au point Références 1. Benvenga S, Campenni A, Ruggieri RM, Trimarchi F. Hypopituitarism secondary to head trauma. J Clin Endocrinol Metab 2000;85:1353-61. 2. Ceballos R. Pituitary changes in head trauma. J Med Sci 1966;3:185-98. long-term after severe traumatic brain injury. Clin Endocrinol 2005;62:525-32. 8. Popovic V, Aimaretti G, Casanueva FF, Ghigo E. Hypopituitarism following brain injury. Hormone and IGF1 research 2005;15:177-84. 3. Kelly D, McArthur DL, Levin H et al. Neuro behavioral and 9. Klose M, Juul A, Poulsgaard L, Kosteljanetz M, Brennum J, Feldt- quality of life changes associated with growth hormone insufficiency after complicated mild, moderate, or severe traumatic brain injury. J Neurotrauma 2006;23:928-34. 10. Yollin E, Kozlowski O, Soudan B et al. Prévalence des déficits 4. Lieberman SA, Oberoi AL, Gilkison CR, Masel BE, Urban J. Prevalence of neuroendocrine dysfunction in patients recovering from traumatic brain injury. J Clin Endocrinol Metab 2001;86:2752-6. 5. Agha A, Rogers B, Sherlock M et al. Anterior pituitary dysfunction in survivors of traumatic brain injury. J Clin Endocrinol Metab 2004;89:4929-36. 6. Bondanelli M, De Marinis L, Ambrosio MR et al. Occurrence of pituitary dysfunction following traumatic brain injury. Journal of Neurotraumatology 2004;6:685-96. 7. Leal-Cerro A, Florest JM, Rincon M et al. Prevalence of hypopituitarism and growth hormone deficiency in adults Rasmussen U. Prevalence and predictive factors of post-traumatic hypopituitarism. Clin Endocrinol (Oxf ) 2007;67:193-201. 14. Tanriverdi F, Ulutabanca H, Unluhizarci K, Selcuklut A, Casanueva F, Kelestimurt F. Three years prospective investigation of anterior pituitary function after traumatic brain injury. Clin Endocrinol 2008;68:573-9. 15. Schneider HJ, Sämann PG, Schneider M et al. Pituitary imaging abnormalities in patients with and without hypopituitarism after traumatic brain injury. J Endocrinol Invest 2007;30:9-12. 16. Maiya B, Newcombe V, Nortje J et al. Magnetic resonance hypophysaires chez les patients à plus d’un an d’un traumatisme crânien présentant des séquelles neuropsychologiques. Ann Endocrinol 2006;67:394. imaging changes in the pituitary gland following acute traumatic brain injury. Intensive Care Med 2008;34:468-75. 11. Agha A, Phillips J, O’Kelly P, Tormey W, Thompson CJ. The Posttraumatic hypopituitarism is associated with an unfavorable body composition and lipid profile, and decreased quality of life 12 months after injury. J Clin Endocrinol Metab 2007;92:3861-8. natural history of post-traumatic hypopituitarism: implications for assessment and treatment. Am J Med 2005;118:1416. 12. Aimaretti G, Ambrosio MR, DI Somma C et al. Residual 17. Klose M, Watt T, Brennum J, Feldt-Rasmussen U. pituitary function after brain injury-induced hypopituitarism: a prospective 12-month study. J Clin Endocrinol Metab 2005;90:6085-92. 18. Chang YC, Tsai JC, Tseng FY. Neuropsychiatric disturbances 13. Schneider HJ, Schneider M, Saller B et al. Prevalence of 19. Ghigo E, Masel B, Aimaretti G et al. Consensus guidelines anterior pituitary insufficiency 3 and 12 months after traumatic brain injury. Eur J Endocrinol 2006;154:259-65. and hypopituitarism after traumatic brain injury in an elderly man. J Formos Med Assoc 2006;105:172-6. on screening for hypopituitarism following traumatic brain injury. Brain Injury 2005;19:711-24. bloc-NoTes Organisation : Secrétariat Général de la JAND 23 avenue d’Iéna 75116 Paris Tél. : 01 45 53 41 69 Fax : 01 44 05 13 37 Site web : www.jand.fr La 50e Journée annuelle de nutrition et de diététique Pitié-Salpêtrière – Université Pierre-et-Marie-Curie – Institut Benjamin-Delessert aura lieu au CNIT - Paris La Défense, le vendredi 29 janvier 2010 sur les thèmes : •• L’alimentation des origines de l’humanité à la société de consommation •• Vous avez dit “calories” ? 244 Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 6 - novembre-décembre 2009