Traumatisme crânien et fonction anté

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Traumatisme crânien
et fonction anté-hypophysaire
Traumatic brain injury and pituitary function
Christine Cortet-Rudelli, Edwige Yollin*
Traumatisme crânien : épidémiologie
et séquelles neuropsychologiques
Épidémiologie
Les traumatismes crâniens (TC) constituent un problème de santé publique dans les pays industrialisés.
En Europe, 258 personnes sur 100 000 sont admises
chaque année à l’hôpital pour TC, soit environ un million
d’hospitalisations par an dans l’Union européenne et
100 000 hospitalisations par an en France. Soixantedix pour cent des victimes sont des hommes, et le pic
d’incidence concerne des sujets jeunes, de 15 à 25 ans.
Dans 10 % des cas, le TC est sévère, nécessitant une prise
en charge en soins intensifs. Sur 100 000 personnes, 12
décèdent dans les suites de l’accident. Cinq patients
sur mille restent dans un état végétatif, 13 sur 1 000
gardent un handicap sévère et 26 sur 1 000, un handicap
modéré. Le pronostic des TC modérés (10 000 cas par
an) et des TC légers est plus favorable dans la majorité
des cas. Cependant, à l’échelon individuel, un TC, même
minime, peut avoir des conséquences significatives sur
le patient et son entourage.
Devenir fonctionnel
Dix pour cent des patients ont une épilepsie posttraumatique. Les séquelles physiques sont importantes :
troubles de la marche (40 % des cas 8 ans après TC
sévère), troubles de la coordination, troubles sensoriels, troubles urinaires. Les troubles cognitifs et psychologiques concernent jusqu’à 80 % des TC sévères
mais également 5 % des TC légers. Les plus fréquents
sont les troubles de l’attention et de la concentration
(jusqu’à 90 % des patients) associés à une lenteur de
l’idéation, des troubles de l’adaptation, des troubles de
la mémoire (jusqu’à 70 % des patients), une désorientation temporo-spatiale (jusqu’à 50 % des patients), des
troubles phasiques (jusqu’à 30 % des patients). Jusqu’à
70 % des patients avec TC sévère peuvent être concernés par des troubles neurocomportementaux : modification de la personnalité avec labilité émotionnelle,
troubles du caractère, irritabilité, réactions violentes et
inadaptées, apathie ou indifférence affective, troubles
du comportement alimentaire (troubles de la satiété),
troubles du sommeil, asthénie, dépression et idées
suicidaires. La complexité de ces troubles, associée à
l’anosognosie fréquente chez ces patients, rend difficile
leur évaluation objective. Au total, le TC représente la
première cause de handicap chez l’adolescent et l’adulte
jeune, et la prise en charge de ces handicaps physiques
et neuropsychologiques constitue le quatrième poste
de dépenses de santé.
Fréquence de l’insuffisance hypophysaire
au décours d’un traumatisme crânien
Le premier cas de déficit hypophysaire après TC a été
rapporté en 1918. D’autres observations ont ensuite
confirmé la possibilité de déficits au décours de TC.
En 2000, S. Benvenga et al. (1) ont rapporté, à partir
des données de la littérature publiées entre 1970 et
1998, 367 cas de déficits hypophysaires secondaires
à un TC. Tous les patients (en majorité des hommes
jeunes) avaient un déficit gonadotrope, tandis que
les déficits corticotrope et thyréotrope concernaient
environ 50 % d’entre eux. Un tiers des patients avaient
un diabète insipide.
Par ailleurs, les séries autopsiques ont montré l’existence
de fréquentes lésions hypothalamo-hypophysaires
chez les patients décédés après un TC (2). Le TC était
cependant considéré comme une étiologie rare d’hypo­
pituitarisme, et l’exploration de la fonction hypophysaire
après un traumatisme crânien n’était pas systématique.
Depuis 2000, les études démontrant la fréquence des
déficits hypophysaires au décours de TC se sont multipliées.
Études rétrospectives (tableaux I et II)
Nous avons étudié un groupe de 93 patients
(76 hommes) âgés de 20 à 59 ans (36,1 ± 11,6), dont
l’indice de masse corporelle (IMC) variait de 18 à
32,7 kg/m2 (24,7 ± 4,9) sélectionnés par la persistance
de séquelles neuropsychologiques plus de un an après
un TC sévère, modéré et léger dans 70 %, 2 % et 28 %
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 6 - novembre-décembre 2009
* Services d’endocrinologie,
diabétologie et métabolisme
Marc-Linquette, hôpital ClaudeHuriez, CHRU de Lille.
239
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Tableau I. Caractéristiques des patients.
Âge moyen (ans)
Pourcentage d’hommes
Délai d’évaluation
(mois)
TC léger (%)
TC modéré (%)
TC sévère (%)
Mode de recrutement
Kelly et al. (3)
n = 22
Lieberman et al. (4)
n = 70
Agha et al. (5)
n = 102
Bondanelli et al. (6) Leal-Cerro et al. (7) Popovic et al. (8) Klose et al. (9)
n = 72
n = 99
n = 67
n = 104
28 ± 10
31,5 ± 1,1
28 (médiane)
37,2 ± 1,8
29,2 ± 1,1
37,5 ± 1,8
41
82
65
83
80
88
58
75
3-276
Moy. : 26
49 ± 8
3-36
Moy. : 17
12-64
ND
45 ± 1,8
10-27
Moy. : 13
–
?/?/84
0/41/56
14/14/72
0/0/100
0/?/?
42,5/19/38,5
Neurochirurgie
Rééducation
Neurochirurgie
ND
Neurochirurgie
ND
Neurochirurgie
ND : non déterminé.
Tableau II. Prévalence des déficits hypophysaires.
Kelly et al. (3) Lieberman et al. (4)
n = 22
n = 70
Agha et al. (5)
n = 102
Bondanelli et al. (6) Leal-Cerro et al. (7) Popovic et al. (8) Klose et al. (9)
n = 72
n = 99
n = 67
n = 104
Corticotrope (%)
4,5
15,7
11,8
4
11
7
5
Somatotrope (%)
18,2
14,6
11
14
10
15
11
Gonadotrope (%)
4,5
0
12
14
29
9
2
Thyréotrope (%)
4,5
11,6
1
4
10
4
2
Hyperprolactinémie (%)
0
1,5
10,8
2,8
–
4,5
10
Diabète insipide (%)
0
0
6,9
0
3
4,5
2
36,3
–
28,4
26,4
42,4
34
16
≥ 1 déficit (%)
Tableau III. Prévalence des déficits hypophysaires 3 ou 6 mois après le traumatisme.
Agha et al. (11)
n = 48
Aimaretti et al. (12)
n = 70
Schneider et al. (13)
n = 78
Délai post-traumatisme
6 mois
3 mois
3 mois
Âge (ans)
37 ± 14
39,3 ± 2,4
35,7 ± 13,8
Pourcentage d’hommes
76
71
83
≥ 1 déficit (%)
ND
32,8
56
Déficits multiples (%)
ND
11,4
10,2
Déficit isolé (%)
ND
21,4
45,8
Somatotrope (%)
12,5
22,8
9
Corticotrope (%)
19
8,5
19
Gonadotrope (%)
23
17,1
32
Thyréotrope (%)
2
5,7
8
Hyperprolactinémie (%)
15
4,2
20,5
Diabète insipide (%)
8
4,2
0
des cas respectivement. L’exploration de la fonction
hypophysaire a été réalisée 13 à 336 mois (63 ± 56) après
le TC. Un déficit somatotrope sévère était présent chez
31,2 % des patients, isolé dans 11,8 % des cas ; 19,4 %
des patients avaient une insuffisance corticotrope partielle, 19,4 % des patients avaient un déficit thyréotrope. Aucun patient n’avait de déficit gonadotrope
ou d’atteinte de la fonction posthypophysaire. Quatre
240
patients (4,3 %) présentaient une hyperprolactinémie
(1 microprolactinome, 1 hyperprolactinémie iatrogène
et 2 macroprolactinémies). Au total, 44 % des patients
étudiés avaient au moins un déficit anté-hypophysaire
justifiant un traitement hormonal substitutif (10).
Séries prospectives (tableaux III et IV)
Certains auteurs ont évalué de manière prospective la
fonction hypophysaire 3 mois, 6 mois, 1 an voire 3 ans
après le traumatisme.
En conclusion, la prévalence des déficits est globalement stable au cours du suivi réalisé la première année.
Il existe cependant des observations avec récupération ou, au contraire, aggravation de la fonction hypo­
physaire un an après le TC, surtout en cas de déficit isolé.
Le déficit gonadotrope fréquent lors du bilan réalisé
3 à 6 mois après le TC est volontiers transitoire, non
constaté à un an en faveur d’une atteinte plus souvent
fonctionnelle qu’organique.
Une seule étude a été réalisée avec un suivi prospectif
de 3 ans (14) chez des patients présentant dans 60 %
des cas un TC léger. Tous les patients présentant un
déficit hypophysaire multiple à 3 mois gardent une
insuffisance hypophysaire 1 et 3 ans après le TC. En cas
de déficit hormonal isolé à un an, la récupération d’une
fonction hypophysaire normale peut être constatée à
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 6 - novembre-décembre 2009
Traumatisme crânien et fonction anté-hypophysaire
3 ans. Le déficit somatotrope est le plus fréquent (23 %
à 3 ans). Aucun patient n’avait de déficit gonadotrope
lors de l’évaluation faite à 3 ans.
Au total, ces études témoignent de l’existence fréquente
d’un déficit anté-hypophysaire au décours d’un traumatisme crânien, tandis que l’atteinte posthypophysaire
est plus inconstante. Les atteintes les plus fréquentes
sont celles de la fonction somatotrope (10 à 20 % des
patients, déficit isolé dans 43 à 76 % des cas) et de la
fonction gonadotrope (2 à 22 %). Une hyperprolactinémie modérée est constatée dans 0 à 14 % des cas.
Une cause hypothalamique est évoquée. L’existence
d’une macroprolactinémie, fréquente dans la population générale, ne peut cependant pas être écartée,
de même qu’une cause iatrogène chez ces patients
volontiers polymédicamentés.
La fréquence des différents déficits varie cependant
significativement d’une étude à l’autre. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées. Les groupes de patients
étudiés sont hétérogènes quant à la sévérité initiale du
traumatisme ou au mode de recrutement (réalisation
d’un bilan systématique chez tous les patients hospitalisés en neurochirurgie ou sélection dans les services de rééducation de patients gardant des troubles
neuropsychologiques ou cognitifs à distance du TC)
[tableau I]. Le délai plus long entre le traumatisme et
l’exploration hormonale peut expliquer la fréquence
moindre de l’atteinte gonadotrope dans certaines
études (4, 10, 14). Par ailleurs, la variabilité des critères
utilisés pour le diagnostic des déficits hypophysaires
Tableau IV. Prévalence des déficits hypophysaires 1 an après le traumatisme.
Agha et al. (11)
n = 48
Aimaretti et al. (12)
n = 70
Schneider et al. (13)
n = 78
≥ 1 déficit (%)
ND
22,2
36
Déficits multiples (%)
ND
9,9
4,2
Déficit isolé (%)
ND
12,8
31,8
Somatotrope (%)
10,4
20
10
Gonadotrope (%)
12,5
11,4
21
Corticotrope (%)
18,7
7,1
9
Thyréotrope (%)
2
5,7
3
Hyperprolactinémie (%)
12,5
5,7
14
Diabète insipide (%)
6,2
2,8
0
(bilan hormonal de base, choix des tests dynamiques et
des valeurs seuils) explique sans doute également pour
une part les différences observées pour la prévalence
de l’atteinte somatotrope ou corticotrope (tableau V).
Certains auteurs ont montré une relation entre
la survenue d’un déficit hypophysaire et le score
de Glasgow (6, 9), le sexe, l’âge ou l’IMC (8, 9, 13).
Cependant, dans la plupart des études, aucun facteur
prédictif n’a été identifié (score de Glasgow, durée
du coma, lésions cérébrales associées sur l’imagerie
initiale, antécédents d’intervention neurochirurgicale
ou d’intubation, association à des atteintes extra­
cérébrales, etc.).
Tableau V. Prévalence de l’insuffisance corticotrope ou somatotrope ; tests diagnostiques utilisés.
Auteurs
Prévalence du déficit
corticotrope (%)
Critères diagnostiques
Prévalence du déficit
somatotrope (%)
Critères diagnostiques
Lieberman et al., 2001 (4)
15,7
Test au Synacthène 250 µg
14,6
Glucagon ± L-dopa
Leal-Cerro et al., 2005 (7)
11
Cortisolémie à 8 h < 8 µg/dl
ou
Hypoglycémie insulinique
10
(GHRH-GHRP6)
Test réalisé si IGF I 
ou autre déficit associé
Popovic et al., 2004 (8)
7
Cortisolémie à 8 h
15
GHRH-GHRP6
11,8
Glucagon + hypoglycémie insulinique
ou Synacthène 250 µg
11
Glucagon + hypoglycémie insulinique
ou arginine-GHRH
Bondanelli et al., 2007 (6)
4
Cortisolémie à 8 h
14
Arginine-GHRH
Aimaretti et al., 2005 (12)
7,1
Cortisolémie à 8 h < 8 µg/dl
20
Arginine-GHRH
Tanriverdi et al., 2006 (14)
19,2
Cortisolémie à 8 h
et test au Synacthène 1 µg
Hypoglycémie insulinique
ou Synacthène 250 µg (x 2)
32,7
GHRH-GHRP-6
11
Hypoglycémie insulinique
ou arginine-GHRH (x 2)
Agha et al., 2004 (5)
Klose et al., 2007 (9)
5
Kelly et al., 2000 (3)
4,5
Hypoglycémie insulinique
18,2
Hypoglycémie insulinique
9
Test au Synacthène 250 µg
10
Arginine-GHRH
Schneider et al., 2006 (13)
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241
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Physiopathologie des déficits
hypophysaires au décours
d’un traumatisme crânien
notre expérience, l’IRM réalisée à distance du TC est
normale dans plus de 80 % des cas. Les lésions hémorragiques hypothalamiques concernent moins de 10 %
des patients.
Les mécanismes physiopathologiques sont mal connus.
Des études autopsiques ont montré de fréquentes
lésions hypothalamiques hémorragiques ou nécrotiques (23,2 à 59 % des patients). Les atteintes de la
tige pituitaire (5,9 à 27,4 %) ou du lobe antérieur de
l’hypophyse (3,8 à 22 %) sont plus rares. Cependant 14 à
74 % des patients n’ont pas d’anomalie morphologique
hypothalamo-hypophysaire évidente (1).
Les données concernant l’IRM hypothalamo-hypo­
physaire sont rares. Dans la revue publiée par
S. Benvenga et al. (1), une étude morphologique hypothalamo-hypophysaire (scanner ou IRM) n’a été réalisée que chez 20 % des patients, et était anormale dans
32,9 % des cas seulement. Récemment, H.J. Schneider
et al. (15) ont étudié l’IRM ou le scanner hypophysaire
réalisé chez 22 patients ayant eu un TC, et ont montré
des anomalies morphologiques hypothalamo-hypophysaires chez 80 % des 15 patients avec hypopituitarisme et chez seulement 29 % des patients avec fonction
hypophysaire normale. La plupart des patients étudiés
avaient cependant des déficits multiples. B. Maiya et
al. (16) ont réalisé chez 41 patients avec TC sévère ou
modéré une IRM à la phase aiguë. Les IRM ont été comparées à celles réalisées chez 43 sujets témoins sains.
Le volume hypophysaire était significativement plus
élevé dans le groupe des patients traumatisés crâniens.
Trente pour cent de ces patients présentaient des anomalies de signal de la glande hypophysaire compatibles
avec des lésions hémorragiques ou nécrotiques. Dans
Tableau VI. Symptomatologie comparée des syndromes post-traumatisme crânien et des déficits hypophysaires en hormone
de croissance.
Syndrome post-TC
GHD
Troubles de mémoire
Symptôme
+
+
Troubles de concentration
+
+
Diminution du QI
+
+
Altération du jugement
+
–
Difficulté d’organisation
+
–
Diminution de la qualité de vie
+
+
Fatigue
+
+
Anxiété
+
+
Dépression
+
+
Isolement social
+
+
Détérioration de la vie sexuelle
+
+
Augmentation du chômage
+
+
242
Conséquences du déficit hypophysaire
chez les patients avec traumatisme crânien
Elles restent mal connues.
Il existe des similitudes entre certains des symptômes
présentés par les patients au décours d’un TC et les
troubles rapportés par les patients avec déficit hypophysaire (tableau VI).
Les études évaluant le retentissement de l’hypo­
pituitarisme et en particulier du déficit somatotrope chez
les patients avec TC sont peu nombreuses. Certaines
concernent les séquelles neuropsychologiques.
V. Popovic et al. (8) ont étudié 67 patients ayant présenté
un TC modéré à sévère l’année précédente. Le pic de GH
obtenu lors du test couplé GHRH/GHRP-6 était corrélé
positivement à l’apprentissage verbal et à la mémoire
verbale à court terme. La mémoire visuelle était corrélée négativement au taux d’IGF1. D. Kelly et al. (3) ont
mis en évidence chez des blessés crâniens modérés ou
sévères une corrélation significative entre l’existence
d’un déficit somatotrope et une altération du score de
qualité de vie SF 36 dans différents domaines (limitations
physiques, douleur physique, vitalité, perception de l’état
de santé, état psychique). M. Klose et al. (17) ont étudié
104 patients avec antécédents de TC. Seize d’entre eux
avaient une insuffisance anté-hypophysaire. Ils ont été
comparés à 30 sujets contrôles. Le score du questionnaire QoL-AGHDA était significativement plus élevé chez
les patients TC que chez les contrôles (témoins d’une
altération de la qualité de vie). Dans le groupe TC, le
score était plus élevé chez les patients avec déficit hypophysaire que chez ceux sans déficit. De même, les items
du questionnaire NHP concernant le sommeil, l’énergie,
l’isolement social étaient significativement plus altérés
chez les patients avec déficit hypophysaire. Ces résultats
non confirmés par tous sont sans doute à interpréter
en fonction de la fréquence de l’anosognosie (30 % des
patients) dans cette population et à confirmer par l’utilisation de questionnaires remplis par les patients mais
également par leur entourage, validés dans la population des patients traumatisés (QoLIBRI ou QoLBI). Une
évaluation neuropsychologique complète réalisée par
un psychologue est également indispensable.
Les données concernant le retentissement de l’hypo­
pituitarisme ou plus spécifiquement du déficit somatotrope sur la composition corporelle et le métabolisme
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 6 - novembre-décembre 2009
Traumatisme crânien et fonction anté-hypophysaire
glucidique ou lipidique chez les patients avec TC
sont rares. M. Klose et al. (17) ont montré chez les
patients présentant un déficit hypophysaire (16 % des
104 patients étudiés, la plupart présentant un déficit
somatotrope) une augmentation significative de la
masse grasse, du tour de taille et du LDL cholestérol
lorsqu’ils étaient comparés aux patients non déficitaires
ou aux patients contrôles.
Prise en charge thérapeutique des patients
présentant un déficit hypophysaire
post-traumatique
La substitution des déficits corticotrope, thyréotrope
ou gonadotrope est recommandée. L’intérêt dans cette
population du traitement par hormone de croissance
peut susciter des interrogations.
Les conséquences du déficit somatotrope dans la population générale sont bien connues (diminution de la
masse maigre avec réduction de la force mus­culaire,
diminution de l’activité et des performances physiques,
augmentation de la masse grasse abdominale, en
particulier viscérale, hyperinsulinisme secondaire à
l’accumulation viscérale de tissu adipeux, modification du profil lipidique, augmentation de l’épaisseur
intima-média, augmentation de la morbidité et de la
mortalité cardio- et cérébrovasculaire, diminution du
contenu minéral osseux et augmentation du risque
fracturaire, altération de la qualité de vie (asthénie,
fatigabilité, tendance dépressive, anxiété, irritabilité,
émotivité inadaptée, diminution de la confiance en
soi, de la motivation et de la prise d’initiative, troubles
de la mémoire, de la concentration, isolement social).
Certains de ces symptômes sont fréquents chez les
patients avec antécédent de TC, mais peuvent être
d’origine multifactorielle. Ainsi, les modifications de
la composition corporelle peuvent être secondaires
au déficit hypophysaire mais également à un handicap
physique limitant l’activité, à des lésions hypothalamiques entraînant des troubles du comportement
alimentaire et de la dépense énergétique, à un syndrome dépressif réactionnel. Il en est de même pour
les séquelles neuropsychologiques qui peuvent être
secondaires à l’hypopituitarisme mais également aux
lésions cérébrales associées, aux conséquences professionnelles et familiales du TC.
Quelques observations de patients présentant au
décours d’un TC des troubles neuropsychiques diagnostiqués comme étant des séquelles post-traumatiques,
et s’améliorant après traitement substitutif de déficits
hypophysaires ont été rapportées (18). Cependant,
aucune étude contrôlée évaluant l’efficacité dans cette
population particulière du traitement par hormone de
croissance sur les séquelles physiques et neuropsychologiques des patients traumatisés crâniens n’est
publiée à ce jour.
Conclusion
En pratique, la prise en charge des patients présentant
un TC modéré à sévère est assurée par l’intervention
successive de médecins de différentes spécialités (anesthésiste-réanimateur, neurochirurgien, neurologue,
rééducateur fonctionnel, médecin généraliste, etc.), à
laquelle il semble important d’associer les endocrinologues. Une collaboration étroite entre tous les intervenants médicaux et paramédicaux est indispensable
pour une meilleure prise en charge diagnostique et
thérapeutique de l’hypopituitarisme post-traumatique.
Actuellement, un bilan hypophysaire est recommandé
3 mois puis un an après un TC modéré ou sévère,
l’état actuel des connaissances ne permettant pas de
conclure pour les traumatismes légers (19). La réalisation d’études prospectives chez des patients traumatisés crâniens pendant la phase aiguë et les mois qui
suivent le traumatisme est sans doute encore nécessaire pour définir au mieux la période de réalisation
du ou des bilans hypophysaires et la durée du suivi.
Les modalités pratiques (choix des tests dynamiques),
très variables dans les études de la littérature, restent
également à préciser. L’évaluation rétrospective des
patients ayant subi quelques années plus tôt un TC,
surtout lorsqu’ils présentent des séquelles neuropsychologiques persistantes, quelle que soit la sévérité du
traumatisme, permet également d’identifier les patients
potentiellement atteints d’un hypopituitarisme posttraumatique.
Selon les recommandations internationales, les déficits
gonadotrope, corticotrope, thyréotrope ou somatotrope
doivent être substitués. L’efficacité du traitement par
hormone de croissance dans cette population parti­
culière reste cependant à démontrer.
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Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 6 - novembre-décembre 2009
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Références
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Organisation :
Secrétariat Général de la JAND
23 avenue d’Iéna
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Tél. : 01 45 53 41 69
Fax : 01 44 05 13 37
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La 50e Journée annuelle de nutrition et de diététique
Pitié-Salpêtrière – Université Pierre-et-Marie-Curie – Institut Benjamin-Delessert
aura lieu au CNIT - Paris La Défense, le vendredi 29 janvier 2010 sur les thèmes :
•• L’alimentation des origines de l’humanité à la société
de consommation
•• Vous avez dit “calories” ?
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Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 6 - novembre-décembre 2009
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