Vivre après un traumatisme crânien grave
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Dossier
La revue de l’infi rmière ● Mars 2017 ● n° 229
du devenir concret de ce dernier: va-t-il remarcher?
Reparler? Remanger? Pouvoir travailler? etc.
Pour pouvoir projeter le patient dans son par-
cours de soins et de vie, il manque encore aux
soignants la possibilité d’obtenir des retours sys-
tématisés du devenir des patients à moyen et long
terme. La population TCC mériterait pourtant une
démarche de follow up patient incluant systémati-
quement un retour aux équipes pour raviver le sens
et la qualité des soins prodigués en phase aiguë.
Notre expérience nous permet d’arguer en sa faveur
puisqu’il ressort des compétences infi rmières d’éva-
luer et de transmettre l’évolution des patients.
C’est en présentant au service de réanimation,
un mois après sa sortie, les progrès d’un patient
TCC sévère que nous avons réalisé la pertinence de
la systématisation de cette démarche. Une présen-
tation bi-annuelle du devenir des patients (à trois
mois, six mois, un an, deux ans, cinq ans) a été mise
en place. Nous avons été surpris de l’impact qu’a eu
cette démarche simple et économique. Elle a montré
aux équipes que l’évolution d’un patient TCC ne
s’arrête pas aux portes du service qu’il quitte[10].
Cette démarche a aussi permis de réaliser que
la segmentation des soins cache à ses acteurs la
connaissance d’une longue chaîne de prise en charge
dont il s’agit de renouer les maillons. La pérenni-
sation de ce retour systématisé permettrait une
meilleure diff usion des eff ets de la neurorééducation
précoce. Cette démarche est inclusive et devrait
prévoir que des patients TCC puissent revenir dans
les services aigus pour échanger avec eux. Outre
l’aspect motivationnel évident, cela donnerait un
critère supplémentaire pouvant éclairer utilement
les choix thérapeutiques engagés en réanimation.
Enfi n, ce travail permettrait de poser de nou-
veaux indicateurs quant aux processus sensibles
aux soins infi rmiers. Ainsi l’introduction du principe
de réalité dans le principe d’incertitude[11] est cer-
tainement un moyen de mieux vivre au quotidien
ce dernier.
Réinvestir le temps long
dans le soin aux TCC
L’intervention que nous proposons suppose que
l’infi rmier réinvestisse le temps long dans le soin. En
des temps où soignants et patients sont soumis aux
mêmes types d’injonctions paradoxales: travailler
et récupérer toujours plus vite, en coûtant tou-
jours moins, il nous a semblé essentiel de redonner
la dimension temporelle réelle dans laquelle doit
s’inscrire le soin. •
Une présentation bi-annuelle du devenir des patients a montré aux équipes que l’évolution d’un
patient TCC ne s’arrête pas aux portes du service qu’il quitte.
© BSIP/DPA Pictures
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas
avoir de liens d’intérêts.
Note
1 L’outil de la mesure de la
qualité de vie des TCC est le
questionnaire QOLIBRI. Il évalue
6domaines: cognitif, aff ectif,
fonctionnel, relationnel, physique
et émotionnel. Il est disponible sur
www.qolibrinet.com/registration.
htm.
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