Séminaire de l’AEP (Aumônerie de l’Enseignement public) La construction des intelligences : neurosciences et conséquences pédagogiques Paula Jeanbart [email protected] 1. 2. 3. 4. 5. Introduction ........................................................................................................................ 1 Repères historiques ............................................................................................................ 1 Différentes facultés intellectuelles ..................................................................................... 3 Epigenèse cérébrale............................................................................................................ 3 Construction de l’intelligence humaine.............................................................................. 6 5.1. Définition ................................................................................................................... 6 5.2. Mesure de l’Intelligence............................................................................................. 6 5.3. Le développement intellectuel ................................................................................... 7 5.4. Que se passe-t-il dans la tête d’un nourrisson avant qu’il ne parle ? ......................... 7 6. Conséquences pédagogiques .............................................................................................. 7 6.1. Epistémologie............................................................................................................. 7 6.1.1. Visées et Structure des Savoirs Scientifiques .................................................... 8 6.1.2. Démarche d’investigation .................................................................................. 8 6.2. Appropriation du savoir ............................................................................................. 8 6.2.1. Conceptions (représentations ; conceptions conjoncturelles ; représentations sociales, etc.) ...................................................................................................................... 8 6.2.2. Notions d’obstacles (obstacles épistémologiques ; obstacles didactiques ; obstacles psychologiques) .................................................................................................. 8 7. Conclusion.......................................................................................................................... 9 8. Bibliographie...................................................................................................................... 9 1. Introduction D’abord, l’objet des neurosciences – Le cerveau – est un objet hors pair. Jusqu’à une date récente, l’étude de l’esprit, de la conscience et des sentiments était l’objet de la philosophie et de la religion, bien loin du territoire des sciences dures. Le développement des recherches sur le système nerveux s’est toujours heurté, au cours de l’histoire, à de farouches obstacles idéologiques. Plusieurs travaux de recherche ont porté récemment sur l’identité biologique, trop souvent associée dans les programmes et les manuels scolaires français à la seule identité génétique. Ce travail aborde la construction des intelligences vues par les chercheurs et les neuroscientifiques avec ses deux côtés inné/acquis et le rôle de chaque côté dans ce processus aboutissant à la fin à en tirer les conséquences pédagogiques de manière à orienter l’apprenant vers l’appropriation du savoir selon la démarche constructiviste. 2. Repères historiques Depuis l’Antiquité et au delà, les interprétations sur la nature de l’esprit et de la pensée furent spiritualistes. Au XVIIe siècle, le dualisme de Descartes distinguait le corps de l’esprit niant au premier la capacité d’abriter le second (Fottorino 1998). Consacré siège de la pensée et des émotions, le cerveau est une entité immatérielle d’une nature autre que celle du corps. Ce siècle, fut également l’époque du déterminisme religieux (qui persiste jusqu’à nos jours) : toute notre vie était écrite dans le programme de Dieu ou dans la conjonction astrale, dans la ligne de nos mains ou même dans la morphologie de notre visage (Clément 2007). Au XVIIIe siècle et grâce au progrès scientifique, le matérialisme scientifique commença à rompre avec le spiritualisme jusqu’alors dominant. La Mettrie (1709-1751) dans « l’Hommemachine » (1734) assume une rupture avec le spiritualisme et le dualisme de Descartes et attribue au cerveau un rôle essentiel et actif qui lui permet de contrôler le corps entier (Le cerveau a ses muscles pour penser comme les jambes pour marcher). A cette époque là et ça continue jusqu’à nos jours Il y a l’astrologie, la chiromancie (caractère ou destinée d’une personne sont connaissables d’après les lignes de la main), la physiognomonie relayée par la morphopsychologie (l’apparence physique d’une personne et principalement les traits de son visage, peut donner un aperçu de son caractère ou de sa personnalité et plus récemment le déterminisme génétique. Au XIXe siècle, vers 1802, Gall, médecin et chef de file d’un courant de pensée, la phrénologie, postulait que le développement des aptitudes mentales correspondait à des bosses détectable par palpation de la boîte crânienne (ex. la bosse des maths). Pour Lombroso, c’est la constitution physique du personnage qui le pousse à devenir criminel ou non. Avec la craniologie de Broca, c’est le poids et le volume du cerveau qui prédestineraient chacun à être plus ou moins intelligent (le cerveau des femmes étant nettement moins lourd que celui des hommes, Broca mit en relation cette infériorité physique avec ce qui était admis à cette époque : « l’infériorité intellectuelle » des femmes ; tout comme il était convaincu que le cerveau des Blancs était plus gros que celui des Noirs.). Cent vingt ans après, Stephen J. Gould (1983) a ré analysé les données originales de Broca, et montré que les différences de poids de ces cerveaux étaient liées à la taille des individus, à leurs âges, puis à la présence ou absence de méninges (puisqu’il s’agissait de cadavres), etc. : le paramètre sexe n’intervient pas ! Dans l’espèce humaine, il n’existe aucune relation entre le poids du cerveau et l’intelligence (synthèse dans Vidal 2001). Plus récemment, et selon les héréditaristes, ce sont nos gènes qui contrôlent nos pensées et notre intelligence. Cette réduction du biologique au génétique est fortement liée au débat inné/acquis en associant la biologie principalement à l’inné. Comme si toute l’identité d’un être humain était programmée dans son génome. A la fin du XXe siècle, les biologistes savent que tout génome ne peut s’exprimer qu’en interaction avec son environnement. Ils savent aussi que nos comportements et pensées sont appris et ont un support biologique. L’affrontement entre inné et acquis est dépassé à cause de cette interaction inné/acquis où les caractères génétiques et environnementaux interagissent tout au long de la construction de l’organisme. Or à l’aube de ce XXIe siècle, la complexité du vivant, avec le progrès des sciences et des découvertes scientifiques, ne peut plus être réduit au déterminisme génétique. D’autres mécanismes épigénétiques s’imposent pour analyser l’auto-construction du vivant (Varela 1989) grâce à l’épigenèse cérébrale. Les neurobiologistes savent que le cerveau est façonné par l’environnement en même temps que par la génétique. D’ailleurs les connaissances actuelles sur l’épigenèse du cerveau humain montrent l’importance primordiale de l’expérience personnelle dans la mise en place des réseaux neuronaux (Fottorino 1998, Edelman 2001). Ajoutons que récemment toutes les recherches neurobiologiques insistent sur la plasticité et l’épigenèse cérébrale : depuis au moins Changeux 1983, Edelman 1992, Jeannerod 1983, Rosenfield 1989, Delacour 1998…, jusqu’aux travaux actuels sur le cerveau et sur les modèles cognitifs. En effet, un large accord existe sur le fait que les réseaux neuronaux se configurent dans notre cerveau en fonction de notre expérience individuelle, pour être les supports de notre pensée. Même des philosophes qui sont des chrétiens convaincus comme P. Ricoeur en conviennent et admettent que « le cerveau est le substrat de la pensée » et que « la pensée est l’indicateur d’une structure neuronale sous-jacente »( Changeux & Ricoeur 1998). En d’autres termes, notre cerveau se configure quand il apprend. Cependant, cette dimension de la biologie, à savoir le remaniement permanent de la configuration du cerveau par l’expérience individuelle, essentielle notamment parce qu’elle établit des liens entre le cerveau et l’éducation, n’est enseignée en France (au moins jusqu’à la dernière réforme) ni dans le secondaire ni dans la formation des maîtres : ce qui contribue malgré la médiatisation de ces connaissances sur l’épigenèse cérébrale à entretenir une association forte entre la Biologie et l’héréditarisme. La problématique qui s’impose : nos enseignants et étudiants réduisent-ils leur identité biologique à leurs gènes (qui sont uniques sauf chez les monozygotes) ? Notre cerveau est-il pensé comme le support de nos pensées, de nos mémoires, de notre histoire individuelle et sociale qui a construit notre identité unique ? Conçoivent-ils que leur identité individuelle et sociale a comme support biologique des réseaux neuronaux dans notre cerveau : l’épigenèse cérébrale. 3. Différentes facultés intellectuelles Avec les nouvelles techniques d’imagerie cérébrale qui permettent d’observer le cerveau en train de fonctionner, les spéculations sur les différences de mode de fonctionnement entre les sexes n’ont plus cours comme par exemple : les meilleures compétences des hommes en mathématiques résultent d’un plus grand développement de leur hémisphère droit par rapport à celui du cerveau de la femme. Or, des expériences utilisant l’IRM fonctionnelle montrent précisément le contraire : pour résoudre des problèmes de calcul, les régions les plus actives sont : le cortex frontal gauche et les aires pariétales gauche et droite, et ce quel que soit le sexe des sujets : Aucune différence significative entre les sexes ne ressort de la grande majorité des études d’imagerie, qui depuis une dizaine d’années analyse l’activité du cerveau dans les fonctions cognitives supérieures. Parallèlement aux travaux des psychologues du développement, les neurologues étudient les facultés cognitives des bébés. L’imagerie cérébrale révèle le rôle de différentes aires cérébrales : Le lobe temporal gauche réagit ainsi préférentiellement au langage parlé. On observe aussi que la latéralisation ou la prise en charge de certaines fonctions cognitives par les hémisphères droit ou gauche du cerveau, s’effectue avant même la naissance. Ainsi, in utero, les futurs gauchers sucent leur pouce gauche, et les droitiers leur pouce droit. 4. Epigenèse cérébrale L’aspect du cerveau d’un nouveau-né ressemble à celui d’un adulte. Toutefois, si toutes les structures cérébrales importantes sont présentes et si le nombre de neurones est maximal, le développement du cerveau est loin d’être achevé : le poids du cerveau triple avant l’âge de 5 ans et continue d’augmenter jusque vers 18 ans. Pendant cette première phase de maturation, le réseau de connexions entre neurones se densifie. Les neurones « poussent », les synapses se multiplient à un rythme soutenu. C’est pourquoi le cerveau d’un enfant grandit bien que le nombre de neurones reste constant. Après cette phase de prolifération, les synapses inutiles sont éliminées : ainsi le cerveau produit d’abord un excès de contacts, et choisit ensuite ceux qu’il convient de conserver, éliminant les autres. La seconde phase est celle de l’apprentissage : les connexions synaptiques augmentent rapidement jusqu’à 6 à 8 mois, et l’acuité visuelle est alors identique à celle de l’adulte. C’est le moment où l’enfant se tient assis et découvre les détails de son environnement. A partir de six mois, le nombre de synapses diminue, et seuls les réseaux de neurones dont les synapses sont conservées sont stabilisés. Durant les premiers mois de sa vie, l’enfant passe beaucoup de temps à la maison. Le changement est saisissant quand il découvre, de nouvelles perspectives, par exemple, lors d’une promenade en ville ou dans un parc où il découvre les voitures qui passent, observe et examine avec intérêt les personnes et les animaux qui s’y trouvent. Ce qu’un enfant voit durant cette période dépend beaucoup de la culture où il grandit. Ainsi, un bébé qui grandit dans un milieu où il découvre tous les jours des choses bien différentes de celles qu’observe un enfant qui grandit dans la jungle. Contrairement au mécanisme de la formation des synapses, qui dépend de la maturation, l’élimination des synapses surnuméraires dépend de l’expérience : seules les connexions les plus utilisées persistent. La structuration du cerveau est déterminée. Ce processus est appelé l’épigenèse cérébrale. Selon Changeux (2002), l’Epigénétique associe deux significations : c’est « l’idée de superposition à l’action des gènes, suite à l’apprentissage et à l’expérience, et celle de développement coordonné et organisé ». En d’autres termes, au cours du développement, « des régulations épigénétiques ont lieu assemblant les neurones du réseau et façonnant l’anatomie du cerveau, la topologie des aires corticales et le détail des connexions qui échappe au pouvoir des gènes ». Changeux explique que ce qui distingue l’Homme du Chimpanzé, c’est cette différence génétique qui porte sur à peine 1% de l’ensemble des séquences du génome. Mais c’est grâce à cette petite différence qu’il y a eu des changements majeurs dans l’organisation anatomique du cerveau et dans son développement. Ce développement persiste après la naissance, beaucoup plus longtemps chez l’homme que chez le chimpanzé. Ceci va permettre « l’apprentissage par épigenèse (non génétique), l’ouverture à l’environnement, le langage, la culture, bref ce qui scelle la spécificité humaine… ». Certainement, il y a un déterminisme génétique qui permet à l’homme d’être ouvert socialement et culturellement. Le cerveau naît immature, il se configure et se complexifie grâce au processus épigénétique c’est- à- dire en fonction de ce que chaque individu apprend, de son expérience personnelle et de son environnement (Clément 1999). Les premiers hommes, Homo Sapiens avaient le même cerveau mais pas la même culture. Epigenèse cérébrale selon Changeux : croissance Redondance transitoire Stabilisation sélective Figure 1: hypothèse de l’épigenèse par stabilisation sélective telle qu’elle a été proposée par J.P Changeux dans « l’homme neuronal ». Selon Changeux, dans cette figure, l’épigenèse par stabilisation sélective est exercée par « l’entrée en activité, spontanée et/ou évoquée, du réseau nerveux en développement et qui règle l’élimination des synapses surnuméraires mises en place au stade de la redondance transitoire (Changeux 1983). 5. Construction de l’intelligence humaine 5.1. Définition L’intelligence est un concept flou dont la définition est fortement influencée par le sens commun, qui fait l’objet de débats à la fois scientifiques et idéologiques mais dont il est très difficile de se passer. Les psychologues qui ont mis au point les premiers tests ne savaient pas définir l’intelligence et sur ce point on n’a pas beaucoup progressé depuis. A un niveau très général les spécialistes sont d’accord pour considérer qu’elle remplit une fonction d’adaptation. Les questions surgissent dès que l’on évoque les processus qui la constituent. Est-elle donnée à la naissance ou se construit-elle ? Existe-t-il une intelligence ou des intelligences ? Peut-on mesurer l’intelligence ? Comment et pourquoi ? L’intelligence est un terme imprécis qui a conduit les scientifiques, depuis la fin du XIXe siècle, à s’orienter sur des pistes de recherche parfois fort divergentes. En résumant un siècle de recherche, on peut dire maintenant que l’intelligence est utilisée (par les scientifiques) dans le sens de capacités mentales cognitives en général. Ces capacités sont très étendues, elles recouvrent notamment le langage, le raisonnement, la perception, la mémoire, mais aussi chez le jeune enfant les habiletés sensorielles et motrices. 5.2. Mesure de l’Intelligence Alfred Binet (1857-1911) directeur du laboratoire de psychologie de la Sorbonne, décida pour la première fois d’étudier la mesure de l’intelligence tout en adoptant la méthode alors en vigueur en ce siècle, c.à.d vers le travail de son grand compatriote Paul Broca : mesurer les crânes, sans mettre en doute, au départ, la conclusion fondamentale de l’école de Broca. Pour Binet, la relation cherchée entre l’intelligence des sujets et le volume de leur tête est une relation bien réelle et doit être considérée comme inattaquable (Binet, 1898, pp. 294-295). Binet se rendit dans diverses écoles pour effectuer les mensurations recommandées par Broca sur la tête des élèves désignés par les maîtres comme les plus intelligents ou les plus bêtes liant ainsi la supériorité intellectuelle à une supériorité du volume cérébral. Les résultats obtenus par Binet étaient en contradiction avec son hypothèse et certaines mesures avantageaient les élèves les plus mauvais (avec un diamètre crânien dépassant de 3 millimètres) celui de leurs camarades plus intelligents. Binet eut la franchise de se soumettre à l’auto-crititique en menant une étude remarquable sur sa propre suggestibilité. Plusieurs tentatives se succédèrent et échouèrent jusqu’en 1904 où Binet décida d’abandonner les approches médicales de la craniométrie pour appliquer des méthodes psychologiques. Il décida d’élaborer un ensemble d’épreuves qui pourraient permettre d’évaluer plus directement divers aspects de l’intelligence. L’échelle de Binet était un amas hétéroclite d’activités diverses. Il espérait qu’en mélangeant un nombre suffisant de tests d’aptitude différents, il parviendrait à en abstraire, en un résultat unique, les potentialités générales d’un enfant. Ces mesures qu’on appelle maintenant le QI, ont permis de repérer les enfants dont l’âge mental était nettement inférieur à l’âge réel et de les diriger vers des filières d’éducation spécialisée, ce qui correspondait à la mission que le Ministère de l’Instruction Publique avait confiée à Binet. Au delà du désir de supprimer les effets superficiels dus aux connaissances acquises pour mieux mesurer l’intelligence naturelle, Binet se refusa de dégager la signification du chiffre qu’il attribuait à chaque enfant en affirmant avec force que l’intelligence est trop complexe pour qu’un seul nombre puisse le définir. Ce chiffre n’est qu’un guide empirique « grossier » conçu dans un but pratique bien limité. 5.3. Le développement intellectuel Pour Jean Piaget, l’enfant construit, tout au long de son développement, des outils cognitifs qui vont lui permettre de s’adapter à son environnement. De ce point de vue, on peut considérer que l’enfant est activement engagé dans l’élaboration de ses savoirs. L’interaction entre l’enfant et son milieu favorise cette construction. Piaget définit le concept d’intelligence en terme de capacité d’adaptation au milieu. Dans cette perspective, apprendre consiste donc à reconstruire, réorganiser ce que l’on sait déjà. André Giordan considère qu’« apprendre est toujours un processus de construction et de déconstruction ». De ce point de vue, il est nécessaire de présenter aux élèves des activités qui les incitent à réorganiser leurs outils cognitifs. Selon le psychologue russe Lev Vygostky, c'est le langage qui façonne l'Intelligence, et comme ce langage repose sur les normes sociales d'une époque et d'un contexte culturel donné, le monde social façonne l'intelligence des individus. 5.4. Que se passe-t-il dans la tête d’un nourrisson avant qu’il ne parle ? Réfléchit-il ? Classe-t-il les informations tirées de son environnement ? Quelques expériences de « psychologie des bébés » révèlent les ressorts de leur pensée. En examinant les capacités intellectuelles de nourrissons âgés de moins de un an, le constat est étonnant : ces bébés mémorisent et comparent les propriétés de différents objets qu’ils observent, ordonnant les informations tirées de leur environnement. Mais comment le cerveau des tous petits affronterait-il le flux d’informations auquel il est soumis, s’il ne disposait d’un système de classement opérationnel donnant un sens aux choses ? Avec les bébés, le questionnement direct est impossible : aussi faut-il apprendre à observer leur comportement et apprendre à le déchiffrer. Les tous petits ont une tendance naturelle à accorder plus d’attention à ce qui leur est inconnu. Ainsi quand on montre à un bébé de deux mois plusieurs paires d’images représentant différents types de chats, le bébé commence par s’intéresser à ces images, puis s’en lasse. En revanche, si on remplace une des cartes de chat par une image de chien, on note un regain d’attention : le bébé fixe la carte du chien plus longtemps. 6. Conséquences pédagogiques 6.1. Epistémologie L’épistémologie constitue aujourd’hui l’une des bases les plus solides de la didactique des sciences, et plus largement de toute réflexion pédagogique préoccupée de l’enseignement et de l’appropriation des savoirs scientifiques. On en attend, en effet, à une représentation renouvelée et enrichie de la science, susceptible de modifier les pratiques éducatives ellesmêmes : une représentation telle que les enseignés et les enseignants pensent la science comme processus, cheminements, démarches, et non lus comme une accumulation de résultats objectifs et définitifs pourvus d’une quelconque vérité intemporelle et absolue. 6.1.1. Visées et Structure des Savoirs Scientifiques Les savoirs scientifiques forment une structure conceptuelle hiérarchisée : Les énoncés d’observation ; Les concepts (des représentations mentales générales et abstraites permettant d’organiser et de simplifier les perceptions et les connaissances) ; Les lois (énoncés qui organisent les énoncés d’observation et les concepts en un système logique et cohérent) ; Les théories (ensembles de lois organisés de façon systématique qui permettent de faire des prédictions et qui constituent la base d’une science) ; Les modèles (des structures formalisées servant à relier les énoncés d’observation, les concepts, les lois et les théories de diverses façons). Exemple : le modèle atomique, le modèle animal, le modèle anatomique de certains organes du corps humain. On peut souvent représenter les modèles à l’aide de maquettes ou de schémas qui les rendent moins abstraits. 6.1.2. Démarche d’investigation Situation de départ suscitant la curiosité des élèves Questionnement et conceptions initiales Sélection des questions débouchant sur la construction des savoir-faire Démarche d’investigation (expérimentation directe ; réalisation matérielle ; observation directe ; recherche sur des documents ; enquêtes et visites) Synthèse Confrontation au savoir établi Connaissance Evaluation 6.2. Appropriation du savoir 6.2.1. Conceptions (représentations ; conceptions conjoncturelles ; représentations sociales, etc.) Pourquoi on travaille sur les conceptions ? Les conceptions considérées comme base de la formation, permettent « la construction active » et l’acquisition des connaissances scientifiques. (Clément, 1994). Or souvent et dans notre vie pratique, nos opinions (croyances, superstitions, idéologies…) interfèrent sur nos connaissances et constituent la partie prévalente de nos conceptions. Giordan et Martinand (1988) définissent le concept comme « le cadre de références, les idées préalables qu’a un apprenant sur un objet d’études ». Les conceptions font partie intégrante du bagage intellectuel de l’enfant. Elles traduisent à la fois son image de la réalité et les instruments dont il dispose pour analyser cette réalité. Souvent, nos opinions interagissent avec nos connaissances scientifiques et nous empêchent à aller plus loin dans l’élaboration de ses instruments d’analyse, constituant ainsi un obstacle à l’apprentissage. Ainsi, connaître les conceptions des apprenants et d’autres acteurs du système éducatif tels que les enseignants est essentielle pour identifier ce qui peut faire obstacle aux apprentissages souhaités. Il est donc indispensable que L’éducation scientifique comprenne les éventuelles interactions entre opinions et connaissances scientifiques 6.2.2. Notions d’obstacles (obstacles épistémologiques ; obstacles didactiques ; obstacles psychologiques) A. Les obstacles épistémologiques La notion d’obstacle épistémologique a été proposée par Bachelard en 1937 qui l’a définit comme la difficile rupture épistémologique entre la vie quotidienne et les connaissances scientifiques. Pour franchir cet obstacle, l’apprenant doit reconstruire ses connaissances sur une base scientifique. B. Les obstacles didactiques Ces obstacles dépendent des apprentissages antérieurs dans le cadre du système éducatif. Ils peuvent induire les élèves en erreur, souvent à leur insu. Par exemple, la conception de « tuyauterie continue digestion-excrétion » (Clément 1991a) est l’une des conséquences de la façon dont les connaissances sur la digestion, la circulation et l’excrétion ont été enseignées. L’élève, et dès le primaire, a appris que le trajet des aliments commence par la bouche et se termine par l’anus. C. Les obstacles psychologiques Il s’agit de représentations stables, construites de longue date et qui « ont résisté à toutes les mises en question de l’expérience personnelle » (Astolfi et al. 1997). Dans ce cas, l’élève est loin de renoncer à ses idées au profit de celles qui lui sont enseignées. D. Langage et solutions de problèmes en sciences La solution de problèmes, en sciences, consiste à éliminer des incohérences, des contradictions entre des observations, des définitions, des classifications, des lois, des théories ou des modèles. Examinons des exemples de divers types de problèmes possibles : Problème : les poissons respirent à l’aide de branchies et pondent des œufs ; les baleines sont des poissons qui respirent à l’aide de poumons et donnent naissance à des petits complètement développés Solution : les baleines ne sont pas des poissons, mais des mammifères. 7. Conclusion La psychopédagogie est une méthode originale qui rappelle que l’homme est un tout où se confondent le corps et le psychisme. Cette nouvelle approche psychocorporelle apprend à écouter le langage du corps. Et qui contrôle et gère le langage du corps autre que le cerveau, cet organe de l’âme qui est à 100% inné (notre cerveau est humain par nos gènes) et à 100% acquis (nos performances cérébrales dépendent de nos apprentissages). 8. Bibliographie ABOU TAYEH, P. 2003, La biologie entre opinions et connaissances : Conceptions d’enseignants et étudiants libanais sur le cerveau et son épigenèse et sur d’autres déterminismes génétiques/épigénétiques. Thèse de doctorat. Université Lyon 1. ASTOLFI, J-P., DAROT, E., GINSBURGER-VOGEL, Y., & TOUSSAINT,J., 1997, Mots–clés de la didactique des sciences : repères, définitions, bibliographies. De Boeck Université (éd), Collection Pratiques pédagogiques, Belgique. CHANGEUX, J.-P., 1983, L’homme neuronal. Fayard, Paris. 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