Le point sur l`évaluation économique des biens - Infoterre

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Ministère de I'Economie,
des Finances et de I'lndustrie
Secrétariat
d'Etat à I'lndustrie
Le point sur
l'évaluation économique
des biens environnementaux
Synthèse bibliographique
Etude réalisée dans le cadre des actions de service public du BRGM 98-D-425
juillet 1999
R 40622
Ministère d e l'Économie,
d e s Finances et d e I'lndustrie
Secrétariat
d'Etat à I'lndustrie
Le point sur
Z'&aZuation économique
des biem environnementaux
Synthèse bibliographique
Rédigé par
H. Machard de Gramont
Etude réalisée dans le cadre des actions de service public du BRGM 98-D-425
juiiiet 1999
R 40622
Le point sur l'évaluation .$conornique des biens environnementaux
Mots clés : actif naturel, analyse coûts-avantages, biens environnementaux, évaluation
économique, coûts de protection, coûts de transport, évaluation contingente, prix
hédonistes, surplus du consommateur, transfert de valeurs, valeur d'usage, valeur
d'option, valeur économique totale.
En bibliographie, ce rapport sera cité de la façon suivante :
-
Machardde Gramont H. (1999) Le point sur I'évaluation économique des biens
environnementaux. Synthèse bibliographique. Rap. BRGM R 40622, 78p.
BRGM. 1999. ce docurmtt ne peut être reproduit en totaiité ou en panie sans i'autons;ition expresse du BRGM.
2
Rapport BRGM R 40622
Le point sur l'dvaluation dconomique des biens environnementaux
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compels hirn %O increase his herd
ivitlrout limit -in a ivorld that is limited.
Ruin is the destination foivards~vhich
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G.Hordin
Thc rrogrdy offhe Co~nmonrr (1964)
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n 'ont à priori rien de comnrun. C'est
dans la confusion entre ces deuxnotions
que réside la véritable tragédie des
communaux. et que le succès de celte
thèse prend ses racines v
La qrtestion principale n 'estpas la
relation entre un individu et la
ressource physique ... mais les relations
croisées qui s ëtablissent entre plusieurs
indiilidus àpropos de ces ressources. u
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A. Sondbeg
Gmrioon der rerrources nanirelies er droit de
propnéli dons le Gr~ndNordNorvéglenu (1994)
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Rappori BRGM R 40622
Le point sur i'évaluation économique des biens envifonnementaux
Synthèse
Dans le cadre de notre environnement, certains éléments nécessaires à la vie sont en
accès totalement libre, ne font l'objet d'aucune transaction directe, et n'ont de ce fait
aucune valeur marchande établie. L'air en est l'exemple le plus évident. A des degrés
divers, cela se vérifie cependant pour d'autres composantes de chaque élément naturel
qui participe de notre milieu de vie : les sols, la faune, la flore et bien évidemment l'eau.
Ces éléments naturels assurent des fonctions diverses (pour l'eau par exemple ce seront
les prélèvements pour les utilisations humaines, agricoles ou industrielles,
l'hydroélectricité, la pêche, etc...), et permettent des usages qui peuvent avoir selon les
cas des valeurs économiques chiffrables ou en être dépourvues. Le premier type
correspondra à ce qu'il est convenu d'appeler des «biens marchands » qui peuvent
faire l'objet de transactions, le second à des biens « non-marchands >) par exemple à
caractère esthétique.
On conçoit aisément que la dégradation d'une composante marchande de notre
environnement puisse être économiquement chiffrable. Mais l'évaluation économique
des biens environnementaux est intéressante en ce qu'elle propose aussi des méthodes
normalisées permettant d'attribuer une valeur chiffrée aux composantes nonmarchandes de ces biens. Celles-ci peuvent ainsi être prises en compte, au même titre
que leurs composantes marchandes, dans les processus de décision qui impliquent un
impact sur l'environnement. Faute de quoi elles apparaîtraient dans un contexte quasi
général d'économie de marché, comme sans valeur et non appropriées, donc
négligeables et livrées au gaspillage et à la déprédation.
Les méthodes d'évaluation exigent une phase d'analyse préalable consistant à identifier
l'ensemble des impacts possibles d'une action sur I'environnement. Pour ce faire, il est
donc nécessaire de connaître les différentes fonctions qu'assure un bien
environnemental, ainsi que les types de services (= usages) que ce bien rend. Ces
méthodes permettent enfin d'attribuer à chacun de ces services une valeur monétaire,
dont I'aggrégation exprimera finalement la valeur économique totale (VET) du bien.
-
La VET intègre donc bien les valeurs des biens pour lesquels existent des prix et des
coûts de référence, et ceux pour lesquels ces paramètres n'existent pas et qu'il est
nécessaire de reconstituer. Les méthodes utilisées pour cette reconstitution reposent en
particulier sur le principe de «faible complémentarité ». Selon ce concept, un bien
sans valeur apparente peut être évalué au moyen des dépenses engagées pour en avoir
l'usage, ces coûts représentant un « faible complément )) de ce bien (par exemple le coût
d'un voyage nécessaire à découvrir un paysage exceptionnel).
Rapport BRGM
R 40622
Le point sur l'évaluation 6conomique des biens environnementaux
L'évaluation économique repose également et surtout sur le concept-clé du «surplus
d u consommateur ». Celui-ci traduit i'aggrégation (et la traduction monétaire) de
toutes les préférences » individuelles d'un groupe humain bien défini et concerné par
un aspect précis de son environnement. Ce surplus, et plus exactement la variation de
ce surplus induit par le changement de qualité de I'environnement, exprime les limites
de l'effort et du prix que ce groupe est prêt à consentir pour la préservation de son
environnement, pour sa réhabilitation, ou même pour s'offrir l'option de réserver sa
décision aux générations qui le suivront.
Si ce groupe peut être considéré responsable de la dégradation de son propre
environnement (ce qui correspond à un faible niveau de droits du groupe sur l'aspect
étudié de son environnement), la variation du surplus à considérer sera ce que I'on
appelle le «consentement à payer » (CAP) du groupe : il représente la somme
maximale que ce groupe est prêt à débourser pour bénéficier d'une amélioration de son
milieu. En revanche c'est le « Consentement à recevoir » (CAR) qui devra mesuré si
I'on s'attache à évaluer la compensation minimale qu'un groupe estime lui être dûe pour
supporter une dégradation qui ne lui est pas imputable (fort niveau de droits du groupe
sur l'aspect étudié de son environnement). Le calcul économique démontrant que le
CAR excède souvent le CAP, la détermination du niveau des droits initiaux du groupe
sur son environnement est donc également primordiale.
Il est alors possible, dans le cadre d'un projet qui aura des répercussions sur
l'environnement, d'effectuer une Analyse Coûts-Avantages (ACA) selon deux
approches fondamentales :
- soit en effectuant une analyse Coûts-Bénéfices, consistant à comparer les coûts des
impacts négatifs aux bénéfices des impacts positifs, et le projet ne pourra en théorie
être mis en œuvre que si les bénéfices dépassent les coûts ;
soit en effectuant une analyse Coût-Efficacité, dans le cas où un impact négatif peut
se révéler socialement très indésirable, et l'actif naturel très important à préserver :
c'est notamment le cas lorsque la perte du bien semble pouvoir être irréversible. Il
s'agit alors de rechercher la méthode la meilleur marché et la plus efficace pour
atteindre l'objectif fixé, sans que les coûts engagés ne justifient nécessairement les
avantages attendus.
-
Rapport BRGM R 40622
Le point sur /'évaluafion économique des biens environnemenfaux
Table des matières
Introduction .............................................................................................................
13
.
2.Notions économiques de base ..............................................................................
1 Objectif de l'économie de l'environnement ..........................................................15
17
..
2.1. Les fonctions d'utilité ................................................
17
2.2. Une approximation : les courbes marshalliennes de demande ...............................18
2.3. Consentement à payer - Consentement à recevoir .Surplus du consommateur...... 19
2.4. Variation compensatrice et variation équivalente du surplus .................................21
2.5. Les representations hickesiennes des variations du surplus ...................................23
2.6. Les différences empiriques entre CAP et CAR .....................................................25
2.7. Le surplus du producteur et le surplus économique total .......................................26
2.8. L'application de la théorie économique aux biens environnementaux....................28
.
3 Les différentes notions de «valeurs » environnementales ...................................31
3.1. Valeurs « d'usage » et valeurs de « non-usage »....................................................31
35
3.2. L'analyse des fonctions d'un actif. .........................................................................
3.3. Les méthodes d'analyse des impacts .....................................................................
36
-
3.3.1. Changement de productivité ...................................................................
37
. .................................................................................37
3.3.2. Cout d> opportunite
3.3.3. Coût de remplacement ...........................................................................37
9
3.3.4. Coût de délocalisation..................................
3.3.5. Coûts liés à la maladie et à la mort .........................................................
39
.
..
3.4. Les bénéficiaires du milieu naturel .......................................................................40
3.5. Les préalables indispensables à toute valorisation environnementale ....................40
3.6. Le cas de l'eau, actif naturel - Ses composantes marchandes et non-marchandes...41
42
3.6.1. Les aspects marchands de I'eau ..............................................................
3.6.2. Ses aspects non-marchands .................................................................... 42
3.6.3. L'évaluation des flux de services liés à l'usage de l'eau ..........................43
.
4 Les méthodes d'évaluation en économie de l'environnement ..............................45
.
4.1. Les approches « ex-ante ». orientées vers une demande finale .............................. 46
4.2. Les approches "ex-post" orientées vers une demande finale ...............................
46
4.3. Les approches sur « marchés construits » .............................................................47
Rapport BRGM R 40622
7
Le point sur l'évaluation économique des biens environnementaux
4.4. Les approches orientées vers une demande induite ..............................................47
4.3.1. Déplacement de la fonction d'offre ......................................................... 48
4.3.2. Fonction de dommage ............................................................................49
.
5 Précisions sur les méthodes d'évaluation orientées vers la demande finale ........ 53
5.1. La méthode d'évaluation contingente (MEC) ........................................................53
. .
........................................ 54
5.1.1. La population interrogée .......................
.
.
5.1.2. La définition de l'actif naturel ................................................................54
5.1.3. Le support de paiement .......................................................................... 55
5.1.4. La question du mode de révélation des valeurs : méthodes d'enquêtes .... 55
5.1.5. Les caractéristiques socio-économiques ................................................. 56
5.1.6. L'analyse des réponses et les problèmes rencontrés...............................56
5.1.7. Les risques d'erreurs inhérents à la méthode d'évaluation contingente ... 57
5.1.8. Controverses sur les méthodes d'évaluation contingente ........................ 59
5.2. La méthode des transferts de valeurs ....................................................................
63
:
5.2.1. Les différents types de transfert de valeurs ............................... ............. 63
5.2.2. Conditions d'un transfert correct des valeurs ..........................................64
5.2.3. Les étapes .............................................................................................. 64
5.3. La méthode des prix hedonistes (MPH)................................................................65
66
5.4. La méthode des coûts de déplacement (MCD) ......................................................
5.4.1. Les étapes de la méthode........................................................................ 67
5.4.2. Un exemple d'application de la méthode des coûts de transport ..............67
5.5. La méthode d'estimation des coûts de protection .................................................. 69
. .
.
.........................................
7. Conctusions et recommandations ........................ .
.
6 Les conflits d'usage et la negociation ....................................................................71
73
. ..
8 B~bltographieconsultée .........................................................................................77
. .
8.1. Ouvrages et publications d'auteurs ........................................................................ 77
. .
8.2. Ouvrages et publications anonymes ..................................................................... 79
.
.
9 Annexe :Bénéfices offerts par les zones humides ................................................81
Rapport BRGM R 40622
Le point surl'6valuation économique des biens environnementaux
Liste des figures
Figure 1 : Fonctions d'utilité
Figure 2 : Courbes de demande Marshalliennes
Figure 3 : Consentement à payer et surplus du consommateur
Figure 4 : a) Variation compensatrice du surplus ; b) Variation équivalente du
surplus
Figure 5 : Courbes de demande ordinaire et compensée
Figure 6 : La courbe d'offre du producteur
Figure 7 : Surplus économique total
Figure 8 : Valeurs environnementales et méthodes d'analyse correspondantes. Cas
des zones humides
Figure 9 : Méthodes d'analyse des impacts environnementaux
Figure 10 : Types d'usages et de valeurs liés à la production d'aménités d'une
retenue d'eau
Figure 11 : Composantes de la valeur de préservation
Figure 12 : Déplacement de la fonction d'offre
Figure 13 : Evaluation du dommage causé par une variation de qualité d'un actif
naturel
Figure 14 : Distinction entre variation du profit et variation du surplus
Figure 15 : Synthèse de la classification des éléments économiques fondamentaux
Figure 16 : Zones d'attraction du site (transfert de valeurs)
Figure 17 : Informations sur le taux de fréquentation du site
Figure 18 : Evaluation du taux de Fréquentation en fonction de son coût
Figure 19 : Représentation de la courbe de demande de visites
Figure 20 : Exemple d'estimation contradictoire de dommages Eagle Mine Co. c o n w
Etat du Colorado
Figure 21 : Problématique des méthodes d'évaluation environnementales
Rapport BRGM R 40622
Le point sur I'évaluation économique des biens envimnnemenfaux
Ce document est une synthèse bibliographique qui ne prétend pas apporter une
quelconque contribution à la théorie économique d'évaluation des biens
environnementaux. Beaucoup plus modestement, l'objectif de ces quelques pages est de
familiariser le lecteur avec les principes de la théorie et de susciter un intérêt pour ses
applications, notamment dans le domaine de l'évaluation des hydrosystèmes.
Basé sur des articles de spécialistes et sur des ouvrages qui font référence dans ce
domaine particulier, il a été rédigé par un naturaliste et s'adresse essentiellement à des
non-spécialistes. Il a donc été volontairement et nécessairement expurgé des bases
mathématiques et statistiques qui fondent la théorie, et a tenté de donner une explication
de la démarche des économistes, que l'on peut qualifier d'intuitive
Les lecteurs avertis s'apercevront que ce document emprunte très largement aux écrits
des « maîtres à penser » de i'économie de l'environnement, français et étrangers.
Chargé d'élaborer un document bibliographique, l'auteur a jugé préférable de faire une
synthèse sur le sujet en assemblant les articles les plus abordables des spécialistes de
l'évaluation environnementale, plutôt que de tenter le dificile exercice d'une
interprétation qui eût pu trahir leurs propos.
Rappott BRGM R 40622
Le point sur l'évaluation économique des biens environnementaux
Introduction
Les pressions que I'homme exerce sur les ressources naturelles de la planète se sont
considérablement accrues depuis l'avènement de l'ère industrielle. Certains auteurs
citent un facteur 100 : ainsi les Français consommeraient à l'heure actuelle 5 tonnes
d'équivalent charbon par an là où, en 1800, ils n'en consommaient que 70 kilos. A la
même époque, il fallait 20 000 m3 d'eau par jour pour alimenter Paris : il est nécessaire
d'en prévoir 3,5 millions à notre époque.
Si une telle progression se poursuit, certaines ressources disparaîtront quasi-totalement
au fur et à mesure de leur utilisation, comme ce sera peut-être le cas pour les
combustibles fossiles. Les esprits optimistes estiment cependant que l'on peut compter
sur le génie humain pour découvrir des substituts à ces ressources, ou trouver des
procédés qui permettront l'extraction de ressources naturelles dans des conditions
actuellement inimaginables. Il faut en effet se méfier des prédictions catastrophiques,
qui se fondent sur l'état actuel des connaissances et ne tiennent pas compte de
l'évolution des techniques : les prévisions du Massachtrsetts Iiîstftrrte of Technology en
sont un exemple flagrant.
Les ressources en gisements métallifères deviendront plus rares, et le coût de leur
extraction tendra à augmenter, compte tenu de cette rareté et des besoins d'une
population mondiale croissante. En prévision de cette pénurie on est déjà parvenu à
économiser ce genre de ressource : pendant longtemps, les produits issus 'de leur
traitement ont donné lieu à d'encombrants déchets ; de nos jours ceux-ci sont déjà
partiellement réutilisés pour des usages ultérieurs, ie coût des produits recyclés devenant
compétitif. Par ailleurs pour de nombreuses applications, les matériaux composites
remplacent déjà les métaux.
Les ressources naturelles renouvelables telles que la flore et les ressources ligneuses, ia
faune, l'eau, ou même les sols, paraissent quant à elles plus fondamentales et plus
difficilement substituables. Disponibles au cours de processus cycliques, tout au long
desquels elies sont utilisables à des degrés divers, elles font partie de notre
environnement. Si la pression de I'homme se fait toutefois trop forte, elles peuvent
disparaître ou se dégrader de façon irréversible. Dans sa « tragédie des communazix »,
Hardin comparait cette pression de I'homme sur la nature à l'action d'éleveurs utilisant
les prés communaux -res ulliirs, res nullz~s-jusqu'à épuisement parce que précisément
propriété publique et commune.
-
Même si de nos jours les bases mêmes de la théorie de « la tragédie des commzrnarx »
sont controversées et peu à peu abandonnées, il reste que nos sociétés commencent à
peine à réaliser qu'elles doivent tout leur bien-être à l'exploitation directe ou à la
transformation des ressources naturelles qui les entourent ; que par conséquent il est
temps de cesser égoïstement de pressurer cette nature, chacun pour soi, par des
prélèvements sans commune mesure avec son renouvellement naturel; que non
seulement il est nécessaire de gérer l'exploitation de ces ressources, mais également
qu'il est vital de limiter les rejets les plus nuisibles de l'activité humaine dans le milieu
naturel, de manière à éviter une dégradation irréversible des biens environnementaux.
Rapport BRGM R 40622
13
Le point sur l'6valuation Bconomique des biens environnementaux
II aura en effet fallu que la situation mondiale devienne préoccupante pour que la
préservation de I'environnement devienne d'actualité. Les économistes et les chercheurs
qui se sont attachés à trouver des techniques de valorisation de notre environnement y
voient trois raisons principales : en premier lieu, ce qui constitue notre environnement
naturel est généralement un bien public, donc « non-approprié », ce qui amoindrit sa
valeur dans une économie essentiellement basée sur les transactions et donc sur
l'échange de propriétés réciproques ; en second lieu il apparaît à priori impossible
d'affecter aux diverses composantes de notre milieu naturel des valeurs ayant propriété
de prix ; enfin, la législation, sauf dans quelques pays comme les Etats-Unis ou les pays
du Nord de ['Europe, manque encore de référentiel pour évaluer les dommages causés à
notre environnement.
Comment en effet attribuer une valeur économique chiffiable à un paysage, à la qualité
de l'air, à la limpidité d'un torrent de glacier ? Comment estimer le préjudice que nous
causerait la disparition de végétaux ou d'espèces animales qui n'ont apparemment -et
dans l'état de nos connaissances- aucune importance économique mais auxquels nous
sommes attachés ? Comment estimer les préjudices et les dommages causés par le bruit,
la pollution, et d'une façon générale par la dégradation de notre milieu de vie ?
Il est naturellement hors de propos de nier que la beauté de la nature ait une valeur, que
la pollution de l'air, de l'eau ou le bruit soient des nuisances au même titre que les
incendies ou les pluies acides qui ravagent nos forêts ou encore que l'eutrophisation qui
fait mourir nos rivières et nos lacs. Mais ce type de valeur, ressentie par l'utilisateur,
possède une connotation éthique étrangère aux préoccupations des économistes.
La valeur intuitive que nous accordons -de manière instinctive ou éthique- au milieu
naturel dans lequel nous évoluons se traduit assez souvent par la pression du public sur
certains projets qui sont finalement modifiés dans le sens d'une préservation du milieu
naturel. Cette prise de conscience pour la préservation d'une certaine qualité de la nature
peut entraîner pour les promoteurs de tels projets des coûts supplémentaires importants.
C'est précisément l'importance de ces surcoûts qui conduisent les pouvoirs publics à
être demandeurs de techniques de valorisation du milieu, de façon à pouvoir justifier -de
manière comptable- la prise en compte de la protection de I'environnement.
Aux Etats-Unis il existe une loi' interdisant à 1'Etat d'opter pour des alternatives
d'infrastructures dont les coûts prennent en compte la préservation du milieu -par
comparaison avec d'autres alternatives moins onéreuses qui n'en tiennent pas compte- si
les surcoûts induits par ces mesures de protection ne sont pas économiquement fondés
et dûment mesurés. On voit ainsi que I'impossibilité initiale de faire figurer dans les
comptabilités nationales une valeur chiffrée des actifs naturels de notre environnement a
conduit finalement à nous doter d'outils permettant leur valorisation monétaire, et donc
leur prise en compte économique dans les décisions publiques. Ceci va enfin dans le
sens de leur protection, puisqu'il est désormais possible d'appliquer à I'environnement
une valeur et donc des coûts à sa dégradation.
Rapport BRGM R 40622
Le point sur i'évaluation économique des biens environnementaux
1. Objectif de l'économie de I'environnement
L'enjeu de l'économie de I'environnement consiste à évaluer les (( actifs naturels »,
c'est à dire à attribuer une valeur chiffrable et monétaire aux biens qui forment notre
environnement naturel (eau, air, vie sauvage, etc.), et aux services qu'ils rendent. Son
objectif principal est de permettre, par une ((analyse coûts-avantages », ia prise en
compte de I'environnement dans l'évaluation de projets d'investissement ou
d'aménagement, qu'ils soient d'origine privée ou publique.
Cette évaluation peut se faire de deux manières complémentaires :
-
soit en essayant de traduire la valeur en soi que nous accordons à notre
environnement, ce qui exprimera la mesure des efforts que nous consentons à sa
préservation,
- soit en mesurant Ia variation de qualité (ou de quantité) d'un actif naturel qui fait
partie de notre environnement, par une évaluation des actions que nous tentons en
vue de la réhabilitation du milieu, ou par celle des mesures de protection que nous
prenons devant la menace que représente la dégradation de notre milieu de vie.
L'identification des bénéfices actuels (et potentiels) de la préservation de
I'environnement et du patrimoine naturel, à travers celle d'une (( denlatlde sociale pour
i'enviro~~nernent
n, est particulièrement importante dans les domaines suivants : '
- l'identification des priorités en matière d'amélioration du milieu naturel ;
-
la fixation de la nature et du niveau des régulations à mettre en place pour l'usage du
patrimoine naturel ;
- l'évaluation des projets ayant un impact environnemental ;
- l'indemnisation des dommages et du préjudice écologique ;
-
la comptabilisation du patrimoine naturel ;
- l'orientation des politiques générales pouvant avoir des effets environnementaux.
-
Comme on le verra, les méthodes d'évaluation des actifs naturels, l'air, l'eau, le sol, la
faune, la flore, ... sont difficiles à mettre en ceuvre et peuvent sembler subjectives2. Les
paramètres relatifs à l'environnement sont de nos jours encore rarement décisifs dans le
choix d'investir : l'évaluation d'un projet d'intérêt public ayant un impact sur le milieu
naturel s'effectue bien souvent à partir des seuls facteurs financiers. On se borne en
général à calculer la valeur actualisée de la réalisation, ce qui donne une idée de sa
rentabilité intrinsèque durant sa période de vie. Cela permet de la comparer à des projets
alternatifs, ou même à I'absence de réalisations. Intéressantes pour comparer des projets
d'une assez longue durée de vie, ces méthodes de calcul économique présentent
toutefois des limites :
'P i m Rainclli : « hfilicux aquatiques el Cmnomis » - L'cau en Loire Bretagne - N'57lJuillet
Rapport BRGM R 40622
1996
Le point sur I'évaluafion4conomique des biens environnemenfaux
- Le dilemme inter-générations : les outils économiques classiques sont en effet peu
appropriés lorsqu'il s'agit d'évaluer l'impact de projets impliquant plusieurs
générations, ce qui est généralement le cas en matière d'environnement. Ainsi, le
calcul économique conduit souvent à arbitrer entre le bien-être des générations
présentes et celui des générations futures. Par exemple, le choix de continuer
aujourd'hui à urbaniser une zone inondable peut conduire à faire supporter
l'ensemble des coûts et dommages en cas de crue par les générations futures.
- La prise en compte des irréversibilités : lors de cet arbitrage entre générations, il
faudrait s'assurer que l'exploitation des actifs naturels renouvelables, ou les atteintes
qu'ils peuvent subir, ne compromettent pas leur renouvellement et leur pérennité. Le
concept d'irréversibilité n'est pas toujours facile à définir. Ainsi un barrage, par
exemple, peut toujours être démoli. Cependant on peut raisonnablement penser qu'un
aménagement de ce type est difficilement réversible de par son incidence financière
et économique. Dans certains cas, les impacts environnementaux des décisions
humaines sont dificilement prévisibles : pouvant mener à une situation irréversible
de la dégradation du milieu naturel, il faudra alors s'imposer de différer la décision,
dans un principe de précaution.
- Les externalités : enfin, l'évaiuation des choix d'investissement doit permettre de
prendre en compte les « extert~alitésfi, c'est-à-dire de traduire en termes monétaires
les effets indriits mr l'enviro~memeiitde l 'aire géogzap/iliqrre co~icerltée,ainsi que
sur les acteurs directement oit indirectement impliqrtés. L'écdnomie de
l'environnement doit donc s'efforcer de prendre en compte les impacts de court,
moyen et long terme des projets ayant une interaction avec la ressource naturelle, et
de les traduire quantitativement (ou monétairement) pour pouvoir évaluer l'incidence
des décisions d'aujourd'hui sur la pérennité du patrimoine de demain.
Rapport BRGM R 40622
Le point sur i'évaiuation économique des biens environnemenfaux
2. Notions économiques de base
D'une manière générale en économie de l'environnement, le concept de (( bénéfice » a
une signification particulière : c'est en quelque sorte l'avantage qu'un individu tire de
l'exploitation -ou parfois de la simple existence- du milieu naturel. Pour estimer ces
bénéfices, l'idée maîtresse consiste à procéder à l'identification de ( ( c e que les gens
veulent » c'est-à-dire des (( préférences B individuelles exprimées par les utilisateurs du
milieu pour certains avantages que leur procure leur environnement. Ces « préférences »
seront ainsi à la base de la mesure des bénéfices que les études de valorisation des biens
environnementaux devront tenter de chiffrer. Avant d'entrer dans le détail des bénéfices
que nous offre notre milieu naturel, il semble nécessaire de rappeler quelques concepts
d'économie, dont les notions fondamentales (( d'utilité » et de K surplus ».
2.1. LES FONCTIONS D'UTILITE
En économie, la notion de valeur en soi n'existe pas, et la valeur d'un bien exprime une
appréciation sur les services qu'il peut foumir par rapport à d'autres biens. Dans le
domaine de l'environnement, l'évaluation d'un bien du milieu naturel va donc consister a
mesurer des variations de disponibilité ou de qualité de ce bien, pour un état donné du
reste de l'économie. La notion de fonction d'utilité est à la base des théories
économiques classiques : pour un même niveau de revenus, un individu consomme des
biens très différents. Il peut donc à tout moment choisir de consommer ces biens en les
associant (en quantité ou en qualité) de manière différente.
La théorie classique suppose que le consommateur cherche à maximiser une fonction
d'utilité (qui lui est propre), et que cette maximisation s'effectue sous certaines
contraintes, notamment des contraintes de revenu.
On peut au minimum estimer qu'il consomme ces biens de manière a ce que son bienêtre reste globalement inchangé. Une fonction d'utilité traduit ce comportement, par
rapport à la consommation d'un bien précis, représenté sur la figure 1 par la variable Q.
Sur l'exemple représenté par la figure 1, faisons l'hypothèse que Q représente une
variable environnementale, et que les choix de dépenses en autres biens de
consommation ne sont pas liés à la variation de l'environnement, donc à la variation de
Q.
Pour un niveau donné de dépenses globales, indiqué ici e ~ un
, utilisateur se situe en A
sur la courbe UO.Cette courbe est nommée courbe d'utilité : en totis ses points le
co~zsommateurpossède le ntême niveart de bien-être, et ce bien être est relatif a tozts les
biens dont il a I'irtilifé, dont ztn bien environneme~ztalici représenté par cette variable
Q.Au point A, pour une dépense eo, le consommateur aura l'usage d'une quantité QO de
ce bien considéré.
Rapport BRGM R 40622
Le point sur l'6valuation 6conomique des biens environnemenfaux
1
b
I
QI
Q
Quanrité du bien q
-
Fig. 1 Fonctions d'utilité
Admettons que la disponibilité du bien s'améliore et passe de Qo à QI : le
consommateur passe de la situation A a la situation B pour une même dépense globale.
Le point B se trouve sur une fonction d'utilité Ui représentant un bien-être supérieur à
UO.D'autre part, sur la courbe UO,comme la disponibilité du bien augmente, son prix
unitaire diminue. Le déplacement du consommateur du point A vers le point C traduit
que tout en bénéficiant de l'amélioration de qualité du milieu, il se contente d'un niveau
de bien-être global qui est celui qu'il avait en A : en effet en C, il bénéficie d'un bien en
quantité supérieure, mais à un plus faible coût unitaire, ce qui diminue ses dépenses
globales et lui permet de rester à son niveau de bien-être initial sur UO.
En revanche, le déplacement de la situation d'un consommateur de la position B vers la
position D traduit le surcroît de dépenses globales qu'il est prêt à engager pour
bénéficier d'un bien-être optimal (représenté par la fonction d'utilité U,), Et-ce au
détriment de la qualité de son environnement, puisque l'on voit que dans ce cas il passe
d'une disponibilité QI du bien environnemental à une disponibilité Qo
2.2. UNE APPROXIMATION : LES COURBES MARSHALLIENNES DE
DEMANDE
Dans un marché de type classique, régi par la loi de l'offre et de la demande, on conçoit
que plus la valeur d'offre du bien est élevée, et moins la demande est importante.
Inversement, plus le prix p de l'offre est faible, et plus la demande q est élevée. La
courbe de demande que représente la figure 2 est ainsi une courbe du typep = f(q) + k,
où k représenterait la demande théorique maximale si le prix du bien était nul. Ce type
de fonction, tout a fait théorique, est appelé (( co~rrbede demande Marshaliienî~e».
C'est une droite formant un triangle avec les axes des abscisses et des ordonnées, limité
par les valeurs extrêmes de la quantité k et du prix p* (p* représentant le prix d'un bien
pour lequel la demande est nulle).
-
18
Rapport BRGM R 40622
Le point sur I'&valuation &conornique des biens environnemenfaux
-
Fig. 2 Courbe de ùeninnde Mnrsltallietzrte
Le prix du marché reflète un compromis : ce n'est pas le prix le plus élevé que seraient
prêts à payer quelques individus les plus fortunés ou les plus motivés ; ce n'est pas non
plus un prix très faible que seraient prêts à payer une très grande majorité. Le prix du
marché se situe à un niveau intermédiaire, soit ici p".
A partir d'un prix initial d'un bien p,du marché, à un temps initial t,,, supposons que les
conditions du marché variant, ce prix baisse à une valeur pl . Le consommateur
dépensant moins pour ce même bien ressentira un allégement de ses charges, et donc
une augmentation de ce que l'on pourrait appeler son « bien-être ».
-
2.3. CONSENTEMENT A PAYER
CONSENTEMENT A RECEVOIR
SURPLUS DU CONSOMMATEUR
-
La façon la plus simple d'identifier les préférences des individus est d'étudier leur
comportement devant des choix à faire entre les services que peut leur offrir le milieu
naturel. On peut raisonnablement s'attendre à ce qu'une préférence positive pour un
service se manifeste sous la forme d'un coirsentement àpayer pour cela. Bien entendu,
chaque volonté individuelle de payer différera de celle des autres individus. Puisque
nous nous intéressons à ce qui est ((socialement désirable)), nous pourrons ensuite
agréger les volontés individuelles à payer, de façon à obtenir une volonté totale de
payer.
français Ce concept de «consentement à payer» (le CAP des éco~~oniistes
Willingness To Pay des anglo-saxons) nous donne donc un indicateur monétaire des
préférences d'un groupe socio-économique. Mais tout comme nous pouvons faire
I'hypothèse certaine que les gens ne voudront pas payer pour ce qu'ils ne désirent pas,
nous ne pouvons pas tenir pour certain que la dépense totale engagée par une population
pour un certain type de service -au prix du marché- mesure de façon exacte le bénéfice
total de l'ensemble des individus. ou de la société.
Rapport BRGM R 40622
19
Le point sur l'évaluation économique des biens environnementaux
En effet il peut y avoir des individus qui soient prêts à payer plus que la valeur des prix
du marché : dans ce cas leur « bénéfice » est plus important que ce qu'indique le prix du
marché. Cet excédent par rapport au prix du marché est nommé par les économistes
« surplus du consommateur B, qui est donc la différence entre le consentement à payer
maximal pour acquérir un bien et le prix de ce bien sur le marché.
Itmrai?
Figure 3n
k r h
Figure 36
Ce concept peut s'illustrer avec le diagramme de courbe de demande de la figure 3a. Il
montre que le prix du marché, régi par les lois de l'offre et de la demande, est dans ce
cas PL. La parallèle à l'axe des abscisses passant par P* est nommée droite de prix ».
Comme nous l'avons vu, il n'est pas possible de faire payer a chaque individu un prix
différent selon ce qu'il est prêt à payer pour un service, et P* exprime donc le prix du
marché applicable à tous. Mais un individu A peut être prêt à payer un prix plus élevé,
disons Pa. De la même manière, un individu B peut être prêt à payer un prix Pb, ici plus
élevé que Pa.
Le rectangle pointillé représente la dépense totale effectuée par l'ensemble des individus
pour l'acquisition du service -au prix du marché. Et le triangle hachuré traduit le
((surplus des consommateurs ». L'ensemble des deux zones ombrées situé sous la
courbe Marshallienne mesure le «bénéfice total », ou CAP total de cette population.
On s'aperçoit ainsi que le consentement à payer (CAP) d'une population donnée pour un
service précis peut être très différent -et toujours plus élevé- que les dépenses totales
engagées par cene population pour s'assurer ce service. Ceci peut se résumer à
l'équation :
CAP = Dépenses au prix du Marché + Surplus des Consommateurs.
-
Dans la figure 2, le surplus initial du consommateur est représenté par la surface du
triangle p ' ~ p e .Après la chute du prix au niveau de pl, le surplus du consommateur a
varié, et cette variation se mesure par la surface p'Bpi. Cette variation représente
i'approximation mo~zétaired ~gaitr
i de bien-être consécutif à la modification du service.
20
Rapport BRGM R 40622
Le point surl'évaluation Bconomique des biens environnementaux
On peut écrire, si l'on considère que la fonction de demande f(q), dépend du prix p et du
revenu Y :
q=f(p,Y)
La variation du surplus est égale à la surface p,ABp, de la figure 2, soit
Cependant, en économie de l'environnement les services rendus par les actifs naturels
n'ont généralement pas de prix (puisqu'il n'existe pas de marchés des actifs naturels), le
consentement maximal à payer est donc égal à l'ensemble de la zone situé sous la
fonction de demande.
2.4. VARIATION COMPENSATRICE ET VARIATION EQUIVALENTE DU
SURPLUS
La Figure 3b montre la même courbe de demande que dans la Figure 3a, mais cette fois
ci le prix du marché P* tombe à un niveau inférieur P#, en raison de variations du
marché On a vu que cette chute du prix augmente le « bien-être » du consommateur
puisque le surplus du consommateur (zone ombrée totale) a réellement augmenté (le
gain obtenu par la chute du prix s'exprime ici par la zone en pointillé)
En toute hypothèse, nous pouvons demander au consommateur ce qu'il est prêt à payer
pour obtenir la chute du prix au niveau de Pn : cette mesure, basée srrr le prix de
référence P* est connu sous le nom de « variation compensatoire du surplus »".
Si en revanche nous demandons au consommateur combien il serait prêt à recevoir (son
consentenleni à recevoir = CAR) comme compensation pour renoncer à la diminution
du prix, ie prix de réJérence à considérer sera P#.Dans ce cas ce montant est connu
sous le nom de «variation équivalente du surplus ». Il traduit que le consommateur
voudra recevoir un montant qui lui procure un bien-être global identique à celui qu'il
aurait obtenu si la diminution des prix au niveau de P# avait été appliquée.
La variation compensatoire et la variation équivalente sont deux mesures techniquement
correctes de l'évaluation du bénéfice : ce sont ces variations du surplus -qui traduisent la
variation de la valeur d'un bien environnemental perçue par un individu- que mesurent
les méthodes d'évaluation environnementale.
Cene digression dans le domaine des bases techniques de la mesure des bénéfices est
importante en ce qu'elle révèle qu'il existe ainsi deux concepts du bénéfice :
- le premier basé sur le consentement àpayer (CAP),
- et le second srtr le co~~sentement
à recevoir (CAR)
Rapport BRGM R 40622
Le point sur l'évaluation econornique des biens environnemenfaux
Le CAP a déjà été expliqué plus haut : des individus révèlent leurs préférences pour un
bénéfice environnemental par leur consentement à payer. Par exemple on pourra estimer
ce qu'un individu est prêt à payer (sous forme d'une taxe ou d'un impôt local par
exemple) pour que sa municipalité installe une station d'épuration de manière à
améliorer la qualité de I'eau de rivière que les habitants du village (dont cet individu)
contribuent à dégrader.
Dans une situation différente, on peut aussi demander ce qu'un individu est prêt à
accepter -en compensation de la dégradation de son milieu- dans le cas où un tiers est
responsable de la dégradation de qualité de I'eau de la rivière. On mesure alors son
consentement à recevoir (CAR), qui peut se traduire dans les faits par une baisse des
impôts locaux par exemple. On peut même supposer que cette baisse de recettes fiscales
soit compensée par une augmentation de la taxe locale appliquée au pollueur.
Pour résumer il existe deux mesures du bénéfice provenant d'une amélioration de
I'environnement, et deux mesures pour une perte découlant d'une dégradation de
I'environnement. Ces mesures, qui tiennent compte de la situation initiale de l'individu
par rapport à son environnement, sont :
- un CAP pour obtenir une amélioration (gain ou bénéfice) de son environnement,
-
un CAR pour renoncer à une amélioration de son environnement,
un CAP pour prévenir une dégradation (un dommage) de son milieu,
un CAR pour tolérer cette dégradation
Ce qui peut se résumer sous le tableau suivant :
Qualité de t'environnement
Amélioration
Détérioration
Consentement à payer
Surplus compensateur
Surplus équivalent
Consentement à recevoir
Surplus équivalent
Surplus compensateur
En d'autres termes, la variation compensatrice fi du surplus exprime :
- la somme maximale qui doit être prélevée (CAP) sur le revenu d'un consommateur
pour que son bien-être demeure inchangé malgré la baisse des prix (= amélioration
de i'environnement),
-
ou la somme minimale qui doit être ajoutée (CAR) au revenu d'un consommateur
pour que son bien-être demeure inchangé malgré la hausse des prix (= détérioration
de I'environnement).
Rapport BRGM R 40622
Le point sur I'évaluafionéconomique des biens environnementaux
Quant à la « variation équivalente », elle mesure :
- la somme minimale qui doit être donnée (CAR) à un consommateur pour maintenir
son bien-être à un niveau équivalent à une baisse des prix,
-
ou la somme maximale qui doit être prélevée (CAP) sur le revenu d'un
consommateur pour maintenir son bien-être à un niveau équivalent à une hausse des
prix.
On voit ainsi que ces deux concepts sont indissociables des «droits » que le
consommateur détient sur son environnement, et de l'état de référence (initial ou final) :
- la variation compensatrice du surplus apprécie donc le changement par rapport à
I'état initial,
- ia variation équivalente du surplus l'apprécie par rapport au niveau final.
2.5. LES REPRESENTATIONS HICKESIENNES DES VARIATIONS DU
SURPLUS
En fait ce qui vient d'être exposé est une vision simplifiée (et controversée3) des choses :
l'utilisation des courbes Marshalliennes correspond à une simplification qui permet de
mieux appréhender les concepts de surplus, et ne se révèle pas pertinente.
En effet l'expression de la demande pour un bien à un prix donné, ou de la disposition
maximale à payer pour consommer une quantité donnée, résulte d'un processus de
sélection complexe du consommateur qui fait intervenir sa contrainte de revenu
disponible.
Si, pour écouler le surcroît d'offre, il est nécessaire de diminuer le prix de la fourniture
du bien, c'est qu'à revenu inchangé le pouvoir d'achat augmente. Ainsi le consommateur
peut répartir ce gain de pouvoir d'achat sur tous les biens qu'il consomme.
Le passage au niveau de consommation q, de la figure 2 n'exprime rien d'autre que la
conséquence de cette répartition sur la consommation de bien fourni. Le gain en bienêtre tiré directement de cet accroissement de consommation n'est qu'un élément du gain
total de bien-être permis par la diminution des prix. Pour que la variation de surplus
puisse être considérée comme une mesure valable du bénéfice d'un accroissement de
fourniture, il faudrait qu'en tout point de la fonction de demande le niveau de bien-être
soit maintenu constant, ce qui ne sera généralement pas le cas en raison des
conséquences de la variation du pouvoir d'achat (donc du revenu) sur la consommation
des autres biens.
Hicks, en 1943, a tenté de pallier la difficulté en introduisant des fonctions de demande
idéales, correspondant à des niveaux d'utilité constants (figures 4a et 4b). Ces fonctions
sont qualifiées de « compensées » pour exprimer qu'en chaque point de la fonction on
a procédé aux variations de revenu nécessaires pour maintenir l'utilité constante, par
opposition aux fonctio~isMars~iallieiri~es
à revenu constant mais à utilité variable d'un
point à zin autre.
'(Samuelro~1947: Liltle, 1957)
Rapport BRGM R 40622
Le point sur i'Bvaluation Bconomique des biens environnementaux
En général, on ne cherche pas à maximiser l'utilité d'un individu sous une contrainte
budgétaire, mais à minimiser les dépenses pour un niveau d'utilité donné. Les fonctions
de demande dérivées de cette approche sont différentes, car elles dépendent du niveau
d'utilité. La figure 4a est une représentation de la variation compensatrice du surplus
(VC), appréciée par rapport à une fonction d'utilité initiale UO, lorsque la valeur d'un
bien diminue :
Fig. 4a - variation corr~pensatrice(yC) du siirplus lorsque le prix du bien xi dittunue
tracer la même courbe pour la variation équivalente du surplus, mais cette fois
en l'appréciant par rapport à Ia fonction d'utilité finale Ul :
On peut
-
Fig. 4b variation équivalente (VE) du sutplus lorsque le prix du bien x, ~linurrue
On appelle ces courbes «fonctions d e demande compensée » ou hickésiennes (d'après
les travaux de Hicks). En effet, comme dans la réalité, on n'observe pas les fonctions
d'utilité, on tente de reconstituer les fonctions de demande compensées.
Avec ces deux courbes de demande compensées, correspondant i'une au niveau d'utilité
initial Uo,l'autre au niveau d'utilité final Ut, nous pouvons sur la figure 5 suivante faire
apparaître les différences existant entre surplus ordinaire et surplus compensés.
-
Supposons que le prix d'un bien quelconque i baisse, et passe de po a pr : on voit que le
surplus ordinaire est égal à la surface p,p,BA, le surplus équivalent à la surface
p~piBC,et le surplus compensateur à la surface poptDA :
Rapport BRGM R 40622
Le point surl'6valuation .$conornique des biens environnemenfaux
Pr1
Po
Courbe de demand
P'
-
Fig. 5 Courbes de detttande orditiaire et contpensée
La mesure ordinaire du surplus se situe entre les deux mesures hickesiennes du
surplus : elle excède le surplus compensateur de la surface ABD et minore le surplus
équivalent de la surface ACB.
2.6. LES DIFFERENCES EMPIRIQUES ENTRE CAP ET CAR
En toute logique, on pourrait penser que CAP et CAR soient identiques : le prix pour
acquérir un bien devrait en effet pouvoir être le même que pour s'en dessaisir. Or les
études empiriques montrent que ces valeurs diffèrent de manière très significative. Tout
se passe comme si chaque individu apprécie différemment la valeur d'une perte ou d'un
bénéfice. Pour comprendre pourquoi, examinons la base intuitive de ces deux types de
mesure :
- à partir d'un état initial de son environnement l'individu estime une amélioration du
milieu à une certaine valeur (il peut la considérer comme hypothétique)
- mais la suppression d'une partie de ce qui lui « appartient » est évidemment perçue
de façon plus forte : comme quelque atteinte à ce qu'il considère comme ses
« droits » sur le milieu (il « sait ce qu'il perd »).
Il fait donc la différence entre I'hypothèse d'un gain et I'hypothèse d'une perte,
assimilant intuitivement le premier cas à un « achat » (hypothétique et négociable) et le
second à une « compensation » (moins négociable).
Si CAP et CAR diffèrent notablement, cela entraînera des difficultés pour mesurer la
valeur des bénéfices environnementaux, car le plus souvent on est confronté à des
situations de réparation des dommages plutôt qu'à l'obtention d'un bénéfice. Or une
politique de réparation des donitriagespeut ne pas se justifier si la nresrcre (lu bénéfice
est basée sur le CAP pour prévenir une perte, mais au contraire se justifiera si le
bénéfice est mesuré comme un CAR -une compensation- pour tolérer la perte.
Rapport BRGM R 40622
25
Le point sur I'6valuation économique des biens environnementaux
De plus, en matières de décisions publiques, on préférera toujours évaluer a minima un
impact sur I'environnement, donc travailler sur des scénarios correspondant ii des
CAP. II reste cependant que l'état initial des droits d'un i~idividusir soi1 enviroii~teme~it
déterminera si on doit mesiirer son CAP ou son CAR.
Les psychologues ne sont évidemment pas surpris de constater que CAP et CAR se
révèlent très différents. Ces mesures divergent dans de nombreuses études. Ils arrivent
cependai~ià converger si I'éttide est cottdiiite de ma~iièreappropriée.
2.7. LE SURPLUS DU PRODUCTEUR ET LE SURPLUS ECONOMIQUE
TOTAL
Il est également possible de calculer le surplus du producteur. Ce surplus est égal à la
différence entre ce que le producteur reçoit pour une marchandise, et la somme
minimale qu'il doit recevoir pour accepter d'ofiir une unité additionnelle. Si la
dégradation de la qualité de l'environnement augmente les coûts de production, le
producteur voit son surplus diminuer. La courbe d'offre représente le coût marginal de
production, et est égale à la compensation minimale qu'un producteur acceptera pour
continuer à produire.
Sur la figure 6 suivante est tracée la courbe d'offre du producteur, So, en fonction des
prix et des quantités. Son surplus est représenté par la surface p,AE
-
Fig. 6 La coitrbe d'offre du proditcfeiir
Si, à la suite d'une dégradation de la qualité de l'environnement les coûts de production
augmentent, le prix d'offre minimum augmente et la courbe d'offre se déplacera de S, à
S,, le prix d'équilibre sur le marché passant de p, à p, (p,>p,). Sur la figure 6 la
variation du surplus du producteur est égaie a la surface plBE1 moins la surface poAE.
Si l'on ajoute à cette variation du surplus celle, négative, du consommateur représentée
par la surface pl p,EE', on obtient la variation du sirplzis écononziqtte total.
26
Rapport BRGM R 40622
Le point sur l'éva/uation économique des biens environnementaux
La figure 7 traduit le même concept en représentation Hickesienne. Le surplus du
consommateur (SC) se définit comme la surface sous la courbe de demande, au-dessus
de la droite de prix. Le surplus du producteur (SP) est égal à la surface au-dessus de la
courbe d'offre, sous la droite de prix. Le surplus total (ST) ou valeur sociale nette est
égal à la somme du surplus du producteur et du surplus du consommateur. Dans le cas
de la figure 7, si le prix initial du marché se situe en pl, et le prix final en pz, on peut
définir les surplus respectifs du consommateur et du producteur correspondant à ces
deux niveaux successifs de prix comme valant :
SC1 = surface (g)
SPI = surface (c+a)
SC2 = surfaces (g+a+b+e)
SPZ= surfaces (c+d+.f)
Fig. 7- surplus économique total
Dans la pratique, si on considère dans sa globalité un actif naturel (intervenant au moins
pour partie comme valeur marchande) disponible en quantité Q pour une qualité
donnée, celui-ci va effectivement intervenir sous deux aspects :
- en tant que facteur de production pour des activités marchandes, comme la pêche ou
le tourisme, auquel cas on se réfère à la théorie de la production en utilisant les
concepts traditionnels de fonction de production,
-
en tant qu'élément contribuant au bien-être des individus du fait qu'un
environnement de qualité améliore la situation de chacun d'entre nous (y compris les
générations futures). On va avoir recours à la théorie du consommateur et aux
fonctions d'utilité.
Au bout du compte, ces deux voies aboutissent à une mesure du surplus (du producteur
et du consommateur). Les variations de ce surplus permettent de chiffrer les avantages
ou les dommages liés à une amélioration ou une détérioration de l'actif naturel. Les
figures 8 et 10 précisent cette articulation entre ces deux voies.
Rapport BRGM R 40622
27
Le point sur i'évaluation économique des biens environnementaux
2.8. L'APPLICATION DE LA THEORIE
ENVIRONNEMENTAUX
ECONOMIQUE
AUX
BIENS
Lorsqu'il existe des marchés connectés à des actifs naturels, la valorisation des actifs
passe par l'application du principe de ((faible complémentarité 2 . Pour expliquer ce
principe il sufit de remarquer qu'une caractéristique commune des biens
d'environnement est que leur demande n'est pas directement observable. Ce qui est
observé, ce sont les variations dans la consommation de certains biens marchands,
induites par une variation de la qualité des actifs naturels.
Supposons en effet qu'un bien i (par exemple une activité récréative, donc marchande)
soit un « faible complément )) d'un actif naturel, par exemple un lac : on pourra déduire
la demande pour l'actif naturel « lac » de l'observation de la fonction de dépense
concernant le bien i.
Lorsqu'aucun marché connecté n'existe, les méthodes de valorisation s'appuient soit sur
des marchés hypothétiquess, soit même sur des marchés construits6.
Par ailleurs, si l'on considère les valeurs d'existence des biens environnementaux, pour
lesquelles il n'est pas possible de se référer à un prix du marché, le consentement à
payer total, que la méthode d'évaluation calculera, correspondra à la surface entière
comprise entre les ordonnées et la droite de demande (cf figures 2 et 3).
,
En matière d'évaluation environnementale, il conviendra de procéder en trois grandes
étapes :
-
-
une première étape pour définir le problème a résoudre et le type d'évaluation auquel
on compte procéder
une seconde étape pour définir la portée de l'évaluation, ses limites, et identifier les
besoins en information
une troisième étape consistera à définir les méthodes d'acquisition des données
nécessaires, définir les méthodes d'évaluation et les mettre en œuvre.
Pour procéder à la première étape, I'évaluateur peut se trouver coneonté à trois grands
types de situation à évaluer :
>une analyse d'impact - c'est à dire une évaluation des dommages infligés à un actif
naturel par un événement particulier, par exemple par une marée noire sur une zone
côtière. Dans ce cas on comparera les pertes en avantages directs sur I'environnement
(pêcheries ou autres) dus à la marée noire sur la zone côtière aux avantages directs de la
production de pétrole, par exemple.
'Miila, 1974
'Qui correspondent $ la mahode « d'dualuation contingente »
>,
bfarchts n d'écbmgs de droits par cxemplc.
Rapport BRGM R 40622
Le point sur l'évaluation économique des biens environnementaux
>une évaluation partielle - qui est une méthode d'évaluation coûts-avantages.
Prenons le cas d'un projet d'irrigation en amont qui détourne l'eau d'une zone humide en
aval, entraînant une perte d'avantages pour la zone humide. Cette perte doit être intégrée
dans les coûts généraux du projet. Etant donné les avantages directs (d'irrigation pour
l'agriculture), notés Ad , et les coûts directs (les coûts de construction du barrage et des
canaux d'irrigation) notés cd,,
le avantages nets du projet (ANd)seront :
Toutefois, en détournant l'eau qui coule vers la zone humide, le projet peut entraîner des
pertes pour l'agriculture de la plaine d'inondation, ainsi que pour d'autres activités de
production primaire et d'autres impacts extérieurs. Compte tenu de ces réductions de
production nette de la zone humide et des diverses réduction d'avantages que le projet
implique pour l'environnement de la zone humide (notées ici ANZ"), les véritables
avantages nets du projet (ANP)valent :
ANP= AN" ANzH
Le projet n'est théoriquement faisable que si l'expression est positive.
-
>une évaluation totale l'objectif d'une telle évaluation pourrait être par exemple de
déterminer si une zone humide peut devenir (ou non) une zone totalement protégée. Les
avantages totaux nets pour la zone humide de ce projet de protection doivent dans ce cas
dépasser les coûts directs de la création de l'aire protégée. Ces derniers doivent inclure
tout coût de réinstallation ou de compensation pour les utilisateurs existants de cene
zone, plus les avantages nets sacrifiés des autres utilisations de cette zone humide.
Pour la mise en œuvre de la seconde étape, le délai imparti à l'analyse pourra dans
certains cas être déterminant ; seront essentiels les limites géographiques du sujet à
étudier, mais aussi un facteur de durée sur laquelle les impacts du projets devront être
évalués. Alors seulement les besoins en informations pourront être analysés.
La troisième étape dépendra de la qualité des informations disponibles, mais également
du budget imparti à l'étude, qui conditionneront le type d'analyse (ou les types
d'analyses) qui sera choisi.
Rapport BRGM R 40622
Le point sur l'évaluation économique des biens environnementaux
3. Les différentes notions de « valeurs
environnementales
))
La valorisation économique des biens environnementaux exige de les classer en
catégories, bien que généralement chaque ressource naturelle, de nature complexe,
ressort de plusieurs d'entre elles :
- économiaue pour ce qui est des ressources exploitables alimentant les flux du
marché ; à ce type de composante du milieu naturel on peut faire correspondre une
notion de «bien marchand », encore que pour I'eau par exemple, les prix des
marchés ne reflètent qu'imparfaitement sa valeur totale intrinsèque ;
- esthétiaue également, ce qui peut générer d'autres types de marchés (généralement
« non-marchands ») par le développement d'activités touristiques ou d'utilisation
de l'espace à des fins récréatives, par exemple ;
- éthiaue et existentielle enfin, en ce que de façon intuitive et réflexe, nous tenions à
préserver pour les générations qui nous suivront le capital que constitue les
ressources naturelles de notre environnement.
3.1. VALEURS « D'USAGE » ET VALEURS DE « NON-USAGE »
Parallèlement à ce classement « intuitif » que l'on peut faire des actifs naturels, les
économistes distinguent deux grands types d'aménités (c'est à dire de services)
produites par les actifs naturels, selon qtr 'elles découletif d 'rnz usage otr qu 'elles soietit
indépendantes de l 'usaged'un bien.
- le premier type d'aménités correspond à des «valeurs d'usage », provenant par
exemple dans le cas d'une retenue d'eau, soit de I'usace direct du milieu (pêche,
chasse au gibier d'eau, mais aussi utilisation touristique du plan d'eau, promenade et
contemplation), soit de ses usages indirects (protection contre les crues, fonction de
lagunage) ; à ce type d'aménités ne correspondent pas toujours des marchés bien
définis : le concept de valeur d'usage ne s'identifie donc pas obligatoirement à la
notion de « bien marchand ».
Les valeurs correspondant à des usages directs sont parfois nomméespar certair~s
auteurs « valeurs d'extraction », « valezrrs de coïzsommation » ou ct valeurs
d'usage structurel ». Elles corres~oïidenftotiiotrrs à des biens mi peuvent être
extraits, consommés. orr dont la ioirissailce esf directe. Par exemple des gens qui
campent ou se promènent dans une forêt perçoivent une valeur d'usage directe, sans
toutefois consommer aucune ressource de la forêt.
Les valeurs correspondant à des usages indirects, conIntes également sous le nom
de ((valeurde non-extractiotl » otr de « valeur foï~ctio~~ttelle
», dériveiit de services
que I'erivironnement procure : par exemple les zones humides filtrent I'eau. Ces
services ont des valeurs, mais arrnrn bien 11 'est phvsiqvement vrélevé.
.
Rapport BRGM R 40622
Le point sur i'évalualion économique des biens environnementaux
Il est souvent plus difficile de mesurer la valeur d'usage indirecte que la valeur d'usage
directe car les quantités de services sont plus difficiles à cerner. De plus beaucoup de
ces biens n'entrent dans aucun marché, si bien que leur prix est extrêmement difficile à
établir : on utilise parfois le calcul de la valeur de substituts pour y parvenir. On
appelle substitut tout ce qui peut remplir la même fonction qu'un actif naturel et devrait
lui être substitué si l'actif disparaissait : par exemple une des fonctions des zones
humides est d'assurer une autoépuration de l'eau ; une station d'épuration représente
donc un substitut facilement valorisable pour cette fonction et ce milieu naturel.
- le second type de valeurs correspond à des aménités provenant d'un usage
passif fondé sur la valeur du bien en soi, lorsqu'il s'agit par exemple d'attribuer
une valeur à I'existence même d'une ressource, que l'on tient à préserver. A cela
correspond la valeur de préservation, qui est une valeur de « non-usage S. Celle-ci
peut se décomposer en :
valeur d'existence (l'intérêt que l'on porte à I'existence même de l'actif),
valeur de legs (le bien doit être préservé pour nos descendants17,
valeur de consommation partagée (doit être préservé pour nos contemporains),
valeur et prix d'option (valeur correspondant à une utilisation future possible).
.
C'est Krutilla le premier fi Conservation Reconsidered » - 1967) qui suggère de prendre
en compte une valeur d'existence dans les choix publics, lorsque certains, projets ont
des conséquences irréversibles sur l'environnement, car d'après lui les individus
valorisent I'existence des actifs naturels même s'ils sont sûrs de ne jamais jouir de ces
biens.
La valeur d'option est particulière : on l'obtient lorsqu'on tient à conserver l'option
d'utiliser (ou de reconnaître) la valeur d'usage d'un bien à une date ultérieure : en
quelque sorte, ne sachant pas comment les choses vont évoluer dans le futur, le
consommateur est prêt à verser une certaine somme, la valetrr d'option, qui correspond
à une prime d'assurance8 pour avoir la certitude d'avoir ce bien pour soi. En toute
rigueur, à cette valeur d'option s'ajoure I'espérance mathéntatiqtre du surpltcs du
consommateur, le tout formant le prix d'option.
Cette notion de valeur d'option a été introduite par Weisbrod en 1961 (NCollectiveconsumption services of individual-cottn~mpfiortgoods »), sous le vocable initial de
« option demand ». II écrivait : « Si on est confionté a trne décision aux conséquences
irréversibles, la destruction d'trn parc naturel par exemple, certains individus
accepteraient de payer une certaine somme d'argent polir conserver la possibilifé de
visiter ceparc &ns un avenir p111sotr moins lointain P.
'Pour ICNtilla ("Consmation Reconsidered", 1967). lc CAP d:s individus pour les aclifs à rsleur de non-usage procéderait :
i)de IeurdCsiu dc présmer Ic bim mwromemenial pour uneévmtuelle uriliulion à une &le vllCrieure ivnleur d'oetion):
ii)de celui de p r é s m a Ic bien pour ses derecndmb (kleur d'hinage) ;
iii) dc la simple misfadion de l'cxiamce du bim (valeur d'existence).
-
'Bahm (1972 "Eslimaling Demand for Public G w d s : An Elpairncnt"
Rapport BRGM R 40622
Le point sur I'évaluation économique d e s biens environnementaux
L'expression vraiment correcte est cependant «prix d'option », dont la mesure
correspond à l'équation :
Prix d'option =Valeur d'option + Espérance mathématique du surplus
Pour mieux saisir ce conceptg de prix d'option, disons qu'à l'espérance d'un surpius
s'ajoute une sorte de prime d'assurance contre le risque que I'on nomme «valeur
d'option B.
9 Un exenrple de caicul du prix d'ootron : Monsieur Dupont est prêt à payer 100 fmncs aujourd'hui pour
s'assurer contre la disparition d'une espèce sauvage menacée par un vaste projet d'aménagement. Il n'est
pas sûr de pouiroir se rendre un jour dans cette région, mais estime néanmoins avoir 50 % de clianceç
d'effectuer un jour un voyage pour observer cette cspece. A la question de savoir quel serait pour lui Ic
bénéfice attaclié à la réalisation de ce voyage, sa réponse est de 150 francs : cela représente les dépenses
qu'il accepterait d'engager. Dans cet exemple, le «pria d'option » est de 100 francs : c'est le
consentement minimum à payer aujourd'liui de Monsieur Dupont. C'est une mesure ex a~rtede la valeur.
Le surplus conditionnel est de 150 F. II pourrait eue nul si Monsieur Dupont n'effectue jamais le
voyage : il représente une mesure ex-post de la valeur, lorsque I'incenitude sur le voyage est résolue. Ces
deux mesures sont des valeurs alternatives du bien être. L'espérance matltématique du surplus est 75 F
(50 % de 150 F), et elle représente la 3'"' mesure de la variation de l'utilité. La valeur d'option est
couramment définie comme la différence algébrique entre le prix d'option (100 F) et le surplus attendu
(son espérance mathématique soit 75 F), ce qui donne 25 F.
En 1974, Henry ajoute au concept de ((valeur d'option celui de « quasi-option » : il
traduit une préférence du consommateur consistant à présenter un bien dans l'attente
qu'un jour sa valeur réelle devienne évidente (pour Henry, les sites archéologiques
peuvent en être un bon exemple puisqu'ils perdent de leur valeur dans le processus de
leur propre excavation ; les archéologues pourraient ainsi préférer ne pas les fouiller
dans l'attente que de futures techniques leur permettent de mieux exploiter ces sites que
par les méthodes actuelles). Ce concept est donc très voisin de celui du prix d'option,
avec lequel il est souvent confondu.
Dans la plupart des cas, la plus importante des valeurs de non-usage paraît être la valeur
d'existence, que I'on attribue à la connaissance de l'existence d'un bien, même si on
n'envisage pas de l'utiliser un jour.
Ainsi nombre d'individus attribuent une valeur à l'existence des baleines bleues, ou du
panda, même s'ils n'en ont jamais vu et n'en verront probablement jamais. Si ces
animaux venaient à disparaître, beaucoup de gens ressentiraient une perte irrémédiable.
L'ensemble des valeurs ainsi définies (usage et non-usage) constitue la valeur
économique totale (VET) du bien considéré (cf figures 8 et 10). Pour illustrer ce
concept, la figure 8 tente de récapituler l'ensemble des usages que I'on peut faire des
zones humides. En annexe sont proposés des exemples pour les fonctions qu'assurent les
zones humides.
'"Vatonrztiondcs Usages de i'Eau: Ji' Amigues. F. bon ni ni^ Ph LcGoffe, P. Point.
Rapport BRGM R 40622
Le point sur I'évaluation économique des biens environnementaux
VALEUR EMNOhlIQUE TOTALE
VALEURS DE NON-USAGE
VALEURS D'USAGE
VALEUI D'USAGE
VAL RSDE
FONCTION
EMLOCIQUE
/
/
Produits
~6néfGes
.
..
..
.
..
.
.
.
•
Culhires
Bois aeuvre
Bois &chauffe
Tourbe
Consommation d'eau
Poissons
Loisin
Towisme
Prix du marché
Prirpublics
Prix hédonistes
Ca&s de mbstihrtion
Coûts de
déplncemenr
Evaluatiot~
cantinge~tte(MEC)
.
Contrôle des crues
Rôle cliitologique
Pholosynthèse
Reproduction
d'espéces
Cycles de nutriments
Assimilation des
déchels
..
.
Mesure des
domntages évirés
Dépenses de
protection
Couts de substirution
Calculs de
changemetir et;
productiviti
VA EURS
D'EXISTENCE
VALEUR D'OPTION
Bénéfices
..
.
+
Médicaments futurs
Applications
génétiques
Nouvelles
teduiologies
Substituts d'éléments
épuisés
.
Ewluatio~io>i
conii~igente
/
Bénéfices
VALEUR DE
.
Bénéfices
.
.
Simple satisfaction
de savoir que la
ressource existe
Evaliratioit
corttirrge~ife
.
.
Equité enlre
générations
Ethique
altruiste
EvafuariDn
coritingenfe
-
Fig. 8 saleurs ensironnementales et ntéthodes d'analyse correspondantes
Cas des zones ltuniides
P Qrielpes corttradictior~srelevées dam la lifférattireécoiioniic7ue
Dans certains articles on relève cependant des contradictions entre auteurs traitant des
aspects économiques de l'environnement.
Parfois ces contradictions sont apparentes, car les théories des méthodes d'évaluation
environnementales sont assez récentes, et une lecture non chronologique des
publications sur ces sujets peut les faire apparaître de manière artificielle.
Pour certains par exemple, la valeur de consonlinarion partagée
non-rival
co??sumptio?z)) des auteurs anglo-saxo17s) serait une valeur d'usage indirecte, et non
une valeur de non-usage : les bénéfices esthétiques visuels d'un paysage entrent dans
cette catégorie puisqu'ils peuvent être perçus par de nombreux individus sans altérer le
plaisir des autres. Beaucoiip d'auteiirs semblent égalentei~rcoifoitdre el1 tin même
coïlcept (( valetir d'existence » et cc valeur de préservatio~t».
Pour certains autres, la valeur de « quasi-option 3 entre dans la catégorie des valeurs
d'usage. On peut effectivement s'interroger : la forêt primitive recèle une flore qui est
loin d'être entièrement connue : il est donc possible qu'elle recèle des plantes dont on
pourra tirer plus tard parti, et qui pourront se révéler posséder des valeurs marchandes
ou d'usage direct.
34
Rapport BRGM R 40622
Le point sur /'évaluation economique des biens environnementaux
3.2. L'ANALYSE DES FONCTIONS
D'UN ACTIF
Lorsqu'il entreprend de valoriser un actif naturel, la première tâche de l'économiste est
de recenser ses différentes fonctions. Il conviendra ensuite, si possible pour chacune
d'entre elles, de déterminer les différents impacts négatifs d'une action de l'homme sur
cette fonction naturelle (en cas de dégradation), ou positifs si l'on tente une
réhabilitation de l'environnement. On s'aperçoit également qu'on ne peut arriver à
valoriser certains usages qu'en évaluant le coût de « substituts » (s'ils existent)
remplissant les mêmes fonctions que l'actif naturel.
Si l'on prend par exemple le cas d'une zone humide: les valeurs d'usage
correspondront par exemple aux fonctions d'utilisations suivantes :
-
une fonction d'épuration naturelle des eaux (filtration, décantation, biodégradation et
fixation de polluants),
-
une fonction régulatrice de crues (atténuation des pointes de crues et soutien des
débits d'étiage),
- une fonction anti érosive (fixation des berges et des rivages),
- une fonction de chasse au gibier d'eau, et de pêche (habitat et refuge pour de
nombreuses espèces),
- une fonction d'exploitation économique directe (roselleries par exemple, ou
exploitation de tourbières),
- une fonction de tourisme (observation des oiseaux et promenades).
Chacune de ces fonctions d'utilité est chiffrable, soit en évaluant la valeur de svstèmes
de substitution aui rendraient les mêmes services (cozît et foi?ctiom?emetlf de statiotis
d'épurafio1z, retenues d'écréteme~~tde crues}, soit par les valeurs économiaues
découlant directement de I'ex~loitation de ces ressources (vente de roseaux, emplois
créés par ces cultures, valeur du gibier, prix du billet d'entrée d'un parc naturel).
Ce type de ressource permet également la préservation d'espèces naturelles de faune et
de flore qui ne vivent que dans ces milieux (fonction de zone de fi-ai pour certains
poissons, de sites de reproduction pour des oiseaux). Dans certains cas, mais rares et
limités aux zones de débordement de crues, ces milieux humides peuvent participer à la
recharge d'aquifères, alors que d'habitude ce sont des zones de drainage. C'est
notamment le cas de zones humides en bordures de fleuve, lorsque le lit de celui-ci est
colmaté, et que les crues seules contribuent à la recharge (La plaine du Chari au Tchad
par exemple, qui alimente l'aquifère quaternaire de cette manière).
A ces fonctions (liées par exemple dans ce cas à la reproduction d'espèces de poissons
commercialisables), peuvent être affectées à la fois des valeurs économiques réelles
d'usage, ou même d'option s'il s'agit de préserver une espèce de faune ou de flore sans
utilité économique connue à ce jour.
Rapport BRGM R 40622
Le point sur l'évaluation Bconomigue des biens environnementaux
Dans le domaine des eaux souterraines, on peut de la même manière, affecter une valeur
économique à un aquifère, au delà du coût auquel l'eau est vendue, ou au delà des coûts
induits par son exploitation dans certains pays où elle est en accès libre. Ces valeurs
peuvent en effet être appréhendées par les impacts qui découleraient d'une
surexploitation de l'aquifère et qui entraînerait une baisse de la piézométrie :
-
coût de surcreusement des forages ou des puits
coût d'amenée d'une ressource de substitution (canalisations, canaux)
coût social que peut entraîner cette dégradation (dans certains cas on peut envisager
qu'un accès libre soit remplacé par une vente tarifée)
disparition ou dégradation de zones humides en aval, à intérêt économique local
disparition de l'espace utilisable à des fins agricoles.
Des valeurs de type analogues pourraient être identifiées si la qualité des nappes se
dégrade, interdisant ou limitant son utilisation. De la même manière ces valeurs peuvent
se mesurer par leurs impacts, ou par des mesures de substitution de type technologique
dont on sait calculer le coût (stations de traitement par exemple).
On peut même en théorie affecter une valeur d'existence à une nappe souterraine,
l'épuisement de celle-ci pouvant sous certaines conditions affecter un paysage, et
provoquer plus en aval la disparition de flore ou de faune dont la perte pourrait être
dommageable pour le patrimoine mondial.
3.3. LES METHODES D'ANALYSE DES IMPACTS
La détermination exhaustive des impacts d'une action sur l'environnement est à la base
de l'analyse coûts-avantages )) (ACA), pour lequel deux approches sont possibles :
- la première, la plus classique, correspond à une analyse « coûts-bénéfices », par
laquelle les avantages d'une action sont comparés à ses coûts, de manière à savoir s'il
est judicieux de i'entreprendre. On y compare généralement plusieurs alternatives et
cela exige d'identifier les impacts environnementaux de façon exhaustive. Un
exemple de cette approche peut être illustré par l'analyse de différentes mesures de
contrôle de la qualité de l'air, et ses avantages respectifs attendus et chiffrés sur la
santé. Il est à souligner que dans certains cas cette approche ne peut être ni adoptée ni
souhaitable. C'est le cas par exemple où un espace naturel semble devoir être protégé
de façon si évidente en raison de son caractère unique, qu'il doit être préservé à tout
prix.
- dans d'autres cas il peut subsister de grandes incertitudes sur les avantages que
procurent un bien naturel, que ce soit pour le temps actuel ou pour le futur, ou même
de grandes difficultés à lui attribuer une valeur monétaire. Lorsque la perte de tels
biens semble devoir être irréversible, il peut être souhaitable de choisir une stratégie
qui minimise les pertes possibles liées à ce dommage environnemental, à moins que
le coût social de l'opération soit inacceptable. Dans de tels cas l'approche qui
s'impose est celle de l'analyse « coût-efticacité » plutôt que « coût-bénéfice ». Elle
correspond à la méthode la meilleur marché et la plus efficace susceptible d'atteindre
le but recherché. Elle identifie la démarche la plus efficace, sans toutefois prouver
que les avantages attendus justifient les coûts engagés.
36
Rapport BRGM R 40622
Le point sur l'évaluation économique des biens environnementaux
Une fois les impacts (négatifs ou positifs) clairement définis, il reste à leur affecter une
valeur monétaire, ce qui fait l'objet de l'application des méthodes d'évaluation citées
dans ce document. La figure 9 donne une indication sur les méthodes utilisables face
aux différents types d'impacts. Nous donnerons dans les paragraphes qui suivent des
exemples de différentes méthodes qui sont employées pour les mesurer.
3.3.1. Changement de productivité
Le changement de productivité )) est une approche que I'on peut utiliser lorsque un
dommage environnemental induit des variations importantes dans la production de
biens marchands. Des pluies acides affectant une forêt, par exemple, auront comme
impact une perte en termes de production de bois d'œuvre. Dans certains cas, la mise en
défens de forêts entières peut amener la population à développer des cultures moins
rentables que leurs précédentes exploitations forestières. On peut aussi imaginer que
dans certains pays en voie de développement, la dégradation des anciens réseaux
d'irrigation est telle que la paysannerie est obligée pour survivre de développer des
cultures pluviales à valeurs ajoutées moindres que les anciennes cultures irriguées ; si
dans ces conditions un projet de réhabilitation des systèmes d'irrigation est envisagé, la
diminution du changement de productivité entre les deux types de culture, qui sera alors
évitée, intervient comme bénéfice dans l'analyse coût-avantage du projet.
3.3.2. Coût d'opportunité
Certaines mesures de protection peuvent mener à abandonner l'idée de développer toute
activité marchande dans une zone à protéger totalement. Bien évidemment une telle
mesure a un coût pour les anciens exploitants. Ce coût peut être évalué sur la base des
potentiels d'exploitation de la zone ainsi protégée, et que I'on décide d'abandonner pour
obtenir d'autres types de bénéfices. Le coût consécutif à une telle décision prend le nom
de « coût d'opportunité ». Le potentiel d'exploitation n'est évidemment pas
intrinsèque : il est lié aux conditions locales, comme par exemple les moyens d'accès
pour le transport de la production. On peut ainsi décider d'interdire toute exploitation
dans une zone de forêt vierge relique, afin de préserver une flore unique, et d'éviter une
érosion trop rapide qui envase un ancien réseau d'irrigation qu'un projet veut réhabiliter
en aval. Dans ce cas le coût d'opportunité peut se révéler faible si le réseau routier est
inexistant, même si la zone possède un fort potentiel.
3.3.3. Coût de remplacement
Dans certains cas il peut être intéressant de savoir s'il est plus efficace de permettre la
dégradation d'un environnement et d'accepter de supporter le coût des dommages
causés, ou bien de supporter les coûts des mesures préventives susceptibles d'éviter ces
dommages. On se livrera alors au calcul et à la comparaison des coûts de chaque
alternative, On appelle (( coût de remplacement 1) le montant des dépenses engagées
pour réparer les dommages causés. Cette approche n'est évidemment pas valable dans le
cas de biens environnementaux ou culturels uniques qu'il sera difficile ou impossible de
restaurer.
Rapport BRGM R 40622
37
IMPACT ENVIRONNEMENTAL
I
Le point sur /'évaluation économique des biens environnementaux
3.3.4. Coût de délocalisation
La dégradation d'un environnement peut conduire à faire le choix de déplacer le point
de nuisance. Par exemple, sur une côte sableuse, l'existence d'étangs saumâtres dont le
déversement dans un réseau hydrographique d'eau douce voisin, utilisé pour I'AEP et
pour l'irrigation, met en danger ces deux modes d'approvisionnement en eau. On pourra
par exemple comparer le coût alternatif d'un déplacement du captage de la ressource
pour ces deux types d'utilisation, à ceux qui seraient induits par la construction de
réseaux de drainage des eaux saumâtres vers l'océan voisin. Un autre exemple concerne
la ville de Shangaï, dont les autorités ont finalement décidé de déplacer le captage qui
assurait I'AEP de la ville ; le cours aval de la rivière Huangpu qui servait de source
d'approvisionnement en eau devenait en effet trop fortement pollué par les rejets
industriels et la navigation, ainsi que par les égoûts. Il a fallu comparer à une éventuelle
délocalisation du captage les coûts induits pour rendre les industries riveraines
K propres », pour mieux traiter les eaux usées du réseau d'assainissement, et pour mettre
en place un service de police des eaux susceptible de mieux contrôler les rejets des
navires. On peut regretter que dans ce cas l'environnement n'y ait pas trouvé son
compte... l'étude n'ayant pas envisagé de chiffrer les avantages de bénéficier d'un
milieu plus sain. Ce dernier exemple illustre bien le cas d'une analyse environnementale
très partielle.
3.3.5. C o û t s liés à la maladie e t à la mort
Bien des impacts environnementaux, comme ceux qui ont trait à la pollution
atmosphérique ou à celle de I'eau, ont des répercussions sur la santé. L'évaluation des
coûts de santé liés à la pollution requiert une information complète sur, par exemple, la
relation entre le niveau de pollution et l'effet sur la santé de cette pollution, et l'effet de
l'action projetée sur le niveau de pollution. Les coûts induits par les maladies liées à
cette pollution pourront s'estimer à partir d'éléments variés liés à ces maladies : pertes
de revenus, coûts sociaux, coûts médicaux divers, etc De la même manière les
bénéfices attendus de mesures de protection décidées pour atténuer le taux de pollution
de I'eau et de l'air pourront être évalués sur les mêmes bases. Mais ces coûts paraissent
être minorés par rapport à la réalité : ils sont généralement basés sur l'examen des
statistiques hospitalières, ou des jours de travail perdus pour les entreprises. Ils ne
prennent pas en compte les coûts des mesures préventives individuelles que l'ont peut
prendre, chacun pour soi ou sa famille, pour atténuer l'agression du milieu : filtration et
climatisation individuelles, auto médication. Ils ne prennent pas non plus en compte la
douleur ou la souffrance liées à la maladie, ni les différents types de contraintes
auxquelles les individus doivent faire face du fait de la réduction de leur activité.
Lorsque l'on tente d'évaluer les coûts d'une dégradation de l'environnement en termes
de mortalité, on parle d'approche K capital humain B . Cette approche est très analogue à
l'approche ((changement de productivité)), puisqu'elle lie un dommage
environnemental à un changement de productivité, à la différence près que la variation
des biens produits concerne des vies humaines. Elle est aussi très contreversée car elle
réduit la valeur de la vie humaine au seul potentiel de revenus que cette vie aurait
généré.
Rapport BRGM R 40622
39
Le poinf sur i'évaluation Bconomique des biens environnemenfaux
En général on préfère analyser différentes alternatives et comparer leur impact respectif
en termes de variation de taux de mortalité, sans affecter à l'analyse de valeur
monétaire. On peut aussi utiliser des estimations de l'OCDE qui ont valorisé la vie
humaine, les coûts retenus atteignant 5 à dix fois ceux obtenus par l'approche "capital
humain".
3.4. LES BENEFlClAIRES DU MILIEU NATUREL
Lorsqu'il s'agit de chiffrer les valeurs d'usage de biens marchands, les prix établis par le
marché permettent de calculer ces valeurs sans trop de dificulté, et connaître avec une
précision sufisante la population consommant ces biens offre également peu de
dificulté.
Mais lorsque l'exercice concerne des valeurs d'usage sans marché bien établi, ou
lorsquiil s'agit de valoriser un actif naturel soit en valeur d'option, soit en valeur
d'existence, il devient important de connaître de façon précise les caractéristiques de la
population cible. Nombre d'individus ou de ménages, niveau de revenus,
caractéristiques culturelles et socio-économiques, implantation géographique par
rapport à l'actif naturel devront être appréciés avec soin. Ces précautions ont pour
objectif essentiel -on le verra plus loin- d'éviter d'intégrer à cette valarisation les
réponses d'individus peu concernés par l'actif étudié, soit en raison de leur éloignement
physique, soit en raison de caractéristiques socio-économiques. On conçoit en effet
qu'une enquête sur la valeur accordée par un individu à la nappe d'Alsace puisse être
différente selon que la population soit interrogée parmi les habitants du Haut Rhin, ou
parmi un échantillon de la population de l'Hérault.
3.5. LES PREALABLES INDISPENSABLES A TOUTE VALORISATION
ENVIRONNEMENTALE
Pour résumer, une analyse de valorisation des biens environnementaux nécessite donc :
- d'analyser de façon exhaustive les impacts (même lointains) des actions projetées sur
la qualité de l'environnement ;
- de bien appréhender les diverses fonctions qu'ils assurent ;
- de bien identifier les différents usages des actifs à valoriser ;
- d'identifier si possible des substituts aux fonctions naturelles des actifs ;
-
de bien identifier les populations qui sont concernées par les modifications ou par
I'utiiisation de l'environnement.
Rapport BRGM R 40622
Le point s u r I'6valuafion Bconomique des biens environnementaux
3.6. LE CAS DE L'EAU, ACTIF NATUREL
MARCHANDES ET NON-MARCHANDES
-
SES COMPOSANTES
Par sa nature, l'eau est un bien complexe intervenant dans des processus productifs
agricoles, industriels ou énergétiques. Elle joue aussi un rôle primordial dans la vie
quotidienne, qu'il s'agisse de la fourniture d'eau potable ou des activités de loisir. Par
ailleurs, elle est à la base d'écosystèmes parmi les plus riches, tels ceux composant les
zones humides.
En schématisant, on voit que l'eau assure, en allant du simple au complexe, les grandes
fonctions suivantes :
-
la fonction de prélèvement pour les consommateurs (eau potable, industries,
processus de fabrication agro-aiimentaire par exemple),
- la fonction refroidissement (centrales nucléaires, usines)
-
la fonction épuration, dilution et assimilation des déchets (industrielle, agricole ou
domestique)
- la fonction productive qui, compte tenu de l'importance des prélèvements nets,
concerne surtout i'agriculture (irrigation et bétail), mais aussi la pêche, ou la chasse
au gibier d'eau et l'aquaculture
- la fonction transport et énergie (canaux, voies navigables, barrages hydroélectriques)
- la fonction santé : les impacts mesurés peuvent ici être négatifs, I'eau pouvant être
vecteur de contamination chimique ou bactériologique, ou positifs (dilution)
- la fonction récréative qui relève du consommateur (loisirs), mais aussi des activités
consacrées au tourisme (contemplation, baignade, utilisation des plans d'eau)
- la fonction écologique qui a trait au bon fonctionnement des écosystèmes, et à la
préservation du milieu compte tenu de ses capacités d'assimilation.
Exempte de fonctions assurées par des zones humides
Si l'on reprend l'exemple des zones humides, des études menées sur divers marais de Louisianel%n
conduit à chifirer les services que rend ce type d'l~ydrosystèmes":
-
CO
le potentiel d'épuration d'un hectare de marais est de 21,7 kg de DB05/jour, ce qui reprrsente la
capacité d'épuration d'une nation d'environ 4 000 équivalents-habitants. A 3 francs en moyenne le
coût moyen par kg de DB05, la valeur annuelle d'un hectare de marais est de 24 000 francs ;
Un hectare de mafais fournit de 950 à 11 400 m3/jour d'eau utilisable pour faire de l'eau potable. Le
bénéfice évalué par cette fonction serait de l'ordre de 109 000 francsha. Ce chiffre représente le
dinérentiei entre le "pompage" en zone humide et le surcoût représenté par la construction d'une
retenue d'alimentation en eau potable ;
Sur la rivière Charles (Massachusetts), la conservation d'une zone humide de 3 370 ha en bordure du
neuve, face a l'alternative de construire un ouvrage ecrêteur de nues apporte un bénéfice annuel de
3 110 francSnla.
L'eau cn Laire-BnragncND57- juillet 1996 - Pime Rainclli
" Gosdink 1974.
Rapport BRGM R 40622
Le point sur I'&valuafion&conorniquedes biens environnemenfaux
3.6.1. Les aspects marchands de l'eau
L'eau distribuée par un système d'eau potable relève du service marchand avec un prix
qui, s'il est considéré comme un prix de marché, ne fait référence qu'à certains coûts,
relatifs aux opérations de prélèvement, traitement, distribution, assainissement et
épuration. Les coûts à long terme provenant d'une dégradation de la ressource (baisse
des nappes par exemple, ne sont généralement pas pris en compte). L'eau, facteur de
production, entre dans la même catégorie.
Dès que l'on aborde la fonction récréative, et plus encore le fonctionnement des
écosystèmes, on a un flux de services qui profite à la collectivité sans qu'il y ait de
marché permettant de leur attribuer un prix. Ce flux de services, qui correspond à la
production « d'aménités », a néanmoins une valeur marchande que l'on peut préciser
(figure 10).
AmeniGs
produites
par une
relenue
d'eau
=VALEUR ECONOhfiQUE TOTALE
-
-
Fig. 10 Usages et valeurs Iiès à In production d'ainénités d'une retenue d'eau
3.6.2. Ses aspects non-marchands
Comme chacun peut l'appréhender, l'essentiel de la valeur des biens environnementaux
ne peut être tarifé. Ainsi, des travaux américains concernant les rivières sauvages du
Colorado mettent en évidence l'importance de la valeur de préservation qui selon les
cas représente de 60 a 80 % de la valeur économique totale. La non-prise en compte de
ces aspects conduit à négliger ces biens.
Si l'on n'évalue pas les bénéfices qu'ils procurent, même de manière imparfaite, il est
clair qu'on va les sacrifier au profit des biens manufacturés ou des services facilement
mesurables.
42
Rappofi BRGM R 40622
Le point sur l'évaluation économique des biens environnementaux
L'absence d'indicateur de rareté, ou de valeur, ce qui est équivalent, fait qu'on laisse
détruire le milieu, provoquant ainsi une perte de bien-être pour les individus, mais aussi
pour les générations futures.
Cene non-prise en compte de la nature a des conséquences globales qui sont loin d'être
négligeables. Ainsi, dans le cas bien connu de l'Indonésie, on aura pu estimer le taux de
croissance de ce pays -entre 1971 et 1984- à 7 %. Mais si I'on tient compte de la
dépréciation des actifs naturels (pétrole) et des dommages qu'ils ont subis (forêts, sols),
qui viennent en déduction des bénéfices immédiats, cene croissance doit être ramenée à
4 %.
On sait aussi que dans les choix d'investissements importants comme les grandes
infrastructures, la rentabilité financière peut s'avérer nulle ou même négative si I'on
intègre les dommages à l'environnement dans le total des coûts. Enfin on sait
aujourd'hui que les tribunaux confrontés aux actions de défense de l'environnement,
tentent plus pu moins timidement de donner des valeurs aux biens non-marchands.
3.6.3. L'évaluation des flux de services liés à l'usage de l'eau
Prenons l'exemple d'une retenue d'eau. La figure 10 met en évidence deux grands types
« d'aménités »(de services) :
- celles qui découlent d'un usage
-
et celles non dépendantes d'un usage.
Les premières, les plus évidentes, proviennent d'un usage direct du milieu, avec
prélèvement, comme par exemple la chasse au gibier d'eau ou la pêche. La baignade ou
le canotage ou la contemplation d'un site relève aussi de l'usage direct, tout comme les
activités productives d'ailleurs.
En revanche le rôle de protection contre les crues joué par la retenue d'eau fournit un
autre type d'aménités sans qu'il y ait consommation du milieu naturel. Il s'agit ici d'un
usage indirect,
Les secondes ne dépendent pas de l'usage direct ou indirect de la ressource en eau, mais
d'un usage passif » fondé sur la valeur intrinsèque du bien. Cette dernière correspond
à ce que I'on appelle plus précisément la valeur d'existence, c'est-à-dire l'intérêt que
I'on porte a la simple connaissance de l'existence de l'actif naturel.
Dans une perspective altruiste, on peut aussi penser que la conservation du bien est
souhaitable pour les générations à venir, ce qui détermine la valeur de legs » (beqirest
value des anglo-saxons). Enfin, on peut aussi souhaiter préserver I'actif pour soi (valeur
d'option) ou pour ses contemporains (valeur de consommation partagée).
L'ensemble constitue la valeur de préservation que la figure 8 détaille.
Rapport BRGM R 40622
Le point sur I'évakuation économique des biens environnementaux
En effet, dans le désir de conserver personnellement un bien environnemental, le
consommateur, ne sachant pas comment les choses vont évoluer dans le futur, est prêt à
verser une certaine somme, la valeur d'option, qui correspond à une prime d'assurance
pour être sûr d'avoir ce bien ou son équivalent monétaire. Cette valeur d'option s'ajoute
au surplus du consommateur qu'il est en droit d'attendre (espérance du surplus). Au
total, cela constitue te prix d'option.
Dans sa définition précise, la valeur de préservation (figure 11) ne prend en compte que
le prix d'option, avec à côté les autres valeurs (de consommation partagée, de legs et
d'existence).
Mais il est assez dificile, d'une part de dissocier les deux composantes du prix
d'option, et d'autre part d'opérer la séparation entre les divers types d'usages. Les
figures 8, 10 et 11 permettent néanmoins de poser les bases d'une réflexion sur les
caractéristiques des biens naturels et de la valeur que l'on peut leur attribuer.
DECOMPOSiTiON DE LA VALEUR DE PRESERVATION
(l'iniérét d'une conservation d'un actif naturel)
Pour roi-méme
Pour sep eontemporPinJ
-
Pour lm g~nçnitlonsfutures
Voleur d'option + espérance de surplus = Prix d'option
Valeur de consomn~ationpartogée
Voleur de legs
Voleur d'existence
= VALEUR DE PRESERVATION
-
Figure 11 Contposantes de la iwlerir de présenfation
Rapport BRGM R 40622
Le point sur I'évaluation économique des biens environnementaux
4. Les méthodes d'évaluation en économie de
I'environnement
Toutes les méthodes sont basées sur une « demande de services » rendus par les biens
naturels. On les différencie selon qu'elles sont orientées vers deux types de demande :
>
Ce que I'on appelle une demande finale, mesurant le surplus du consommateur. On
mesure par exemple un consentement à payer pour un bien environnemental
(préservation de la naftrre,d%n parc national, amélioratiott de la qualité de l'air ou de
I'eatr), lui-même fonction du surplus du consommateur que les individus attendent de ce
bien.
Parmi ces méthodes on distingue
- celles qui s'appuient sur des marchés hypothétiques, c'est le cas de l'évaluation
contingente. Ce type d'approche est dit « ex-ante », car basé sur les intentions des
individus.
- Celles qui s'appuient sur des marchés connectés, utilisant des relations de
substitualité ou de complémentarité. Ces approches sont dites « ex-post » car elles
partent de réalisations, ou de faits constatés. Ce sont par exemple :
la méthode des dépenses de protection,
la méthode des coûts de déplacement,
la méthode des prix hédonistes.
.
Rappelons le principe de «faible complémentarité » : on évalue la variation de surplus
offert par I'environnement global en étudiant celle d'un service particulier offert par le
milieu naturel -par exemple la variation de la possibilité de pêche dans une rivière- qui
ne constitue qu'un « faible complément » du milieu naturel « rivière ». En général les
méthodes ex-post correspondent à la possibilité de mesurer le niveau de qualité du
milieu (en réalité sa variation) à partir de « faibles compléments », tandis que les
méthodes « ex-unte » ne permettent pas l'identification de « faibles compléments » pour
mesurer la qualité du milieu (elles tentent de mesurer sa qualité intrinsèque).
- Celles qui s'appuient sur des marchés constnrits (marchés d'échange de droits, par
exemple).
?+Et ce que I'on appelle une demande induite, pour laquelle les services du
patrimoine naturel ont un statut de facteur de production. C'est le cas des méthodes
suivantes :
fonction de dommage,
variation du profit,
déplacement de la courbe d'offre,
facteur substitut et compléments.
.
Rapport BRGM R 40622
Le point sur l'évaluation économique des biens environnementaux
4.1. LES APPROCHES « EX-ANTE », ORIENTEES VERS UNE DEMANDE
FINALE
& La méthode la plus connue est celle de « I'évaluafion contitige~tte», où l'on cherche
à obtenir la révélation des préférences des individus par voie directe. C'est une
procédure d'enquête où les personnes interrogées doivent exprimer un consentement à
payer (ou à recevoir) pour une amélioration (ou l'acceptation d'une détérioration) de la
qualité d'un bien environnemental.
Pour ce faire, on interroge le public sur son « consentement à payer )) (CAP, ou WTP
anglo-saxon Willigness To Pay), dans l'hypothèse d'une amélioration de son bien-être
lorsqu'on modifie l'environnement. En théorie on peut aussi mesurer son
a consentement à recevoir » (CAR, ou WTR anglo-saxon) s'il s'agit de mesurer le
montant de dédommagement que les individus évaluent eux-mêmes pour compenser
une dégradation de leur environnement.
Dans ce type d'analyse, les hypothèses sous-jacentes sont
- d'une part que les individus interrogés expriment réellement leur préférence,
- et d'autre part qu'il y a bien arbitrage entre la consommation des biens privés et celle
de services environnementauy sachant que l'une se fait obligatoirement au détriment
de l'autre.
Outre sa facilité d'emploi, qui en fait aussi son danger quand elle n'est pas parfaitement
maîtrisée, cette méthode a l'avantage de valoriser à la fois les bénéfices d'usage et ceux
de non-usage. C'est la seule méthode permettant d'estimer la valeur d'existence et aussi
de prendre en compte l'incertitude.
9 Une deuxième méthode, de plus en plus utilisée, dite a des coûts de transfert »,
consiste à transposer à la situation d'un actif à étudier les résultats d'études précédentes
faites sur des sites à caractéristiques similaires. Cette méthode peut utiliser les résultats
provenant d'évaluations contingentes, de prix hédonistes ou de coûts de transport. Elle
est de plus en plus utilisée en raison de son coût plus abordable que celui d'une
évaluation contingente, mais également en raison de contraintes de temps. Il s'agit d'une
méthode "mixte" plutôt que véritablement « ex-ante », dans la mesure où elle repose
aussi sur des évaluations passées. Elle peut être cependant qualifiée de méthode (( exante )) dans le cas où elle pourrait se baser sur des évaluations contingentes.
4.2. LES APPROCHES "EX-POST" ORIENTEES VERS UNE DEMANDE
FINALE
> La
plus ancienne est celle dite des coûts de déplacements » (travelling cosfs),
basée sur l'idée que oour bénéficier de certains services environnementaux. tels les
loisirs de plein air. on doit consommer un certain montant de services marchands,
notamment en matière de transoorts. Le recours a ces biens conplémentaires constitue
ainsi un indicateur fiable de la valeur des biens environnementaux considérés.
46
Rapport BRGM R 40622
Le point sur l'évaluation économique des biens environnementaux
> La
méthode des « prix hédonistes » repose sur le constat très simple &
variation des prix des biens fonciers reflète. au moins oour partie. la aualité de
I'environnement. On peut en effet admettre que la vue sur un parc va se traduire par une
valeur vénale beaucoup plus élevée que si l'on est en face d'un dépôt d'ordures.
L'information concernant la préférence pour un beau paysage, une vue sur la mer, un air
pur.. . est intégrée dans le prix de vente ou de location de l'habitation.
k La
troisième méthode « ex-post » que nous citerons, dite des « coûts de
protection », repose sur l'observation des dépenses engagées par les individus pour
lutter contre une dégradation de I'environnement, ou pour obtenir une amélioration de
celui-ci. Historiquement les premiers travaux ont été basés sur les dépenses de
protection des habitations contre le bruit (doublage des fenêtres, isolation des
plafonds...), ce qui donne la fonction de demande pour le bien « tranquillité ».
4.3. LES APPROCHES SUR « MARCHES CONSTRUITS ))
Ce sont des approches particulières dont on peut donner deux exemples différents assez
analogues :
- l'un correspond à des expériences de vente de permis (par exemple de permis de
chasse) ;
- l'autre à l'instauration de « marchés de droits », par exemple de marchés de droits à
polluer. Dans ce dernier cas, découlant de la théorie de l'utilité, toute pollution est
considérée comme un « bien » produit, à utilité marginale négative pour certains
consommateurs. Tout comme lorsqu'un consommateur achète des biens à «utilité
positive)) à un producteur en lui payant un prix positif, un consommateur
« achètera » une nuisance à un pollueur à un prix négatif: c'est à dire que le pollueur
paiera ce prix au consommateur. C'est la base du principe des « droits à polluer » aux
Etats-Unis, ce pays préférant laisser jouer les lois du marché pour le réguler plutôt
que de le faire par i'établissement d'une taxe.
4.4. LES APPROCHES ORIENTEES VERS UNE DEMANDE INDUITE l2
Alors que les méthodes précédentes orientées vers une demande finale (coûts de
transport, de protection, prix hédonistes) ont été appliquées à la reconstitution du
surplus des consommateurs, ces approches-ci concernent plus spécifiquement les
activités de production.
-
La dégradation des actifs naturels affecte en premier lieu les activités de production
(agricoles et industrielles par exemple), et l'observation de la modification des fonctions
de production et de leurs dépenses est un indicateur précieux de la valeur implicite
accordée à ces actifs.
"B. Desaigues Br P. Point. Economic du painmoine naiurel.
Rapport BRGM R 40622
Le point sur l'6vafuation.$conorniquedes biens environnementaux
Ce deuxième type de méthodes repose donc sur l'évaluation des services
environnementaux comme facteurs de production. On distingue 4 cas principaux :
-
le facteur environnemental intervient comme facteur fixe dans la fonction de
production (la disponibiliié de ressources en eau d'irrigation ou la qualité de l'eau
pour un usage industriel en sont des exemples) ;
- le facteur environnemental agit sur un facteur de production coni~entionnel(c'est le
cas par exemple oir un élé~nentpolluant l'eau cause des domn~agesau capital
techniqrce intervenant dans le processus de prodrrction : l'acid~$cationde l'earr par
exemple) ;
- le facteur environnemental affecte le produit lui-même ;
-
le facteur environnemental conduit à contingenter un autre facteur de production
Parmi les méthodes utilisées on citera :
- la mesure du déplacement de la fonction d'offre ;
- la mesure de la fonction de dommage ;
- la mesure directe de la variation du profit (également nommée approche de
changement de productivité) ;
- la mesure du déplacement de la fonction de demande d'un facteur environnemental,
complémentaire ou substituable ;
- la variation de la rente de facteurs primaires (approche hédoniste)
4.3.1. Déplacement de la fonction d'offre
Cette méthode mesure le surplus du consommateur et du surplus du producteur. En
effet, dans le cas d'un producteur qui utilise un actif naturel, l'impact d'une dégradation
de l'environnement peut se manifester par une demande moindre.
Ceci entraîne donc une baisse des prix d'offres (cela peut aussi se traduire par une
perturbation du processus de production, qui amène à un déplacement de la fonction
d'offre), que l'on peut représenter par la figure 11 suivante .
Sur cette figure, la variation du surplus total, lorsque le prix d'offre passe de pl à p2 (et
lorsque la courbe d'offre passe de la position 1 à la position 2) est égale à la somme de
la variation du surplus du consommateur et du producteur soit :
A(ST) = surface (d + b + e + f)
Rapport BRGM R 40622
Le point sur l'évaiuation économique des biens environnementaux
-
Fig. 12 Déplacetnent de lafonction d'offre
4.3.2. Fonction de dommage
Cette méthode mesure la variation a u surplus du producteur. Lorsqu'un facteur
environnemental affecte directement une entreprise de façon négative, on peut se poser
la question de savoir quelle somme compenserait le producteur pour le dommage subi.
C'est à dire quelle somme le ramènerait à sa situation initiale de bien-être. C'est la
variation du surplus du producteur qui va constituer cet indicateur. Pour un producteur
concurrentiel, le surplus du producteur est la surface comprise entre la droite de prix et
la courbe d'ofie. A la différence du surpius du consommateur, le surplus ordinaire du
producteur est une mesure exacte.
<11
9?
'i
Fig. 13 Evaluation du dommage causépar une variation
de qualité d'un actif naturel
Sur la figure 13 précédente une hausse de prix de pi à pz, consécutive à une dégradation
de qualité d'un actif naturel, est intervenue. Pour y pallier l'entreprise a porté sa
production de ql à q2.
Rapport BRGM R 40622
49
Le point sur t'6valuation 6conomique des biens environnementaux
Dans ce cas, la variation compensatrice associée à la hausse de prix est « la somme
d'arpent aui. retirée de l'entreprise. la laisse à un niveau de bien-être identique à celui
qui orécédait la hausse de prix B. La surface délimitée par le trait en gras mesure
exactement la variation compensatrice. La variation de surplus est égale au profit de
I'entreorise.
On pourrait démontrer de la même manière que la variation équivalente du surplus de
l'entreprise est représentée par la même surface, et représente également son profit.
4.3.3. Variation du profit
Cette méthode mesure différemment le surplus du producteur. Dans les deux cas décrits
précédemment, on observera que la variation du surplus du producteur est égale à la
variation du profit. Mais il existe des cas où la variation de profit ne mesure pas -selon
les économistes- une mesure exacte du bien-être, en présence de changement de prix.
s':
4, u
'
-
9
Fig. 14 Distinction entre variatioti du profit et ivariation (lu stirplus
Le profit se définit comme la différence entre les recettes bmtes et les coûts totaux, soit
n (profit) = RT (recettes bmtes totales) - CT (coûts totaux)
avec CT = CTV (coût total variable) + CTF (coût total fixe).
Sur la figure, on a représenté la fonction «coût total moyen D (CTM), et la fonction
« coût moyen variable » (CMV).
Si les prix baissent au-dessous de p ' ~ la
, firme ne couvre plus ses coûts totaux, et se
trouve conduite à cesser son activité. Les économistes démontrent cependant que le
bénéfice total pour le producteur, associé à un maintien en activité, est la somme du
profit et des coûts fixes plutôt que le simple profit.
Rapport BRGM R 40622
Le point sur l'évaluation 6conomique des biens environnementaux
Il existe d'autres méthodes correspondant à une demande induite, par exemple basées
sur la "Variationdespnk d'unproduit" observée sur le marché, et qui aboutissent à la
mesure du surplus du consommateur et du producteur, ou sur «les transactions de
facieurspri~naires», aboutissant à une mesure d e la variation de la rente de ces facteurs
primaires.
La figure 15 suivante résume les différentes méthodes couramment utilisées, ainsi que
les valeurs qu'elles mesurent :
Naturr de
la
demande
Finale
Induiie
Type de méthode
Obsen'ation des
comportements
T~gpede lien avec le
marché
Mesure de la variation de
bien-être
Dépenses de protection
Oui
Substitution
Variation du surplus ordinaire
des consommateurs
Coiris de déplacement
Oui
Faible complémentzuité
Variation du surplus ordinaire
des consommateurs
Evaluation contingente
Non
H)pthitique
Variation du surplus compense
des consommateurs
Prix Hédonistes
Oui
Fonction de dommage
Non
Impact physique sans
adaptation
Variation du surplus des
producteurs
Variation du pmfit
Non
Impact physique avec
adaptation
Variation du surplus des
pmducteurs
Analyse du
déplacement de la
fonction d'offre
Oui
Substitualit6avec facteur
de production
Variation du surplus ordinaire
des consommateurs et du
surplus des producteurs
Variation du prix du
produit
Oui
M m e sur le marché du
produit
Variation du surplus ordinaire
des consommateurs et du
surplus des producteurs
Oui
Transactions sur facteurs
primaires
Variation rente des facteurs
primaires
Prix hidoni*
-
Acquisition location d'actif Variation du surplk compensé
des consommateurs
Figure 15 Syntlzèse de la classificntion des éléinents éconotniqiiesfondanzeniaux
Rapport BRGM R 40622
Le point sur /'évaluation économique des biens environnementaux
5. Précisions sur les méthodes d'évaluation
orientées vers la demande finale
Ce chapitre est destiné à donner quelques explications complémentaires sur la
méthodologie employée dans les principales méthodes d'évaluation basées sur
l'estimation du surplus du consommateur.
5.1. LA METHODE D'EVALUATION CONTINGENTE (MEC)
Les premières tentatives d'application de la méthode d'évaluation contingente à des
biens environnementaux sont assez anciennesL3.Utilisable par voie directe (interviews)
ou par voie postale (envoi de questionnaires), c'est une méthode de révélation des
préférences par interrogation directe des individus sur l'estimation monétaire de la
variation (ex-atzte = a p r i o r i ) de leur bien-être.
La démarche générale de l'évaluation passe par les étapes suivantes :
- analyse et appréciation des niveaux d'utilisation des actifs naturels et de leur
influence sur l'activité économique et le bien-être des agents ;
- définition de l'allocation initiale des droits d'accès à l'actif naturel ;
- mise en œuvre d'une méthodologie permettant de constniire la valeur économique du
bien environnemental (soit à travers le comportement des agents, soit par enquête
directe).
Selon la question posée, on mesurera « la variation compensatrice » ou la variation
équivalente )) du surplus. En fait on distingue 4 mesures du surplus selon :
- que I'on considère une amélioration ou une dégradation de l'offre d'un actif naturel ;
-
la variation compensatrice ou la variation équivalente du surplus.
Les quatre types d e questions correspondantes que I'on pose sont les suivantes :
1. Supposons que la qualité d'un service fourni par un actif naturel soit améliorée.
Quelle somme maximale accepteriez-vous de payer (CAP) pour bénéficier de cette
amélioration ? (mesure compensatrice de la variation de bien-être) ;
2. Supposons que I'on renonce à améliorer la qualité d'un service fourni par l'actif
naturel. Quel est la compensation minimale que vous désireriez recevoir (CAR) pour
que votre satisfaction soit équivalente à une augmentation de la qualité de ce service ?
(mesure équivalente de la variation du bien-être) ;
"Davis. 1963.
Rapport BRGM R 40622
Le point sur I'6valuafion 6conornique des biens environnementaux
3. Supposons que la fourniture d'un service par un actif naturel diminue en qualité,
quelle est la somme minimale que vous désireriez recevoir (CAR) pour que votre niveau
de bien-être soit maintenu ? (mesure compensatrice de la variation du bien être) ;
4. Supposons que vous soyez confronté à une dégradation potentielle de la qualité de
l'environnement. Quelle somme maximale accepteriez-vous de payer (CAP) pour
éviter cette dégradation ? (mesure équivalente d e la variation de bien-être).
Ces questions correspondent au tableau suivant (cf p. 17) :
Qualité de l'environnement
Amélioration
Détérioration
Consentement à payer
Surplus compensateur
Surplus équivalent
Consentement à recevoir
Surplus équivalent
Surplus compensateur
Par ailleurs, pour réaliser une bonne évaluation contingente, il faut prendre en compte 6
points :
5.1.1. La population interrogée
Elle doit être définie en fonction du type de valeur que l'on cherche à calculer : valeur
d'usage, il s'agira alors de Ia population directement concernée, valeur de non-usage, et
dans ce cas on cherchera à définir une valeur d'existence par interrogation d'une
population plus large, ne bénéficiant pas directement de l'actif naturel en question. De
la population concernée, on extraira un échantillon représentatif.
5.1.2. La définition de l'actif naturel
II s'agira de définir clairement, simplement, et de la manière la plus complète possible,
l'actif naturel à « vendre », c'est à dire à évaluer sur un marché fictif. En effet le marché
simulé sur lequel devra se situer I'individu interrogé doit être plausible et pertinent. La
manière doit est présenté le scénario doit permettre à l'individu de « construire » son
évaluation contingente : le scénario doit être plausible du point de vue de la politique
économique, mais aussi pour l'intéressé, et doit surtout être compris. Faute de quoi
l'enquête risque de révéler des valeurs de protestation voisines de zéro ou des valeurs
sans signification.
L'individu interrogé doit en particulier comprendre qu'on ne l'interroge pas sur un
ajuste prix », mais s u r le prix qu'il est prêt à payer compte tenu de ses préférences
et de son revenu.
Le scénario ne doit pas non plus être trop complexe, faute de quoi la personne
interrogée risque de lui substituer son propre scénario.
54
Rappoit BRGM R 40622
Le point sur l'évaluation économique des biens environnementaux
II est important également de mentionner l'existence de substituts à l'actif naturel, sinon
tout individu aura tendance à surestimer son CAP.
Le degré d'information a aussi son importance : si en effet une insuEsance
d'information peut conduire à une sous-estimation de la valeur à mesurer, une
présentation « catastrophique )) des effets attendus peut conduire à une surévaluation des
valeurs.
5.1.3. Le support de paiement
C'est un des éléments essentiels du scénario, puisqu'il permet d'associer le paiement
avec l'agent qui fournira le bien en contrepartie. II doit être réaliste et neutre : on
choisira un support de paiement avec lequel les intéressés sont familiarisés (droit
d'entrée pour améliorer la qualité d'un actif récréatif, augmentation de la facture d'eau
s'il s'agit d'améliorer la qualité de l'eau, etc.).
5.1.4. La question du mode de révélation des valeurs : méthodes
d'enquêtes
Trois grands types d'approche sont généralement utilisés :
- le système d'enchères (montantes ou descendantes),
- la question ouverte,
- la question fermée.
a) L e système d'enchères. Ce système ne peut être évidemment utilisé que lors
d'enquêtes directes. Il consiste essentiellement à proposer aux personnes interrogées
une première enchère représentant un consentement à payer. Les enchères peuvent être
montantes ou descenh~ltes.Si la première enchère est acceptée, on leur en propose une
autre plus élevée, jusqu'à ce qu'ils refusent. Cette méthode est de moins en moins
utilisée (et déconseillée) car les études menées sur ce type de méthode ont montré
que les personnes interrogées étaient sensibles au premier montant d'enchère
proposé (biais de l'enchère de départ :le prenlier mo~zlatif,
quel qu'il soit est soirvent
accepté).
b) La question ouverte. Dans cette méthode, après exposé du problème, on pose
directement la question de savoir combien les personnes interrogées sont prêtes 3
payer (on ne propose aucun cliiïîre). On évite ainsi le biais de l'enchère de départ.
Mais ce système montre plusieurs limites : un nombre élevé de non-réponses )) et des
réponses non plausibles sans aucun rapport en particulier avec le niveau de revenu des
personnes enquêtées.
Rapport BRGM R 40622
Le point sur l'évaluation économique des biens environnementaux
Une variante lui est maintenant substituée : la méthode dite de la <( carte de paienzent ».
Dans cette méthode on montre aux personnes enquêtées une carte sur laquelle sont
indiqués plusieurs montants, et elles doivent en choisir un. Il est recommandé
d'inscrire des montants assez différents, dont certains assez faibles, pour éviter des
réponses sans commune mesure avec les revenus des personnes interrogées. La
personne interrogée a cependant toujours le droit d'indiquer un autre montant que ceux
qui lui sont proposés.
Généralement on assortit ce choix d'indications l'informant par exemple de la
contribution d'un individu moyen » au financement des dépenses de santé, de
protection des espaces naturels, etc.
c) La question fermée (encore appelée méthode du référendum). Cette
méthode consiste à proposer une valeur aléatoire à un échantillon d'individus,
mais aussi à proposer une valeur différente à plusieurs échantillons de personnes
enquêtées : soit cette valeur est inférieure ou égale au consentement à payer de cet
individu et le montant proposé est accepté (réponse OUI), soit il est supérieur et se
trouve refusé (réponse NON). Ce système est considéré par certains économistes
comme proche du fonctionnement du marché. II est facilement utilisable par voie
postale et simplifie la tâche de la personne interrogée. Cependant l'analyse
économétrique des réponses est difficile à réaliser, et nécessite de larges échantillons.
On peut améliorer cette méthode en faisant une seconde offre aux personnes
interrogées : si la réponse était favorable à la première offre (réponse OUI), la seconde
orne proposera alors un montant supérieur. Si dans le cas contraire la réponse à la
première offte était «NON », la seconde offre proposera un montant inférieur. Cette
méthode à double intervalle permet d'améliorer la qualité des résultats obtenus. Ce
système est égaiement appelé « système d'évaluation discrète du CAP B.
5.1.5. Les caractéristiques socio-économiques
La plupart des méthodes d'évaluation contingente complètent le questionnaire par des
informations d'ordre socio-économique (âge, sexe, éducation, revenus, lieux de
résidence,...). Ces informations permettent de tester la validité des enquêtes.
5.1.6. L'analyse des réponses et les problèmes rencontrés
Le CAP moyen, obtenu après analyse économétrique des données, sera multiplié par
la population concernée pour obtenir le bénéfice total associé à lyoiïre de l'actif
naturel qu'il syagit de mesurer. Cette valeur sera ensuite intégrée dans une analyse
coût-bénéfice et contribuera au choix du décideur.
Rapport
BRGM R 40622
Le point sur I'évaluation économique des biens envimnnementaux
a) Question ouverte, carte de paiement et systèmes d'enchères. Les deux
principaux problèmes à résoudre concernent en premier lieu le traitement des réponses
extrêmes, c'est-à-dire celles égales à zéro et les valeurs très élevées, et en second lieu
les non-réponses. En cas d'enquêtes postales, ces dernières peuvent représenter un
pourcentage très élevé (50 % en moyenne).
3 Les répoiises égales a zéro : il convient de distinguer entre les « vrais zéros », qui
traduisent une absence de variation du bien-être si le bien est offert, des « faux zéros »
représentant un acte de protestation, une incapacité à formuler une valeur, ou tout
simplement la peur de payer pour les autres. Cene distinction n'est possible que si
l'enquête prévoit de demander aux personnes interrogées les raisons d'une non-réponse
et d'une réponse égale à zéro. Seuls les vrais «zéros )) seront conservés pour leur
valeur, et on reconstituera la valeur des faux zéros ».
3 Les iioi2-réportses : les économistes considèrent généralement que les personnes ne
répondant pas à une enquête sont les moins intéressées et imputent vraisemblablement à
l'actif naturel à mesurer une valeur voisine de zéro. Ce n'est certainement pas le cas de
tous ces types de réponses : certains n'ont sans doute pas réussi à effectuer l'exercice
d'évaluation, d'autres n'ont pas eu le temps de répondre.
3 Les valezirs très élevées : leur traitement est plus sophistiqué. Certains économistes
(Mitchell et Carlson) recommandent l'utilisation d'un estimateur tronqué, permettant de
rapprocher la moyenne et la médiane. Là encore, les valeurs très élevées sont donc réestimées par des méthodes statistiques.
b) Le traifement des réponses « discrètes s (question fermée à deux
tours)
Le traitement économétrique des données issues de ce genre de méthode est complexe,
et les économistes recommandent de tester les réponses discrètes à l'aide de « qztestioia
ouvertes )) et notamment au moyen de la « carte de paien~eitt». D'autre part ce genre de
méthode exige des échantillons plus vastes pour être valides (échantillon supérieur de
66 % d'après Carlson).
5.1.7. Les risques d'erreurs inhérents à la méthode d'évaluation
contingente
Ces risques, dénommés « biais », sont inhérents aux différentes méthodes d'évaluation
contingente, et ont fait l'objet (hotamment par Mitchell ef Carson, 1989) d'une
typologie complète. Nous passerons en revue ci-après les biais les plus courants.
a) Les biais liés à l'échantillon. Ils peuvent apparaître lorsque :
-
- la population choisie n'est pas celle qui bénéficie directement de l'amélioration de la
qualité de l'actif naturel ;
-
lorsque l'échantillon n'a pas été correctement élabore, suivant les règles statistiques
de l'échantillonnage ;
Rapport BRGM R 40622
Le point sur I'6valuafionéconomique des biens environnementaux
- si les caractéristiques des individus qui répondent aux questionnaires diffèrent de
celles de l'ensemble de la population.
Un minimum de précautions lors de l'élaboration de l'échantillon puis dans le contrôle
des réponses permet de se prémunir contre ce type d'erreurs.
b) Les biais endémiques au système de questionnaire. Ce sont les plus
courants, mais pas les plus faciles à comger ou à éviter. Nous citerons :
-
le (( biais d'ancrage )) : dans les procédures de référendum à deux tours, les individus
sont souvent influencés par les montants monétaires entre lesquels on leur demande
de choisir. La valeur proposée leur apparaît comme une norme sociale définissant un
« bon » niveau de consentement à payer (on pourrait même dire un niveau ressenti
comme «politiquement correct )i). L'évaluation annoncée par chaque individu est
alors biaisée par les valeurs proposées dans l'enquête. On appelle biais d'ancrage ce
type d'effetI4 ;
- le « biais d'etzcltère de départ )) : c'est un biais analogue au précédent, que l'on évite
en partant de sommes très faibles qui ont généralement toute chance d'être acceptées
(système d'enchères ou de cartes de paiement) ;
- les réponses non liées à une ttiodi~cationah surplus : ce biais se rencontre chez les
individus non habitués à ce type d'enquêtes, et qui ont tendance à donner à un actif
naturel une valeur qui n'a aucune relation avec leurs préférences. Dans ce cas les
personnes interrogées ne savent pas vraiment ce qu'elles désirent ;
- t'effet de contexte : la manière dont sont posées les questions, leur enchaînement,
l'attitude du «vendeur )) (l'enquêteur) envers les personnes interrogées @?ire plaisir
à qzreiqu'u~~
qui vous parait syn~pathiqzre,
...) ont une influence certaine sur les
réponses ;
- le «biais d'inclusion » : il consiste pour la personne interrogée à donner un CAP
équivalent identique pour une portion d'actif naturel ou pour son ensemble. Par
exemple à attribuer le même CAP pour la préservation d'un hectare de forêt situé
près de chez lui, ou à celle d'une forêt de plusieurs milliers d'hectares qui l'englobe.
Tout se passe comme si les personnes interrogées pouvaient consacrer une
partie d e leur budget à la protection d e l'environnement et qu'ils affectent cette
somme quelle que soit la question posée. Cela pose la question de la dissociation de
« l'achat d'une satisfaction morale » ou d'une bonne conscience », de l'expression
d'un « comportement social », et de l'exercice d'évaluation contingente.
c) Les biais liés au comportement même des individus. Ce sont
essentiellement les biais dits « stratégiques » et «hypothétiques ».
-
-
le « biais stratégique » : appelé également « biais ah passager clandestin »
ou ((free-rider effecf )) des anglo-saxons, il consiste pour la personne interrogée à
sous-estimer volontairement son CAP (sa réponse), de manière à influencer la
décision finale.
Rapport BRGM R 40622
Le point surl'évaluation économique des biens environnementaux
Si par exemple le CAP correspond à une taxe qui sera levée, une réponse à minima
paraît pouvoir, dans l'esprit de la personne interrogée, minorer la future taxe, et peut
être permettre de reporter sur 1'Etat par exemple, le complément de dépenses
nécessaires. En fait les économistes assurent que ce biais est assez rare, ce qui peut
sembler surprenant ;
- le ((biais de l'enquêteur )J : il se rapproche de N l'effet de contexte », puisque les
personnes interrogées surestiment leur CAP pour faire plaisir à l'enquêteur. Celui-ci
doit donc rester absolument neutre pendant l'enquête.
- le (( biais liypotltétique JJ : ce biais provient essentiellement de ce que I'enquête porte
sur des marchés fictifs, et que les personnes interrogées ont des difficultés à attribuer
des valeurs à leurs préférences. 11 se traduit par une tendance à surestimer ou sousestimer le CAP. Ce biais diminue très sensiblement lorsque les personnes interrogées
acquièrent l'habitude de ce genre d'enquête. Un moyen de le limiter semble être de
laisser un délai de réflexion aux personnes interrogées ;
- la suresti~tzationdu consentetnent à recevoir (CAR), par rapport au CAP : est
souvent considérée comme un biais inhérent à la méthode d'évaluation contingente.
Pourtant la théorie veut que la compensation minimale a verser à un individu pour
qu'il accepte une dégradation de son environnement (CAR = variation équivalente du
surplus) soit supérieure au consentement à payer par cet individu pour que cette
dégradation ne survienne pas (CAP = variation compensatrice du surplus). En fait,
tant que les effets « revenus )) sont faibles, on suppose que la différence entre CAP et
CAR l'est également (10 % environ).
Cependant la plupart des enquêtes montrent des rapports de l'ordre de 1 à 4 ou même à
10 entre CAP et CAR. Tout se passe comme si la personne interrogée estimait son CAR
à un plus haut niveau, puisqu'il s'agit de lui aliéner la jouissance d'un actif qu'elle
considère être sa propriété, et son CAP à un niveau plus faible car il s'agit de bénéficier
d'un actif dont elle n'a pas la jouissance à ce niveau de qualité, et qui reste encore
hypothétique.
Des études de comportement (Kahneman et Tversky, 1979) montrent également que les
individus attribuent une valeur subjective aux gains et aux pertes, et ont tendance à
surévaluer systématiquement les pertes
5.1.8. Controverses sur les méthodes d'évaluation contingente
La méthode d'évaluation contingente mesure des valeurs à partir de comportements
hypothétiques, et non de comportements observés. L'argumentaire des adversaires de
cette méthode peut être résumé comme suit :
> L'approche contingente ne mesure pas ce qu'elle et censée mesurer
Les réponses sont en effet sujettes à des biais stratégiques
Rapport BRGM R 40622
Le point sur l'Bva/uation Bconomique des biens environnementaux
- les individus peuvent volontairement sous-estimer leur CAP (biais du ((passager
clarldestit~» ou (( JLee rider ») s'ils pensent que leurs réponses à l'enquête dont ils
font l'objet sont destinées à leur faire financer la protection ou la restauration de leur
environnement ;
- les réponses individuelles peuvent inclure d'autres éléments que des évaluations
privées, comme par exemple refléter un intérêt moral ou éthique pour les questions
d'environnement, ou encore le souci de se conformer certaines normes sociales
(biais de cc Tvarm glow » et de confornzisn~e);
3 Les valeurs estimées ne sont ni pertinentes, ni fiables. L'argumentation
porte alors sur le fait que les individus enquêtés manquent d'informations sur le bien à
évaluer et sont peu incités à faire l'effort de l'acquérir ; les réponses sont par ailleurs
très influencées par les procédures d'enquête (question ouverte, référendum à une ou
deux étapes,...), par l'ordre des questions, les valeurs initiales proposées, l'information
fournie par l'enquête (possibilité de cc manipulation )) par l'organisme ayant commandé
l'enquête) ;
3 Le CAP pour la protection d'une petite quantité de ressource naturelle
n'est pas significativement différent du CAP correspondant à la protection
de l'ensemble, ou d'un plus grand ensemble. L'individu, interrogé sur la valeur
qu'il attribue à un bien, exprimerait en fait la valeur qu'il accorde à l'ensemble (= biais
d'ii?clttsion);
3 Des écarts considérables ont été mis en évidence entre CAP et CAR.
Tout se passe comme si l'individu accordait plus de valeur à la suppression d'un bien
dont il a l'usage (évaluée selon le co?~~entemet?t
à recevoir pour en être privé}, qu'à la
jouissance ou la restauration de la qualité d'un bien dont il ressent l'usage comme
encore potentiel (évalué seloft le coftsententeï~t
àpayer pour en avoir lajoiiissaftce} ; en
effet CAP et CAR représentant des variations de surplus induites respectivement par
une amélioration marginale et une détérioration marginale de la qualité ou de la
disponibilité d'un bien environnemental, ces valeurs ne devraient pas (théoriquement)
différer dans les proportions qu'expriment cependant la plupart des individus.
La grande dispersion des valeurs est appame pour certains comme un argument en
défaveur de la méthode. Dans la réalité, on peut y pallier en partie en augmentant la
taille des échantillons, et en améliorant les méthodes d'estimation économétriques.
Les défenseurs de la méthode ont cependant plusieurs arguments :
-
-
-
les expérimentations en laboratoire suggèrent que le biais stratégique est
généralement faible15 ;
les comparaisons des valeurs estimées à partir de cette méthode avec celles d'autres
méthodes, comme celle des coûts de transport ou celle de la méthode hédoniste
montrent de bonnes corrélations.
" Davis ei Holt f 1993)
60
Rapport BRGM R 40622
Le point sur I'évaluation économique des biens environnementaux
Dans le but d e codifier ce type de méthode, le Natioiral Oceatlic and Afniosphere
Admiiiisfratioi~(NOAA), a réuni en 1992 un comité d'experts afin de s'interroger sur la
fiabilité des valeurs contingentes, notamment lorsque des valeurs de non-usage sont
estimées.
Cene commission a élaboré un guide, regroupant un ensemble de recommandations
pour concevoir et mener une évaluation contingente d e manière à ce q u e les résultats
fournissent une information fiablei6.
Tandis qu'un grand nombre d'études de ce genre concerne l'utilisation des eaux de
surface, la méthode d'évaluation contingente a é t é peu utilisée pour évaluer les bénéfices
liés à un changement qualitatif de la ressource en eau souterraine. U n e quinzaine
d'études seulement peut ê t r e ainsi recensée, dont deux en France (Stenger-Letheux,
1994 ; Corinne Grappey, A. Lacroix, C. Poulat, F.Bel & C.Armand, 1997).
Exemple d'analyse contingente :le cas de la nappe phréatique de la plaine de BièvreLiers (région de Grenoble)
L'objectif de cette étude d'évaluation contingente est d'évaluer la disponibilité à payer des ménages de la
plaine de Bièvre-Liers pour la préservation de la qualité de la nappe phréatique. Cette zone, située à une
quarantaine de kilomètres au Nord-Ouest de Grenoble, est caractérisée par l'existence de sols fertiles et
filtrants et la présence d'un aquiîëre puissant, mais d'une grande vulnérabilité du point de vue de ça
qualité. La dégradation de la qualité qui y est constatée est imputable pour les trois quarts aus pratiques
agricoles intensives. Les pollutions domestiques et industrielles n'y participent que pour respectivement
12 % et 2,5 %IS . L'eau potable dans cette zone provenant en grande partie de la nappe phréatique,
l'absence de toute action comctnce conduirait à un déséquilibre croissant entre l'offre et la demande des
usagers pour une eau de qualité donnée. Aussi la mise en <ruvre d'un programme de lutte contre les
pollutions nitriques, permetfant de présewer la qualité de la ressource en eau souterraine à long terme, est
envisagée. Ce programme implique une modification des pratiques culturales actuelles, notamment pour
la gestion de l'azote et de I'interculture. Une simulation de l'application de ces scénarios à l'ensemble de la
plaine de Biévre-Liers, en fonction des risques de pollution associés à chacune des pratiques culturales, a
permis d'évaluer la faisabilité technique et le coût annuel de ce programme de préservation de la qualité
de la nappe phréatique à 458 francs par ménage.
Le scénario retenu pour l'exercice de l'évaluation contingente a é1é le suivant : aprés une phase de
présentation de la ressource en eau soutenaine de la plaine de Bièvre-Liers, les indiv~idussont informés de
la dégradation de la qualité de I'eau de cette nappe constatée depuis une vingtaine d'années, de l'origine de
cette pollution et des conséquences futures sur i'appmvisionnement en eau potable. La possibilité que
I'eau soutenaine devienne dans dix ans impropre à la consommation, si les pratiques agricoles ne
changent pas, leur est ensuite annoncée. Face au risque d'une augmentation importante du taux des
nimtes dans la nappe, il leur est proposé de contribuer à la mise en place d'un programme de préservation
de la qualité de la ressource. Ce programme est brièvement décrit et le coût annuel par ménage pour sa
mise en ocuwe leur éfant alors précisé. Le véhicule de paiement proposé est une augmentation de la
facture d'eau pour une année seulement
La méthode choisie fut celle de « la question ouverte ». Une enquête directe (interviews en face à face) a
été M i s é e en Octobre 1997 auprès d'un échantillon de 108 ménages, dont 100 questionnaires se sont
révélés exploitables. Dans une seconde pliase une enquête postale a été réalisée de Juin à Octobre 1998
auprès d'un échantillon de 1100 ménages tirés aléatoirement dans l'annuaire téléphonique : dans ce
dernier cas le taus de dponses obtenu n'a été que de 16,4 % soit 173 questionnaires ex~loitables.
'6Amiw, Solow cl al, (1993)
Fnnce. GTenoble - "Fiabiliti des risulbts de la m6lhodc d'évalualion
contingente ci mode d'intmogation :unc application à la ressource en eau souternine".
" Bel, Lacroix et of., (1995)
" Corinne GrappeylINRAlESR Univmi<ePimc Mcndés
Rapport BRGM R 40622
Le point sur i'6valuation 6conomique d e s biens envifonnementaux
Résullats
Intentiews
en face à face
Enquête
postale
100
173
Taux de CAP positiîs
81 %
31,21 %
Taux de CAP nuls (excluant les zéros de protestation)
7%
10.41 %
Taux de non-réponse à la question d'évaluation + zéms de protestation
12 %
58,38 %
Questionnaires exploitables
On s'aperçoit immédiatement du taus esîrêmement élevé du taus de non-réponse ou de zéro de
protestation dans le cas de l'enquête postale (voisin de 60 %), qui est très nettement supérieur aux valeurs
observées dans ce genre d'études, qui se rapproche généralement de 15 %.
L'enquéte prévoyait de ne laisser que 3 ctiois aux personnes enquêtées : soit de déclarer un CAP, soit de
refuser de répondre, soit encote de déclarer ne pas savoir répondre.
L'analyse des réponses a montré que 23,7 %des personnes ayant renvoyé l'enquéte déclarent « refuser de
répondre à la question », et que 27,2 % déclarent « n e pas savoir répondre ». Il est probable qu'en leur
laissant le chois de ((refuser de répondre», l'enquête est à l'origine d'un tel refus de pariiciper à
l'évaluation.
Conformément à la règle exigeant que les individus qui déclarent un CAP nul -au nc veulent pas
répondre- en explicitent leurs raisons, ces personnes ont déclaré :
- pour 63,2 % d'entre elles que leur ménage ne devrait pas avoir a payer pour la preservation de la
qualité de I'eau soutenaine ;
- pour 37.8 %que c'était «aux pollueurs de payer ».
Ces c h i imponants de refus de l'évaluation et de « zéros de protestation » ont amené les auteurs de
l'éiude à réfléchi sur les « droits de propriété » (dans ce cas précis) des utilisateurs sur la ressource en
eau souterraine. Il leur es naturellement apparu que puisque la pollution était essentiellement d'origine
agsicole, il était n o d qu'une part importante de l'échantillon refuse d'avoir à payer pour rétabli une
situation due aux agriculteurs. On peut donc s'interroger : les droits de propriété sur I'eau soutenaine
pouvant légitimement éw amibues à l'ensemble des consommateurs, et non aux seuls agriculteurs, il
aurait été sans doute plus judicieux dans ce cas d'estimer le consentement à recevoir (CAR) des usagen
pour tolérer cette dégradation. Mais ce Fipe d'évaluation posant, on I'a w plus haut, de nombreux
problèmes conduisant à une surestimation des bénéfices de préservation'g, ce type de mesure n'a pas été
retcnu.
Les résultats des CAP estimés pour les deus types d'enquêtes sont les suivants :
CAP estimb
CAP moyen estimé
Ecart-type
CAP médian
Interviews "face à face"
25 1.08
123.97
243.77
Enquête postale
402.29
319.51
357.52
-
Comme on le voit les CAP résultant des deus typa d'enquêtes sont ires différents. Un test de Student de
campamison des deux moyennes l'a confumé. II a donc été ensuite procédé à l'analyse de chaque
échantillon, ce qui a démon& que les populations enquéth étaient significativementdifférentes (niveau
d'éducation moyeu et niveau de revenu notamment). et que l'échantillon de la population enquêtée par
voie postale ne correspondait plus a un échaniiilon représentatif : on peut donc se demander si la
divergence des résultats obtenus ne provient pas plutôt de différences socio-économiques plutôt que du
type d'enquête.
' COURC~.
Hovis et al, (1987) :M o m i s o ~(1998)
Rapport BRGM R 40622
Le point sur /'évaluation économique des biens environnementaux
Dans ce cas, I'étude à abouti à un Nveau trop faible de CAP pour pouvoir envisager le programme de
présen,ation, puisque les réponses de l'écltantillon représentatif (CAP de 251 Flrnénage) n'étaient pas du
même ordre de grandeur que la somme nécessaire pour I'opéntion de préservation (458 Flménage).
5.2. LA METHODE DES TRANSFERTS DE VALEURS
Les différentes méthodes d'évaluation, devant recourir à une recherche d'information
souvent coûteuse, ne peuvent pas toujours être mise en œuvre pour des contraintes de
temps ou de budget, par les décideurs publics. Ceci a conduit à l'utilisation d'un autre
type de méthode, qui consiste à utiliser une étude qui a été déjà menée ailleurs, à
condition que le contexte de l'étude à mener soit analogue à celui de I'étude qui sentira
de référence. Les paramètres de I'étude de référence seront ensuite adaptés au contexte à
étudier.
Par exemple le bénéfice récréatif estimé pour le réservoir Seine sera utilisé pour évaluer
le même type de bénéfice fourni par un barrage voisin.
La question est de savoir si on peut valablement utiliser des valeurs obtenues dans un
certain contexte, et les appliquer dans un autre contexte jugé relativement semblable au
premier ? Si la réponse est affirmative, à quelles conditions ce transfert est-il considéré
comme valable ?
5.2.1. Les différents types de transfert de valeurs
a ) l'estimation basée sur l'opinion d'experts
C'est une estimation rapide, et généralement grossière. Elle revient à utiliser une valeur
moyenne par type d'activité, par exemple récréative, par personne et par jour. Par
exemple l'administration américaine estime le bénéfice d'un usage récréatif d'un
barrage réservoir à 25 $ par personne et par jour. C'est une valeur moyenne estimée
d'après des experts à partir d'un ensemble de données existantes. La principale
objection qu'on peut formuler est que cette valeur ne tient pas compte des spécificités
des sites. Ce genre d'estimation "à la louche" pourrait-on dire, correspond généralement
à la fois à des contraintes de temps (le délai pour donner l'estimation est très court : ce
peut être le cas par exemple lors de transactions financières qui nécessitent une forte
réactivité de la part du demandeur de l'évaluation), et de budget.
b ) I'esfimafion basée sur le surplus individuel
Basée sur des consentements individuels à payer, le surplus individuel déterminé sur le
site d'origine est multiplié par la population concernée du site (( d'accueil ». Là aussi la
méthode est grossière, puisqu'elle ne tient pas compte des spécificités des sites
d'accueil (il est peu vraisemblable de tror~verdes sites identiques, avec les méines
si~bsfittrfs,
et les mêmes caracféristiqzressocio-écotzomiquesdes usagers).
Rapport BRGM R 40622
Le point sur i'6valuation economique des biens environnementaux
c ) l'estimation basée sur l'usage d'une fonction de demande
Cene méthode est basée sur le transfert d'une fonction de demande, et non plus
seulement sur un CAP moyen. Supposons que l'on transfère une fonction de demande
établie par la méthode des coûts de transport, et que le site déjà étudié soit similaire au
nouveau : on remplace alors les valeurs des variables indépendantes par celles
correspondant au nouveau site. Si on multiplie les coefficients estimés pour le site
d'origine par les valeurs du nouveau site, on peut espérer obtenir une évaluation
satisfaisante des bénéfices offerts par le nouveau site
5.2.2. Conditions d'un transfert correct des valeurs
Il serait idéal de connaître, pour le site d'origine (de référence) et le site d'accueil (sur
lequel on effectuera l'étude de transfert ) :
- la modification de l'actif naturel à valoriser ;
- les caractéristiques des ménages concernés (revenus, localisation, caractéristiques
socio-économiques) ;
- les caractéristiques du site et des activités qu'il permet ;
- le prix des activités sur des sites substituts ou sur le site lui-même.
Il suffirait alors d'appliquer le modèle défini pour le site d'origine aux données du site
d'accueil. La procédure se déroule ainsi :
- définir l'aire géographique concernée, c'est à dire les limites au-delà desquelles le
surplus du consommateur devient nul, ou encore la population concernée (cela
servira à définir le bénéfice total) ;
- substituer les nouvelles variables dans le modèle afin d'obtenir le nouveau surplus.
5.2.3. Les étapes
- Spécifier bien évidemment quelles valeurs on veut déterminer sur le site d'accueil
des données ;
- identifier des cas d'études similaires de référence ;
- procéder à l'examen des données disponibles sur les sites d'origine pour déterminer
dans quelle mesure elles sont transférables aux spécificités du site d'accueil :
l'actif valorisé doit être le même dans les deux cas,
la population concernée doit présenter les mêmes caractéristiques,
les droits de propriété existants sur les 2 sites doivent conclure au même choix
théorique de la mesure du surplus (CAR et CAP) ;
.
.
- éliminer les sites d'origine qui ne répondent pas à ces critères ;
64
Rapport BRGM R 40622
Le point sur YBvaluation Bconomique des biens environnementaux
-
évaluer la qualité des estimations effectuées après transfert : il s'agit d'analyser
l'étude de façon critique (choix du modèle théorique, procédure de collecte des
données, choix du traitement statistique, biais éventuels) ;
vraisemblablement les valeurs d'origine sont une estimation biaisée pour le site
d'accueil. Il est nécessaire de l'estimer : dans ce cas une attitude pragmatique peut
consister à évaluer le biais. Si ce biais paraît faible par rapport à la politique à mettre
en place, la valeur même biaisée pourra être retenue. Mais l'idéal est d'ajuster cette
valeur pour réduire le biais. Enfin il faut collecter un certain nombre de données sur
le nouveau site de manière à savoir quelles sont les variables-clés caractérisant les
individus affectés par le projet : elles permettront de déterminer la pertinence des
données d'origine et les corrections qui pourraient s'imposer pour rendre le transfert
légitime.
5.3. LA METHODE DES PRIX HEDONISTES (MPH)
La définition de la méthode des prix hédonistes (au sens large) est c l'analyse de la
formation des prix des biens différenciés définis par leurs caractéristiques ».
L'application environnementalezOde la méthode MPH s'appuie sur les comportements
des individus, observés sur des marchés de biens dont le prix est influencé par les
valeurs environnementales. La méthode repose donc sur l'idée que la qualité de
l'environnement intervient comme paramètre dans l'établissement (ettou la variation) de
ces prix.
On cherche à mettre en évidence une relation entre le prix des biens (ou la valeur des
salaires) et leurs attributs intrinsèques et environnementaux. Cette relation est appelée
fonction de prix (ou de salaire) hédoniste. La valeur de I'environnement dérivée de cette
fonction représente la disposition à payer marginale pour la variable environnementale
considérée.
Les économistes, dans le cas par exemple de l'analyse des variables entrant dans le prix
d'une propriété agricole, regroupent ces caractéristiques dans les catégories suivantes :
-
variables de propriété,
variables de voisinage,
variables d'accessibilité,
variables environnementales
Dans le cas de biens immobiliers, on fait l'hypothèse que l'augmentation du prix des
habitations avec la qualité de l'environnement traduit le consentement à payer (CAP)
pour bénéficier de I'amélioration environnementale. Parallèlement, les suppléments de
salaires observés dans les zones défavorisées d'un point de vue environnemental, ou
insalubres, ou présentant un risque refléteraient le consentement à recevoir (CAR) des
salariés pour compenser les pertes de bien-être.
Rapport BRGM R 40622
Le point sur I'évaluation économique des biens environnemenfaux
Un exemple d'application de la méthode des prix hédonistes : aux Etats-Unis, deux études
récentes" ont utilisé cette méthode pour évaluer la valeur implinte de l'eau d'irrigation comme
composante de la valeur des terres agricoles. Pour consmire la fonction du pris de la terre, Xu et al. ont
retenu dans leur étude 18 variables caractéristiquesdont 3 sensentà caractériser I'imgation :
-
la proportion de la surface totale irriguée par pivot,
la proportion de surface totale i m y é e par asperseur,
- la proportion de surface totale irriguée par eau*: de surface
Ils ont travaillé sur 905 tran!aclions de terres agricoles réalisées entre 1980 et 1987 dans six régions de
l'Eut de Washington, et y ont rassemblé les valeurs prises par ces 18 variables. Leur étude fait apparatme
une forte variabilité de la valeur marginale de l'imgation entre régions (de 505 a 2 037 $/ha). Ils ont aussi
constaté que cette valeur varie avec la technique d'irrigation employée : ainsi dans une des sis régions
cette valeur est de :
-
635 $nia pour l'irrigation par pivot,
572 Snia pour I'imgation par aspersew,
- 512 S/ha pour I'imgation parerius de suriace.
-
Mais Xu et al. ayant traité de façon globale la caractéristique «accessibilité à l'eau » et «système
d'irrigation », leur étude ne petmet pas de mettre en évidence la valeur implicite de l'eau en tani que
ressource nanirclle.
De ce point de vue, l'étude de Torell et al. est plus intéressante. Sur leur étude, qui concerne 7 200 ventes
de terres enlre 1976 et 1986, la nappe aquifere n'est pas accessible de la même manière en tout lieu et ne
présente pas une épaisseur homogène. La possibilité d'imguer a ainsi été caractérisée par 3 variables :
- l'épaisseur de la nappe,
- la profondeur de la nappe,
-
le coefficient de saturation.
Torell et al. ont ensuite estimé deux fonctions de pris hédonistes, une pour les terres non irriguées, et une
pour les terres imyées. L a différence entre ces deux fonctions pcnnet alors (toutes conditions éiant
égales par ailleurs) de calculer la valeur de l'eau. Les résultats de l'étude indiquent que la disponibilité cn
eau est une caractéristique imponante de la valeur de tems :une terre irrigable est ainsi en moyenne 1,48
fois plus chère qu'une terre non irrigable. Ce rapport varie selon les Ewts : il est très élevé dans le
Colorado ou le Nouveau Mexique (1,66), et plus faible au Nebraska (1,33), ce qui s'explique si l'on sait
que te revenu des cultures non irriguées au Colorado et au Nouveau Mexique est très aléatoire. Ils ont pu
déterminer que la plus-value des terres où l'accès à I'eau variait dans une fourchette de 300 à
2 200 francslheciarr et par an selon la région la nature de la ressource en eau (profondeur de la nappe) et
le taux d'actualisation utilisé par l'acheteur.
5.4. LA METHODE DES COUTS DE DEPLACEMENT (MCD)
C'est une illustration de l'exploitation de la relation de ((faible complémentarité » entre
une activité, généralement de nature récréative, et un actif naturel. La modification des
dépenses affectant l'usage de cette activité donne une information précieuse sur
l'évolution de la demande (indirecte) de l'actif naturel. Par exemple une
augmentation des frais de déplacement pour poursuivre une activité récréative (chasse,
pêche, baignade, promenade) renseignera sur la dégradation de la qualité de I'actif
naturel, puisque pour maintenir le niveau antérieur d 'utilité les individus devront
parcourir une distance plus grande.
" Xu, hlitielhammcr & B
66
d e y (1993). c1Torcll. Libbin et Miilcr(1990)
Rapport BRGM R 40622
Le point sur l'évaluafion économique des biens environnementaux
L'idée de déduire une disponibilité à payer à partir de l'observation des coûts de
déplacement a été suggérée pour la première fois aux Etats-Unis, et concernait l'activité
touristique dans des parcs nationaux22.Aux Etats-Unis cette méthode a été conseillée
depuis 1979 par le Water Resources Council, et il a récemment été identifié plus de 200
études de ce genre postérieures à 1980.
5.4.1. Les étapes de la méthode
L'objectif de la méthode est d'établir une demande de fréquentation pour le site à
étudier. Les étapes de l'étude sont les suivantes :
- on délimite des zones d'attraction (Figure 15) atrtozrr du site considéré (du plus
proche au plus éloigné) ;
- on procède à i'estimafio~~
de la courbe de demande de déplacements. Ceci se fait par
une régression reliant les trajets effectués par personne au coût du transport relatif à
chaque zone. Les variations observées dans les coûts d'accès peuvent s'interpréter
comme des formes de «péages » et les différences dans les taux de fréquentation
comme des réactions à ces « pseudo-péages ». L'hypothèse majeure de la méthode
réside dans ce qu'on suppose que les individus de différentes zones visiteraient au
même taux s'ils étaient confrontés aux mêmes coûts d'accès ;
- on établit une fonction de demande agrégée (Figure 18), indiqrranf le nombre de
voyages (et do~zclafféquentatio~tdu site) pour dr$fiérenfsprix.Si l'on suppose que le
site n'a pas de péage réel, le premier point de la courbe correspondra à un péage par
exemple nul, et à un niveau de fréquentation donné. Les taux de visite par tête sont
multipliés par la population de la zone, et l'on somme ces résultats pour toutes les
zones.
On peut se satisfaire très sommairement de la seule identification du lieu de domicile
d'un échantillon de visiteurs. On peut aussi l'enrichir en introduisant pour chaque zone
d'origine des informations d'ordre socio-économique susceptibles de caractériser la
fréquentation qui en est issue.
Dans les faits, la méthode se révèle plus difficile qu'il n'y paraît a appliquer : en effet les
visiteurs ne se déplacent pas toujours pour un seul site, et des corrections parfois très
importantes sont à effectuer sur les coûts de déplacements observés.
5.4.2. Un exemple d'application de la méthode des coûts de transport
Imaginons un site protégé dont on chenhe à connaître la valeur annuelie comme site récréatif (cf. figure
15). Ce silc est fréquenté par des individus issus de trois zones géognphiques A, B, et C, classées par
ordre de distance moyenne au site.
La frujuentation totale annuelle est de 27 000 visites. Une absetvation systématique des enwies montre
que le site accueille respectivement 5000, 12 000 el 10 000 individus venus des zones A, B, et C.
"Hotellin& 1947
Rapport BRGM R 40622
Le point sur l'évaluation trconomique des biens environnementaux
Les renseignements nécessaires au &cul du surplus collectif figurent au Tableau 16 suivant.
A partir du chiire de population permanente et du nombre de visites originaires d'une zone donnée, on
calcule pour cliaque zone un taux de visite.
Il est ensuite possible de îirer une relation entre coût par visite et taux de visite (Figure 17) On utilisera
cctte relation pour prédw les taux de fréquentation lorsque l'on fera varier systématiquement les coûts
d'accès.
1
Figure 16: zoner "d'oinaction" du sile
h'ornbre de visite
Zone
Population
Pennsnrnte
Cou1 parvisltc
A
10 WO
1
50W
0.5
B
40 O00
3
12 000
300
C
1WOW
5
10 000
IO0
Tableau 17
Taux d e visite
(pour 1000 hubiIanls)
- informations sur le taux defréquenfaiion du sicc
Si les individus de la zone A qui étaient confrontés a un taux d'accès de 1 voient ce coût passer à 2, on
suppose qu'ils fréquenteront dans la même proportion que les individus d'une zone qui auraient un coût de
transport de 2.
L'examen du graphique nous indique que ce taux estimé est de 4 0 0 / 1 0 0 0 ~ ~On
. en déduit une
fréquentation totale des individus de la zone A de 10 000f(400/1 000) = 4000. Ainsi une hausse d'une
unité du coût d'accès se traduit par une baisse de fréquentation de 1000 visites.
Pour les individus de ia zone B, cette même hausse (de 3 à 4) se traduit par un taux de fmluentation de
200i1000, soit une fréquentation de 8 000 visiteun, et donc une baise de 4 000 visites. On procède de la
même manière pour la population de la zone C. On trace ainsi le graphique 18 suivant :
Rapport BRGM R 40622
Le point sur l'évaluation économique des biens environnementaux
O
100
200
300 400 500 600 700
Toux de visire
Figure 18- Evaluation du taux defréquentation enfondion de son coût
La mise en relation du coût additionnel et du niveau total de fréquentation nous donne une véritable
fonction de demande (Figure 19). Le surplus peut ensuite Etre calculé sur Ie gnphique par la méthode des
trapèzes. On vérifiera que la surface sous la courbe est d'environ 35 000 unités.
-
Figure 19 Représentation de la courbe de demande de visiîes
5.5. LA METHODE D'ESTIMATION DES COUTS DE PROTECTION
Ici est exploitée la relation de parfaite substitualité qui existe entre un bien i (activité de
nettoyage, ou de p~tri@catiotzd'eau par exemple) et la qualité d'un actif naturel.
L'augmentation des dépenses de protection est un indicateur précieux du consentement à
payer des individus pour maintenir constant leur niveau d'utilité, lorsque la qualité de
i'actif naturel se dégrade. Cette méthode concerne aussi bien les activités de production
(ide~zttifiationde la variation du sttrplzrs d ~ tproducteur) que de consommation
(variation du surplits du cot~son~tnaleztr).
Puisqu'une grande partie des effets négatifs supportés par les individus du fait de la
dégradation de la qualité de l'environnement peut être compensée par des mesures de
protection, qui présentent un coût pour celui qui les met en œuvre, on tentera de trouver
une corrélation entre les variations de dépenses de « nettoyage)) et fa variation de
qualité de l'environnement. On voit donc ici que le principe de «faible
complémentarité » s'applique bien.
Rapport BRGM R 40622
69
Le point sur i'évaluation économique des biens environnementaux
Pour ce faire, certains auteurs ont pris comme terrain d'application la lutte contre la
pollution de l'airz3.Certains ménages, par exemple, pour lutter contre une diminution de
qualité de leur environnement vont accepter d'augmenter leurs dépenses de nettoyage,
installer des climatiseurs et des purificateurs d'air, etc.
On mesurera dans ce cas «variation équivalente du surplus D
de ces ménages, qui mesure la somme minimale prélevée sur
leur budget pour maintenir leur bien-être à un niveau équivalent
à une meilleure situation, ici antérieure.
Un exemple de la methode d'estimation des coûts de protection : d'autres auteurs ont appli ué
cette méthode, dans l'exemple qui suit, a l'évaluation du coût de la contamination des eaux: souterraines9 4 ..
ils ont estimé les depenses de protection des ménages du comté de Pcrkasie (Pennsylvanie)
confrontés au problème de la pollution de la nappe phréatique. Dans ce cas précis, fin 1987 on
détecte la présence de trichloréthylène dans un des forages du comté. au taux: de 35 ppb, alors que la
nonne maximale admissible e n de 5 ppb. Comme aucune solution n'est trouvée, le département de la
santé enjoint au comté de prévenir les consommateurs de la présence du polluant En décembre 1989 la
situation reste inchangée. Un questionnaire est alors envoyé à 1773 ménages pour estimer les dépenses de
protection qu'ils ont prises, ainsi que le temps consacré à ces dépenses. On demande également aux
individus quelle est leur perception de risque de cancer. Le iaw de réponse est de 46,9 % Seulement
43.25 %des réponses montrérent une sensibilité au problème de contamination. Parmi ces demiers, moins
de la moitié (43,7 %) ont pris des mcsureç pour se protéger de la pollution après qu'ils en aient été avertis.
Les différentes aciions préventives ont consisté en l'achat d'eau en bouteille, l'insiailation de systèmes
individuels de mitement d'eau, ou le fait de faire bouillir l'eau
Comme on peut considérer que l'achat des purificateurs d'eau procure des bénéfices qui dépassent c e w
associés à la seule protection contre la contamination décelée en trichioréthylcne, seulement une partie de
cette dépense çpécique a été prise en compte.
Le coût de ces actions a été calculé pour l'échantillon, puis étendu à la population du comté. En prenant
en compte le temps perdu pour eff&tuer ces dépenses; le coût total ;e
décembre 1987 et septembre
1989 se situe enire 13 1 000 $ a 61 000 $ (selon la base choisie du coût horaire du i a w de salaire minimal
de chaque personne enquêtée), ce qui représente un accroissement de la dépense Iiebdomadaire des
ménages de l'ordre de 0,4 $. A l'aide d'un modèle de type logit, les auteurs ont pu déterminer que la
décision d'engagement d'une dépense de protection parcette population était fonction dans ce cas de :
- l'information donnée sur les dangers du tridtlodthylène ;
-
l'importance du risque de cancer attribué à la présence de ce polluant ;
la présence d'enfants de 3 à 17 ans dans la famillc.
Courant & Paner (1981).Bartik (1988). Watson & Jalrsh (1982),
" C. Abdalla, B.Roa & D.Epp (1992)
Rapporf BRGM R 40622
Le point sur l'évaluation Bconomique des biens environnementaux
6. Les conflits d'usage et la négociation
Les ressources naturelles, partagées par différents utilisateurs pour les fonctions
diverses qu'elles assurent, sont généralement l'objet de conflits d'usage. Un des cas les
plus patents dans le domaine de I'eau est représenté par les zones humides et
l'environnement des cours d'eau. Pour ne citer que quelques-unes unes des utilisations
les plus courantes de l'eau dans ce type de milieu, on peut distinguer les activités
« rivales » suivantes :
- zones d'exploitation de gravières,
- périmètres de protection de captage d'AEP,
- exploitation des eaux de surface pour l'irrigation,
-
zones de pêche,
- zones de loisirs,
- zones de flore et de faune protégées.
Un autre exemple d'activités rivales peut aussi concerner un aquifère, dont les usages
seraient :
- l'alimentation en eau pour les besoins humains,
- celle qui concerne les besoins agricoles et industriels,
-
les impacts d'exploitation minière sur la qualité de I'aquifère,
- le réseau routier qui peut entraîner des risques sur la qualité de I'aquifère,
-
l'utilisation de I'eau dans le domaine de la santé (eaux thermales ou minérales),
la contribution de l'aquifère à l'alimentation de lagunes littorales, permettant le
développement de faune et de flore à valeur commerciale ou de préservation.
Il se démontre cependant souvent que ces conflits (potentiels ou avérés) peuvent avoir
des avantages :
-
ils permettent de mieux cerner les différents impacts sur la qualité finale de la
ressource ;
ils obligent les différents utilisateurs à trouver des compromis pour la préservation de
leurs intérêts mutuels.
Cela ne signifie pas que la résolution des conflits soit chose simple. Elle exige que
chacun des protagonistes reçoive une information préalable sur les dangers que
comportent certains usages de la ressource, et que tous ressentent un réel intérêt à la
résolution des conflits. Ce genre de situation passe souvent par la définition d'un cadre
de négociation (association par exemple), et par l'acceptation d'un médiateur chargé de
faire s'exprimer les points de vue protagonistes, pour déboucher sur un consensus
acceptable par tous. Les « SAGE » qui se mettent progressivement en place doivent être
le lieu de telles négociations.
Rapport BRGM R 40622
77
Le point s u r l'Bvaluafion Bconornique des biens environnementaux
7. Conclusions et recommandations
Les méthodes qui ont été présentées sont très diverses à la fois dans leur logique, leurs
modalités de mise en œuvre et leurs domaines d'application. A l'évidence, les données
disponibles détermineront le choix des méthodes utilisables, mais les deux
recommandations suivantes seront toujours valables :
-
Rechercher chaque fois que ce sera possible une estimation des bénéfices (ou des
pertes), en utilisant simultanément deux des méthodes : la fiabilité des résultats s'en
trouvera renforcée.
- Définir un certain nombre de règles sur les modalités de calcul
Pour illustrer cette seconde recommandation, nous proposerons l'exemple suivant
(Figure 20), qui rend bien compte de la nécessité d'une normalisation des procédures.
Etat du Colorado contre Eagle Mine I n c
Le cas exposé26concerne l'exploitation d'une mine aux Etats-Unis dans 1'Etat du Colorado. Le plaignant
(I'Etat du Colorado) reproche à la compagnie Eagle Mine le rejet de diverses substances dangereuses dans
la rivière Eagle sur le domaine public la bordant.
Ces pollutions esultent principalement de l'évacuation de stériles. Il en résulte une baisse en quantité et
en qualiié des services rendus à la rivière. Selon I'Etat du Colorado les pertes de senrices ont m i t à :
- la possibilité de pêche, canotage. randonnée et camping,
- la valeur esthétique indiquant une baisse de valeur des propriétés riveraines,
- la contamination d'une source d'approvisionnement en eau potable.
Sur cette base, llEtat du Colorado et Eagle Mine ont présenté leurs propres évaluations du dommage
Le Tableau suivant donne une synthèse des résultats : on voit que les dommages estimés varient dans une
proponion de 1 à 200 selon l'estimation de cliacune des parues
En fait on s'aperçoit que ce ne sont pas tant les techniques de calcul utilisées qui sont incriminables, que
tout ce qui constitue le « référentiel »des études menées :
-
On voit qu'un premier point concerne la période de réfirence des domniages. A quelle date ont-ils
débuté 7 Faut-il considérer les dommages passés, ou seulement ceux qui subsisteront pour l'avenir ?
L'Etat du Colorado a comptabilisé les dommages passés (mais à partir de quand ?), tandis qu'Eagle
Mine ne prend en compte que le futur.
Le deuxième point est relatifaux substituts : si la rivière se révèle impropre à la pêche, faut-il calculer
la perte sur la base du nombre de jours de pêche perdus, ou sur la base du coût supplémentaire pour se
rendre sur d'autres sites non pollués propres à la pêche ? De même, si I'alimeniation en eau est
compromise, la filtration de l'eau et la consommation d'eau en bouteille constitue-t-elle des substituts
acceptables ? Ne vaudrait-il pas mieux tenter de chifire des procédk que la mine devrait mettre en
œuvre pour iimiter la pollution et rendre i'eau consommable ?
'6 Brigitte
-
DESAIGUES d Pah& PONT Economie du Palrimoine naturel - Callcciion Economica
Rapporf BRGM R 40622
Le point s u r l'6valuation économique des biens environnementaux
- Le troisrènze point sur lequel apporemnzent les deux evoluotians dtrere concerne l'extension du
marché, c'est à dire la population concernée par les dommages. Une même pollution peut a6ecter des
clientèles différentes : si la rivière Eagle était une rivière à pèche, les pêcheurs ne sont pas les seuls à
avoir subi un préjudice ;on peut très bien penser que des amateurs de la nature y aient également
perdu. Cela pose la question de I'exTension gbgraphique (et donc du nombre total d'individus) de la
population prise en compte (en gros 1 000 individus pris en compte par Eagle Mine, contre plus d'un
million de ménages pour 1'Etat du Colorado concernant les loisirs non aquatiques, relevant
probablement de préjudice lié à lavalcur d'existence de l'actif).
-
Enfin certains paramètres n'entrent par dans dtocune des évoluafions. Pour n'en citer q u ' w la
dépréciation du foncier subi par les riverains, évaluée d'ordinaire par la métiiode des prix hédonistes,
n'a fait l'objet d'aucune évaluation par Eagle Mine.
Estimation des dommages par I'Etat du Colorado
Méthodes
Dommages futurs
Dommages passés
(en 1000 S)
(en 1 000 S)
Evoluaiion confingente
Comté d'Eagle
(6 000 ménages)
4 900
9 O00
Etat du Colorado
(12 million ménnges)
15 000
Valeur d'usage
41 800
30 000
Valeur de non-usage
12 200
'Evaiuaiion h&&e
Total
62 100
50 800
Evaluation des dommages par la compagnie Eagle hline
Méthodes
Valeurs unitaires
Nombre d'unités retenu
Total des dommages
(en 1000 S)
*
13 900
*
*hféîhodeda coûis de
déplicpmenf
Loisirs aquatiques
Loisirs non aquetiques
1,354 Slj
0,SS $11
56 800
30 O00
12'200
112 900
Dommages futurs
(en 1000 S)
142j/an
1000 individus
78
104
*RonplacmlelIl da
senices
Filiration &l'eau
municipale
Puits privé
Total
7 500 $/an
47
720 $/an
14
243
-
Figure 20 Evsnpie d'estiination contrarlidoire de dommagd7Eagle Mine Co. contre Etai du Colorado.
"Adapté & 1. Ropp et V.K Smith 1989
74
Rapport BRGM R 40622
Le point sur /'évaluafion économique des biens environnemenfaux
Lc diagramme 21 suivant exprime les obstacles auxquels se heurtent de telles évaluations, et donnent des
indicaiions sur les précautions dont doit s'entourer l'évaluateur :
OBSTACLES PSYCItOLOGIQUES
1
OBSTACLESJURIDIQUES
Refus d'unc monéluisalion de la naluce
Non prise m compte de CES rnétl~odespar l s l r i b u ~ u x
Pas d 'obligation de calcul tconomique élargi
Etudes d 'impact purcmml physiques
Solution :
le innsfcrt des 'alsurs
OBSTACLES PRATIQUES
CoBi dc mise en wuwe
4.
I
.....
la normalisalion
initiaux (CAP,CAR)
OBSTACLES TkfEORiQUES
Valcuitaule c (valeur d'usage + valeur d 'cxiaençe)
Figure 21 :Probléntatique des métilodes d'évaluation
Les manuels d'économie présentent la valeur économique totale comme la somme de la
valeur d'existence et des différentes valeurs d'usage.
En fait on s'aperçoit que la somme des valeurs obtenues de façon indépendante est
différente de la valeur économique totale révélée par un exercice d'évaluation
contingente. Plus le nombre de composantes est élevé, plus l'erreur d'estimation devient
importante dans le sens d'une surestimation. En effet, la valeur d'existence calculée ne
peut-elle inclure quelques éléments de valeurs d'usage ? Les économistes doivent faire
preuve de prudence pour ne pas tomber dans le risque principal de ce type d'évaluation :
la double comptabilisation des dommages (ou des bénéfices).
L'expérience montre qu'il n'est pas toujours aisé, même pour les économistes de
l'environnement et les chercheurs, de retrouver les documents de base sur des études de
ce genre faites par leurs prédécesseurs, avec pour objectif d'affiner la théorie et les
conditions d'applicabilité des méthodes d'évaluation qui viennent d'être citées.
Rapporf BRGM R 40622
75
Le point sur /'évaluafion 6conomique des biens envimnnemenfaux
Ceci est dû à ce que l'essentiel de ces études provient de laboratoires et de chercheurs
spécialisés et dispersés. Toujours dans le même but, un des principaux obstacles
rencontrés est la relative pauvreté des données de base (publiées) qui ont servi à faire
ces travaux.
La tendance actuelle est fort heureusement d'indiquer dans les études à la fois les
sources des données et les méthodes de traitement économétriques qui ont permis
d'arriver aux publications. Un peu partout les chercheurs s'organisent pour former des
thesaurus utilisables par tous. Ceci va dans le sens d'une autocritique et d'une
transparence constmctive des travaux des économistes et d'une amélioration de la
fiabilité des méthodes.
La nécessité d'aménager encore ces méthodes, de les améliorer et de renforcer leurs
théories ne doit pas conduire à les discréditer, car elles s'avèrent indispensables pour
gérer le patrimoine naturel. Pour des raisons d'éthique, il existe des courants opposés au
principe de la monétarisation des actifs naturels, mais on peut craindre que si ce genre
de position dogmatique l'emportait un jour, l'absence de « signal prix » pour les biens
environnementaux ne conduisent les acteurs économiques à considérer que les services
rendus par le milieu naturel ont une valeur nulle.
D'une certaine manière, la mise au point de ces méthodes est liée à l'incertitude
scientifique sur la valeur réelle, actuelle ou future, de composantes de notre milieu
naturel, et sur ce qu'on appelle le «principe de précaution » ou « principe de
prudence » lié à cette incertitude. Autrement dit « ilpeut être justifié, orr impératg de
limifer, encadrer ou empêcher certaines actioils poientiellenzent darzgerezrses sans
attendre que ce danger soit scietztijïqtrement établi de façon certaine
Suivant ce
principe, les risques importants de dommages encourus par la biosphère, parfois
irréversibles, devraient inciter les instances décisionnelles à concevoir un
développement durable et prudent ex-ante, plutôt que d'apporter des mesures de
correction et de restauration décidées ex-post.
11 demeure néanmoins que la tendance actuelle entraîne les pouvoirs publics à mettre en
œuvre des programmes de protection de l'environnement de plus en plus importants, à
mesure que la pression humaine s'accroît sur notre milieu naturel : il convient donc de
pouvoir comparer les coûts de ces mesures de protection et de réhabilitation aux
bénéfices qu'en tire la société entière. Lorsqu'un acteur économique ou un individu
particulier génère par son activité un dommage écologique, il est également important
que sa responsabilité soit impliquée en proportion : il convient donc que le calcul du
dommage soit un reflet convenable de la perte subie par la collectivité.
Cf lournéci & Passocialion %nurcr.Scicnar.SociCIC~. Dialoycr', conuiricr au i h h c 'le principe de prlc=uiion b u i s la
mnduiic der affairer humaincr : rcirriccr. achniquer el paliiiquer". 14-15 dircmbrc 1994. ORSTOZI. Puis.
76
Rapport BRGM R 40622
Le point sur /'évaluation economique des biens environnementaux
8. Bibliographie consultée
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Rapport BRGM R 40622
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Le point sur I'évaluafion économique des biens environnementaux
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78
Rapport ERGM R 40622
Le point sur I'6valuation économipue des biens environnementaux
8.2. OUVRAGES ET PUBLICATIONS ANONYMES
-
Revue Française de Géoéconomie (1997-98) De Peau pour demain. Stratégies, conflits
et coopération. CollectionEconomica no 4.
Ministère de l'Environnement (1996)
Collection Economica, (249 p).
-
Données économiques de l'Environnement.
Groupe interministériel d'évaluation de l'environnement (1975) - Méthodologie et
théorie économique de l'environnement. La Documentation Française (120 p).
Cahiers fiançais no 250 (1991)
DoctrmenfationFrançaise.
-
Environnement et gestion de la planète. La
World Bank, Environment Department (1998) - Econornic analysis and environmental
assessment. Source Book Update no 23.
Rapporf BRGM R 40622
Le point sur i'6valuafion économique des biens environnementaux
9. Annexe
Bénéfices offerts par les zones humides
Si les zones humides sont parmi les écosystèmes les plus productifs de la terre, c'est en
raison des interactions complexes entre l'eau, les sols, les micro-organismes, les plantes
et les animaux. L'homme peut exploiter ces éléments directement sous forme de
produits, ou en bénéficier indirectement par les fonctions que cet écosystème assure.
L'homme peut aussi en apprécier simplement l'existence dès lors que ces systèmes font
partie de son patrimoine environnemental et parfois culturel, même s'il ne les utilise pas
directement. Il peut aussi vouloir les préserver de manière à se permettre de les exploiter
plus tard pour des utilisations encore non identifiées.
9.1. LES PRODUITS A USAGE DIRECT
Ils concernent les produits qu'offrent les zones humides, qu'ils soient commercialisables
ou qu'ils présentent une valeur directement utilisable par les populations riveraines,
même non commercialisées.
9.1.1. Bois d'œuvre, bois de feu et produits des arbres
Dans certaines parties du monde, les zones humides fournissent un apport vital de bois
d'œuvre pour la construction et de bois de feu, ainsi que d'autres produits tirés des arbres
tels que des substances médicinales.
Le long de la côte pacifique du Nicaragua, les mangroves fournissent du bois d'œuvre,
du bois de feu du charbon de bois et de l'écorce dont on extrait des tanins. Les forêts
humides de Melaleuca, au Viet-Nam et en Thaïlande, fournissent une vaste gamme de
produits, notamment des substances médicinales qui sont utilisées localement. Dans la
réserve forestière de Matang, en Malaisie, 40 000 hectares de mangroves fournissent
chaque année du bois d'œuvre d'une valeur de 9 millions de dollars US.
9.1.2. Cultures, faune et flore
Le delta de I'Okavango, au Botswana, est une des régions les plus riches au monde pour
la faune et la flore sauvages : communautés de plantes diverses et nombreuses espèces
de macro et micro-invertébrés, d'herbivores et d'oiseaux dont l'existence dépend des
crues annuelles. Le delta sert en particulier d'habitat à plus de 15 espèces d'antilopes. De
la même manière, les plaines d'inondation du Zambèze, et notamment les plaines de la
Kafue et de la Luena, entretiennent une très grandes diversité d'organismes propres aux
zones humides : plus de 4500 espèces de plantes supérieures (en particulier des
fougères, des graminées et des orchidées) et plus de 400 espèces d'oiseaux. Le milieu
aquatique est lui aussi très divers avec 120 espèces recensées de poissons. Les plaines
d'inondation de l'Afrique sahélienne sont tout aussi importantes pour les espèces
sauvages (Delta du Niger au confluent du Bani au Mali, cuvette du lac Tchad.
Rapport BRGM R 40622
81
Le point sur I'Bvaluation Bconomique des biens environnementaux
L'inondation annuelle des zones humides dRadejia-Nguru, au Nigéria, fait de cette
région un site d'importance internationale pour les oiseaux avec plus de 265 espèces
résidentes ou migratrices.
Les deux tiers des poissons que nous consommons sont tributaires de l'existence des
zones humides a un moment de leur vie. De nombreuses espèces de poissons
comestibles se reproduisent exclusivement dans les plaines d'inondation couvertes par
l'eau des crues : on estime ainsi que l'on pêche plus de 100 000 tonnes de poisson par an
dans le seul Delta intérieur du Niger.
En Mauritanie, le parc National du Banc d'Arguin, qui est la plus vaste zone cotidale
d'Afrique, joue un rôle critique pour le maintien de la pêche en mer, qui a atteint en
1980 un volume de 77 000 tonnes et rapporté 34 millions de $ US à l'économie
mauritanienne.
Plus près de nous, l'étang de Biguglia en Corse est un lieu de reproduction pour de
nombreuses espèces d'oiseaux migrateurs, mais aussi de poissons, et comprend de
nombreuses espèces de flore rare en danger de disparition.
9.1.3. Tourisme et c h a s s e
Dans de nombreuses zones humides, le tourisme joue un rôle économique de premier
pian. Chaque année près d'un million de personnes visitent le parc National des
Everglades en Floride et plusieurs centaines se rendent sur les sites du delta de
I'Okavango et du Lac Kariba, en Afnque australe. On estime par exemple que les
visiteurs du Parc National de Morrocoy au Vénézuela dépensent plus de 7 millions de
dollars US par an. Le revenu annuel procuré par les activités de tourisme dans les
marais de Caroni, a la Trinité et Tobago est de 2 millions de $ US.
Certaines de ces zones permettent l'activité de chasse, qui peut rapporter des revenus par
la vente de permis ou de viande de chasse
9.1.4. Cultures et agriculture
En France, les marais de la Grande Brière et de Camargue sont exploitées pour leurs
roselleries, dont on utilise le chaume pour la fabrication de toitures traditionnelles.
En d'autres lieux, i'inondation périodique des zones humides permet, notamment en
zone aride, la subsistance d'une agriculture adaptée au rythme des crues annuelles : c'est
le cas par exemple du Delta intérieur du Niger où les crues permettent la culture du riz
et où certaines espèces de riz sont adaptées a de fortes amplitudes de crues. Dans le
delta intérieur du Niger, les crues permettent également la croissance du bourgou,
alimentation essentielle des bovins.
Rapport BRGM R 40622
Le point sur /'évaluation économique des biens environnementaux
En Mongolie intérieure dans la région de Kelqin, l'élevage constitue 49 % de l'économie
locale, et les marges des grandes zones humides fournissent des terres dans un
environnement semi-aride, permettant la récolte de fourrages pour les cheptels de
chevaux, bovidés et ovidés.
9.1.5. Tourbe
En climat tempéré ou tropical et sur sols acides, de nombreuses zones humides donnent
lieu au développement de végétaux qui produisent de la tourbe. Celle-ci est parfois une
source importante de combustible. Dans les pays industrialisés, elle fait aussi l'objet
d'une demande très forte pour des activités de jardinage, qui peut aller jusqu'à mettre en
danger I'existence même de ces zones par une exploitation trop importante.
9.1.6. Utilisation de I'eau
Les lacs, étangs, rivières, zones humides au sens de la définition de Ramsar, contiennent
des eaux de surface auxquelles on peut facilement accéder et que l'on peut utiliser
directement, pour des usages domestiques, agricoles (irrigation, bétail) ou industriel.
9.1.7. Transport et Loisirs
De nombreuses communautés humaines ont prospéré près, ou même à l'intérieur, de
zones humides et utilisent I'eau comme voies de transport. Sur le lac Titicaca, des
communautés vivent ainsi sur des îles flottantes faites de lits de roseaux et se déplacent
exclusivement en pirogues. Le long de la côte pacifique du Nicaragua, les chenaux
intérieurs des mangroves sont les seules voies de communication reliant les lieux de
peuplement.
Dans nos sociétés industriellement plus développées, les canaux et les voies navigables
illustrent la création de zones humides artificielles ou l'aménagement de voies naturelles
destinées au transport.
Ces espaces permettent également le développement d'activités de loisirs. Aux EtatsUnis, de nombreuses études portant sur I'évaluation économique de rivières prennent en
compte la possibilité d'y exercer ce sport particulier qu'est le rafting. Cette possibilité
entre pour une part importante dans la valorisation monétaire de ce type d'actif naturel,
comme entre d'ailleurs en ligne de compte l'impact d'activités polluantes (minières par
exemple) sur ce sport comme préjudice subi par le tourisme local.
9.2. LES USAGES INDIRECTS
Ces usages indirects concernent les services que rendent les zones humides, sans qu'il y
ait à proprement parler consommation. Ils correspondent à des fonctions qu'assurent ces
hydrosystèmes.
Rapport BRGM R 40622
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Le point sur l'évaluafion économique des biens environnementaux
9.2.1. Maîtrise des crues
Certaines zones humides stockent de grandes quantités d'eau durant les crues, réduisant
ainsi la crête de la crue et le risque d'inondations en aval. Elles permettent aussi d'étaler
dans le temps la décrue en aval, ce qui peut être intéressant en particulier en zone semiaride.
Au Massachusetts, sur le fleuve Charles, la conservation de 3800 hectares de zones
humides le long du cours d'eau principal assure un stockage naturel des eaux de crues.
On estime que si ces zones humides avaient été détruites par assèchement,
l'augmentation des dommages dus aux crues aurait coûté 17 millions de $ US chaque
année.
9.2.2. Protection du littoral contre les tempêtes
Les tempêtes qui touchent les zones côtières sont responsables de graves inondations
dans bien des pays du monde, des Pays Bas au Bangladesh. Les zones humides côtières,
et en particulier les mangroves, aident à dissiper la force du vent et l'action des vagues
et en atténuent les dommages.
Le delta de l'Indus et ses forêts de mangroves contribuent à protéger la côte, ainsi que le
deuxième port du Pakistan, Port Qasim, contre la mousson de sud-ouest, évitant ainsi un
dragage coûteux. En novembre 1993, un cyclone a frappé la côte à Keti Bunder, une
zone dépourvue de mangroves, qui a subi d'importants dommages. En revanche Shah
Bunder protégé par sa forêt de mangroves n'a pas été affecté par le cyclone.
9.2.3. Rétention des sédiments et d e s polluants
Les sédiments des fleuves et des rivières contiennent souvent des éléments polluants. Le
ralentissement des cours d'eau lors de leurs traversées de zones humides entraîne une
sédimentation, d'autant plus forte que la végétation aquatique de ces zones est
importante. Les polluants, dont les métaux lourds, sont piégés par les sédiments, et ce
phénomène contribue à l'amélioration de la qualité de I'eau.
-
En Malaisie existe dans la zone de North Selangor 75 000 hectares de forêts
marécageuses sur tourbières, qui bordent un des plus grands périmètres rizicoles du
pays. Depuis quelques années on y défriche la forêt pour étendre l'agriculture et pour
permettre une meilleure exploitation de I'étain. Ces nouvelles pratiques ont pour effet de
diminuer I'effet tampon des zones humides, d'augmenter I'érosion, et de remettre en
suspension d'importantes masses de sédiments qui contiennent de l'étain. On estime que
tout nouveau défrichement entraînerait de graves problèmes pour maintenir la qualité de
I'eau à un niveau compatible avec l'activité rizicole développée en aval.
Rapport BRGM R 40622
Le point sur l'évaluation économique des biens environnementaux
9.2.4. Rétention des nutrients
Les zones humides sont des espaces où certains éléments, comme l'azote ou le
phosphore, sont accumulés dans les sédiments et v subissent des transformations. Ces
phénomènes permettent d'éviter l'eutrophisation de ce étendues aquatiques, les nitrates
pouvant être retransformes en azote gazeux et retournant à l'atmosphère.
En Ouganda, la National Sewerage and Water Corporation soutient la conservation des
marécages à papyrus près de Kampala, en raison de leur rôle dans l'absorption des
nutrients et l'épuration des eaux usées. Ces marécages offient ainsi une solution de
remplacement avantageuse au traitement industriel des effiuents.
9.2.5. Influence s u r le climat
Certaines zones humides, en raison de leur superficie, peuvent jouer un rôle climatique
local. Ainsi, dans les vallées du sud-ouest de l'Ouganda, les effets d'une diminution des
zones humides sur le micro-climat local fut un facteur important dans la décision
d'interdire dès 1986 le drainage des zones humides.
9.3. LES VALEURS D'OPTION
Elles correspondent à des usages que I'on pourrait faire des zones humides, ou à des
produits que I'on pourrait tirer dans l'avenir de l'exploitation de telles zones.
Se basant sur la constatation de recherches actuelles sur les végétaux, il est ainsi
légitime d'espérer pouvoir trouver dans la végétation de ces espaces de nouveaux
produits médicamentaux, des gènes qui pourraient être utilisés en génie génétique, ou
encore des constituants tirés de végétaux pouvant avoir des applications technologiques.
9.4. LES VALEURS D'EXISTENCE
Ce type de valeurs peut se résumer en ce que les zones humides constituent un
patrimoine, dont il est possible d'apprécier le caractère esthétique, et qu'il nous semble
important de pouvoir transmettre à nos héritiers.
Pour d'autres communautés, au delà des ressources économiques ou de subsistance que
ces zones humides leur apportent, peut exister une importance que I'on peut qualifier de
spirituelle. Dans ce cas le milieu est indissociable de leur mode de vie : certaines ethnies
Arabes, dans le sud de l'Iraq, vivent depuis des siècles sur des îles artificielles
construites a la confluence du Tigre et de l'Euphrate. Ils utilisent les caractéristiques de
ces espaces pour se prémunir de leurs ennemis, pour construire leurs bateaux et leurs
maisons, et leurs traditions reflètent l'existence de liens spirituels très forts avec le
milieu naturel qu'ils occupent.
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