La face sombre de l'économie numérique Problèmes économiques n° 3062 La Documentation française LE SOMMAIRE Quand les firmes du Net échappent à l’impôt The New York Times Charles Duhigg et David Kocieniewski Les grandes entreprises américaines du Web, grâce à des techniques d’optimisation fiscale reposant sur des montages financiers complexes, ne paient que très peu d’impôt. Les cas emblématiques d’Apple, de Google ou d’Amazon ont révélé l’inadaptation des systèmes fiscaux aux États-Unis comme en Europe. L’essence même de l’économie numérique qui réside dans la dématérialisation du service est en fait la clé du problème. L’accroissement des débits dans les télécommunications, permettant de rendre à distance un service de façon connectée, et l’explosion du logiciel, qui concentre l’essentiel de la valeur ajoutée, permet aux géants du Web d’échapper de plus en plus facilement à la TVA, en localisant la facturation du service dans un paradis fiscal, mais aussi de se soustraire à l’impôt sur les sociétés en localisant l’activité hors du pays où a réellement lieu l’activité économique. La régulation de l’économie numérique est désormais urgente. Celle-ci passe notamment par une refondation de la fiscalité de ce secteur d’activité qui génère aujourd’hui une richesse considérable. Apple vs Samsung : bataille autour des brevets L’Usine nouvelle Christian Nguyen Van Yen Depuis plusieurs années, l’américain Apple et le coréen Samsung se livrent une guerre sans merci devant les tribunaux de nombreux pays sur la question des brevets exploités pour le bon fonctionnement de leurs appareils de téléphonie mobile. En septembre 2012, Samsung a été condamné par un tribunal californien à verser la somme de 1 milliard de dollars à son concurrent pour la contrefaçon d’un certain nombre de brevets américains. Le contentieux juridique entre les deux mastodontes sur fond de guerre commerciale n’est pas encore terminé mais il restera à coup sûr comme un des affrontements les plus spectaculaires de l’histoire. L’un des enjeux fondamentaux de cette bataille est de parvenir à trouver un juste équilibre entre concurrence et protection des intérêts des innovateurs. Le livre connaîtra-t-il le même sort que la musique ? Réalités industrielles Laurence Franceschini L’industrie musicale a été au cours de la dernière décennie frappée de plein fouet par la révolution numérique. La forte diminution en quelques années des petits disquaires indépendants et l’incertitude pesant sur l’avenir des grandes chaînes de distribution, en raison de l’effondrement de la vente des supports physiques de musique enregistrée, ou les pratiques de la « piraterie » sur l’Internet en sont sans doute l’illustration la plus spectaculaire. L’édition littéraire dont les caractéristiques sont très différentes de celle de la filière musicale fait néanmoins face aujourd’hui aux mêmes défis que la musique. Est-elle pour autant appeler à connaître les mêmes bouleversements ? Rien n’est moins sûr. Fort d’une politique publique du livre, qui au nom de la préservation de la diversité culturelle, n’a pas tardé à apporter les premières réponses à la mutation numérique en cours, le secteur de l’édition devrait être en mesure de s’adapter rapidement aux bouleversements économiques radicaux auquel il est aujourd’hui confronté. Amazon : le désenchantement des « employés du futur » Financial Times Sarah O’Connor Alors que le géant du commerce en ligne crée des milliers d’emplois en Europe, il ne fait pas toujours le bonheur de ses salariés. Les révélations sur les conditions d’emploi et de travail des « associés des centres de traitement Amazon » selon la terminologie en usage dans l’entreprise américaine commencent à soulever l’indignation des consommateurs et sont à l’origine d’un scandale en Allemagne. Pour les pouvoirs publics, l’arrivée dans des régions durement frappées par le chômage des gigantesques entrepôts du leader mondial du commerce électronique soulève naturellement un espoir immense. Mais la précarité des « emplois du futur » du système Amazon semble loin d’être à la hauteur des promesses soulevées par l’espoir d’une renaissance économique. « Big Data » : nouvel eldorado ou menace ? The Washington Post Ariana Eunjung Cha Avec la démocratisation de l’Internet haut débit, des milliards de données sont déversés par les particuliers, les entreprises ou l’État sur le Net. Ce phénomène a été baptisé « Big Data » (« données massives »). Celui-ci a pris une telle ampleur que les auteurs d’un rapport publié en 2012 par le Forum économique mondial de Davos estiment que ces données constituent désormais une nouvelle ressource dont la valeur est économiquement comparable au pétrole. Grâce aux progrès réalisés dans le traitement informatique des grandes masses de données, des analystes du secteur de la finance ou du marketing peuvent aujourd’hui exploiter le déluge d’informations qui circulent surla Toile, en particulier à travers les réseaux sociaux. Mais la manipulation à grande échelle de ces données pose désormais la question épineuse de la protection de la vie privée. ÉGALEMENT DANS CE NUMERO Le patrimoine national au plus haut INSEE Première Léa Mauro et Adeline Bachellerie Le patrimoine ou valeur nette est défini comme la différence entre la valeur des actifs (financiers d’un côté et non financiers dont essentiellement les bâtiments et les terrains de l’autre) et celle des passifs (par nature financiers). En 2011, le patrimoine économique national s’est élevé à 13 620 milliards d’euros, soit près de huit fois le produit intérieur brut (PIB). Plus des trois quarts ou 10 411 milliards d’euros de ce patrimoine sont détenus par les ménages, le reste se partage entre les entreprises – 2 702 milliards d’euros – et les administrations publiques (507 milliards d’euros, soit 30 % du PIB). Du côté des entreprises, la valeur nette des sociétés non financières a cru fortement en 2011, celle de leurs homologues financiers a décéléré. Enfin, le passif des administrations publiques continue de croître. Les noces d’or du couple franco-allemand Question d’Europe Gérard SaintPaul Le 22 janvier 1963, le général de Gaulle et le chancelier Adenauer signent à Paris le traité d’amitié et de coopération entre la France et l’Allemagne. Cet accord unique en son genre unit depuis cinquante ans maintenant de façon quasi « institutionnelle »la France et l’Allemagne. De la création du système monétaire européen au lancement de l’euro, de la chute du mur de Berlin à la réunification de l’Allemagne, etc. le couple franco-allemand a su – avec des hauts et des bas – constituer, au cours du denier demisiècle, la clé de voûte de la construction européenne. En un temps où l’Union européenne a traversé une des crises les plus graves de son histoire, l’avenir de l’Europe dépend plus que jamais de la capacité de la Franceet de l’Allemagne d’unir leurs efforts pour œuvrer ensemble à un meilleur avenir. Quand le citoyen se réapproprie sa santé... La Gazette de la société et des techniques Robert Picard et Antoine Vial Depuis les années 1940, la médecine a accompli des progrès spectaculaires. Dans le même temps, elle est devenue de plus en plus spécialisée, d’un haut degré technique et concentrée dans l’hôpital et ses plateaux technologiques médicalement efficaces mais déshumanisés et coûteux. La révolution numérique offre aujourd’hui des alternatives efficaces au plan thérapeutique à ce système. De nombreuses PME innovantes développent des applications paramétrables à distance et téléchargeables sur un mobile ou une tablette, des plateformes pour accéder de façon conviviale aux prestations requises pour être soigné chez soi, etc. Les solutions basées sur des technologies numériques ouvrent peut-être, selon les auteurs, la voie à une réappropriation par le citoyen de sa santé ainsi qu’une piste pour résorber le déficit de la sécurité sociale.