Arguments pour et contre une augmentation des apports en acide folique et en vitamine B12 par enrichissement alimentaire Lindsay H. Allen Il n’y a aucun doute sur le fait que l’enrichissement en acide folique réduit la fréquence des anomalies du tube neural (ATN). La farine est à présent enrichie avec cette vitamine dans plus de 50 pays. Les réductions des ATN ont été considérables: jusqu’à 50% dans les populations présentant initialement une prévalence d’ATN élevée et un faible statut en folate. Cet enrichissement a également permis de réduire d’autres malformations congénitales ainsi que la prévalence de taux élevés d’homocystéine plasmatique et peut-être la mortalité consécutive à une attaque. Cependant, depuis la mise en place de l’enrichissement en acide folique, obligatoire ou à l’initiative de l’industrie alimentaire, des questions ont été soulevées concernant les éventuels effets négatifs de cette pratique sur l’incidence du cancer colorectal et la fonction immunitaire, pour lesquels une association significative a été établie avec le statut en folate, la présence d’acide folique non métabolisé dans le système circulatoire ou le calendrier du lancement des programmes d’enrichissement. Ces associations restent à prouver. Quelques analyses semblent indiquer également que l’enrichissement en acide folique peut aggraver les effets néfastes de la carence en vitamine B12. Par exemple, dans des études effectuées aux Etats-Unis, des personnes ayant des concentrations élevées en folate sérique (définie comme >33 ou >59 nmol/l selon les études) et une carence en vitamine B12 (B12 sérique < 148 pmol/l ou acide méthylmalonique >210 μmol/l) avaient un risque considérablement accru de développer des troubles cognitifs et une anémie en comparaison de personnes ayant une carence en vitamine B12 et un taux normal de folate sérique; la différence était encore plus marquée si on les comparaient à des personnes ayant un statut normal en ces deux vitamines. Plusieurs études ont montré que lorsque la carence en vitamine B12 est associée à un taux élevé de folate sérique, les marqueurs biologiques du statut en vitamine B12 sont encore plus anormaux. 40 La plupart de ces questions ont été étudiées dans des pays riches, sur la base de données provenant de populations âgées dont on sait qu’elles ontla plus forte prévalence de carence en vitamine B12. Ces questions restent préoccupantes dans les pays en voie de développement où l’enrichissement en acide folique de la farine est de plus en plus courant, même si le statut en folate est souvent normal. et où la carence en vitamine B12 est fréquente à cause de la trop faible consommation d’aliments d’origine animale. Il est évident que le pourcentage de réduction des ATN sera inférieur là où la fréquence initiale d’ATN est moindre et où le statut en folate est meilleur au départ. Il a été estimé qu’un taux de folate sérique de 16 nmol/l permet une prévention maximale des ATN et que cette concentration peut être atteinte par la consommation quotidienne de 474 équivalents de folate alimentaire ou l’ingestion de 279 μg/jour d’acide folique sans aucune autre forme de folate alimentaire. Il est probable que l’enrichissement en vitamine B12 serait bénéfique pour de nombreuses populations ayant une faible consommation de cette vitamine; la prévalence de la carence est de 5–30% dans la plupart des pays; elle est de 50% en Inde et la prévalence de la subcarence est probablement au moins aussi élevée que celle de la carence. Il existe également une forte association entre la carence en vitamine B12 et le risque d’ATN et des concentrations faibles de cette vitamine dans le lait maternel, un retard du développement de l’enfant, des troubles cognitifs, la dépression, un taux élevé d’homocystéine plasmatique et une éventuelle accélération de la perte osseuse chez le sujet âgé. Il serait donc logique d’inclure la vitamine B12 comme fortifiant en l’associant à l’acide folique. L’Initiative d’Enrichissement de la Farine recommande un enrichissement de 2 μg de vitamine B12 par 100 g de farine, quantité qui devrait améliorer le statut de nombreuses personnes âgées ne pouvant assimiler convenablement cette vitamine à partir de la nourriture, et aussi celui de populations ayant une faible consommation d’aliments d’origine animale. Cependant, aucun essai d’enrichissement utilisant les deux vitamines n’a été réalisé à ce jour. 41