Discussion
Le Kayexalate
®
(polystyrène sulfonate de sodium) est
une résine échangeuse de cations, administrée per os
ou en lavement pour le traitement des hyperkaliémies
depuis les années 1970. Administré per os, il libère ses
ions sodium dans le milieu acide gastrique en les
échangeant pour des protons qui se lient à la résine.
Dans l’intestin, les protons sont échangés contre des
ions potassium, et le potassium lié est éliminé dans les
selles [2, 4, 5].
Le Kayexalate
®
, non absorbé, peut entraîner anorexie,
nausées, ainsi que mais rarement, des vomissements.
En revanche, il est assez souvent responsable de cons-
tipation, voire de fécalome ; pour les prévenir, les
Anglo-Saxons l’administrent habituellement dans une
solution de sorbitol, qui exerce un effet laxatif osmoti-
que.
Depuis 1987, une cinquantaine de cas de lésions
intestinales, principalement coliques, attribuables au
Kayexalate
®
ont été rapportées [6, 2, 3] : il s’agit de
lésions graves, ulcérations étendues et/ou nécrose
pariétale transmurale, léthales dans plus de la moitié
des cas. La responsabilité du Kayexalate
®
a été initia-
lement mise en doute en raison du terrain sur lequel ces
lésions surviennent, où l’ischémie intestinale, occlusive
ou non occlusive est fréquente, et où l’ischémie peut
être aggravée par les séances d’hémodialyse, la pres-
cription de médicaments vasoconstricteurs splanchni-
ques ou opiacés [2]. Si la présence de cristaux de
Kayexalate
®
à la surface de la muqueuse ou des
ulcérations ne prouve pas la responsabilité du médica-
ment [5], leur présence à l’intérieur de la paroi intesti-
nale est plus troublante, même s’ils ne semblent pas
provoquer de réaction à corps étranger. Il existe un
modèle expérimental de toxicité colique du mélange
Kayexalate
®
-sorbitol chez le rat urémique [6]. Enfin, un
effet toxique direct du médicament sur les muqueuses
digestives est hautement probable en cas de lésion
digestive haute [7, 8]. Les rôles respectifs du sorbitol
(déshydratation muqueuse par effet osmolaire ?) et du
Kayexalate
®
(toxicité directe après pénétration ?) ne
sont pas établis. Tous les cas rapportés dans la littéra-
ture concernaient l’association Kayexalate
®
-sorbitol
(ou Kayexalate
®
-lactulose [5]). Cependant notre
malade, comme celui de Hourseau et al. [3] ne prenait
pas de sorbitol, permettant de donner le rôle patho-
gène essentiel à la résine, des lésions coliques d’une
telle sévérité n’ayant pas, à notre connaissance, été
décrites avec le seul sorbitol. Chez notre malade,
comme chez d’autres [2], il existait bien des lésions
ischémiques associées, parfois anciennes [2]. L’exis-
tence de ces lésions ischémiques, absentes du cas de
Hourseau et al. [3], ne permettent pas, à notre avis,
d’éliminer la responsabilité du Kayexalate
®
dont elles
pourraient permettre la pénétration dans la paroi.
Le diagnostic de colite au Kayexalate
®
est avant tout
clinique et doit être évoqué devant des douleurs abdo-
minales aiguës, une diarrhée et/ou des rectorragies
chez un insuffisant rénal sous Kayexalate
®
.En
l’absence de perforation, le diagnostic peut être établi
par l’endoscopie et les biopsies [3], permettant d’ins-
taurer une surveillance étroite, et de poser si nécessaire
l’indication d’une colectomie. La coprescription de
laxatifs osmotiques est contre-indiquée chez l’insuffi-
sant rénal recevant du Kayexalate
®
depuis 2001 [3] ;
les macrogols sont sans doute préférables dans cette
indication ; des ralentisseurs du transit ne doivent pas
être prescrits à la légère en cas de diarrhée chez ces
malades.
Références
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Hépato-Gastro, vol. 12, n° 6, novembre-décembre 2005 425
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