31es Journées de la SFSPM, Lyon, novembre 2009
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R. Mislawski
Les limites à la protection du salarié
La protection de l’ emploi n’ est toutefois pas absolue en cas de
maladie du salarié, à la diérence des autres cas de discrimina-
tions. Aussi, la rupture du contrat de travail reste possible malgré
la maladie du salarié dans diérents cas, dans la mesure où aucun
d’ entre eux ne vise directement l’ état de santé du salarié. Il peut y
avoir licenciement en cas de faute du salarié, ou bien si son absence
perturbe gravement le fonctionnement de l’ entreprise, ou bien
encore si l’ inaptitude du salarié à son poste est constatée à l’ issue
de la reprise de travail
(7)
.
En cas d’ arrêt de travail, le contrat est suspendu, mais il n’ est
pas anéanti. Si la prestation de travail n’ est pas exigible, les autres
obligations rattachées au contrat de travail persistent. Un salarié
peut donc commettre une faute, source de licenciement pour cause
réelle et sérieuse, dans diérents cas où il viole une obligation
contractuelle. Il en est ainsi lorsque le certicat médical justicatif
de l’ arrêt de travail n’ est pas adressé dans le temps imparti, lorsque
le salarié a une activité professionnelle parallèle, ou s’ il ne reprend
pas le travail à l’ expiration de l’ arrêt de maladie, par exemple.
Un licenciement est possible du fait des conséquences objec-
tives de l’ absence du salarié en arrêt de travail sur le fonctionne-
ment de l’ entreprise. Des absences répétées ou prolongées peuvent
entraîner une désorganisation importante de l’ entreprise qui
peut nécessiter de remplacer dénitivement le salarié en procé-
dant à l’ embauche d’ un nouveau salarié par un contrat à durée
indéterminée.
Enfin, l’ inaptitude constatée par le médecin du travail en
l’ absence de possibilité d’ adaptation du poste de travail du salarié
ou de son reclassement dans l’ entreprise peut également autoriser
un licenciement.
La lutte contre les discriminations
liées à la santé et la HALDE
La HALDE est une autorité administrative indépendante créée
par la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004. Elle est compétente
pour connaître de toutes les discriminations directes ou indirectes
prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la
France est partie. La santé et le handicap sont des objets possibles
de discrimination entrant dans le champ d’ action de cette insti-
tution. La HALDE peut apporter une aide appréciable au salarié
dans la mesure où elle dispose de larges pouvoirs an d’ établir la
réalité de la discrimination
(1)
; elle bénécie en outre d’ un droit
d’ intervention devant les tribunaux
(2).
De larges pouvoirs
afin d’ établir la discrimination
La HALDE, peut mettre en œuvre ses pouvoirs en vue d’ établir
les faits à la demande de toute personne s’ estimant victime de
discrimination, qui peut la saisir directement ou par l’ intermédiaire
d’ un parlementaire. Elle peut aussi être saisie par toute association
déclarée depuis 5 ans dont les statuts lui donnent comme but de
lutter contre les discriminations. La HALDE peut aussi s’ autosaisir
des faits dont elle aurait eu connaissance
(8)
.
La HALDE, après sa saisine, va faire usage des larges pouvoirs
dont elle est investie à l’ égard des personnes privées et publiques.
Elle peut demander à toute personne désignée de lui fournir des
explications, éventuellement en saisissant le juge des référés en
cas de refus. Les administrations et tout organisme chargé d’ une
mission de service public sont tenus de permettre à leurs agents
de répondre à ses demandes, et le secret professionnel ne lui est
pas opposable
(9).
Elle peut procéder à des vérications sur place
et toute pièce qu’ elle juge nécessaire doit lui être communiquée.
Le système probatoire est le même que celui du Code du travail :
c’ est à la personne désignée de prouver que son comportement
n’ est pas discriminatoire.
Lorsqu’ elle estime que des faits sont constitutifs de discrimi-
nation, la Haute Autorité peut adresser des recommandations à
l’ entreprise, proposer un règlement amiable du diérend, voire
procéder à une transaction pénale. De plus, elle peut saisir le procu-
reur en vue de déclencher l’ action publique et signaler des agisse-
ments discriminatoires à toute autorité ayant pouvoir disciplinaire
à l’ égard du coupable
(10)
. Elle peut aussi saisir l’ inspection du
travail et collaborer avec elle.
La HALDE a eu plusieurs fois l’ occasion de se prononcer et
de faire cesser ou sanctionner des discriminations liées à l’ état de
santé ou à un handicap, mais il ne semble pas qu’ elle ait été saisie
dans le cas de patients atteints de cancer. Ce défaut de sollicitation
provient probablement du fait que son rôle et sa compétence sont
mal connus. Il n’ y a pas de raison de penser que les patients atteints
de cancer voient leurs droits mieux respectés dans l’ entreprise que
les autres malades.
Un droit d’ intervention devant les tribunaux
L’ intervention de la HALDE en matière judiciaire peut être
directe ou indirecte. La HALDE joue un rôle indirect dans la mesure
où elle a une mission de conseil auprès de la victime an, d’ une
part, de l’ aider à faire la preuve des agissements, d’ autre part, en
la guidant dans les méandres des procédures et la constitution de
son dossier
(11).
Mais, la HALDE peut aussi avoir un rôle direct. Elle peut inter-
venir de plein droit sur sa propre demande dans toute instance
ayant à statuer sur une question de discrimination et faire connaître
ses observations. Elle peut aussi être sollicitée par le tribunal pour
donner son avis sur les faits
(12).
Si cette intervention suscite des
interrogations au regard des droits de la défense, il n’ empêche que
son inuence est très grande sur les décisions des magistrats, qui
suivent ses conclusions dans 83 % des cas. Les discriminations
concernant la maladie sont à l’ origine de 20 % des avis rendus par
la Haute Autorité ces dernières années
(13).
Au terme de ce bref exposé, un certain nombre d’ enseignements
se dégagent pour les professionnels de santé. La maladie étant
une réalité médicale aussi bien que sociale, il est impératif pour
le médecin de prendre en compte la situation du salarié au-delà
de sa maladie. Il doit s’ enquérir de ses conditions de travail an,
si cela est possible, de s’ adapter à son cas, en particulier en ce qui
concerne les arrêts de travail : parfois il sera préférable de prévoir
un arrêt de travail de longue durée an d’ éviter la désorganisation
de l’ entreprise par des arrêts répétés, parfois ce sera l’ inverse. La
maladie pouvant être source de discrimination, il peut être utile,
dans certaines situations, ne pas faire de demande d’ ALD : tel est le
cas des patients présentant un cancer in situ. Le médecin traitant ne
doit pas hésiter à entrer en contact avec le médecin du travail pour
discuter de la situation professionnelle du patient, après accord de
ce dernier. Enn, en cas de diculté, il faut faire savoir au salarié
qu’ il peut trouver des appuis dans la protection de son emploi
auprès de la HALDE. ■