Les anciens sites industriels et leurs installations

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LES ANCIENS SITES INDUSTRIELS ET LEURS INSTALLATIONS
Les anciens sites industriels, et leurs bâtiments installés sur ceux-ci, ont souvent un caractère
particulier. Ces éléments qui ont englobé les anciennes activités, constituent un atout essentiel pour
leur réutilisation. A l'abandon ou en léthargie, ils sont intéressants pour les raisons suivantes : la
rareté des terrains incite la "récupération" et la réaffectation de ceux-ci; le quasi bradage de ces sites
offre des conditions avantageuses pour un investisseur potentiel; l'infrastructure déjà mise en place
par le biais du bâti mais surtout des équipement sont déjà présents; la qualité constructive des
bâtiments met à disposition de grands espaces (grandes portées structurelles) et, quelquefois, la force
de représentation scénographique de l'industrie donne au lieu son caractère propre.
Activités - sites industriels
Un rapide survol historique lié à l'industrie genevoise permettra de comprendre la formalisation et la
localisation des zones industrielles. Ces sites, pour la plupart laissés à l'abandon ou en attente d'une
nouvelle affectation, ont été fortement forgés par les types d'activités qui s'y sont déroulés. Autrefois
situés en périphérie de la ville lors de leur installation à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, ils
se trouvent actuellement englobés dans le tissu urbain. La majeure partie de ce développement
débute dans la région de Plainpalais/Jonction et plus particulièrement à la Coulouvrenière. Plus que
nulle part ailleurs, nous pouvons avoir une lecture assez précise de la progression des différentes
industries, et donc des différentes formalisations et typologies, sur la frange comprise entre le Rhône
et l'axe suggéré par le Boulevard St- Georges.
Cette étude, localisée pour l'essentiel en milieu urbain, ne perd pas de sa signification par rapport au
lieu d'intervention de Vessy, en campagne. Le site de l'usine de pompage de Vessy s'apparente, d'une
part, aux sites autrefois colonisés par l'industrie sur des terrains relativement vierges et, d'autre part,
aux installations qui jalonnent le cours du Rhône.
Dès le XVIIe siècle, l'horlogerie constitue le moteur de l'industrie genevoise, permettant l'avènement
d'une multitude de métiers, gravitant autour de cette activité. Ces premières implantations
industrielles exigèrent peu de place et peu d'énergie; elles s'insèrent dans l'habitat. Par la suite, la
Réforme et le manque d'espace à Genève poussent l'économie à se tourner vers l'extérieur tant pour
ses emplois en sous-traitance que pour ses marchés, avec une prédominance assez forte sur la région
limitrophe.
L'axe hydraulique et la progression des activités
le long du Rhône
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La taille des sites industriels a été autrefois régie par l'ordre contigu des zones d'expansion urbaine
sur les anciennes fortifications ou en périphérie directe. Les bâtiments occupèrent totalement les
parcelles et ont été constitués par une monoculture industrielle.
En 1862 se crée à Genève la Société genevoise des Instruments de Physique (SIP) en vue de la
production d'instruments nécessaires au démarrage de l'industrie: c'est le début de la grande
industrie.
Genève connaît alors un certain nombre de facteurs favorables à son développement industriel qui
lui permettent d'imposer ses produits sur les marchés internationaux. Une première infrastructure
énergétique est mise sur pied à Genève (1872) pour son industrie, avec le premier réseau d'eau
motrice suivi, dès 1886, par la mise en service d'un réseau plus puissant.
Les industries s'implantèrent le long de la voie d'eau (comme par exemple l'usine de dégrossissage
d'or en 1908) et à proximité des bâtiments produisant de l'énergie. Les parcelles qui les accueillirent,
étaient plus larges et permettaient d'appliquer les normes Tayloristes des modes de production et
donc des manufactures mécanisées.
Dès la fin de la seconde partie du XIXe siècle, un nouveau secteur industriel s'installe à Genève,
avec la construction d'infrastructures électriques notamment. Résultante du développement de
l'électricité et de l'emploi de l'eau, l'espace industriel peut se localiser en dehors des fortifications
avec, par exemple, l'édification d'une petite ceinture industrielle (Pâquis, Plainpalais, Jonction).
Grâce à la mécanisation des activités des entreprises nouvelles, celles-ci purent développer une
production "horizontale".
Ici, l'industrie mi-lourde et lourde s'installa sur les grandes parcelles en ordre non contigu, autrefois
maraîchères, situées en périphérie de la ville (Kugler 1898-1899). On assista à la création de clos de
murs, de halles, d'ateliers, …
La tendance à la spécialisation va provoquer le groupement des constructions industrielles dans des
secteurs particuliers. La première "zone industrielle" est instituée par les lois cantonales genevoises
dans les années 30. Ces zones devaient devenir les structures d'accueil techniques, économiques et
foncières (mise en droit de superficie par l'Etat - cf. FIPA) de l'industrie. En fait ces "zones
industrielles" accueilleront aussi et souvent, de manière abusive, des surfaces de stockage et des
bâtiments d'administration.
… complétée, dès 1886, par l'Usine des Forces Motrices.
Le bâtiment du Pont de la Machine comme première infrastructure énergétique
avec un ensemble de moulins en contre-bas …
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La crise économique récente a mis sur le marché de nombreux locaux à vocation administrative et
industrielle ainsi que de vastes sites correspondant à cette dernière activité du XIXe et du début du
XXe siècle. La crise n'explique pas tout concernant la désertion des anciens sites industriels.
Effectivement, sous l'influence de nouvelles technologies et de manières de faire, les espaces de
recherches et de productions se rapprochent et se soudent physiquement. Une plus grande mobilité
doit être assurée à tout moment et les dimensions de ces nouvelles unités de production sont souvent
modestes. Les réseaux techniques sur lesquels ces activités post-industrielles s'implantent ne sont
pas les mêmes que ceux au long desquels on groupait les anciennes activités industrielles
traditionnelles.
Comme la plupart des sites manufacturiers, industriels anciens et d'activités indirectement liés à
l'industrie, les sites industriels forment pour la plupart du temps des "friches industrielles". Dans
l'attente d'une restructuration de ces lieux de production et en dehors du contrôle par des organismes
tels la FIPA4, ils ne sont pas totalement abandonnés. En effet à la suite du reflux des activités, ils
restent occupés provisoirement.
Evidemment les structures qui étaient adaptées à l'industrie d'une époque ne sont pas forcément
compatibles avec les fonctions qui ne lui sont pas destinées à priori. Néanmoins pour rentabiliser ces
structures, les propriétaires louent des parties ou des lots pour d'autres activités de telle sorte que les
sites sont ensuite occupés par une multitude de fonctions. Cette utilisation a l'avantage de fournir à
ces divers utilisateurs des locaux flexibles à bon marché. Cette occupation, en quelque sorte sauvage,
nuit à la conservation de ces sites et accroît fortement les risques de dégradation diverses : incendies
- destructions incontrôlées - transformations qui modifient à la fois la structure et le caractère du
bâtiment.
Aujourd'hui, à l'échelle du territoire, les zones industrielles nous interpellent directement. Certes,
Genève ne possède pas de vastes "friches industrielles" comparables par exemple aux docks de
Londres ou encore aux anciennes régions minières de la Ruhr. Mais un souci de revalorisation de ces
sites doit être entrepris. Il faut relever que plusieurs surfaces importantes de terrains industriels ont
déjà trouvé de nouveaux usages. Ces restructurations généralement engagées selon le principe de la
table rase et, dans le milieu urbain, ont généré la création de nouveaux quartiers. Citons le cas des
Charmilles, de Sécheron, des Minoteries de Plainpalais ou de Carouge, des anciens ports francs.
Dans un certain nombre de secteurs tels que la gare des Eaux-Vives ou les anciens bâtiments des
Services Industriels, des options de revitalisation sont toujours à l'étude.
Les zones industrielles primaires : Sécheron -
Charmilles - Jonction/Coul. - Carouge/Acacias -
Eaux-Vives
Les zones industrielles suburbaines ('89) : FIPA
- Vernier - ZIMEYSA - ZIPLO
4 Note : La Fondation des terrains Industriels Prailles-Acacias (FIPA- créée en 1958) permet d'appliquer la législation cantonale en matière d'encouragement à l'économie. Elle est chargée d'acquérir des terrains dans
les zones qui lui sont assignées par l'Etat, de les aménager, puis de les exploiter par le système du droit de superficie. La procédure d'acquisition repose sur un droit de préemption de l'Etat, l'achat des immeubles
compris dans la zone étant déclaré d'utilité publique.
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Activités - typologie des bâtiments industriels
Comme l'a été la formation des zones industrielles liées aux types d'activités, la typologie des
bâtiments industriels se définit également par les activités et usages qu'elle a été susceptible
d'accueillir. Notre lecture se poursuit dans le même secteur : la frange qui court le long du Rhône.
Généralement, nous percevons la typologie des bâtiments industriels en façade de manière distincte
par une différenciation des matériaux, de la modénature, etc. Nous pouvons constater cinq types
d'organisation spatiale:
- Type 1. Ce type ne comporte qu'une seule activité. Il s'agit des bâtiments destinés à la
production énergétique, ou de petits bâtiments industriels. Construits sur un ou deux étages, ce
sont de grandes halles dont le plan s'ordonne selon une série de travées barlongues permettant
de recevoir des machines de grandes tailles.
- Type 2 et 3. Ces types ordonnent l'activité productrice et administrative de l'établissement
industriel. Ils s'organisent, soit horizontalement avec l'administration en tête, et les halles de
production et de stockage à l'arrière, soit verticalement (cas le plus fréquent) où la production
et la gestion sont réunies dans le même système distributif, constructif et stylistique. Dans ce
cas, il s'agit d'industries légères comme l'horlogerie, le dégrossissage d'or, la fabrication de
bracelets, la bijouterie, etc.
- Type 4. plus urbain, superpose les ateliers de production dans les étages et les magasins et
commerces, dépendant ou non de l'activité productrice, au rez de chaussée.
- Type 5. Il est unique et dérivé des précédents. Il organise indifféremment bureaux et ateliers sur
un socle de boutique (la façade n'exprimant aucune reconnaissance de l'un ou l'autre usage)5
Il existe également trois autres types d'organisation spatiale de bâtiments faisant intervenir l'industrie
ou l'artisanat. Ces types sont localisés de manière pertinente dans le centre et donc en dehors de notre
champ d'étude.
Ainsi le mode de production de l'entreprise, qui déterminera son plan, s'impose au parcellaire et le
détermine quant à la taille. La typologie est également déterminée par le mode de production. La
trame comme nous l'avons vue ci-dessus, perpendiculaire aux berges fluviales, est déterminée par
l'ancien mode d'irrigation des terres avoisinantes.
5 Sources : GACHET, B., et LAMUNIERE, J.-M., Architecture industrielle et forme urbaine, In L'industrie, l'artisanat et les arts appliqués, tome septième, Encyclopédie de Genève, Genève, Association de
l'Encyclopédie de Genève, 1989
Type 1
Type 2 et 3 Type 4 Type 5
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Activités - systèmes de construction
Des petites fabriques et des petits ateliers aux regroupements manufacturiers, ceux-ci sont
chronologiquement la réponse systématique aux contenus industriels. Les édifices industriels
genevois érigés entre 1790 et 1920 reflètent, en partie, les tendances constructives de leur temps.
Sans entrer dans les détails, les bâtisseurs devaient répondre avant tout aux besoins nouveaux en
édifiant des bâtiments plus utilitaires que de prestige. L'aspect de représentativité étaient tout de
même valable pour certains bâtiments (cf. Usine des Forces Motrices de la Coulouvrenière). L'utilité,
pour un bâtiment industriel devait prendre en considération l'éclairage naturel optimum pour les
activités et la création d'espaces le plus vaste possible, sans cloisonnements, afin d'y installer les
ouvriers et les machines. Cet espace ainsi créé permettait de passer d'une opération de production à
une opération de montage sans entraves.
L'usine de dégrossissage d'or , une architecture
de béton à larges baies vitrées. Le système
porteur en béton armé permet le développement
de l'éclairage, zénithal pour l'allée centrale,
latéral pour les deux étages des côtés.
La grande halle de l'Usine des Forces Motrices vers 1892
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